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principe aux différentes armes de l'armée française.

On a demandé la division de la proposition ainsi amendée.

« La division, mise aux voix, a été adoptée. « Alors, M. le Président a mis aux voix la proposition en ce qu'elle concerne l'infanterie de ligne.

«L'Assemblée a décrété que jamais, et sous aucun prétexte, l'infanterie de ligne ne pourrait se recruter dans les bataillons de volontaires nationaux en activité de service.

« La même proposition, quant au recrutement des troupes à cheval, a été ensuite mise aux voix, et il a été également décrété que jamais, et sous aucun prétexte, les troupes à cheval ne pourraient se recruter dans les bataillons de vofontaires nationaux en activité de service.

<< Enfin, cette même proposition, en ce qu'elle regarde le complément ou le recrutement de l'artillerie, mise aux voix, M. le Président a prononcé que le complément ou recrutement de l'artillerie pourrait se faire dans les bataillons des volontaires nationaux en activité de service. « On a réclamé contre le prononcé de M. le Président.

«Il a déclaré à l'Assemblée que l'opinion de MM. les secrétaires avait été unanimement pour le décret affirmatif.

« On a demandé une seconde épreuve; on a aussi demandé que M. le Président mit aux voix s'il y avait doute sur le décret qu'il venait de prononcer.

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L'Assemblée, consultée, a décrété qu'il n'y avait pas de doute.

« On a de nouveau réclamé. Quelques voix ont demandé l'appel nominal.

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«M. le Président a observé qu'après l'épreuve sur un doute allégué et rejeté par l'Assemblée

il était de son devoir de maintenir le décret.

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Alors, un membre a demandé la parole contre M. le Président : elle lui a été accordée. «Il s'est plaint

«1° De ce que la seconde épreuve avait été mise aux voix dans un moment où tous les membres n'avaient pu entendre M. le Président; « 2° De ce qu'environ 30 membres, du nombre desquels il était, demandant l'appel nominal, il avait été refusé.

« Sur cette réclamation, on a demandé à passer à l'ordre du jour.

« M. le Président a mis l'ordre du jour aux voix; il a été décrété.

"La séance a été levée à dix heures et demie. » Plusieurs membres Monsieur le Président, mettez aux voix si le procès-verbal est exact.

M. le Président. La discussion a été fermée. Il vient d'être fait une seconde lecture de la fin du procès-verbal; je vais mettre aux voix la question de savoir s'il est exact.

(Une première épreuve est douteuse.)

M. le Président. Je vais renouveler l'épreuve. M. Merlin. Je demande que l'on empêche de prendre part à la délibération ceux qui n'étaient pas hier soir à la séance.

M. le Président. J'invite tous les membres de l'Assemblée à prendre part à la délibération. (L'Assemblée, consultée à nouveau, décide à une très petite majorité que le procès-verbal est exact.)

Quelques membres réclament contre cette décision.

M. Dorizy, secrétaire. Je crois, Messieurs, avoir conservé avec exactitude les faits qui se sont passés hier...

M. Grangeneuve. Eh bien! c'est bon; on demande le rapport du décret.

Plusieurs membres: Le rapport du décret.
(L'Assemblée est dans une vive agitation.)

M. Delmas. Il est d'une grande importance de rapporter le décret qui permet à l'artillerie de se recruter dans les bataillons de volontaires nationaux en activité. Ceux qui ont voté cette mesure n'ont pas senti les conséquences qui résulteraient de la désorganisation des bataillons de volontaires. Soit qu'elle ait pour objet de recruter l'artillerie ou de la compléter par des détachements, elle a des inconvénients. Il serait bien étonnant que l'Assemblée nationale n'ait pas voulu permettre à son infanterie de ligne, aux troupes à cheval, de se recruter dans les bataillons de volontaires, et qu'elle le permit à l'artillerie. L'intérêt est le même. Je dis plus : je dis que l'Assemblée n'a pas pu prononcer ce dé

cret.

:

Plusieurs membres Aux voix le rapport du décret!

M. Delmas. J'ai l'honneur d'observer qu'avant de prononcer ce décret il aurait fallu abroger la disposition de l article 14 du décret du 24 septembre 1791, qui s'explique en ces termes :

« Les gardes nationales marchant en corps ne seront point individuellement incorporées dans les troupes de ligne; mais elles marcheront toujours avec leurs drapeaux, ayant à leur tête les officiers de leur choix, sous le commandement de leurs supérieurs.

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Je crois que l'Assemblée a eu tort de rendre le décret d'hier sans abolir cet article très sage, très politique. En conséquence, je renouvelle la motion qui a été faite et je demande que le décret d'hier soir soit rapporté. (Applaudissements.)

Voix diverses: La discussion est fermée! Aux voix! aux voix!

M. Duvant. J'observe qu'il est une heure et que l'Assemblée n'a encore rien fait.

M. Chéron-La-Bruyère. Il est temps enfin de mettre la justice et la raison à la place de la passion.

M. Delacroix. Ne commencez pas.

M. Chéron-La-Bruyère. Je commence par dire à l'Assemblée que j'ai été de l'avis du premier décret par lequel il a été arrêté que l'infanterie de ligne ne pourrait être recrutée parmi les bataillons de gardes nationales en activité de service.

Un membre On ne vous demande pas cela. M. Chéron-La-Bruyère. Mais, Messieurs, je soutiens également que le décret contraire rendu pour l'artillerie a été porté utilement, fructueusement pour la chose publique; très certainement, il faut des hommes très instruits pour faire lé service de l'artillerie... (Murmures.)

M. Vergniaud. Monsieur le Président, je demande que vous rappeliez à l'ordre ceux qui troublent sans cesse l'Assemblée.

M. Chéron-La-Bruyère... et je prétends que le courage, le patriotisme, ne suffisent pas pour cette arme. Ce serait démériter de la chose publique que de dire: Vous avez là 100,000 hommes déjà exercés et disciplinés, et vous ne pourrez pas prendre dans ces 100,000 hommes les 1,000

ou 2,000 hommes dont vous avez besoin pour compléter l'artillerie, parce que ce sont des gardes nationaux. (Murmures.) Ce sont ces motifs qui m'ont déterminé, ainsi que tous les membres de cette Assemblée qui ont des connaissances dans l'artillerie, à voter pour que l'artillerie puisse se recruter dans la garde nationale. Je persiste donc à dire que votre décret a été rendu utilement, fructueusement pour la chose publique, et que vous ne pouvez pas, sans démériter de la chose publique, le rapporter.

M. Charlier. Je ne conçois pas comment perpétuellement on veut diviser l'armée française, comment on peut considérer des troupes de ligne isolées et des gardes nationales volontaires isolées. Je répète encore une fois que je ne connais qu'une armée française; que les gardes nationales, que les soldats de troupes de ligne ont réciproquement fait leurs preuves. Voilà mon armée française.

Je dis maintenant, Messieurs, que vous devez rapporter le décret et voici pourquoi c'est que vous ne devez avoir qu'un principe d'unité; c'est que vous avez décreté que l'infanterie et la cavalerie ne pourraient pas se recruter dans les bataillons de volontaires et que vous établissez une distinction particulière pour les canonniers, pour l'artillerie. C'est établir dans l'armée une distinction qui peut devenir funeste, et c'est pourquoi je persiste à soutenir que le décret doit être rapporté.

M. Delacroix. Tous ceux qui, jusqu'à présent, ont demandé le rapport du décret n'en ont point exposé les véritables motifs.

Ce décret doit être rapporté parce qu'hier la question a été mal posée par le Président; il doit être rapporté parce que le Président a fait délibérer l'Assemblée sur une proposition qui n'avait point été faite; il doit être rapporté parce que le Président a cumulé le recrutement avec le complétement et que l'Assemblée ne délibérait que sur le recrutement.

Maintenant, Messieurs, il est facile de répondre à M. Chéron et de prouver qu'il n'est pas possible de conserver le décret tel qu'il est, parce que c'est mal à propos que M. Chéron, bon administrateur, mais mauvais militaire... (Murmures.)

Plusieurs membres Pas de personnalité! A l'ordre à l'ordre!

M. Delacroix. Monsieur le Président, faites finir ce bourdonnement que j'entends à ma droite!

Je dis que c'est mal à propos que M. Chéron a mis en avant que l'artillerie ne pouvait être recrutée que dans les bataillons de volontaires nationaux.

M. Chéron-La-Bruyère. Je n'ai pas dit cela, et je demande à répondre. Je pardonne à M. Delacroix ses grossièretés et ses injures ordinaires; mais je ne lui pardonne pas des faussetés.

M. Delacroix. Et moi, je vous pardonne tout, jusqu'à vos opinions. (Rires dans l'Assemblée. Applaudissements dans les tribunes.) Je dis que M. Chéron, en motivant son opinion sur l'indispensable nécessité de trouver pour l'artillerie des personnes plus instruites qu'il ne les faut pour les autres armes, en a conclu mal à propos qu'il fallait faire les recrues dans les bataillons de volontaires en activité de service.

Plusieurs membres: Il n'a pas dit cela!

M. Delacroix. Vous verrez demain dans Le

Logographe. Je demande à M. Chéron où l'artillerie se recrutait avant qu'il y eût des bataillons de gardes nationales. L'artillerie était comme toutes les autres armes et se recrutait comme l'infanterie et la cavalerie. Je ne conçois pas comment on a pu proposer de recruter ou de permettre à l'artillerie de recruter dans les gardes nationales et d'accorder ainsi à cette arme un privilège qu'on a refusé aux deux autres. C'est introduire dans la même armée une différence de droits et d'avantages; c'est d'ailleurs dépeupler les bataillons de gardes nationales, tandis que vous avez décrété, il n'y a que quelques jours, que les volontaires seront tenus de rester dans leurs bataillons pendant toute la durée de la campagne, mais que ceux qui voudront se retirer après la campagne le pourront. Que deviendrait alors votre décret?

Mais, Messieurs, pourquoi insister autant sur ce recrutement? Il me semble qu'on était convenu hier de compléter l'artillerie d'une autre manière. Tous ceux qui ont parlé à cette tribune sont demeurés d'accord pour former des compagnies de volontaires pris parmi les surnuméraires, compagnies qui seraient adjointes à l'artillerie et qui feraient le service pendant la guerre, mais toujours en qualité de volontaires. Jamais personne n'a été dans l'intention qu'on décrétât que le recrutement de l'artillerie se ferait dans les bataillons de gardes nationales en activité. Je demande donc le rapport du décret par ces différents motifs. (Applaudissements.)

Plusieurs membres: Fermez la discussion!

(L'Assemblée ferme la discussion; puis décide que le décret sur le recrutement de l'artillerie sera rapporté.)

Un membre: Je demande la parole pour une motion d'ordre; je propose de rétablir la délibération dans l'état où elle était hier lorsque le décret a été rendu.

Un membre: Je demande la question préalable sur la proposition de recruter l'artillerie dans les bataillons de volontaires.

M. Lasource. Je demande que l'on mette maintenant aux voix la question en ces termes : << Recrutera-t-on, oui ou non, l'artillerie dans les bataillons des volontaires en activité de service? »

M. Delacroix. Je demande qu'on dise : « Pourra-t-on recruter, oui ou non, l'artillerie dans les bataillons des volontaires en activité de service? »

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M. Roux-Fasillac. Je demande que la question soit posée comme elle l'a été pour les deux premiers articles et que l'on dise Pourra-ton recruter l'artillerie dans les bataillons de volontaires nationaux, actuellement en activité? » (Oui! oui!)

(L'Assemblée accorde la priorité à la manière de poser la question proposée par M. Roux-Fasillac; puis décrète que l'artillerie ne sera pas recrutée dans les bataillons de gardes nationaux volontaires, actuellement en activité. (Applaudissements dans les tribunes.)

M. le Président. J'invite l'Assemblée à se retirer séance tenante dans les bureaux pour procéder à l'élection d'un nouveau Président.

(L'Assemblée se retire dans les bureaux et rentre en séance une demi-heure après.)

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« Le département du Gard a fait des avances pour une somme de 80,000 livres, et demande le remboursement de cette somme. Il m'a fait remettre différents états concernant ces avances. Elles me paraissent être une dette nationale et sont relatives aux dépenses que lui ont occasionnées les mouvements du camp de Jalès. Je présume que l'Assemblée ne verra pas de difficultés à ce que le remboursement en soit fait sur le Trésor public. Pour faciliter la décision qu'elle jugera à propos de donner sur cet objet, j'ai l'honneur de vous envoyer les différents états.

« Je suis avec respect, etc.

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« Les prisonniers de Caen sollicitent de votre justice l'accélération de leur jugement. Leur détention prolongée plus longtemps met en danger la vie de quelques-uns d'entre eux. Plusieurs sont des vieillards, des infirmes, et la santé de beaucoup d'autres n'a pu résister à la suite des blessures qu'ils ont reçues et à l'insalubrité de leur prison. Hâtez-vous, Messieurs, de prononcer, afin que la justice que nous sollicitons n'arrive pas trop tard pour quelques-uns des prisonniers que des maladies poursuivent et que le désespoir est prêt d'atteindre.

« Je suis avec respect, etc.

(Suit la signature.)

Un membre Je demande que la fin du rapport soit fixée à demain.

Un membre: Je réclame la priorité pour la continuation de la discussion sur le mode de recrutement.

M. Vergniaud. Je demande que, demain, de midi à deux heures, l'Assemblée entende la suite du rapport sur l'affaire de Caen et qu'à deux heures elle continue la discussion sur le mode de recrutement de l'armée.

(L'Assemblée décrète la motion de M. Vergniaud.)

4° Lettre du procureur général syndic du département de Lot-et-Garonne.

Il annonce que le 13 de ce mois, à huit heures du soir, un courrier lui a apporté la nouvelle des désastres arrivés à la ville de Port-Sainte-Marie. Cette ville, située sur le penchant rapide d'un coteau, a été engloutie en partie par l'éboulement ou l'affaissement des terres détrempées par les pluies extraordinaires qui ont inondé cette province. Le 13, 10 maisons avaient été englouties; et le 14, 73 sont écroulées, lézardées ou fortement inclinées; presque toutes les autres menacent ruine. La grande rue, servant de passage à la poste, s'est affaissée au point de rendre le passage des voitures impossible. Le directoire du département s'est empressé d'y envoyer trois commissaires pour ouvrir un passage à la poste et secourir les habitants infortunés de cette ville. Il sollicite en leur faveur des secours de la justice et de l'humanité de l'Assemblée.

M. Lacuée. Je demande le renvoi de cette lettre au comité des secours publics.

(L'Assemblée renvoie la lettre du procureur général-syndic du département de Lot-et-Garonne au comité des secours publics.)

M. le Président. Voici le résultat du scrutin pour l'élection d'un président. Les membres votants étaient au nombre de 270. M. Guadet a obtenu 232 suffrages. En conséquence, je le proclame président. (Applaudissements.) Je le prie de me remplacer.

M. Guadet, Président, prend place au fauteuil.

PRÉSIDENCE DE M. GUADET.

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre des administrateurs du département du Bas-Rhin, qui demandent un déchargement d'impositions pour les citoyens qui ont essuyé des pertes soit par la grêle, l'incendie ou l'inondation; 'cette lettre est ainsi conçue :

"Strasbourg, le 12 janvier 1792.

Monsieur le Président,

« Les mesures que nous avons prises pour accélérer la rentrée des contributions ont eu tout le succès que nous avions droit d'en attendre, et c'est avec la plus grande satisfaction que nous en avons rendu compte au Corps législatif. Mais les voies de rigueur que nous avons été obligés d'employer nous ont en même temps fait sentir bien vivement combien il était instant de venir au secours de plusieurs communes qui, par des incendies, inondations, grêles et autres fléaux, ont vu détruire leurs récoltes, et se trouvent dans l'impossibilité d'acquitter les impositions et l'arriéré. Nous avons l'honneur de vous adresser

l'état des réclamations qu'elles nous ont présentées, et nous demandons avec la plus vive instance une somme proportionnée aux besoins de notre département.

« Nous sommes avec respect, etc.

(Suivent les signatures.)

(L'Assemblée ordonne le renvoi de toutes les pièces au comité des secours publics.)

M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, demande la parole et annonce une lettre des commissaires civils envoyés par le roi à Avignon, lettre qu'il a reçue le jour même.

Plusieurs membres: La lecture!

(L'Assemblée ordonne la lecture de la lettre.) M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur. La voici :

Monsieur,

« Nous avons l'honneur de vous prévenir que l'organisation du Comtat et d'Avignon est terminée; toutes les municipalités y sont en activité. Nous nous félicitons des moyens que nous avons employés pour parvenir à opérer cette organisation, dans un pays déchiré par les divisions et les haines les plus invétérées, les plus actives. Il était à craindre que le rassemblement de 100 communes à une même époque n'occasionnât de la fermentation. Aussi les avons-nous divisées en trois portions, pour faire successivement leurs opérations. Cela nous a donné le moyen de diviser nos forces en petits détachements et d'exercer partout une surveillance active. Les élections se sont faites dans le calme et la liberté. Avignon a eu le bon esprit de choisir ses magistrats parmi les personnes qui ne sont d'aucun parti. Carpentras, au contraire, les a choisis parmi les personnes qui ont exercé une espèce de despotisme sur l'ancienne municipalité, et qui tous sont prévenus d'être les auteurs des troubles et des divisions qui ne sont pas encore éteints dans cette ville.

"

Le régiment ci-devant Soissonnais était fortement soupçonné de s'être livré à un certain parti. Nous l'avons éloigné et remplacé par celui ci-devant de Bourgogne. Malheureusement l'esprit public est encore loin d'être formé dans ce pays, et toutes les communes ont besoin de surveillance; le calme parait y régner; mais ce calme n'est peut-être qu'une surface trompeuse, sous laquelle se cachent les manœuvres des prêtres réfractaires, qui sont en grand nombre å Avignon, et de tous les autres partisans et amis de l'ancien ordre de choses.

« Nous sommes également tourmentés par les factieux d'un autre parti. Depuis quelque temps la ville d'Avignon est pleine d'étrangers qui se coalisent avec les parents et les amis des prisonniers détenus au palais, pour les crimes du 16 octobre, en vue de faciliter leur évasion. Ils emploient toutes sortes de moyens pour égarer le peuple, pour le porter à la désobéissance aux fois et à la révolte contre les autorités constituées. Ces instigateurs de troubles étaient parvenus à entrainer dans leurs parti un grand nombre de soldats du régiment du Boulonnais. Déjà une grande fermentation avait éclaté, et le 25 décembre, dans la nuit, le feu avait pris au palais, dans le quartier gardé par un détachement de ce régiment, ce qui faisait craindre des suites fâcheuses; mais tout a été prévenu par le zèle et le courage de M. de Choisy. Il se transporta

aussitôt sur les lieux avec une forte division de troupes, pour prévenir les désordres et l'évasion des prisonniers. La femme du sieur Tournal, l'un des accusés, y étant accourue, à la tête d'une troupe nombreuse de femmes, pour secourir son mari, qu'elle disait être en danger, les portes furent fermées et le feu fut bientôt éteint. La dame Tournal étant venue se plaindre à nous qu'on avait refusé de laisser passer la subsistance qu'elle envoyait à son mari, nous avons donné des ordres pour qu'on laissât entrer les subsistances.

« Le mensonge et la calomnie nous ont poursuivis même jusque dans le sein de l'Assemblée nationale. Les sieurs Rovère et Duprat nous ont accusés de faire la contre-révolution dans leur pays et de sacrifier tout ce qui se montre patriote. Le sieur Duprat s'est servi de ce prétexte pour entraîner le club des Amis de la Constitution de Marseille, en y présentant un mouchoir ensanglanté qu'on a dit être celui du sieur Tournal. Deux cents individus se sont répandus dans les villes de Marseille et de Montpellier pour y égarer les citoyens. Les Marseillais égarés ont molesté, emprisonné même les négociants avignonnais. Il est résulté de ces vexations un esprit d'émigration de la part des négociants marseillais, qui ont été cependant retenus par les sollicitations des ouvriers, qui ont promis de rétablir l'ordre dans la ville. Cette résolution a forcé le sieur Duprat l'aîné à s'embarquer à la hâte sur un vaisseau faisant voile pour l'Amérique, et quelques-uns de ses compagnons ont été mis en arrestation.

«Nous vous attestons que tous les bruits qu'on s'efforce de répandre sur notre compte sont faux. Les quatre-vingt-seize prisonniers, et notamment le sieur Tournal, dont on avait annoncé l'assassinat, se portent bien. On en a grand soin et on les visite souvent pour recevoir d'eux les déclarations nécessaires à l'instruction de la procédure commencée. Enfin, nous vous attestons que toutes ces calomnies nous affligent plus qu'elles ne nous découragent, et que nous ne cesserons de marcher dans la voie du patriotisme.

M. Cambon. Je demande quels sont les signataires de cette lettre, parce qu'on a dit que M. d'Albignac s'était retiré.

M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur. Messieurs, les signataires sont MM. Le Scène-Desmaisons, Beauregard et Champion.

M. Cambon. M. d'Albignac n'est donc plus commissaire ?

M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur. M. d'Albignac a demandé sa retraite il y a environ cinq semaines. Elle lui a été accordée. Le roi a nonimé à sa place M. Beauregard.

M. Bréard. Je demande que l'on presse le rapport de l'affaire d'Avignon et qu'il soit fait sur les pièces déjà reçues.

Plusieurs membres: L'époque du rapport est fixée! (L'Assemblée renvoie au comité des pétitions, chargé du rapport sur les troubles d'Avignon, la lettre des commissaires civils.)

M. Gossuin, au nom du comité des pétitions, fait un rapport et presente un projet de décret sur des pétitions et adresses des différents corps administratifs, municipalités et citoyens (1); il s'exprime ainsi :

(1) Procès-verbaux de l'Assemblée nationale législative, tome IV, page 229.

Messieurs, c'est avec satisfaction que je vous annonce, au nom du comité des pétitions, que plus vous avancez dans la carrière législative, plus la Constitution fait de conquêtes dans l'étendue de ce vaste Empire; tous les Français se disputent l'honneur de concourir à son affermissement, et d'adhérer à vos décrets: ils se récrient de la conduite du directoire du département de Paris. Les adresses qui nous parviennent journellement, sont innombrables: chaque mot exprime un principe constitutionnel; ce serait en altérer le sens, aussi énergique que louable, que de vous en faire l'analyse; mais, Messieurs, votre devoir et votre temps vous commandent, surtout dans les grandes circonstances où nous nous trouvons, de faire des lois, et de laisser le soin à ceux qui leur jurent fidélité, de les publier même au delà des mers. Les signataires, dont je suis ici l'organe, demandent instamment de former la haie sur l'extrême frontière du royaume, pour y distinguer enfin leurs amis d'avec leurs ennemis; ils montreront à ceux-ci le livre de la loi, et aux autres leur courage et leurs bras, pour les contraindre à le respecter dans son entier... Cité, famille, fortune, rien ne les arrêtera; l'esclave de ces préjugés nous menace; ils disent qu'il est temps qu'à cette manœuvre succède une liberté durable, et que c'est en faisant la guerre qu'ils auront bientôt la paix. Les citoyens que l'âge ou le défaut de santé privent du désir de suivre leurs frères, ne se rendent pas moins utiles; ils les encouragent par des ouvrages patriotiques, dont ils font l'hommage à l'Assemblée nationale. Les conseils des départements de l'Aveyron, du Cher, du Gers, du Haut-Rhin et de la Manche, adressent à l'Assemblée nationale leur tribut de reconnaissance, de respect et de vénération.

Les administrateurs de l'Aveyron vous remer. cient d'avoir rempli leurs vœux; ils trouvent que votre message au roi vous a couverts de gloire, et vous invitent à prévenir, écarter et dissiper les orages qui se forment pour renverser ce sublime édifice établi sur l'égalité et la liberté.

Il fallait, ajoutent-ils, annoncer aux cercles du Haut et du Bas-Rhin, avec l'énergie d'une nation libre qui s'est interdit les conquêtes, que s'ils se refusent à exécuter les traités, s'ils ne dispersent ces hordes d'émigrés, nous entrerons dans leurs terres pour y apporter la liberté, et leur faire sentir la différence qu'il y a entre des bras armés pour le despotisme, et des citoyens dont l'étendard porte l'engagement de vivre libre ou mourir. >>

Le département du Cher se récrie contre ces émigrés, qui transportent ailleurs les signes représentatifs des productions de leurs terres qu'ils abandonnent, contre ces déserteurs de la patrie qui l'entraînent à dessein dans des dépenses extraordinaires; ils assurent que les troubles religieux ne sont point, par bonheur, le fléau de leur département: qu'il est tranquille, parce qu'il se confie à votre sagesse.

Dans leur ville, la jeunesse, si ardente à saisir tout ce qui lui offre une grande carrière de gloire, de travaux et de bonheur, est toute passionnée pour les nouvelles lois.

Les cultivateurs paisibles sentent de plus en plus, chaque jour, les suprêmes avantages de la liberté.

Les administrateurs de département et de district sont francs, fermes, laborieux, conciliateurs, amis des municipalités et de tous les citoyens, défenseurs de la Constitution. Ils disent que la

récompense de leur zèle sera votre suffrage et le plaisir qu'ils goûtent à le mériter; peu leur importe l'opinion de ceux qui ne connaîtront jamais le prix de la dignité éternelle de l'homme citoyen.

Enfin, les patriotes du département du Cher protestent qu'ils useront leurs armes, que la charrue craindra de sillonner la terre, que le Cher cessera de rouler ses flots, et que les administrateurs n'auront plus de sang dans les veines, avant que l'hommage qui est dû à l'Assemblée nationale soit altéré, et que les lois ne reçoivent pas leur exécution.

Le conseil général du département du Gers déclare avoir appris avec douleur, la démarche que des fonctionnaires du directoire du département de Paris, dirigés sans doute par un zèle pur, mais dangereux, ont faite auprès dn roi, à l'égard du décret contre les prêtres non conformistes. Il observe que le monarque ne serait plus libre dans sa sanction ni dans son veto, s'il devenait permis aux citoyens de circonscrire sans cesse, par des demandes dont souvent l'effet pourrait être de lui surprendre les déterminations les plus contraires à l'intérêt général. II ajoute que cette vérité devient plus sacrée encore pour ceux qui, circonscrits dans des fonctions purement administratives, doivent toujours se souvenir qu'ils ne sauraient s'immiscer dans des actes qui porteraient essentiellement atteinte à la balance des deux pouvoirs; que, dénués de tout caractère de représentation, ils ne peuvent avoir de volonté que pour faire exécuter la loi; qu'ils manqueraient à leurs devoirs s'ils osaient substituer l'examen, les sollicitations ou leur propre opinion, au silence respectueux dans lequel ils doivent attendre qu'elle prononce.

Le conseil du département du Haut-Rhin s'étonne de voir des hommes qui se vantent d'être exclusivement éclairés du flambeau de la philosophie, ne pas rougir de protéger ouvertement des factieux. Il se plaint de la démarche inconstitutionnelle du directoire du département de Paris, qui a excité la plus vive indignation dans tous les cœurs sincèrement attachés au maintien de la Constitution.

L'énergie, le zèle et le courage que vous déployez pour l'affermissement de la Constitution, disent les administrateurs du conseil du département de la Manche, nous imposent de nouvelles obligations; nous sommes dévouées à les remplir toutes, autant que nous le pourrons; un des plus durs de nos devoirs, est de maintenir la paix et la tranquillité dans un département dont la population est nombreuse; ils joignent l'exemplaire d'une adresse aux citoyens de leur territoire, pour presser la rentrée des contributions publiques, sur lesquelles ils sollicitent un degrèvement, et ils vous demandent aussi de venir au secours de leurs pauvres et de leurs concitoyens.

Les directoires de districts d'Avranches, d'Auch, de Challans, de la Châtaigneraie et de Boussac, se plaignent spécialement de la conduite des administrateurs du département de Paris, sur leur adresse au roi en faveur du veto.

Le vice-président du directoire du district d'Avranches désire que vous fassiez entendre le cri terrassant des lois de mort à nos ennemis extérieurs, et que vous commandiez, avec une nouvelle énergie, la répression du désordre du

fanatisme.

Le directoire du district d'Auch dit que le département de Paris est chargé d'exécuter les décrets, et non de les quereller. Il s'étonne de

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