Page images
PDF
EPUB

petit nombre des membres qui le composeront;
car moins il y a d'hommes chargés d'une opéra-
tion délicate, plus est imposante et présente à
leurs yeux l'espèce de responsabilité qui en est
la suite.

[ocr errors]

Ainsi, Messieurs, nous vous proposons d'établir un comité, ou, si vous l'aimez mieux, une commission d'ordre du travail, formée de cinq membres il ne paraît pas nécessaire d'en nommer davantage; mais au moins cette proportion vaut-elle mieux que si l'on s'en rapportait, comme nous avons fait jusqu'à présent, à la seule volonté du Président, lequel, en général, se trouve, on ne sait pourquoi, maître absolu de l'ordre du jour, à moins que l'Assemblée n'ait fait quelque ajournement spécial, ajournement qui n'est pas même observé à la rigueur. Plusieurs personnes ont plus de force pour refuser. On est assuré que leur ouvrage ne peut jamais manquer d'ètre prêt; elle s'entr'aident d'ailleurs et s'éclairent mutuellement dans le choix et la disposition des objets. Vous pouvez les renouveler tous les 15 jours, tous les mois; vous pouvez même ne les renouveler qu'alternativement, parce qu'il est à propos qu'il y ait toujours quelqu'un au fait de la besogne, et cette élection, de plus, ne sera pas une gêne pour vous; elle peut se faire en même temps que vous nommez le président et les secrétaires."

Actuellement, Messieurs, quelles fonctions assignerez-vous à cette commission? Nous avons pensé que son travail devait consister à mettre sous vos yeux trois sortes de tableaux : le tableau trimestre, le tableau hebdomadaire et le tableau journalier.

Le tableau trimestre présentera l'ensemble ou au moins un aperçu probable de tout ce que l'Assemblée nationale pourra décider pendant l'espace de trois mois; il sera imprimé et envoyé au domicile de chaque député; il sera divisé en matières générales et en affaires particulières. Pour diminuer d'autant l'autorité commissariale, vos commissaires seront tenus de le composer sur une liste d'objets importants ou pressés, qui leur sera fournie par chaque comité, liste dont vous pourrez ordonner l'impression ou au moins la publication dans le comité, pour que tout membre ait la faculté d'aller l'ý consulter, et de se plaindre ensuite à l'Assemblée si la commission, juge momentané mais juge d'appel en quelque sorte de l'urgence des matières et de leur importance, tombe dans quelque erreur.

Cette annonce du trimestre futur nous a fait naître une idée qui a été généralement goûtée dans votre comité: ce serait, Messieurs, d'obliger la commission à vous offrir en même temps une récapitulation de tout ce que vous auriez créé ou décidé dans le trimestre finissant. Seraitil nécessaire de développer l'utilité de cette proposition? spectacle de nos travaux, qui en devient la plus douce récompense; émulation pour nous; réponse à des calomnies; sécurité dans notre marche; balance, pour ainsi parler, de notre situation présente et de notre situation passée; mesure de l'esprit public et de la confiance nationale, tout s'y trouve et sans aucun inconvénient. L'Assemblée constituante se ménageait quelquefois ces mêmes avantages dans des adresses solennelles qu'elle envoyait de loin en loin au peuple français. De grandes circonstances, la nécessité de soutenir la Révolution et d'en marquer les progrès, pouvaient alors lui servir de motif. Un exposé simple et périodique

conviendra mieux au Corps législatif et sera plus d'accord avec sa tranquillité laborieuse.

Il est indubitable que l'ordre dans le travail multiplie le travail. Veut-on en savoir une raison qui ne peut être propre qu'à une nombreuse assemblée? Le fruit le plus solide que vous tirerez, Messieurs, de cette nouvelle économie, c'est que, par là, vous aurez toujours le moyen de vous préparer, et même assez longtemps d'avance, tandis qu'à présent l'ordre du jour est si fautif et si tardif, qu'on sait à peine le matin, en entrant dans la salle, ce dont on s'occupera pendant la séance. Voilà pourquoi beaucoup de bons esprits, ou ne se sont pas encore montrés, ou ont paru inférieurs à leur propre mérite, ceux-là seuls ayant pu apporter quelques idées un peu plus précises sur certains objets, qui les avaient puisées dans les discussions d'un comité. La préparation, a dit très judicieusement M. Déliars, garantira nos débats de cette foule d'idées primaires tellement inadmissibles qu'elles soulèvent toute l'Assemblée et nous livrent à des luttes aussi tumultueuses qu'interminables.

Le tableau trimestre dont je viens de parler, a, comme on voit, ce mérite de procurer trois traitée, et pour recueillir d'abord une masse de mois entiers pour dégrossir la matière qui sera notions générales. Mais comme l'esprit a besoin de se fixer sur des sujets déterminés, il s'ensuit qu'à ce premier tableau il est indispensable d'en faire succéder un autre que nous appellerons le tableau hebdomadaire. Celui-ci sera imprimé et distribué tous les dimanches; il comprendra tous les rapports qui doivent être faits, les projets de décret qui doivent être discutés pendant le cours de la semaine. Il fera mention des premières, secondes ou troisièmes lectures; il rappellera les articles ajournés à jour fixe. On aura soin surtout que ces ajournements ne deviennent pas illusoires, comme il n'arrive que trop souvent. Le moyen serait peut-être d'exiger alors que le rapport qu'un comité doit présenter fùt prêt au jour marqué: sinon tout membre qui se sera préparé et qui demandera la parole aura la prévention sur le rapporteur, sauf à ce dernier la faculté de représenter son travail ou au moins ses amendements dans la délibération ultérieure. Les secrétaires remettront exactement chaque jour la note et la date des objets ajournés au bureau de correspondance, et celuici sera tenu de les communiquer sans délai à la commission de l'ordre du travail.

Reste maintenant le tableau journalier, ou autrement dit, ordre du jour. Il sera écrit à la main, comme à l'ordinaire, et toujours affiché pour le lendemain à la fin de la séance de la veille. Avec ces trois catalogues, s'ils sont bien tenus, il est impossible que les préparations ne soient pas mùres, que les délibérations ne soient pas promptes, que l'Assemblée, en un mot, ne marche pas avec une grande activité. Votre comité les a jugés nécessaires. Le premier est au second, ce que le second est au troisième, et chacun d'eux tend de plus en plus à se particulariser, à se spécifier.

L'ordre du jour étant la partie réelle et le détail positif où commence, à proprement parler, l'œuvre du législateur, examinons comment il doit être réglé.

Votre comité vous invite d'abord à prendre la résolution de commencer tous les jours, à dix heures précises, la lecture du procès-verbal.

Il survient d'ordinaire, après ce procès-verbal, une foule d'incidents, de lectures de pièces, de

motions d'ordre et de décisions à rendre, qui, par les discussions qu'elles entraînent, retardent l'ordre du jour, au point qu'il n'est pas rare de n'y arriver enfin qué sur les une heure, et même quelquefois on n'y est jamais arrivé. Comme ces incidents sont inévitables, que cependant ils sont utiles en procurant l'accélération d'affaires importantes, votre comité en a tiré une conséquence naturelle; c'est qu'il est indispensable d'avoir deux ordres du jour; l'un fixe, qui sera annoncé en entier et ne pourra être interrompu sans nécessité; l'autre inférieur au précédent, sera destiné aux affaires d'expédition. Composé de quelques éléments inattendus et variables, il sera susceptible de n'être annoncé qu'en partie; mais on s'efforcera de diminuer l'imprévu autant qu'il sera possible.

Par lequel de ces deux ordres doit-on commencer? Cette question n'est pas difficile à résoudre. Sans doute, la priorité appartient au moins important, à celui qui n'exige pas au même degré des méditations, des préparations profondes. Il est impossible qu'une assemblée nombreuse soit complète dès les premiers instants. Ce premier ordre du jour comprend donc les objets d'expédition: c'est-à-dire les discussions sommaires, les questions d'un intérêt moins général, l'inexécution de quelque loi, les premières lectures, les envois au pouvoir exécutif, les motions d'ordre, les propositions diverses des députés. Il pourra durer jusqu'à midi. Nous appellerons second ordre du jour, l'ordre fixe, spécialement consacré aux véritables fonctions de l'Assemblée nationale, qui sont: le maintien de la Constitution, la législation, les finances; et à midi, tout député aura le droit de le réclamer impérieusement.

Comme nous avons supposé, en commençant, l'établissement d'une commission centrale, il est inutile d'entrer ici dans des détails qu'il faut réserver à sa prudence. Cependant votre comité pense qu'il est essentiel d'annoncer à la nation, et de lui promettre que trois jours de la semaine, quant à l'ordre fixe, seront consacrés uniquement aux finances et aux contributions. Nous vous observerons aussi, Messieurs, combien il importe de renvoyer toujours à la séance suivante, ou au moins de ne suspendre que d'un seul jour toute discussion commencée. En vous imposant cette loi, vous y gagnerez beaucoup de temps, les délibérations seront plus profondes, les questions mieux éclaircies, les décisions peut-être plus multipliées. Il y a certainement aussi une mesure quelconque à prendre relativement aux pétitions; votre comité de législation doit vous présenter incessamment, à cet égard, un rapport qui est prêt. De même il est possible, sans doute, de supprimer au moins une des séances du soir. C'est en effet dans les comités que se préparent principalement les travaux qui font avancer à grands pas l'Assemblée nationale, et l'on sait que les infatigables travailleurs de l'Assenblée constituante, ceux qui ont le plus réalisé et exécuté, ne venaient jamais aux séances du soir : ils passaient dans les comités le reste de leurs journées, et souvent même une partie de la nuit.

Tels sont, Messieurs, les objets sur lesquels la commission de l'ordre du jour devra, sans doute, porter son attention: avant qu'elle ait terminé ce travail qui va lui donner des relations avec chaque comité, il se passera sans doute une huitaine, et l'Assemblée pourrait, à ce qu'il nous semble, employer cet intervalle à terminer une grande quantité de rapports qui sont prêts.

Vous nous avez renvoyé en dernier lieu, Mes

sieurs, une nouvelle question concernant l'ordre de la parole, cette réclamation a été élevée par un membre qui, dans une matière importante, regrettait de n'avoir pas été cette fois assez diligent à s'approcher du bureau et à se faire inscrire. Il a demandé que dorénavant on ne s'inscrivit que le matin du jour de la discussion. L'expérience a déjà démontré que ce changement de mode n'était pas une solution de la difficulté. L'inconvénient (à supposer qu'il y en eût) reste le même et amène d'autres inconvénients. J'en ai vu la preuve il y a deux mois, lorsque ce mode fut tenté et abandonné. On se précipitait sur le bureau, sur les secrétaires, sur les listes; on faisait écrire son nom par un de ses amis. L'Assemblée nationale a proscrit ce combat d'orateurs et son intention n'est pas, sans doute, de le renouveler. Il nous a semblé que le moyen dont nous avons fait usage depuis, est, au fond, le plus juste et le plus naturel. Pourquoi ne le conserverait-on pas ? d'avance il assure la parole à ceux qui veulent approfondir un sujet; cette certitude devient pour eux un encouragement. Si ensuite ils s'égarent dans leurs discours, l'Assemblée en fait justice; si les discours se prolongent, se succèdent et fatiguent les auditeurs, sans leur rien apprendre, l'Assemblée ferme lá discussion et n'écoute plus que les projets de décrets.Laissons du moins aux hommes ingénieux et méditatifs la gloire d'ouvrir la tranchée et reposons-nous sur cette réflexion: c'est qu'à mesure que nous avancerons dans le cours de nos travaux, les listes diminueront; soyez-en persuadés. Chacun choisira les matières propres à son genre d'esprit ou à ses lumières; il s'y renfermera; et s'il y avait des hommes qui voulussent parler surtout, à moins d'être des génies sublimes, ils finiraient par n'être écoutés sur rien.

En conservant les listes telles qu'elles sont, Vous n'avez, Messieurs, qu'un seul abus à prévenir. Lorsqu'un objet est ajourné, lorsque le rapport est renvoyé à un comité, souvent il arrive quelques jours après ou une question ou un fait accessoire, dont l'examen est renvoyé au même comité. Il faudrait alors engager les secrétaires à joindre l'accessoire au principal, de manière que la première liste fùt toujours, comme cela est juste, la seule et la véritable. Autrement, il arrive que des hommes entraînés par leur zèle, dont le discours était éconduit par cette première liste, en font ouvrir une seconde à leur profit et viennent ensuite réclamer comme une justice, la petite injustice oratoire qu'ils ont commise envers 30 de leurs collègues.

Voilà, Messieurs, les réflexions que nous a dictées un désir sincère du bien public et de votre gloire. Vous aviez imposé ce travail à votre comité comme un texte qui pût vous servir à une espèce de réforme. Quand cette réforme aura été adoptée, vous aurez acquis un nouveau droit à l'estime des vrais citoyens, et il ne vous restera plus pour détracteurs que ceux qui, ayant depuis longtemps renoncé à toute bonne foi et ne Vous décriant que pour leur intérêt, continueront à l'Assemblée nationale l'honneur de leurs impuissantes satyres.

Projet de décret.

« L'Assemblée nationale, considérant qu'il importe d'accélérer et d'assurer invariablement l'ordre de ses travaux, décrète ce qui suit :

« Art. 1er. Il sera formé, tous les 3 mois, une

t

commission centrale, composée de cinq membres et renouvelée alternativement de deux et de trois cette commission présentera un tableau trimestriel, un tableau hebdomadaire et un tableau journalier, ou autrement dit, ordre du jour.

« Art. 2. Le tableau trimestre sera composé, par la commission centrale, sur la liste des objets que chaque comité lui aura fournie; liste qui restera exposée, pendant le trimestre, dans le comité. Ce tableau sera divisé en matières générales et en affaires particulières; il sera imprimé et envoyé à domicile.

Art. 3. La commission centrale, à la fin de chaque trimestre, présentera à l'Assemblée nationale une récapitulation de tous les travaux que l'Assemblée aura terminés.

«Art. 4. Le tableau hebdomadaire comprendra les objets qui seront discutés pendant le cours de la semaine; il sera imprimé et distribué tous les dimanches.

Art. 5. Les secrétaires remettront, chaque jour, la note et la date des ajournements, aux commis du bureau de correspondance, et ceuxci seront tenus de les porter sur-le-champ à la commission centrale.

«Art. 6. Les rapports des objets ajournés seront toujours prêts au jour marqué, sinon il sera loisible à tout membre de présenter son travail, sauf le droit, que conservera le rapporteur, d'être entendu dans la suite de la discussion.

«Art. 7. Le tableau journalier ou ordre du jour sera divisé en deux parties: la première, pour les affaires d'expédition, jusqu'à midi; la

seconde, depuis midi, pour les travaux fixes de l'Assemblée nationale. Il sera écrit à la main, comme par le passé et affiché à la fin de chaqué séance, pour celle du lendemain.

« Art. 8. 3 jours de la semaine seront exclusivement et de suite, consacrés, dans l'ordre fixe, aux finances et aux contributions.

« Art. 9. Toute discussion commencée sera reprise à la séance suivante, et ne pourra être suspendue qu'un ou deux jours au plus.

«Art. 10. Les listes concernant l'ordre de la parole seront maintenues comme par le passé; mais lorsqu'il y aura un ajournement incident ou accessoire, les secrétaires le joindront à l'ajournement principal, afin qu'il n'y ait jamais qu'une seule liste.

«Art. 11. L'Assemblée nationale n'aura à l'avenir que deux séances du soir, le mardi et le samedi. »

Plusieurs membres : L'impression du rapport et du projet de décret!

D'autres membres : La division!

(L'Assemblée ordonne la division et décrète l'impression du projet de décret.)

Plusieurs membres demandent la question préalable sur l'impression du rapport.

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'impression du rapport.)

Plusieurs membres demandent que la discussion du projet de décret soit ajournée à samedi. (L'Assemblée décrète cette motion.)

(La séance est levée à trois heures et demie.)

ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU JEUDI 26 JANVIER 1792, AU MATIN. NOTE DES DÉCRETS sanctionnés par le roi (1), dans le courant des mois d'octobre, novembre et décembre 1791 et janvier 1792.

Le ministre de la justice a l'honneur d'adresser à Monsieur le Président la note des décrets de l'Assemblée nationale constituante, présentés à la sanction du roi dans le courant des mois d'octobre, novembre et décembre 1791 et janvier 1792.

[blocks in formation]
[blocks in formation]

Décret qui rectifie une erreur de celui du 15 décembre 1791. 20 mars portant suppression de la ferme et de la régie générale.

Décret relatif à l'organisation de la Trésorerie
nationale.

Décret relatif à la réunion de la paroisse de
Sainte-Clair au département de l'Isère.

Décret relatif à la peine de mort, l'abolition
de la marque, et qui règle la manière dont les
condamnés se pourvoiront en cassation.

Décret qui autorise le directoire du district de Morhange à faire faire toutes les constructions nécessaires sur l'emplacement du tribunal et des prisons.

Décret relatif à la liquidation des charges des perruquiers.

Décret relatif au remboursement des offices de judicature supprimés, qui n'étaient point à finances.

(1) Voy. ci-dessus, même séance, page 669.

13 novembre.

18 novembre.

30 décembre.

18 novembre.

16 novembre.

20 janvier 1792.

[blocks in formation]

DATES DES DÉCRETS.

Décret portant que les huissiers des tribunaux criminels seront nommés par les présidents desdits tribunaux.

Décret qui fixe la manière du pourvoir aux frais extraordinaires qui ont été supportés par les greffiers des tribunaux de districts, dans l'expédition des affaires criminelles.

Décret qui excepte de la vente des biens nationaux la maison des Capucins de Belfort. Décret relatif aux receveurs des consignations et aux commissaires aux saisies-réelles.

Décret portant que tous ceux qui, pour fait d'émeute ou de révolte, ont été renfermés, bannis ou condamnés aux galères, depuis le 1er mai 1788, seront incessamment délivrés. Décret portant que les loteries et les droits de la marque d'or et d'argent, et les droits des hypothèques continueront d'avoir lieu. A Paris, le 25 janvier 1792.

Signé M.-L.-F. DUPORT.

DATES DE LA SANCTION.

Le roi examinera. 20 janvier 1792.

18 janvier 1792.

18 janvier 1792.

19 octobre 1791.

18 janvier 1792.

20 janvier 1792.

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du jeudi 26 janvier 1792, au soir. PRÉSIDENCE DE M. GUADET, président, ET de M. LEMONTEY, ex-président.

PRÉSIDENCE DE M. GUADET.

La séance est ouverte à six heures du soir. Un membre: Je demande la parole pour rendre compte à l'Assemblée d'un fait qui pourra lui être très agréable.

M. Vigier-Sarrazin, ci-devant président du département du Gard, élu président du tribunal criminel du même département, a déclaré à l'Assemblée électorale, lors de sa nomination, qu'il faisait à la nation et à la patrie qui l'a vu naître, l'hommage de la première année du traitement qui lui est accordé comme président du tribunal criminel, savoir: 3,000 livres à la nation pour la solde et l'entretien de plusieurs gardes nationaux destinés à servir sur la frontière et 1,800 livres à la ville pour les ouvriers gardes nationaux qui ne peuvent faire le sacrifice des journées qu'ils emploient au service de la patrie. Voici un extrait du procès-verbal de l'assemblée électorale du département du Gard qui contient le discours patriotique prononcé par M. Vigier à cette occasion.

Messieurs, j'accepte avec reconnaissance la place à laquelle vous venez de me porter : vous Vous occupez toujours de me donner de nouveaux témoignages de votre estime, de votre attachement, de votre confiance; ils agissent puissamment sur une âme honnête et sensible; ils y développent les vertus que la nature et l'éducation y ont fait germer; et c'est à vous, Messieurs, à mes concitoyens, que je dois en faire l'hommage. Permettez donc que je dépose dans le sein de cette Assemblée les sentiments qui m'animent en ce moment.

« Je me suis, depuis longtemps, dévoué tout

entier à la chose publique je dois à la nation, à ma patrie, le sacrifice de mon temps, de mon repos, de ma propre existence; mais la qualité de citoyen, celle de fonctionnaire public, n'exigent-elles plus rien de moi? D'un côté, la France est menacée, les citoyens soldats se dévouent généreusement à sa défense, et nos frontières seront le théâtre où leur attachement à la Constitution, leur amour pour la patrie vont se déployer avec cette énergie qui caractérise l'homme libre; d'autre part, les citoyens soldats veillent à la défense de l'intérieur, ils écartent de nos foyers les ennemis de la Constitution et perdent, dans cette vigilance continuelle, un temps précieux que leurs familles ont à regretter. Le fonctionnaire public, qui ne peut lui-même payer de sa personne, doit-il être spectateur indifférent de ce dévouément généreux? peut-il jouir passivement dans le sein de sa famille des bienfaits de la nation, et partager les récompenses sans partager les dangers? S'il n'agit point en personne, il faut qu'il aide d'une autre manière, et qu'il donne aux bienfaits dont il jouit une destination qui présente du moins l'apparence d'un service que la loi ne lui permet pas de faire.

« Je viens donc, Messieurs, vous déclarer que je fais à la nation et à la patrie qui m'a vu naître, l'hommage du traitement de la première année qui est accordé au président du tribunal criminel de ce département, savoir : 3,000 livres à la nation pour la solde et l'entretien de plusieurs gardes nationaux destinés à servir sur la frontière, et 1,800 livres à cette ville, pour les ouvriers gardes nationaux qui ne peuvent faire le sacrifice des journées qu'ils emploient au service de la patrie.

En faisant cette offrande, je satisfais à mon attachement à la Constitution, à ma patrie et à mes concitoyens, à mon caractère, à mes désirs, à mon devoir... Je suis content. » (Applaudissements.)

Je demande qu'il soit fait mention honorable de cette offre dans le procès-verbal.

Plusieurs membres : L'insertion du discours au procès-verbal avec mention honorable!

D'autres membres: La division!
(L'Assemblée ordonne la division.)

Plusieurs membres : La question préalable sur l'insertion!

(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable et décrète l'insertion au procès-verbal avec mention honorable du discours de M. Vigier-Sarrazin.)

M. Lejosne. J'annonce à l'Assemblée que les deux dernières villes frontières du côté du Nord, Marchiennes et Orchies, ont fait chacune une adresse pour lui offrir l'hommage de leur dévouement. Ces adresses, signées de plus de 3,000 citoyens, répètent le serment que l'Assemblée nationale a prononcé dans la séance du 14 de ce mois et protestent de leur inviolable attachement à la Constitution, pour la défense de laquelle elles sont prêtes de répandre jusqu'à la dernière goutte de leur sang. Je demande qu'il en soit fait mention honorable au procès-verbal. (L'Assemblée ordonne la mention honorable de ces deux adresses dans son procès-verbal.)

M. Roux-Fasillac, au nom du comité de l'instruction publique, soumet à la discussion le projet de décret sur les secours provisoires à accorder aux collèges qui ont perdu une partie de leurs revenus par la suppression des dimes et autres droits (1); ce projet de décret est ainsi conçu ;

Décret d'urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapporteur de son comité d'instruction publique, considérant la nécessité qu'il y a de secourir provisoirement les collèges qui ont perdu leurs revenus annuels par la suppression des dîmes, décrète qu'il y a urgence.

[ocr errors]

Décret définitif.

L'Assemblée nationale, après avoir entendu le décret d'urgence, décrète que le ministre de l'intérieur pourra, sur sa responsabilité et à la demande qui lui en sera faite par les directoires de département, faire distribuer provisoirement, par la Trésorerie nationale, jusqu'à concurrence de 150,000 livres, des secours aux collèges qui ont perdu leurs revenus par la suppression des dimes et autres droits, et qui justifieront que les revenus qui leur restent ne suffisent pas à leurs besoins. »

Plusieurs membres combattent ce projet de décret et demandent l'ajournement jusqu'à ce que le comité du domaine ait fait à l'Assemblée le rapport dont il est chargé relativement aux congrégations régulières et séculières qui subsistent.

Un membre propose, par amendement, que dans son rapport le comité des domaines indique ceux des collèges qui ont besoin de secours et qu'il fixe les sommes qui leur seront accordées. Plusieurs membres : La question préalable sur l'amendement!

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement et ordonne l'ajournement; elle fixe, en outre, à jeudi prochain, le rapport du comité des domaines sur les congrégations régulières.)

(1) Voy. ci-dessus, séance du 19 janvier 1792, p. 524, le rapport de M. Roux-Fasillac.

M. Delacroix, secrétaire, donne lecture des deux adresses suivantes des administrateurs du directoire du département du Bas-Rhin.

1° Adresse par laquelle ils adhèrent au serment du 14 de ce mois, protestent de leur attachement à la Constitution et de leur reconnaissance pour leurs représentants.

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse dans le procès-verbal.) 2o Adresse par laquelle ils réclament l'interprétation de quelques articles de la loi qui oblige les pensionnaires de l'Etat à présenter, pour être payés, un certificat de résidence. Ils préviennent Î'Assemblée que, conformément à l'article 1er de son décret du 17 décembre dernier, ils ne délivreront de mandats aux fonctionnaires publics que pour toucher les six mois pendant lesquels ils justifieront avoir résidé en France, et qu'ils leur refuseront le payement du temps antérieur à cette époque, qu'ils ont passé hors du royaume.

(L'Assemblée décrète la mention honorable de cette adresse et le renvoi aux comités de législation et de l'extraordinaire des finances réunis.)

M. Gossuin, au nom du comité des pétitions, fait un rapport sur une pétition d'un grand nombre de citoyens de la ville de Bordeaux, relativement à l'arriéré de 1788, 1789 et 1790. Ils demandent une loi coercitive contre les receveurs généraux et particuliers de l'ancien régime qui n'ont pas rendu leur compte, que ces recouvrements soient confiés à d'autres mains que celles qui en sont chargées et que les corps administratifs soient chargés de rendre public le nom des contribuables en retard.

Il propose de renvoyer cette pétition aux comités de législation et de l'ordinaire des finances réunis.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur le renvoi, attendu qu'il y a un décret qui autorise le comité des pétitions à renvoyer directement aux comités les adresses et pétitions qui les concernent.)

Un membre propose d'entendre demain le rapport sur l'emplacement du bureau de comptabilité. (L'Assemblée décrète cette motion.)

M. Hua. De toutes parts les citoyens français demandent la guerre; mais ils paraissent oublier que c'est le payement des contributions qui en est le nerf. M. Mailhe a fait une adresse pour leur rappeler cette importante vérité. Je demande que demain matin il vous en fasse lecture. (L'Assemblée décrète cette motion.)

Une députation composée de citoyens de Paris et de ci-devant gardes françaises est admise à la barre.

Un des citoyens s'exprime ainsi :

Législateurs, nous venons réclamer en faveur de nos frères d'armes persécutés. La plus auguste de vos fonctions, le plus saint de vos devoirs est de venger les opprimés. Si tous les citoyens indistinctement ont des droits à votre sollicitude, quand ils éprouvent des injustices, combien ceux qui ont sauvé la patrie ne doivent-ils pas être confiants en vous adressant la plus juste des réclamations? Vous parler en faveur des ci-devant gardes françaises et autres braves soldats qui n'ont quitté les drapeaux de la tyrannie que pour conquérir la liberté, c'est vous rappeler et les plus glorieuses époques de la Révolution, et les plus grands services rendus à la cause de la

« PreviousContinue »