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MM. Merlin, Lecointre et plusieurs autres membres. L'appel nominal!

M. Basire. Ce décret n'a pas été rendu, il a été surpris. (Bruit et murmures prolongés.)

M. Gérardin. Je demande qu'on adjoigne M. Basire au bureau pour en juger.

Plusieurs membres : Monsieur le Président, levez la séance.

M. Dorizy. Je demande que M. Basire soit rappelé à l'ordre et que son nom soit inscrit au procès-verbal.

M. le Président. J'ai prononcé le décret et il n'y a pas eu de doute sur le résultat de l'épreuve. Plusieurs membres Les bases sont arrêtées; renvoyez au comité.

:

M. le Président. On demande que, les bases étant arrêtées, la rédaction soit renvoyée au comité. Je vais consulter l'Assemblée. (Non! non!) MM. Lecointre, Lasource et autres membres réclament vivement l'appel nominal.

M. Rouyer. Monsieur le Président, je demande la parole contre vous.

(L'Assemblée est dans le plus grand désordre.) M. le Président. Je proteste à l'Assemblée que le tumulte et le désordre ne me feront pas dévier de mon devoir. Le décret est rendu et très certainement il subsistera. (Vifs applaudissements dans une partie de l'Assemblée. Murmures prolongés à gauche.)

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Vous Voix diverses à gauche: Non! non! avez mal posé la question! Elle a été mal saisie! L'appel nominal!

M. Basire. Monsieur le Président, on a demandé l'appel nominal; il est de votre devoir de le faire commencer.

Un membre: Le désordre vient, Monsieur le Président, de ce que vous n'avez pas mis aux voix la troisième proposition dans les mêmes termes que les deux premières. Vous avez dit recruter ou compléter, ce qui est bien different; car personne ne s'oppose à ce que l'artillerie puisse se compléter dans les volontaires nationaux; au lieu que la question est de savoir si elle pourra s'y recruter, et certainement, si vous n'aviez pas employé ces deux termes, il n'y aurait pas eu de doute. (Applaudissements.)

Plusieurs voix Recommencez l'épreuve, Monsieur le Président.

M. le Président. Le bureau des secrétaires n'a pas vu de doute.

(L'agitation redouble, le tumulte s'accroît. On réclame de nouveau l'appel nominal.)

M. Rouyer. Monsieur le Président, je demande la parole contre vous.

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M. Delacroix. Monsieur le Président, conservez donc la parole à M. Rouyer puisque vous la lui avez accordée.

M. Rouyer. Ma première raison est fondée sur le moyen que vous avez pris pour faire la seconde épreuve. Vous avez changé les mots et mis aux voix, dans le tumulte, s'il y avait doute, sans qu'aucun des membres de ce côté (Montrant la gauche.) ait pu vous entendre (Applaudissements dans les tribunes.); tandis que sur le premier doute qui s'est élevé sur la cavalerie, vous avez fait purement et simplement une seconde épreuve.

Plusieurs membres : C'est faux !

M. Rouyer. Vous n'avez donc pas consulté l'Assemblée de la même manière que vous l'aviez fait pour l'infanterie et la cavalerie.

En second lieu, au moment même où vous alliez mettre aux voix pour savoir s'il y avait du doute, 30 membres, parmi lesquels je me fais gloire de compter (Applaudissements.), ont réclamé l'appel nominal. Aux termes du règlement, vous ne pouviez pas le refuser, puisque 4 membres seulement peuvent demander l'appel nominal. (Applaudissements à gauche.)

Plusieurs membres : L'ordre du jour !

M. le Président. Je dois d'abord observer à l'Assemblée que lorsque la question sur l'artillerie a été mise aux voix, si je me suis servi de ce mot compléter, j'y ai ajouté celui de recruter. (Murmures à gauche.)

M. Rouyer. Mais on peut compléter et non pas recruter.

Plusieurs membres : L'ordre du jour ! M. Gaston. Monsieur le Président, ou l'appel nominal ou l'ordre du jour !

M. le Président. L'appel nominal n'a été réclamé qu'après qu'il a été décrété qu'il n'y avait pas de doute. Or, aux termes du règlement, on ne peut pas demander l'appel nominal lorsque l'Assemblée a déclaré qu'il n'y avait pas de doute. (Murmures à gauche.) Je mets aux voix la motion de passer à l'ordre du jour.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.) - (Violentes réclamations à gauche.)

Voix diverses: L'appel nominal! Levez la

séance !

--

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ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du dimanche 22 janvier 1792.

PRÉSIDENCE DE M. DAVERHOULT, PUIS DE M. GUADET, nommé président.

PRÉSIDENCE DE M. DAVERHOULT.

La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Dorizy, secrétaire, donne lecture du procèsverbal de la séance du samedi 21 janvier, au matin.

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Baudouin, imprimeur, qui fait hommage à l'Assemblée du premier volume en vélin de la collection des procès-verbaux de l'Assemblée nationale constituante; cette lettre est ainsi conçue :

Monsieur le Président,

« J'offre à l'Assemblée nationale, avec l'hommage de mon respectueux dévouement, les prémices de mes travaux.

« Le volume que je dépose sur le bureau contient le procès-verbal de ce qu'on appelait jadis le clergé, et sert d'introduction au procès-verbal de l'Assemblée nationale, déjà remis aux archives de l'Assemblée.

« Si je consacre dans un monument national les productions d'ordres anéantis, et qui n'existent plus que dans notre souvenir, ma pensée a été de faire servir ces enfants de l'orgueil au triomphe de la raison et de la philosophie.

Semblables aux dépouilles de ces barbares vaincus par le peuple romain, et qui précédaient le char triomphal de leurs généraux victorieux, ces dernières productions de l'aristocratie expirante servent de trophées à la victoire signalée du peuple français sur les plus absurdes préjugés.

"

Tel sera l'effet de cette lecture, qu'elle inspirera à nos neveux l'amour de la liberté et de l'égalité, et la reconnaissance la mieux sentie pour leurs auteurs et leurs conservateurs.

«Tels sont les sentiments d'un homme honoré, depuis 1789, de la confiance publique. En vain, par des suggestions perfides, des calomnies adroitement semées par ceux qui croient y trouver leur intérêt, on voudrait persuader que nos sentiments ne sont plus les mêmes. Pour quiconque veut demeurer honnête homme et libre, rien ne saurait faire oublier le serment du Jeu de Paume, et celui que naguère nous prêtâmes tous dans cette enceinte sacrée. Quand, à plus d'un titre, on a partagé les travaux et les dangers des fondateurs de la liberté, quels intérêts privés pourraient compenser d'aussi chers et d'aussi honorables souvenirs?

«Signé BAUDOUIN, imprimeur de l'Assemblée nationale.

«Le 21 janvier 1792, l'an quatrième de la liberté. »

Plusieurs membres : Mention honorable et insertion au procès-verbal!

(L'Assemblée décrète l'insertion au procèsverbal de la lettre de M. Baudouin, le renvoi aux archives du volume présenté et la mention honorable de l'hommage.)

M. Dorizy, secrétaire, donne lecture du procèsverbal de la séance du samedi 21 janvier, au soir.

M. Rouyer. Je demande la parole sur la rédaction du procès-verbal. Les faits qui y sont rapportés ne m'ont point paru exacts. Il semblerait d'après cette rédaction que l'Assemblée aurait décrété que l'artillerie pourrait se recruter dans les bataillons des volontaires nationaux en activité de service; or je soutiens que ce décret n'a pas été rendu à la majorité des voix.

En effet, une erreur bien grossière du Président fut cause de quelques débats dans l'Assemblée qui n'auraient pas eu lieu, si M. le Président eût posé la troisième question comme il avait posé la première et la seconde; mais il l'a posée directement et de cette manière : L'artillerie pourra-t-elle se compléter ou se recruter dans les bataillons des volontaires nationaux en activité de service?

Cette alternative peut avoir déterminé plusieurs membres de cette Assemblée à voter pour ce prétendu décret, quoique, dans le vrai, le décret n'ait pas été rendu à la majorité, et que plusieurs membres de l'Assemblée le pensent ainsi que moi, car un grand nombre de membres de l'Assemblée n'ont pas pris de part à la délibération, faute d'avoir entendu le Président.

Voix diverses: Oui! oui! Non! non!

M. Rouyer. Il est constant, Messieurs, et c'est un fait qui ne sera contesté par personne, que lorsqu'on a posé la question de savoir si on se réduirait à ces trois points principaux : Recrutera-t-on pour l'infanterie ? Recrutera-t-on pour la cavalerie? Recrutera-t-on pour l'artillerie? il est certain, dis-je, qu'on n'a jamais parlé, et M. Delacroix lui-même qui a fait cette motion, n'a pas dit sûrement qu'on compléterait. Je dis donc que M. le Président, lorsqu'il a posé cette question, s'en est écarté; qu'il n'a pas pu le faire, parce qu'il a consulté l'Assemblée sur une question qui n'était pas encore soumise à l'Assemblée ni même à la discussion; que par conséquent il l'a dénaturée de fait; qu'il n'en avait pas le droit, et que cela doit être changé d'après le vœu bien manifesté de l'Assemblée.

Je dis encore que lorsque le président et le bureau ont témoigné quelque doute sur la seconde question qui fut agitée et qui concerne la cavalerie, l'Assemblée nationale, quoiqu'elle eût vu que la majorité était bien prononcée, n'hésita pas à réclamer de tous côtes une seconde épreuve. Cette seconde épreuve fut faite dans le calme, et un second vœu bien manifesté contenta tous les esprits.

Les membres, de l'Assemblée, qui avaient cru qu'il y avait du doute pour la question de l'artillerie, étaient fondés, après la seconde épreuve qui avait été faite pour la cavalerie, à en réclamer également une seconde pour l'artillerie. On le demanda constamment à M. le Président, et, au lieu de se conformer au vou de l'Assemblée, sur la motion d'un seul membre qui demanda de consulter l'Assemblée pour savoir s'il y avait eu du doute ou non sur la question qui venait de se décider, M. le Président mit encore cette question aux voix dans un si grand tumulte, qu'il n'y eut qu'un côté qui se leva, et que l'autre ne prit point du tout part à la délibération. M. le Président prononça cependant qu'il n'y avait pas de doute.

M. Boisrot-de-Lacour. Cela n'est pas vrai! M. Rouyer. Monsieur le Président, je demande

que vous rappeliez à l'ordre M. Boisrot qui dit que tout cela n'est pas vrai; car c'est fort désagréable.

Je continue. Sur cette prononciation faite par M. le Président plusieurs membres réclamèrent la parole et dirent que M. le Président avait posé la question dans le tumulte, que toute l'Assemblée n'avait pas pris part à la délibération. On demanda l'appel nominal. Plus de 40 membres se levèrent à cet effet; j'étais du nombre. Cependant l'appel nominal fut rejeté constamment par M. le Président, quoique d'après l'article du règlement qui est formel là-dessus, on ne puisse refuser l'appel nominal lorsqu'il est demandé par 4 membres; quoique encore en vertu de ce règlement, l'épreuve doive être renouvelée toutes les fois que la question n'a pas été posée de la manière dont la motion a été faite. Je demande donc le rapport du décret rendu sur le troisième article.

M. le Président. Je vous rappelle que ce n'est pas là parler sur la rédaction.

M. Rouyer. Je me renferme dans la discussion. Si l'Assemblée veut m'entendre elle verra que je ne m'en écarte pas. La voici :

S'il y a erreur dans le procès-verbal ou fausseté, il faut de toute nécessité que cette rédaction soit changée. Or, la rédaction ne peut être changée que par une décision ultérieure de l'Assemblée, et cette décision ultérieure de l'Assemblée ne peut avoir lieu, à son tour, qu'en rapportant le décret et en consultant une seconde fois l'Assemblée sur le décret même. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)

Plusieurs membres L'ordre du jour!

M. Carnot-Feuleins jeune. Je parle, comme le préopinant, contre la rédaction du procès-verbal, mais sans cependant demander le rapport du décret. On a proposé hier de décréter le principe que l'infanterie ne pourrait jamais, et sous aucun prétexte, se recruter dans les bataillons de volontaires nationaux en activité de service; on a proposé successivement, que le même principe fût décrété pour la cavalerie et l'artillerie. Le décret a été adopté, sans difficulté, pour l'infanterie et la cavalerie; mais lorsqu'on est en venu à l'artillerie, M. le Président a changé la manière de poser la question, et il l'a mise aux voix en ces termes: L'artillerie pourra-t-elle se recruter ou se compléter dans les bataillons de volontaires en activité de service? Je n'entreprendrai point de prouver si le président devait, de son chef, faire d'une question simple une question complexe en y ajoutant le mot ou compléter; je ne chercherai pas à infirmer le décret, en examinant s'il a été rendu à la majorité des voix, ou s'il n'est que le résultat douteux d'une délibération mal assise; je tirerai parti même de la manière inexacte dont la question a été posée, et je suppose le décret bien légalement prononcé. Si l'Assemblée avait décrété que le recrutement de l'artillerie pourra se faire sur les bataillons des volontaires, l'incorporation des individus serait de droit; mais le décret portant l'alternative du recrutement ou du completement, il y a une autre manière de pourvoir à l'augmentation de l'artillerie que par le recrutement dans les bataillons de volontaires nationaux. Le comité militaire avait proposé de prendre 30 hommes par bataillon de volontaires nationaux pour en faire des compagnies de volontaires, qui feraient le service à la suite de l'artillerie.

Je demande donc qu'il soit ajouté dans le procèsverbal les mots : où se compléter.

M. Dorizy, secrétaire. L'observation est conforme à ce qui s'est passé. M. le Président a pononcé les mots; recruter ou compléter et je viens de les rétablir dans le procès-verbal.

M. Merlin. Je me borne à rétablir la rédaction comme elle devrait être. La rédaction doit être ainsi : " L'artillerie ne pourra se recruter dans les bataillons des gardes nationales actuellement existantes, mais bien dans ceux que les départements fourniront actuellement. »

M. le Président. Je vous rappelle que personne n'a fait hier la motion telle que vous la présentez; mais qu'elle a été établie par M. Carnot telle qu'elle a été posée.

M. Merlin. Que voulez-vous que l'infanterie et la cavalerie disent, quand vous ne leur permettez pas de se recruter dans les bataillons de volontaires et que vous le permettez à l'artillerie. Je dis que la rédaction a été ainsi établie : L'artillerie pourra se recruter dans les gardes nationales qui se formeront, mais non pas dans celles qui sont en activité, parce que c'est un piège qu'on vous tend.

Un membre: Ce n'est point un refus que l'on fait à l'infanterie et à la cavalerie de se recruter dans les gardes nationales; mais c'est une défense au pouvoir exécutif de recruter dans les gardes nationales. Il y a une grande différence à refuser à la cavalerie ou à l'infanterie de recruter dans les gardes nationales ou à défendre au Pouvoir exécutif de le faire.

M. Delacroix. Je demande à parler sur le rapport du décret.

M. Dorizy, secrétaire. Monsieur le Président, mettez aux voix si la rédaction du procès-verbal est bonne.

M. Rouyer. Mettre aux voix la rédaction du procès-verbal, ce serait admettre que le décret a été véritablement rendu.

M. Goujon. Puisqu'on demande le rapport du décret, il faut bien qu'il ait été rendu; tâchez de vous accorder.

M. Rouyer. Je vais prouver que la conséquence de M. Goujon n'est pas bonne; ce n'est pas moi qui ai demandé le rapport du décret. Au contraire, je m'y oppose. Ainsi, il voit donc bien que je suis conséquent avec moi-même. Mais je dis que maintenir la rédaction du procès-verbal telle qu'elle est, ce serait supposer qu'il a été rendu un décret. J'ai prouvé, je crois, victorieusement, et on n'a pas pu me contester, que M. le Président avait tronqué la troisième question en la posant, ou plutôt ne l'avait pas posée comme elle avait été faite. Cela a excité beaucoup de tumulte, beaucoup d'agitation, et le Président, ou pour éviter une décision sur ces réclamations, ou pour empêcher que l'appel nominal eût lieu, a levé la séance, de manière que la moitié dé l'Assemblée est restée à son poste sans savoir pourquoi l'autre quittait la séance.

Je demande donc, quant à ce dernier article, que la rédaction du procès-verbal soit rejetée et qu'on mette de nouveau aux voix cette troisième question en la posant sous cette forme: « L'artillerie pourra-t-elle se recruter parmi les bataillons de volontaires nationaux en activité de service?» C'est ainsi que la question a été faite : il n'appartenait pas à M. le Président de la tronquer.

M. Lasource. Je prétends d'avance que le décret n'est point rendu, et voici sur quoi je m'appuie. Une première épreuve est faite, on en demande une seconde parce qu'on prétend qu'il y a du doute. M. le Président ne fait pas la seconde épreuve mais il demande seulement s'il y a du doute ou non. Au moment où M. le Président allait mettre aux voix s'il y avait du doute, une partie de l'Assemblée, qui voulait la seconde épreuve, s'agita et demanda que la question fût mise aux voix purement et simplement. C'est au sein de cette agitation, qui empêchait d'entendre M. le Président, qu'on a mis aux voix s'il y avait du doute ou non. J'affirme, quant à moi, que je n'ai point du tout entendu quand cette proposition a été mise aux voix. Je dis donc que, lorsqu'on a mis aux voix s'il y avait du doute, une partie de l'Assemblée n'a pas entendu, puisque cette même partie de l'Assemblée, incertaine sur le sort de la délibération et voulant connaître d'une manière positive et précise quelle était la majorité, demanda l'appel nominal. Et il n'y avait pas seulement quatre membres qui le demandaient, mais il y en avait une cinquantaine et peut-être cent.

Or, M. le Président ayant levé la séance dans le tumulte, et au moment où cette partie de l'Assemblée demandait l'appel nominal, je soutiens que le décret ne peut être rendu, et qu'il faut de deux choses l'une ou qu'on remette actuellement l'article aux voix, ou que si l'épreuve continue à être douteuse et que les mêmes membres persistent à demander l'appel nominal, M. le Président fasse l'appel nominal, puisqu'aux termes mêmes du règlement, il est de droit lorsqu'après une épreuve douteuse quatre membres le demandent. Voilà à quoi je conclus. (Applaudissements dans les tribunes.)

M. Chéron-La-Bruyère. Aux termes du règlement que vous avez sous les yeux, Monsieur le Président, il est dit expressément que lorsqu'il y aura du doute dans une première épreuve, ou plutôt lorsque quelques membres prétendront qu'il y a du doute, ce qui revient à la même chose, le Président consultera l'Assemblée pour savoir s'il y a du doute et que, s'il y a doute, on procédera á l'appel nominal. Or, hier, l'Assemblée a décidé qu'il n'y avait pas de doute; il n'y a donc pas lieu à réclamer contre le décret. Je demande, Monsieur le Président, que vous voulez bien voir dans le règlement si cela y est.

M. Delacroix. Cela n'y est pas.

M. le Président. M. Lasource vient de citer un article du règlement, M. Chéron vient d'en citer un autre. Je les cherche vainement l'un et l'autre; aucun ne s'y trouve. Voici, l'article du règlement relatif à l'objet en discussion:

Article 15. Sur toutes les motions, les voix seront recueillies par assis et levés; et en cas de doute, on ira aux voix par l'appel nominal sur une liste alphabétique de tous les membres, complète, vérifiée et signée par les secrétaires de l'Assemblée. »

M. Chéron-La-Bruyère. En ce cas, je suis de l'avis de l'appel nominal, puisque ce sont les termes du règlement.

M. Lasource. L'article du règlement porte que, lorsqu'il y aura du doute, on ira aux voix par appel nominal. Qui a le droit de décider s'il y a du doute? Est-ce le Président ou le Bureau, ou est-ce l'Assemblée? Dans le premier cas, Messieurs, il est manifeste que le Président et les

secrétaires rendraient les décrets et seraient maîtres des délibérations, car il ne tiendrait qu'à eux de dire que la majorité croit qu'il y a du doute. A la volonté de l'Assemblée on substituerait le despotisme et l'arbitraire de quelques individus. Je soutiens donc que c'est à l'Assemblée et non au Bureau à décider s'il y a du doute. Or, hier, l'Assemblée consultée dans le tumulte sur la question de savoir s'il y avait du doute, n'a pu émettre son vou, parce que la majorité n'a pas entendu ce qu'on mettait aux voix. Je demande donc que le décret soit regardé comme nonavenu, et que le procès-verbal soit rectifié à cet égard. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)

Un membre: Je crois que l'Assemblée n'est pas d'accord dans ce moment, faute de s'entendre et faute d'avoir sous les yeux les principes suivant lesquels il faut délibérer. M. Carnot, Messieurs, vient de jeter un grand trait de lumière sur la question. Que vous a dit M. Carnot? II vous a dit que la manière dont la troisième partie de la question avait été posée, n'était pas pareille à celle dont s'était servi M. le Président pour les deux premières. M. Carnot a dit la vérité et tout le monde en convient.

Or, voici la motion d'ordre que je fais. Je demande si, lorsque l'Assemblée nationale a admis un principe à l'unanimité, soit par l'organe de son Président, soit de toute autre manière, on peut intervertir ce principe par les conséquences qui en dérivent. L'Assemblée a décrété hier pour premier principe, qu'on délibérerait uniquement sur la question de savoir si les trois armes se recruteraient dans les bataillons de volontaires nationaux en activité de service. On a là-dessus demandé la division. Mais quelle a été la division de la question? C'était d'aller aux voix sur chaque conséquence de ce même principe. Les deux premières ont passé à la majorité.

Relativement à la troisième question, je me rappelle bien que M. le Président avait d'abord posé la question comme les deux premières. Mais un membre près de la tribune lui dit hautement le mot compléter au lieu de celui de recruter; M. le Président se servit de ce mot...

Plusieurs membres : Des deux! des deux!

Le même membre: M. le Président se servit des deux mots recruter et compléter. Qu'en est-il arrivé, Messieurs? Il est arrivé de là que beaucoup de membres qui avaient voté pour les deux armes, n'ont pu voter sur la troisième, parce que la question n'était plus la même. Or, Messieurs, je reviens aux principes c'est que, dans toutes les formes de délibérer, il n'appartient pas à l'Assemblée même, sans un décret préalable, d'intervertir la forme des délibérations. Je crois donc que par la manière dont le décret a été rendu, il est contraire aux principes, à toutes les formes de délibérer. Il faut, par suite, remettre la question aux voix de la même manière et d'après la même conséquence que les deux premières questions. (Applaudissements.) M. Merlin. Je demande que la discussion soit fermée. (Oui! oui !)

M. Quatremère-Quincy. Je demande à parler sur cette motion.

M. Thuriot. Monsieur le Président, si la discussion n'est pas fermée, vous ne pouvez me refuser la parole.

M. Quatremère-Quincy. Monsieur Thuriot, je demande à parler sur la ciôture de la discus

sion. Je suis, comme l'Assemblée, d'avis que la discussion soit fermée, mais je voudrais seulement proposer un amendement. Je demande que la délibération soit remise à une heure de l'après-midi, c'est-à-dire au moment où l'Assemblée sera plus complète. (Murmures.)

Plusieurs membres: Fermez la discussion!

M. Quatremère-Quincy. Je crois qu'il serait convenable d'attendre que l'Assemblée nationale soit en aussi grand nombre qu'elle était hier soir pour statuer sur cette question.

M. Delacroix. Je demande que l'Assemblée ferme la discussion et qu'on délibère, à l'instant, sur la rédaction du procès-verbal, en repoussant par la question préalable l'amendement de M. Quatremère. L'Assemblée peut d'autant moins refuser cette question préalable qu'elle a déjà repoussé par la question préalable la motion de ne rapporter aucun décret, fùt-il très important, avant l'ordre de deux heures. C'est M. Albitte qui avait fait cette proposition, et c'est M. Quatremère et ses amis qui s'y sont opposés. (Applaudissements.)

Je demande pourquoi ces Messieurs, qui n'ont voulu dernièrement consentir à ce que l'Assemblée fût plus complète pour le rapport d'un décret, demandent aujourd'hui précisément le contraire? Pourquoi cette versatilité dans leurs principes.

Monsieur le Président, l'Assemblée nationale est toujours Assemblée nationale, qu'elle soit composée de la moitié, des deux tiers ou de la totalité de ses membres. Pour être Assemblée nationale, il suffit que nous soyons 200 pour délibérer, et il n'y a pas de différence entre les décrets que nous rendons au nombre de 200 ou au nombre de 740. Nous ne sommes point obligés d'attendre les négligents pour délibérer. (Applaudissements.) Je demande donc la question préalable sur la proposition de M. Quatremère, que la discussion soit fermée et qu'on aille dès à présent aux voix sur la rédaction du procèsverbal. (Applaudissements. Des murmures se font entendre dans une petite partie de l'Assemblée.)

M. le Président. Je mets aux voix la question préalable sur l'amendement de M. Quatremère, tendant à ajourner la question à une heure après-midi.

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Quatremère et ferme la discussion.)

M. le Président. Je mets aux voix la question principale qui est le rapport du décret. (Non! non! Bruit.)

M. Gérardin. Je demande que le décret soit entendu dans le sens qu'a proposé M. Carnot, car je ne connais pas la tactique de faire rapporter par une minorité les décrets qui ont été rendus, la veille, à la majorité et après une longue discussion.

M. Thuriot. La proposition de M. Carnot donne au décret un double sens dont l'une et l'autre alternative présentent l'inconvénient de désorganiser les gardes nationales.

M. Lagrévol. Je ne conçois pas comment il peut y avoir discussion dans l'Assemblée sur la manière de poser la question. De quoi s'agit-il ? Il s'agit de savoir si le procès-verbal est conforme aux faits qui se sont passés, oui ou non. Si l'Assemblée délibère que le procès-verbal est

exact, alors on demandera que le décret soit rapporté, et alors on ne rapportera pas le décret, puis on mettra de nouveau aux voix la question de savoir si l'artillerie pourra se recruter dans les bataillons de volontaires nationaux. Si l'Assemblée ne veut pas rapporter le décret, le procès-verbal restera tel qu'il est. Voilà la seule manière de poser la question.

M. le Président. Je vais consulter l'Assemblée sur la proposition énoncée par M. Lagrévol... (Murmures prolongés à gauche.)

Un membre: Cette proposition est insidieuse. Le procès-verbal peut être exact, en ce qu'il dit que tel ou tel décret a été prononcé, que l'Assemblée a été consultée sur la question de savoir s'il y avait du doute, et qu'il a été prononcé qu'il n'y avait pas de doute, qu'ensuite des réclamations s'étant élevées, il a été passé à l'ordre du jour; mais il n'en est pas moins vrai que le président avait mal posé la question, qu'il a mal prononcé le résultat de la délibération. Je demande donc qu'on se borne à rapporter le dé

cret.

M. Grangeneuve. J'ajoute que M. Lagrévol aurait raison s'il s'agissait d'un procès-verbal ordinaire; c'est en effet une règle générale pour les circonstances ordinaires que de dire que le procès-verbal doit être le récit exact de ce qui s'est passé. Mais, ici, il s'agit d'examiner le fond de la question plutôt que le procès-verbal. M. Lagrévol demande qu'avant tout, on décide si le procès-verbal d'hier est exact ou non. Il suppose que la séance d'hier a été close suivant les règles et qu'il a pu s'en dresser un procès-verbal. (Murmures.) Moi, je soutiens au contraire que la séance d'hier a été rompue au milieu des réclamations de la majorité et que la séance d'aujour d'hui est moins une séance nouvelle que la continuation de la séance d'hier... (Exclamations à droite. Quelques applaudissements) parce que l'Assemblée s'est vue privée de son président au moment où elle réclamait l'appel nominal sur la question que l'on prétendait avoir été décidée. Conséquemment, très sage a été la proposition de ceux qui, en partant de ce principe, ont demandé que l'Assemblée, reprenant la question que M. le président a laissée indécise, l'on remit aux voix la question de savoir si on recruterait l'artillerie dans les bataillons des volontaires nationaux en activité.

Plusieurs membres : La discussion fermée! (L'Assemblée ferme de nouveau la discussion.) Plusieurs membres demandent une seconde lecture de la fin du procès-verbal.

M. Dorizy, secrétaire. De toutes les observations faites sur le procès-verbal, celle de M. Carnot me paraît la seule exacte; je vais m'y conformer. J'ai dû faire le récit des faits sans examiner les questions en elles-mêmes, et mon procès-verbal n'est qu'un narré de ce qui s'est passé, fait avec toute l'exactitude dont je suis capable. Je vais faire une seconde lecture du passage du procèsverbal actuellement en discussion.

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