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temps que celui des vengeances se prépare. Mais encore à quelles vengeances voulons-nous nous livrer; et quel peut être le but que nous méditons d'exercer ? On a violé nos droits, nous ne cherchons qu'à les faire respecter; et puisque nous n'avons pu y parvenir par tous les moyens de la raison et de la sensibilité, nous sommes obligés de les soutenir par la force. Mais, en demandant le respect pour nos propres droits, nous voulons aussi l'observer pour les droits des autres nations. Notre cause est celle de l'humanité, elle est juste: le ciel nous protégera.

Eh! quelles craintes, Messieurs, pourraient encore nous retenir ? fidèles à nos lois et à nos serments, nous n'ambitionnons point le cruel avantage de faire des conquêtes mais nous voulons conserver celle de notre Constitution. Pour nous assurer cette conquête, il n'est aucun revers qui doive nous effrayer; et ce serment, auguste et unanime, renouvelé dernièrement, d'une manière si touchante, dans ce temple de la liberté, est un aiguillon de plus pour nous exciter à la soutenir de tous nos efforts, telle qu'elle est, et sans y souffrir la moindre altération.

Non, nous ne demandons pas autre chose à toutes les puissances étrangères auxquelles elle peut porter ombrage; et, nous bornant à gémir sur l'esclavage honteux et barbare dans lequel elles tiennent asservis les peuples souverains, qu'elles appellent leurs sujets, nous ne voulons pas même entreprendre de le faire cesser. Mais, en gardant leurs fers, qu'elles nous laissent notre liberté? Cette demande doit être l'unique objet de notre déclaration de guerre: que cette déclaration leur soit donc promptement connue, et ne balançons plus à aller, partout où il faudra, la sceller de notre sang.

Profitons de nos préparatifs et des dispositions avantageuses, dans lesquelles le ministre de la guerre nous a dit avoir trouvé et laissé tout ce qui était l'objet de son voyage.

Le patriotisme et le courage des gardes nationales sont tels, nous a-t-il ajouté, que l'on a besoin de les contenir. Hâtons-nous donc de donner l'essor à un si noble enthousiasme ! Leur zèle accuse nos lenteurs, et nos lenteurs prolongent nos tourments, en multipliant nos dangers. Attendre davantage, ce serait affaiblir nos forces, et laisser à l'ennemi le temps d'augmenter les siennes.

Ce serait nous fatiguer nous-mêmes dans une fatigante inaction, épuiser en vain toutes nos ressources, et porter dans toutes les âmes citoyennes l'inquiétude de la perplexité, pire, cent fois, que la certitude du malheur.

Nous nous engagerons, nous dit-on, pendant les rigueurs de l'hiver, dans des pays inconnus, à travers des défilés, des gorges, des montagnes inaccessibles couverts de neiges et de frimas, et où l'ennemi préparé pour nous attendre, pourra facilement nous vaincre et nous détruire. Terreurs pusillanimes! De quels obstacles ne saura pas triompher l'ardeur brùlante de soldats patriotes, marchant gaiment au son de notre fanfare nationale, pour la défense de notre liberté ?

Nos finances, s'écrie-t-on encore, manqueront à nos besoins, et aux dépenses d'une guerre entreprise hors de nos foyers. Ah! nous en aurons toujours assez pour mourir. Et, quel citoyen, pour ne pas perdre sa liberté, ne sera pas prêt à tous les sacrifices? Le Trésor public sera la bourse de tout bon français.

Vainement, voudrait-on aussi nous faire peur d'une coalisation générale de toutes les puis

sances de l'Europe? Mais, d'abord, il paraît que le roi de Prusse est décidé à ne point prendre part à nos démêlés avec l'empereur. La guerre peut avoir des suites fâcheuses pour lui, et il doit la craindre. Son Empire, à peine créé, n'a pas encore assez de consistance et de racines, pour qu'un ébranlement un peu considérable ne puisse aisément en renverser les fondements. Qu'il se souvienne que l'empereur ne le verra jamais, avec tranquillité, possesseur de la Silésie que presque tous les habitants de ses Etats, appartenant à une autre patrie, tiennent à son pays par fort peu de liens, et que, longtemps heureux allié des Français, il ne peut en espérer ailleurs de plus naturels et de plus sûrs. La Hollande, agissant par l'impulsion et les mouvements de Frédéric, suivra son exemple et se déterminera par ce qu'il fera.

Quant au corps helvétique, toujours franc dans ses procédés, et, ne pouvant oublier que c'est dans ses montagnes que la liberté a trouvé l'appui le plus sacré, il sera, n'en doutons pas, le plus zélé défenseur de la nôtre.

Le roi de Suède est dans l'épuisement; et ses affaires, chez lui, sont plus que suffisantes pour l'inquiéter et le retenir.

L'impératrice de Russie, lasse de ses succès, a besoin de repos, et doit ménager, en cas d'événement, toutes ses forces pour repousser les attaques du Turc mécontent, qui agite de nouveau son croissant.

La Pologne, qui vient de se donner une Constitution, doit soutenir un peuple combattant pour la sienne, et s'offrir plutôt pour être son alliée que son ennemie.

L'Angleterre sent, depuis longtemps, le prix d'un gouvernement libre pour se montrer jalouse d'une nation qui cherche à l'imiter. Son intérêt même, pendant qu'elle est fortement occupée dans l'Inde, est que notre Constitution s'affermisse, puisque cette Constitution qui ne nous permet plus d'attaquer, nous fait cesser d'être pour elle une rivale dangereuse et inquiétante. Les ministres de cette cour peuvent désirer de nous faire la guerre; mais le peuple magnanime de cette île de la liberté se refusera à servir leurs hostiles projets. Comptons plutôt sur ses offices généreux; et, libres de rechercher des alliés, ne rougissons pas de solliciter son appui.

L'Espagne pourrait plus facilement se prêter à seconder les vues de l'empereur, mais redoutant la lutte formidable d'une Constitution bienfaisante contre le fanatisme d'un tribunal sanguinaire, elle sentira qu'il pourrait lui en couter de ne pas rester tranquille.

Et si la majeure partie des puissances de l'Europe se déterminent à ne point agir contre nous, qu'osera le roi de Sardaigne, notre plus proche Voisin ?

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Il faudra donc que l'empereur cherche chez lui et auprès des électeurs toutes les ressources dont il aura besoin mais il est peu de parties, dans toute l'étendue de ses Etats qui, ainsi que le Brabant, ne veuillent secouer sa domination.

D'après cela, que devient cette chimère de coalisation universelle? Mais, en la supposant et en admettant que des puissances qui n'ont aucun motif pour se plaindre de nous, fussent assez injustes et assez ennemis de leur propre bonheur et de celui de leurs peuples pour vouloir nous punir de ce qui devrait être l'objet de leur admiration, aurions-nous moins à les craindre quand, par des promesses trompeuses et une fausse sécurité, nous nous serions déter

minés à la paix, et à désarmer? C'est alors que, profitant de notre sommeil et du découragement de nos gardes nationales qu'il serait dans un autre moment plus difficile de rassembler, on viendrait surement nous égorger dans le berceau de notre liberté.

Ah! prévenons de tels forfaits, et fuyons l'esclavage: la mort ne peut être rien, ou la liberté doit être tout.

Mais quelque important, Messieurs, qu'il me paraisse de ne pas différer de nous mettre en campagne et d'agir, je souscris néanmoins au parti sage et prudent qui vous a été proposé par votre corps diplomatique, relativement à de nouvelles explications promptes, claires et précises à attendre de la part de l'empereur. Je vais même plus loin, pour prouver de plus en plus à ce prince notre franchise et notre loyauté, en demandant qu'il ne lui soit point fixé de terme pour nous donner ces explications. Conduisons-nous à son égard de manière que ni lui, ni qui que ce soit, ne puissent nous reprocher d'avoir mis dans nos démarches trop de hauteur et de célérité; et pour vouloir trop le presser, ne nous exposons point à lui faire prendre le parti du désespoir. Un jour indiqué pour avoir satisfaction, est un jour indiqué pour se battre, si elle n'est point obtenue ce jour-là. Ne perdons pas de vue que la guerre, quelques succès qu'elle puisse promettre, est certainement le plus redoutable des fléaux, et qu'un peuple libre et humain doit être jaloux de tenter tous les moyens de s'en préserver, quand ce ne serait que pour ménager le sang de ses ennemis.

Si, après avoir épuisé auprès de l'empereur toutes les mesures de cette grandeur d'âme et de cette générosité qui ont toujours distingué la nation française, même au temps de sa servitude, s'il ne s'empresse pas d'y répondre par de semblables procédés, et qu'au 25 de février, au lieu du 10, à cause des longueurs qu'ont entrainées nos discussions sur cet objet, les explications que nous désirons de lui ne nous soient point parvenues ou ne peuvent pas nous satisfaire, alors plus de retard; marchons, faisons avancer nos armées.

Mais si nos bras sont forcés de combattre, n'oublions point que nos cœurs ne doivent respirer que la paix. Ah! loin de nous toute voie de fait, tout esprit de butin, toute action injurieuse et déshonorante contre les habitants des pays dans lesquels nous serons contraints de nous avancer. Oui, respectons partout les propriétés et les mœurs. Les apôtres armés d'une Constitution sublime, qui a rappelé l'homme à sa dignité, ne doivent marcher que pour la faire aimer. Puisset-elle être le lien de l'union de tous les peuples du monde et nous offrir bientôt la preuve certaine que le bon Henri, le vertueux Saint-Pierre et l'immortel J.-J., en désirant l'exécution de ce projet, n'ont pas fait des voeux superius !

Je me résume, Messieurs, et conclus à adopter le projet du comité avec les amendements sui

vants :

1° Qu'en demandant de promptes explications à l'empereur, il ne lui sera point fixé de délai ; 2° Qu'on attendra sa réponse jusqu'au 25 février et que le roi sera prié de faire néanmoins tout disposer de manière que nos troupes, à cette époque, soient en état de se mettre en campagne et d'agir.

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« La commune de Navarreins vous prie d'informer l'Assemblée législative du départ subit des officiers du 2° bataillon du 7° régiment, ci-devant Champagne, en garnison dans cette ville. Tous, excepté deux, ont abandonné leurs drapeaux, du 30 décembre au 2 janvier. La cause et l'objet de leur dispersion ne nous sont pas bien connus. Quelques-uns d'entre eux ont manifesté seulement, avant leur départ, qu'ils ne pouvaient plus, avec agrément, rester attachés à leurs corps à cause du peu de confiance que leur témoignaient les soldats et de l'esprit d'insubordination qu'ils leur reprochent. Mais le blâme donné injustement à la conduite des grenadiers et soldats, l'opposition bien caractérisée entre les sentiments de ceux-ci et ceux des officiers sur la Constitution, sont les seules causes de cette aliénation. Cette troupe, depuis qu'elle tient ici garnison, s'y est toujours bien conduite; et, depuis la fuite des officiers, la discipline militaire et l'esprit d'ordre y règnent encore avec plus d'empire.

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La copie ci-jointe d'une délibération du corps municipal renferme un détail précis de la place de Navarreins. Tel est l'effet de la négligence ou de la mauvaise volonté des agents du pouvoir exécutif, que les habitants de cette partie frontière se trouvent exposés à tout ce qu'une invasion hostile peut avoir d'affreux. Le département des Basses-Pyrénées est presque sans défense; les neiges qui couvrent les montagnes le défendent bien, pour quelque temps, de toute espèce d'attaque; mais, à la fonte des neiges, le pays sera ouvertet n'aura aucun moyen de résister aux invasions dont il est menacé. Quatre bataillons de troupes de ligne, à peine complets au pied de paix, dont deux à Bayonne, un à Saint-Jean-Pied-de-Port, un à Navarreins et environ deux cents volontaires répandus dans le département sont notre seule force défensive. Aucun plan de défense ne paraît avoir été préparé en cas d'attaque. Veuillez bien, Monsieur le Président, exposer à l'Assemblée nationale nos sollicitudes et nos besoins, et combien la sûreté de ces parties de nos frontières exige de prompts secours.

Ce qui restait dans ce département de parlementaires, de ci-devant nobles, d'indignes prêtres, tous ont passé en Espagne pour y rejoindre leurs confrères. Pour se conformer au

caractère lent des perfides Espagnols, ils attendent pour signal une attaque du côté du Nord. Pampelune, Fontarabie, Saint-Sébastien, Bilbao seront bientôt à l'instar de Worms et de Coblentz. Si le mouvement de ces émigrés est moins violent que celui de ceux qui sont à Trèves, leurs trames, quoique sourdes, n'en sont pas moins dangereuses, et il ne serait pas impossible que dans l'état de dénuement d'armes où se trouvent les citoyens patriotes, les aristocrates ne favorisassent avec quelque succès l'entrée des Espagnols dans cette partie de l'Empire.

Les citoyens basques et bearnais, toujours attachés à la Constitution, sont bien convaincus que les ennemis de la Constitution ne feront pas triompher leur infàme manoeuvre. Mais ils demandent qu'on fournisse promptement aux patriotes les moyens de forces nécessaires pour les arrêter au premier pas qu'ils tenteraient de faire sur la terre de la liberté. Ils espèrent que M. de Narbonne, dont le patriotisme et le zèle honorent les commencements de son ministère, réparera les fautes de ses prédécesseurs.

"

Nous som nes, avec respect, etc.

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« P.-S. Nous venons d'apprendre des frontières que M. Duchillau, officier général, les a franchies. Depuis longtemps ce chef n'a la confiance ni des troupes, ni du département. »

M. Mouysset. Je demande qu'il soit fait mention honorable au procès-verbal de la conduite de la municipalité de Navarreins et des soldats du 7° régiment.

M. Goupilleau demande le renvoi au pouvoir exécutif de la partie de la lettre relative à la désertion des officiers.

(L'Assemblée renvoie au pouvoir exécutif, en ce qui concerne la désertion des officiers, et décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de la conduite de la municipalité de Navarreins et du 7e régiment.)

M. Goupilleau. Je demande le renvoi de ce qui regarde M. Duchillau au comité militaire auquel on a déjà adressé plusieurs plaintes contre lui.

M. Delacroix. Cela doit regarder uniquement le comité de surveillance; ainsi, je demande que l'affaire lui soit renvoyée.

Un membre: Renvoyer au comité de surveillance, c'est jeter une espèce de défaveur sur un officier dont on n'a pas à se plaindre. Que le comité de surveillance surveille la conduite de M. Duchillau, à la bonne heure, mais je m'oppose au renvoi.

M. Domolard fils. J'appuie le renvoi de la plainte dirigée contre M. Duchillau au comité de surveillance. M. Duchillau peut être un bon patriote; mais, certes, il n'en a jamais eu la réputation. Nous l'avons eu pour commandant dans la ci-devant province de Dauphiné, et les relations continuelles de M. Duchillau avec les aristocrates les plus marqués de la ville et de la province l'ont fait toujours suspecter par les véritables amis de la Révolution. On le soupçonnait même d'entretenir une correspondance directe avec nos émigrants de Turin et de Chambéry. Je crois qu'il est essentiel d'éclairer sa conduite; car le jour de son départ de Grenoble fut regardé comme un triomphe par les amis

de la liberté. (Applaudissements dans l'Assemblée et dans les tribunes.)

(L'Assemblée renvoie au comité de surveillance en ce qui concerne le sieur Duchillau.)

M. Lagrévol. Je rappelle à l'Assemblée les mesures qu'elle a prises, dans la séance d'hier, à l'égard de l'empereur et je lui observe que la conduite des espagnols ne mérite pas moins de fixer l'attention du Corps législatif. Je demande que le comité diplomatique présente incessamment ses vues à cet égard.

M. Gossuin. Les émigrations se continuent avec la plus grande activité dans le département du Nord. Je demande que l'Assemblée ne ferme pas les yeux sur ces désertions et que le comité de législation nous fasse le rapport sur les passeports.

Plusieurs membres : L'ordre du jour !

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur les motions de MM. Lagrévol et Gossuin.)

M. Viénot-Vaublanc. Le comité d'instruction publique est prêt à vous faire son rapport sur les récompenses nationales à accorder aux armées qui auront combattu pour la liberté et la Constitution. Je demande que l'Assemblée indique une séance pour l'entendre.

(L'Assemblée ajourne ce rapport à la séance de samedi soir.)

M. le Président. J'annonce à l'Assemblée que les habitants du faubourg Saint-Antoine ont fait une pétition à l'Assemblée nationale qu'ils désirent lui présenter. L'immensité des signataires, disent-ils, prouvera leur amour pour la patrie et déjouera les complots des perfides ennemis de la liberté. Ils demandent à être entendus aujourd'hui ou demain.

(L'Assemblée décrète qu'ils seront admis à la séance de ce soir.)

Un membre demande qu'il y ait une séance extraordinaire lundi au soir pour entendre plusieurs rapports du comité de division.

(L'Assemblée décrète cette motion.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :

1° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui rend compte des mesures qu'il a prises pour assurer la tranquillité de Paris; elle est ainsi conçue :

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L'Assemblée nationale me renvoya hier une lettre de M. Boscary, député du département de Paris. Je pris aussitôt les ordres du roi, et ensuite j'envoyai officiellemen le décret au département de Paris, en lui enjoignant, au nom du roi, de veiller à la sûreté des biens et de la personne de M. Boscary. J'ai cru devoir, en même temps, envoyer une copie du décret à la municipalité, pour qu'elle fût plus promptement avertie des devoirs qu'elle avait à remplir.

« Le roi n'avait pas attendu ce décret pour s'occuper de la situation de Paris. Alarmé des efforts que l'on employait pour agiter le peuple et du commencement de succès que ces efforts avaient obtenu, le roi, comme chef suprême de l'administration générale du royaume, et comme chargé du soin de veiller au maintien de la loi et de la tranquillité publique, avait, dès samedi matin, fait appeler le directoire et le maire de Paris. Il leur avait ordonné d'employer tous les

moyens de l'instruction pour éclairer le peuple et tous les moyens de la loi pour faire respecter les personnes et les propriétés. Sa Majesté m'avait également enjoint d'y porter toute mon attention pour lui en rendre compte. J'ai rempli les intentions du roi; et, par ses ordres, je viens de faire prévenir le maire et le procureur de la commune, que Sa Majesté désire les entendre ce soir.

« Je suis, avec respect, etc...

« Signé CAHIer. »

2° Lettre du président du comité de la section des Thermes-de-Julien, par laquelle il annonce qu'il n'y a, dans l'église de Saint-Benoît, aucun dépôt de marchandises de sucre, ni même apparence qu'il y en ait eu; elle est ainsi conçue :

« Monsieur le Président,

« J'ai l'honneur de vous faire passer un procès-verbal dressé hier par le comité de la section des Thermes-de-Julien, sur la réquisition du gardien-chef des bâtiments formant la ci-devant église de Saint-Benoît. Ce procès-verbal prouve qu'il n'a été trouvé aucune marchandise dans cette église, et qu'il n'y a pas apparence qu'il y en ait jamais eu. Le comité me charge de donner connaissance de ce procès-verbal à l'Assemblée nationale.

« Je suis, avec respect, etc. >>

M. Thuriot. La capitale est infestée d'une infinité de gens dont la présence est dangereuse et l'existence est un problème. Il parait que les ennemis du bien public se sont, entre autres postes, assigné la capitale. Je suis instruit qu'une foule de ci-devant nobles s'y rassemblent et qu'ils amènent avec eux des gens qui sont à leur dévotion. Il paraît, Messieurs, que ce sont ces hommes qui excitent les mouvements par lesquels est troublée la tranquillité publique. Je demande que le pouvoir exécutif soit chargé de donner des ordres précis à la municipalité pour qu'elle procède, sans délai, à un nouveau recensement général, afin qu'on puisse savoir quels sont les étrangers qui sont à Paris. (Applaudissements.) Cet inconvénient a lieu dans tout le royaume, et je demande que le recensement soit fait dans toutes les villes de France.

M. Crestin. La loi existe; les quatre premiers articles de la loi sur la police de sûreté ont pourvu à cela. C'est à la municipalité à la faire exécuter.

M. Thuriot. M. Crestin a raison. La loi pour le recensement existe, mais elle oblige les municipalités à prendre seulement le dénombrement des citoyens qui sont dans les hôtels garnis; mais M. Crestín ignore que les ci-devant nobles et les gens qui sont à leur dévotion ne sont point dans les hôtels garnis, mais dans les hôtels qu'occupaient ceux qui sont émigrés; ce n'est pas là ce que je demande : c'est un recensement des personnes qui arrivent journellement dans la capitale.

M. Bigot de Préameneu. Le préopinant se trompe en fait. La loi sur la police correctionnelle exige un recensement pour tous les citoyens, et non pas seulement pour ceux qui sont en hôtel garni. On demande un nouveau recensement, mais le premier n'est pas encore fini, parce que le mode en est long et dispendieux; mais j'observe que la motion de M. Thuriot peut

être utile en ce que l'inexécution de cette loi dans tout le royaume, est une des grandes causes du désordre, surtout dans les campagnes. Je me joins donc à lui pour demander que l'on connaisse toutes les personnes qui sont à Paris, et je crois que vos vues seront remplies en demandant au ministre de l'Intérieur de vous rendre compte où en est le premier recensement, et dans un délai que vous lui fixerez, des mesures qu'il a prises pour l'exécution de cette loi.

Un membre demande que le pouvoir exécutif soit tenu de donner des ordres pour que les anciennes ordonnances de police soient remises en vigueur, afin de découvrir les gens suspects qui se rassemblent à Paris depuis quelque temps.

Plusieurs membres parlent successivement et représentent que la forme usitée pour les recensements est très longue et très dispendieuse.

M. Lamarque. Un fait convenu de tout le monde, c'est qu'il y a en ce moment à Paris un rassemblement très considérable de malintentionnés, de chevaliers du poignard. Il s'agit donc de chercher la mesure la plus sage et la plus prompte pour y porter quelque remède. M. Bigot demande purement et simplement l'exécution de la loi et le renvoi au pouvoir exécutif pour en rendre compte. Cette mesure est absolument insuffisante. La loi ordonne que tous les ans, au mois de décembre, il sera fait un recensement; mais le recensement du mois de décembre ne peut comprendre les personnes qui arrivent au mois de janvier dans la capitale. Je demande le renvoi au comité de législation pour qu'il vous présente demain matin un mode de recensement provisoire qui ne soit ni long ni coûteux, qui assure la tranquillité publique, et d'après lequel la police de Paris puisse satisfaire le vœu des bons citoyens.

Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion.)

Plusieurs membres : La priorité pour la motion de M. Lamarque.

(L'Assemblée accorde la priorité à la motion de M. Lamarque, l'adopte et décrète en conséquence que le comité de législation présentera demain un nouveau mode de recensement moins long et moins coûteux.)

M. Broussonnet, secrétaire, donne lecture des adresses et lettres suivantes :

1° Adresse des citoyens de la ville de Saint-Hippolyte, chef-lieu de district du département du Gard.

Ils remercient l'Assemblée de ses décrets relatifs aux émigrés et aux prêtres réfractaires, et se plaignent du veto que le roi a mis à deux décrets dictés par la sagesse et exigés impérieusement pour le salut de l'Empire. Ils demandent que l'Assemblée porte des regards sur la misère publique et qu'elle prévienne les suites funestes que pourraient entrainer l'agiotage et l'accaparement des subsistances. Ils ajoutent :

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Quant à vous, législateurs, nous vous déclarons, à la face du ciel et avec l'assurance de n'être désavoués par aucun habitant des Cévennes, que le patriotisme qui nous anime tous sera aussi ferme que les rochers de nos montagnes. Quelque sort que la Providence nous réserve, à quelques extrémités que nous soyons réduits par les ennemis de la chose publique, quand il nous faudrait brouter l'herbe des champs et ronger la racine des arbres que nous cultivons, inébran

lables dans nos principes, dévoués pour toujours à la Constitution, nous vivrons pour la maintenir et nous mourrons pour la défendre. (Vifs applaudissements.)

Plusieurs membres : Mention honorable!

(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité des pétitions et décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.)

2° Lettre du sieur Raymondis, chef d'escadre, par laquelle il observe que ses pensions montaient à 3,300 livres et que la gratification de 12,000 livres qui lui a été accordée en remplacement de ses pensions étant insuffisante, il ne peut l'accepter; cette lettre est ainsi conçue :

« Monsieur le Président,

« Les papiers publics m'ont appris que l'Assemblée nationale m'avait accordé une gratification de 12,000 livres en indemnité de la suppression de 3,300 livres de pension que j'avais obtenues du roi; mes titres étaient 48 ans de service effectif; 23 campagnes dont 17 en guerre; 7 combats, 2 blessures, et enfin la perte de mon bras droit dans la dernière guerre, en commandant le vaisseau le César sur les côtes d'Amérique. Les pensions dont je jouissais n'avaient donc rien d'abusif, rien que d'honorable, rien qui ne pût être avoué par une nation loyale et généreuse.

« Je dois ici et je rends aux Etats-Unis d'Amérique un hommage de reconnaissance publique : à peine sut-on à Boston que j'avais eu le bras emporté pour la défense de la cause générale, que les Etats de Massachussett-Baie, extraordinairement rassemblés, me firent l'honneur de me députer deux membres pour me notifier que moi et les miens serions défrayés pendant tout le temps de notre résidence. La veille de mon départ pour la France, les Etats qui en furent instruits s'assemblèrent à 6 heures du soir, me firent prier de me rendre à leur séance, et là, le président me fit présent d'une épée en reconnaissance de mes services et l'accompagna d'un diplôme honorable.

«La gratification de 12,000 livres une fois payée est une indemnité qui ne peut compenser en aucune manière les dépenses que la guérison de mon bras, retardée par divers accidents, m'a occasionnées, tant à Boston pendant 4 à 5 mois, qu'en France pendant plus d'une année. Elle ne peut équivaloir aux 3,300 livres de pension qui m'avaient été accordées. Quoique ma situation soit restée infiniment pénible, je sens néanmoins que je ne puis pas accepter une indemnité à tel point inférieure aux grâces de Sa Majesté.

« Je vous prie donc, Monsieur le Président, de faire part de ma lettre à l'Assemblée et de lui faire accepter la remise des 12,000 livres qu'elle a décrétées en ma faveur.

« J'ai l'honneur d'être, etc.

Signé: RAYMONDIS. »

Un membre: Le renvoi au comité de liquidation !

D'autres membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

3o Lettre de MM. les grands procurateurs de la nation qui instruisent l'Assemblée que le sousofficier de gendarmerie du département du BasRhin, chargé de conduire à Orléans les sieurs Silly, Loyauté et Meyet, prétend avoir perdu,dans

la route, les pièces relatives à cette affaire; ils demandent en outre plusieurs pièces relatives aux autres prévenus; cette lettre est ainsi conçue :

Monsieur le Président,

« Nous venons de vous faire part d'un événement dont nous venons nous-mêmes d'être instruits. Le sous-officier de la gendarmerie du département du Bas-Rhin, chargé de conduire MM. Silly, Loyauté et Meyet dans les prisons de la haute cour nationale à Orléans, a déclaré, en y arrivant, à MM. les grands juges, et ensuite nous, que les pièces relatives à ces divers accusés lui avaient été dérobées dans la route. Nous demandons que l'Assemblée prenne un parti sur cette circonstance singulière.

« Nous ne saurions trop, Messieurs, vous prier de prendre en considération les observations que nous avons faites sur le local du tribunal et de ses prisons, et sur ce qu'il nous manque plusieurs pièces relatives à l'état des accusés. Quel que soit l'état du local, nous ferons ce que nous pourrons, en attendant les jurés. Nous observons à l'Assemblée que les grands juges et le commissaire du roi n'ont pas encore reçu le procès-verbal du tirage au sort des jurés, qu'ils ne peuvent opérer sans cela, et qu'il conviendrait peut-être de faire publier la liste des hauts jurés.

« Nous sommes avec respect, etc.

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Un membre: Je demande le renvoi au comité de surveillance de l'affaire dénoncée par les grands procurateurs et qui regarde le sous-officier de gendarmerie chargé de la conduite des prisonniers de Strasbourg à Paris.

M. Goupilleau. J'appuie cette proposition, et je l'appuie avec d'autant plus d'instance que le comité de surveillance a tout lieu de croire que les papiers qui sont égarés dans ce moment ont été brûlés rue et hôtel du Petit-Saint-Martin, lors du passage des détenus par la capitale. Nous avons eu connaissance que des femmes qui avaient suivi les prisonniers, ont fait boire le brigadier, l'ont enivré avec du vin de Champagne et que c'est sûrement dans ce moment-là que les papiers ont été brûlés. Je demande le renvoi au comité de surveillance, pour en avoir une plus grande information. Quant aux grands procurateurs, je demande que, dans les affaires qu'ils sont chargés de poursuivre, ils donnent la préférence à celle qui concerne les princes français.

M. Calvet. Monsieur le Président, je demande que vous rappeliez à l'ordre M. Goupilleau, qui veut rétablir les privilèges.

M. Goujon. Je demande que l'Assemblée prenne en considération tous les objets énoncés dans la lettre des grands procurateurs et qu'un comité en fasse le rapport demain matin.

Plusieurs membres : Le renvoi au comité de législation!

D'autres membres : Le renvoi au comité des décrets!

(L'Assemblée renvoie au comité de surveillance pour ce qui concerne la perte des pièces par le sous-officier de gendarmerie, et charge le comité des décrets d'examiner les demandes

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