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victimes du même principe qui avait relégué au dernier rang la première, la plus utile des professions, l'agriculture; enfin la langue elle-même empreinte des vices de l'opinion de gothiques ordonnances, avait attaché au seul nom d'arts mécaniques une sorte de flétrissure qu'il serait aujourd'hui trop répugnant de rappeler.

Le génie toujours ambitieux, fuyait donc les ateliers, lorsque l'empire des circonstances ne le condamnait pas à s'indigner d'y être détenu : il croyait s'élever, en se renfermant dans les conceptions des sciences, qu'une erreur bien grossière lui faisait séparer des arts, qui en sont les applications; et les arts, privés de leur principe, les sciences, privées de la lumière de l'expérience, qui éclaire sans cesse l'artiste observateur, loin de se prêter un appui, loin de conspirer au but pour lequel l'homme les a reçus en partage, toujours séparés, divisés souvent par la discorde, étaient réellement un obstacle mutuel à leurs progrès.

« C'est ainsi, Messieurs, qu'une forme de gouvernement, vicieuse dans son principe, porte la corruption dans toutes les ramifications de l'ordre social, et peut anéantir, tourner au détriment de l'espèce humaine, les présents les plus précieux que nous ait faits la divinité.

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Ces maux que le genre de nos occupations a dù nous rendre plus particulièrement sensibles, devaient, comme tous les autres, disparaître par l'effet de notre régénération; mais il fallait, dans toutes les branches du système social, de nouvelles institutions dont le corps constituant a déjà formé la plus grande partie. C'est ainsi qu'en organisant le chaos, la nature a créé les différentes espèces, destinées chacune à concourir, par des productions particulières, à l'harmonie de ce vaste ensemble. Nous sommes, Messieurs, une de ces créations de la nature politique qui régit cet Empire, et nous nous empressons de venir devant vous lui offrir l'hommage des premiers instants de notre existence.

Sans doute, l'influence de la liberté que nous avons conquise, l'égalité entre les citoyens, la justice indistinctement départie à tous, suffiraient seules, avec le temps, pour ranimer l'industrie française, l'élever à l'égal des nations que nous avons le plus enviées, par le seul mobile des intérêts individuels confondus désormais avec celui de la société entière; mais cette heureuse transformation ne saurait s'opérer sur-le-champ; la plupart des artistes, à peine affranchis du joug accablant du despotisme, éloignés, jusqu'à présent, des spéculations avantageuses, neufs encore dans l'art d'embrasser, d'un coup d'œil, les divers besoins d'une grande nation pour diriger l'industrie vers ceux qui en appellent plus puissamment le secours, les artistes ont encore besoin d'être guidés, d'être encouragés, et les récompenses nationales sont nécessaires pour exciter promptement cette émulation générale,

laquelle les arts doivent aussi consommer leur révolution. La nation a, d'ailleurs, à réparer de nombreuses injustices, et des travaux utiles, des efforts recommandables dirigés vers la perfection de différentes fabriques, doivent enfin recevoir un prix trop longtemps mérité. La loi s'est, en effet, particulièrement occupée des secours dus aux artistes sexagénaires, à ceux dans lesquels une honorable pauvreté montrera des talents laissés longtemps sans récompense.

Tels sont les divers objets que le bureau de consultation se voit chargé de remplir: il ne pouvait, Messieurs, vous présenter un hommage 1re SÉRIE. T. XXXVII.

plus digne de vous, qu'en se montrant profondément pénétré de l'importance de ses fonctions, animé par les hautes idées qu'il conçoit du bien auquel la loi l'appelle à concourir. Mais, en même temps, il est loin de se faire illusion sur la difficulté d'appliquer toujours avec discernement, de proportionner, avec une justice exacte, les divers degrés des récompenses qu'il est chargé de répartir. Il s'est déjà occupé des principes généraux qu'il sera possible de poser en cette matière; mais sans retarder l'examen et la décision des demandes que l'on s'empresse déjà de lui porter, il a cru devoir prendre, encore quelque temps, les conseils de l'expérience, et s'éclairer, par les exemples, avant d'arrêter, pour tous les cas, des vues d'une application aussi importante.

Le bureau ose compter, Messieurs, sur les secours du Corps législatif, dans les circonstances où la loi ne suffirait pas pour le diriger, il s'adressera encore à vous, avec confiance, lorsqu'il se rencontrera des objets dont l'utilité lui paraîtra mériter des récompenses extraordinaires; enfin, il réclamera, en faveur des artistes, la justice et la prompte intervention des corps administratifs, que la loi charge spécialement du soin de faire connaître les titres de ces citoyens recommandables.

Messieurs, le bureau de consultation se souviendra surtout qu'il n'est lui-même qu'un établissement provisoire, le sujet d'une grande expérience que le corps constituant a tentée, et il ne négligera rien pour en assurer le succès. Il trouve déjà un puissant encouragement dans l'opinion honorable que le législateur semble en avoir conçue d'avance, en lui attribuant des fonctions absolument gratuites, et c'est pour ən être toujours dignes, que ses membres sont convenus, à l'unanimité, dès leur première assemblée, qu'aucun d'eux ne pourrait prétendre aux récompenses qu'ils doivent décerner, qu'en se retirant du nombre des juges, et après avoir été remplacé.

Permettez-nous, Messieurs, de déposer sur le bureau l'expression de nos sentiments, ainsi que la liste des membres du bureau de consultation (1).

M. le Président, répondant à la députation: Vous êtes les amis des arts, et les amis des arts le sont aussi de la liberté. S'il est un vrai bonheur pour l'homme, ces sentiments doivent le lui assurer. Ne doutez pas, Messieurs, que l'Assemblée nationale n'accorde toujours sa protection aux progrès des sciences et des lumières, et toute sa

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bienveillance à ceux qui, comme vous, se dévouent à hâter ce progrès.

L'Assemblée nationale sait que c'est par les lumières que la Révolution s'est faite, et que c'est par elles qu'elle peut échapper aux coups du temps et à ceux des despotes. (Applaudissements.)

L'Assemblée nationale prendra votre demande en considération, et vous invite à sa séance.

(Les membres du bureau de consultation des arts et métiers traversent la salle au milieu d'applaudissements unanimes.)

M. Lecointe-Puyraveau. Je demande la mention honorable et l'insertion au procèsverbal du discours que vous venez d'entendre. (L'Assemblée décrète la motion de M. LecointePuyraveau.)

Une députation des différents corps militaires, en garnison dans les établissements français, situés au delà du cap de Bonne-Espérance est introduite à la barre.

Elle présente une pétition sur des objets généraux. Les membres de la députation prêtent ensuite, au milieu des plus vifs applaudissements, et au nom des régiments de Pondichéry et des îles de France et de Bourbon, le serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi.

M. le Président répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée renvoie leur pétition aux comités militaire et colonial réunis.)

Une députation des invalides est introduite à la barre et présente une pétition qui a pour objet d'engager l'Assemblée à presser le rapport qui doit déterminer leur état et traitement.

M. le Président témoigne à ces anciens militaires l'intérêt qu'ils inspirent aux représentants du peuple, et les invite à assister à la séance.

(L'Assemblée ordonne le renvoi au comité militaire de la pétition des invalides et ajourne le rapport à huitaine.)

Le sieur Burnet, prêtre, et aumônier du bataillon de la garde nationale de Popincourt, se présente à la barre avec une dame anglaise nommée Lydia Kirham, laquelle tient à la main deux enfants et en porte un troisième dans ses bras.

M. Burnet fait à l'Assemblée l'énumération des sacrifices qu'il a faits à la Révolution qu'il regarde comme le vrai Messie pour les prêtres du second ordre comme lui. Il annonce que la dame anglaise qui l'accompagne est sa femme. Restée veuve avec deux enfants, il les a adoptés. L'enfant qu'elle porte dans les bras est le fruit de l'alliance qu'ils ont contractée après avoir lu la Déclaration des droits de l'homme et s'être pénétrés des vérités éternelles qu'elle renferme.

abandonné. Ou la mort, ou ma femme; tel est le cri que m'inspire et que m'inspirera toujours la nature; et c'est pourquoi j'ai combattu par mes écrits l'abus de la loi du célibat forcé auquel plus d'un intérêt particulier vouait le ministre de l'Evangile.

Je fais des vœux pour une Révolution à jamais mémorable qui a brisé tant de chaînes et à laquelle je vais consacrer les restes de ma vie en me retirant à la campagne où je prêcherai aux hommes la charité et l'union et les préserverai contre les maux des opinions religieuses, en présentant la femme protestante à laquelle je suis lié.

Nous sommes pauvres tous deux, tous deux nés à la campagne, et nous venons vous supplier de donner des ordres pour la liquidation d'une somme de 350 livres que j'ai employées à réparer la chapelle des Annonciades de Popincourt, dont M. de Juigné, ci-devant archevêque de Paris, m'avait confié l'administration spirituelle. Ces dépenses sont prouvées par les pièces que je vais déposer sur le bureau. Je regrette que ma position ne me permette pas d'en faire le sacrifice à la patrie. (Applaudissements.)

M. le Président répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée renvoie la pétition de M. Burnet au comité des secours publics.)

(La séance est levée à quatre heures.)

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du lundi 23 janvier 1792.
PRÉSIDENCE DE M. GUADET.

La séance est ouverte à onze heures un quart du matin.

M. le Président. Messieurs, M. le secrétairerédacteur du procès-verbal, n'est pas arrivé.

M. Lacombe-Saint-Michel. Je demande la parole, pour prier l'Assemblée de mettre à l'ordre du jour l'affaire d'un malheureux soldat, chassé injustement de son corps, qui attend de votre justice une décision sur son sort.

Plusieurs membres : Nous ne pouvons pas délibérer, nous ne sommes pas 200! nominal!

L'appel

M. Lacombe-Saint-Michel. C'est indécent, qu'à 11 heures un quart, il y ait si peu de membres présents. Je propose de fermer les portes et de procéder à l'appel nominal pour parvenir à connaître les négligents. (Vifs applaudissements dans l'Assemblée et dans les tribunes.)

Après avoir rappelé la force des sentiments de la nature auxquels il n'a pu résister, le pétition-da

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naire continue ainsi : « Un jour je rencontrai un de ces examinateurs sacrés. Malheureux, me dit-il, qu'avez-vous fait? --Un enfant, Monsieur, et j'ai épousé cette femme, qui est protestante; et sa religion ne fait rien sur la mienne.-Mon cher enfant, me dit-il, fuyez la vue des supplices qui vous menacent.--Monsieur le grand-vicaire, lui répondis-je, approchez à la vue des lois régénératrices de cet Empire; je n'encourrais pas vos reproches, si à cette femme respectable et vertueuse j'avais substitue une sainte prosélyte ou une sage gouvernante. Alors M. le grand-vicaire m'a

M. Dorizy. Je suis affligé autant que tout autre de ce que nos collègues ne se rendent pas avec exactitude à leur poste, mais je m'oppose à l'appel nominal, parce que se serait trop long. Je demande seulement que tous les membres présents aillent s'inscrire au bureau. (Oui! oui! Applaudissements dans les tribunes.)

Tous les membres présents vont s'inscrire au bureau. Pendant l'inscription, quelques membres sont arrivés et sont allés offrir leur nom. Ils ont été repoussés.

M. Delacroix. Nous sommes actuellement 200;

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M. Delacroix. Je demande qu'on fasse la lecture de la liste des membres présents.

Plusieurs membres : La question préalable! (L'Assemblée adopte la proposition de M. Delacroix, après avoir rejeté la question préalable.) Un de MM. les secrétaires donne lecture de la liste des membres présents.

Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

M. Mathieu Dumas, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du dimanche 22 janvier.

M. Lecointe-Puyraveau. On a mis dans le procès-verbal, qu'un prêtre, sa femme et ses enfants s'étaient présentés à la barre; je demande qu'on y substitue ces mots : « On admet un père de famille, sa femme et ses enfants.

M. Mathieu Dumas, secrétaire. Si, dans le procès-verbal, vous parlez de la nature de la pétition, alors il faut parler de la qualité du pétitionnaire; mais si vous n'en parlez point; j'admets le changement.

Plusieurs membres : L'ordre du jour!

(L'Assemblée décrète qu'elle ne passera pas à l'ordre du jour.)

M. Broussonnet. Si M. le secrétaire avait mis dans le procès-verbal, un prêtre catholique, l'observation de M. Lecointe serait très exacte; mais M. le secrétaire ayant mis un prêtre, sans dire de quelle religion, la rédaction est exacte. Je demande que l'on passe à l'ordre du jour.

Plusieurs membres : La question préalable sur la motion!

M. Gossuin. Je demande qu'on ne mette ni prêtre, ni citoyen, mais le sieur tel...

M. Delacroix. Je demande que la première rédaction soit conservée, parce qu'elle est très exacte, et je vais vous en dire la raison. Auparavant d'être admis à la barre, ce prêtre a écrit à M. le Président pour lui demander d'être admis avec sa femme et ses enfants; il a pris la qualité d'aumônier de la garde nationale, et on n'est pas aumônier quand on n'est pas prêtre. Je vous demande comment il serait possible que vous eussiez admis ce prêtre avec une femme et trois enfants, si vous n'eussiez pas regardé que c'était sa femme et ses enfants? (Murmures.) Vous les avez admis comme cela, et dans votre procèsverbal, vous devez en faire mention pour rendre hommage à la vérité. On veut dire un citoyen se disant prêtre, se disant est injurieux, parce que c'est contester au citoyen qui se présente la qualité qu'il porte. Je ne vois pas pourquoi 'Assemblée nationale hésiterait à faire mention d'un prêtre, sa femme et ses enfants, dans son procès-verbal, puisqu'elle les a admis sous cette qualité-là. Je demande que la première rédaction subsiste et qu'on passe à l'ordre du jour.

M. Claye. Je m'oppose à la proposition de M. Delacroix. Des législateurs ne peuvent pas

marquer un si grand mépris pour la religion catholique.

(L'Assemblée ferme la discussion, décrète qu'il y a lieu à délibérer sur la motion de M. LecointePuyraveau et l'adopte.)

Un membre observe que la loi qui défend l'exportation du numéraire ne contient aucune disposition pénale et demande que la proposition qu'il fait d'y en ajouter une soit renvoyée au comité de législation.

(L'Assemblée décrète cette motion.)

Un membre: Je demande la parole pour faire part à l'Assemblée des détails relatifs aux troubles de la ville d'Arles: ils sont contenus dans une Adresse des amis de la Constitution, séante à Nimes; la voici :

Messieurs, les citoyens soussignés, membres de la société des Amis de la Constitution, viennent remplir un de leurs devoirs les plus sacrés, en fixant un moment votre attention sur la ville d'Arles; leur position, leur patriotisme éprouvé, leur constante vigilance, leur circonspection dans la dénonciation des ennemis publics, tout doit vous inspirer de la confiance pour leur rapport.

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La ville d'Arles, si longtemps célèbre par son amour pour la Constitution, abandonnée un instant par son premier maire constitutionnel, par ce citoyen respectable, dont l'ascendant avait triomphe de l'aristocratie et du fanatisme, changea tout à coup de principes. Les plaintes des bons citoyens, les démarches des électeurs des Bouches-du-Rhône, en avertirent l'Assemblée nationale constituante; mais près de se séparer et principalement alarmée de l'infraction faite à la loi par un corps électoral, elle ne s'occupa qu'à la réprimer, et renvoya au pouvoir exécutif tout ce qui concernait une cité rebelle.

«Des commissaires furent nommés par le roi. Peut-être pour remplir avec succès les fonctions qui leur étaient confiées, eùt-il fallu des hommes qui, à un patriotisme sûr, joignissent des connaissances locales. On eût sans doute trouvé dans les départements voisins les citoyens les plus capables de ramener les esprits nouvellement égarés. Ceux qui ont été chargés de ce soin ne nous ont en quelque sorte appris leur mission que par leur départ.

«Quel n'a pas été notre étonnement d'apprendre d'eux-mêmes que la ville qu'ils abandonnent, que la ville dont ils ont éloigné le brave régiment du Maine, sur quelques clameurs séditieuses, et qu'ils laissent à la garde de quelques dragons seulement, est calme, amie de l'ordre et des lois, et dévouée à la Constitution. Comment ont-ils osé nous donner de telles assurances, à nous qui savons que toutes les administrations y sont livrées aux ennemis les plus éclairés du bien public? Comment ces commissaires n'ontils pas rougi de vanter les dispositions pacifiques, la soumission et le civisme d'une ville qui s'est permis de retenir quatorze cents fusils qui traversaient ses murs pour une meilleure destination; d'une ville où un grand nombre de canons, tant de campagne que de remparts, consacrés à la défense d'Antibes et de Monaco, ont été saisis pour un autre usage; d'une ville où se font journellement, à son de trompe, avec des cris insultants pour la nation, des enrôlements pour une garde soldée; d'une ville enfin dont les émissaires viennent, jusqu'au milieu de nous, recruter en secret pour la même troupe, chercher à séduire nos volontaires nationaux, dont

la fidélité est inébranlable, et gagner surtout ces brigands qui, le 13 juin 1790, tentèrent vainement la contre-révolution? Comment enfin ces commissaires ont-ils pu se flatter de nous persuader, quand nous étions informés, que le trop fameux François Froment, cet audacieux chef des bandits, longtemps réfugié à Turin, auprès des princes fugitifs, avait paru, dans Arles, y avait obtenu de l'emploi dans la garde nationale, et se disposait à mériter par de nouveaux attentats contre son pays l'exécrable faveur des chefs des émigrés.

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Considérez, Messieurs, les suites funestes que ces perfides intentions peuvent avoir. Arles est la barrière du Rhône. Cette ville peut, à son gré, intercepter la navigation de ce fleuve et livrer l'entrée de notre territoire aux ennemis. Elle peut, par ses intelligences avec AiguesMortes, cette ville si douteuse et si mal gardée, faciliter une double invasion, elle est en quelque sorte une place frontière. Souffrirez-vous, Messieurs, qu'un poste aussi important reste à la merci des ennemis de la patrie? Nous devons vous le dire, il est pressant que, déployant une utile rigueur, vous fassiez restituer à cette ville les canons qui ont été arrêtés, et que vous ordonniez que des troupes de ligne d'un patriotisme éprouvé viennent garder leur ville et contenir les malveillants qui nous environnent.

« Ces observations et ce fait nous font sentir vivement combien il serait nécessaire de rendre une loi générale par laquelle il ne serait permis à aucun particulier de posséder des canons en propriété, à moins que ce ne fût pour armer des vaisseaux marchands. Cette loi, Messieurs, nous vous prions de vous en occuper et nous l'attendons de votre sagesse.»

(Suivent les signatures.)

J'annonce encore à l'Assemblée qu'une lettre particulière me dénonce plusieurs autres faits très graves et que les ministres de la guerre et de l'intérieur sont instruits de ces faits. Je prie l'Assemblée de leur ordonner de lui en donner connaissance, et de renvoyer les pièces au comité de surveillance.

(L'Assemblée ordonne le renvoi des pièces au comité de surveillance, le charge d'en faire le rapport sous trois jours et décrète que les ministres de l'intérieur et de la guerre rendront compte à l'Assemblée des pièces qui leur ont été adressées par les administrations sur l'état de la ville d'Arles, des départements du Gard et des Bouches-du-Rhône.)

M. de Narbonne, ministre de la guerre, obtient la parole et dit :

Je viens soumettre à l'Assemblée nationale quelques objets sur lesquels elle jugera sùrement qu'il est instant de prendre la détermination la plus prompte. La formation de 3 armées sur nos frontières exige le concours des corps administratifs, tant pour augmenter nos moyens d'approvisionnement en foins et en paille, que pour le remplacement des voitures fournies autrefois par corvées pour les différents services militaires.

Les corps administratifs peuvent seuls connaître toutes les ressources de leurs départements et les moyens dont chacun peut contribuer à la défense de la chose publique. Il serait à désirer que les commissaires-ordonnateurs, après avoir constaté les approvisionnements existant tant en paille qu'en fourrages pussent

s'adresser aux corps administratifs pour obtenir tous les objets dont ils auraient besoin, et que ceux-ci fussent autorisés à en faire la répartition par districts et municipalités en raison de leurs moyens. Les prix à payer par l'administration de la guerre seraient fixés par les départements mêmes, et payés comptant au moment de la livraison.

Cette mesure est absolument indispensable dans les circonstances actuelles, parce que le défaut de confiance ayant arrêté la vente des denrées, il devient impossible que l'augmentation dans l'approvisionnement qu'entraîne la nourriture de 45,000 chevaux et le couchage de 150,000 hommes, pùt s'effectuer, si les corps administratifs ne sont pas autorisés à ranimer dans les administrés le zèle de la chose publique, et, même en cas de refus, employer des moyens pour les y contraindre.

A l'égard des voitures nécessaires aux différents services, on sent que la levée ordonnée de 25,000 chevaux ne se peut faire que successivement, et étant même insuffisants pour les besoins de l'armée, il est indispensable d'y subvenir par toutes les voitures des pays dont le loyer serait également déterminé par les directoires de département et payé chaque jour comptant. La subsistance serait fournie, par l'administration de la guerre, aux hommes et aux chevaux.

Pour remplir ces dispositions, sans lesquelles il est impossible de songer à la guerre, je crois devoir proposer:

1° Que les corps administratifs des départements frontières nomment sur-le-champ des commissaires, pour constater sans délai, dans toute l'étendue de leur département, les quantités de fourrages et pailles, ainsi que le nombre des chevaux et voitures existant chez chaque particulier ;

2o Qu'ils soient autorisés, sur la réquisition motivée des commissaires ordonnateurs, à donner les ordres nécessaires pour la quantité de chacun de ces divers objets à fournir par district, par municipalité et par habitant, en déterminant l'époque ;

3° Qu'ils déterminent les prix à payer par l'administration de la guerre pour les fournitures de fourrages et de pailles, ainsi que pour le loyer des voitures fournies à la réquisition des ordonnateurs, et que ces prix soient payés pour les fourrages et fa paille dans... et chaque jour le loyer des voitures;

4° Qu'indépendamment du prix des voitures qui pourrait être fixé généralement à 12 livres par jour par voiture attelée de quatre chevaux, le fourrage sera fourni par l'administration de la guerre aux chevaux, et le pain aux charretiers sans aucune retenue, et sur le même pied qu'aux troupes;

5° Que les corps administratifs soient invités à concilier dans la fixation des prix les intérêts des particuliers, avec celui du Trésor public;

6 Que les départements de l'intérieur soient invités à fournir à l'armée un contingent quelconque en voitures, dont les propriétaires recevraient le loyer fixé;

7° Qu'il soit fait une estimation contradictoire, tant des chevaux que des voitures, au moment de leur livraison. Pour fixer une somme quelconque du prix de ces voitures, il serait tenu compte aux propriétaires, dans le cas de perte et des chevaux et des voitures par force ma

jeure, constatée par des procès-verbaux authentiques.

On objectera peut-être contre ces dispositions que c'est attaquer le droit de propriété; mais que les défenseurs de la Déclaration des droits répondent à cette objection: Le dernier article de la Déclaration des droits établit que la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul n'en peut être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. Or, il s'agit ici de la liberté, de la sûreté publique, et tous les citoyens doivent concourir à soutenir les heureuses dispositions des représentants du peuple.

On n'a rien proposé pour les fournitures des grains et des viandes, elles paraissent assurées de manière à ne laisser aucune inquiétude; il y aurait plus d'inconvénients à employer des moyens de rigueur pour ces sortes de fournitures, qui tiennent essentiellement à la subsistance des citoyens, au lieu que les autres ne sont pas dans le même cas; au surplus, je dois observer qu'il n'y a pas un moment à perdre pour se déterminer sur cet objet.

(L'Assemblée renvoie les diverses propositions du ministre de la guerre aux comités militaire et d'agriculture réunis, pour en faire le rapport demain au soir.)

M. de Narbonne, ministre de la guerre. Messieurs, il doit être fait à l'Assemblée nationale un rapport sur la résiliation du marché des transports militaires passé en 1789 par le conseil de la guerre et la compagnie Baudouin. Mon prédécesseur, en demandant que la résiliation fùt prolongée au premier juillet, époque de l'expiration du premier terme, avait jugé que cette prorogation serait moins onéreuse qu'une résiliation qui entraînerait une indemnité; il avait offert de donner à cet égard à l'Assemblée tous les renseignements qui lui étaient nécessaires pour éclairer son opinion, je les lui offre; mais je crois devoir observer qu'il y aurait des dangers, dans les circonstances actuelles, à résilier, sans moyen de remplacement, un marché dé cette importance.

Je prie l'Assemblée nationale de considérer que nos munitions et nos approvisionnements en tout genre sont entre les mains de la compagnie chargée de leur transport sur les frontières; résilier son marché dans ce moment-ci, ce serait arrêter, sur-le-champ, tous nos préparatifs de guerre et me mettre dans l'impossibilité de remplir les vues de l'Assemblée nationale et du roi; car le service des transports embrassant dans ses relations toutes les parties du royaume, il faut nécessairement que ceux qui en seront chargés par la suite aient le temps de monter leur administration dans tous les points. Je prie l'Assemblée nationale de vouloir bien peser l'observation importante que je lui soumets et de juger s'il n'est pas plus utile de conserver le marché actuel, quand même il serait onéreux, que de s'exposer aux inconvénients qu'entraînerait sa résiliation; d'ici là on aura le temps de s'occuper de la discussion du mode nouveau des transports, et je ne vois aucun inconvénient à mettre alors ce marché en adjudication au rabais, en n'y admettant cependant que des gens qui, par leurs moyens, pourront soutenir cette entreprise.

Un membre observe que la première lecture d'un projet de décret sur les transports mili

taires a déjà été faite et demande que la discussion en soit ajournée à la séance de mardi soir.

(L'Assemblée décrète cette motion.)

M. de Narbonne, ministre de la guerre. L'Assemblée nationale recevra sans doute avec satisfaction les demandes d'anciens officiers qui ont bien mérité de la patrie. J'adresserai à l'Assemblée nationale successivement, et, le plus tôt possible la demande des retraites dont les officiers de l'état-major sont susceptibles; mais quelque célérité que j'y mette, la formalité est indispensable à remplir avant qu'ils reçoivent leur brevet. Ils sont privés de leurs appointements depuis 6 mois; ils sont presque tous âgés, beaucoup d'entre eux sont peu favorisés de la fortune: il en est même quelques-uns qui, touchant à la fin de leur carrière, dénués de toute ressource, sont dans l'impossibilité d'attendre plus longtemps la jouissance des récompenses dues à leurs anciens services. N'ayant espoir que dans l'humanité de l'Assemblée nationale, il est de mon devoir de la solliciter pour eux. Je me persuade qu'il n'y a pas d'inconvénients à ce que je sois autorisé faire payer à chacun d'eux, à titre d'avance, une portion de ce qui leur reviendrait, si leurs pensions étaient réglées, pour les 5 mois échus au 1er janvier. Si ce payement était du quart de la somme proposée pour leur recette, cela me mettrait en état de subvenir aux besoins des plus pressants.

La dépense du traitement des officiers, sans compter les gouverneurs, a été fixée, suivant l'ordonnance de 1776, à près de 1,500,000 livres : la plupart d'entre eux ont droit de conserver en pension la totalité de leurs traitements. Ainsi l'Assemblée pourrait accorder une somme de 400,000 livres pour cet objet, pour assurer l'existence de 600 officiers qui doivent exciter le plus grand intérêt.

Plusieurs membres demandent le renvoi du mémoire relatif à ces vieux militaires au comité de liquidation.

Un membre: Messieurs, l'armée de ligne, par un décret de l'Assemblée nationale constituante, a éprouvé une nouvelle formation, et depuis cette époque, beaucoup d'officiers, surtout de ceux qu'on appelle des officiers de fortune, sont sans pain dans leur province. Le numéraire a été remis au ministre de la guerre; on a fixé leurs pensions suivant leurs années de service et conformément aux règlements. Ils n'ont rien touché depuis le mois de mai dernier, époque à laquelle ils devaient recevoir cette pension.

On a fixé le sort des commis, des employés de toute espèce, et l'on a oublié les anciens défenseurs de la patrie. Je demande que le comité de liquidation fasse incessamment ce rapport-là, ainsi que celui demandé par M. le ministre de la guerre.

Plusieurs membres Appuyé! appuyé!

:

(L'Assemblée adopte cette proposition et décrète, en conséquence, que le comité de liquidation lui en fera le rapport jeudi prochain.)

M. de Narbonne, ministre de la guerre (1). Je supplie l'Assemblée nationale de mettre à l'ordre du jour la continuation de la discussion

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Lo 34 in-8°, n° 42.

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