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lier, dragon, chasseur ou hussard dans les troupes de ligne, qui aura été présent aux drapeaux depuis l'époque du 1er mars prochain jusqu'à celle du licenciement ou de la réduction de l'armée au pied de paix, et qui aura à cette dernière époque son congé en bonne forme, aura le droit d'emporter et de garder, en toute propriété, son armement, son équipement et ses armes. »' (Applaudissements.)

Plusieurs membres : L'impression et l'ajournement à samedi!

M. Thuriot. Ce projet est très intéressant, et l'ajournement à samedi ne donnera pas le temps nécessaire pour pouvoir l'examiner avec fruit. Je ne sais pas si le comité militaire a calculé la dépense qu'occasionnera l'adoption de ce projet de décret; mais, quant à moi, j'ai aperçu à la lecture, que la dépense était un objet de plus de 15 millions. Je ne dis pas qu'il ne faut pas la faire; mais je dis qu'il faut la faire avec toute la prudence que l'on doit employer en pareil cas. Je demande donc que le comité de l'extraordi-naire des finances soit consulté pour la marche qu'on voudra suivre, et qu'en conséquence l'ajournement soit fixé à mardi.

Un membre observe que la dépense ne sera que de 5 millions.

M. Carnot, l'aîné. On présente comme une dépense extraordinaire le projet du comité. Loin d'être une dépense extraordinaire, c'est une économie que l'on présente à l'Assemblée. Selon les décrets de l'Assemblée constituante, vous devez porter l'armée de ligne au complet. Il manque 51,000 hommes. On ne peut pas s'engager, suivant les décrets de l'Assemblée constituante, pour moins de huit ans; l'engagement est de 120 livres pour l'artillerie et la cavalerie et de 100 livres pour l'infanterie. Votre comité a cru qu'il n'était paspossible que la guerre durât plus de deux ans. En conséquence, il a fixé le terme des engagements à deux ans et a baissé le prix du recrutement de 120 livres à 100 livres pour l'artillerie et la cavalerie et de 100 livres à 80 livres pour l'infanterie. Il vous présente donc une économie, et il est inutile de renvoyer à un comité de finances. En conséquence, je demande la question préalable sur la motion de M. Thuriot. D'ailleurs, Messieurs, il ne s'agit point ici de calculer ce qui doit nous en coûter; il s'agit de défendre notre liberté : il est impossible de faire de cela un objet d'économie.

M. Gérardin appuie la motion de M. Thuriot. M. Lacombe-Saint-Michel. Il ne faut rien épargner. Avec de l'argent vous obtiendrez la victoire, avec la victoire vous raménerez l'argent ne marchandons pas avec la liberté.

M. Chéron-La-Bruyère. Je ne prétends point juger le comité; mais hier, en ajournant à aujourd'hui le rapport du comité, on a dit dans l'Assemblée que le comité devait passer la nuit s'il le fallait pour le méditer et le présenter. Cet objet est très urgent. L'ajournement ne doit pas être reculé plus loin que samedi, dussions-nous passer la nuit pour y réfléchir. (Vifs applaudissements dans l'Assemblée et dans les tribunes.)

M. Aubert-Dubayet. L'objet sans doute est très important, cependant je n'ai pas besoin d'attendre à samedi pour juger dans ma conscience que la moitié au moins du projet ne vaut rien. Je demande donc l'ajournement à samedi, mais je demande que la parole soit accordée à M. Hu

gau, ancien militaire, qui peut nous donner de grandes lumières à ce sujet.

Plusieurs membres. La question préalable sur la motion de M. Thuriot.

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Thuriot, ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion à samedi matin.)

M. Mathieu Dumas, rapporteur. L'ajournement étant à un terme prochain, j'appuie la motion de M. Dubayet tendant à ce que nous entendions M. Hugau, militaire expérimenté, qui nous éclairera.

(L'Assemblée décide que M. Hugau sera entendu.)

M. Hugau obtient la parole et soumet à l'Assemblée quelques considérations sur les moyens de parvenir au recrutement et au complément de guerre de l'armée; il s'exprime ainsi (1): Messieurs, le ministre de la guerre a rendu compte à l'Assemblée, dans sa séance du vendredi 13 de ce mois, qu'il manquait à l'armée, pour son complet de guerre, 51,000 hommes; qu'il y avait presque impossibilité pour le recrutement, depuis que la formation des volontaires nationaux à porté vers ce genre de service la classe précieuse d'hommes qui fournissait le plus généralement aux recrues.

Il vous a laissé entrevoir aussi que pour rétablir le travail du recrutement suspendu partout, il faudrait se soumettre à des conditions ruineuses pour nos finances.

Je vais, Messieurs, puisque vous avez daigné me le permettre, soumettre à votre sagesse quelques moyens que mon désir pour la gloire de ma patrie, et quelque expérience, qui m'en démontra la possibilité, m'ont suggérées, comme aussi quelques réflexions comparées, dont la raison et l'économie m'ont paru former la base.

Rendez un décret qui fixe à l'avenir le terme des engagements dans les troupes de ligne, à trois ans pour l'infanterie, et à quatre ans pour les troupes à cheval.

En exceptant de cette disposition les régiments d'artillerie, qui présentent des ressources infiniment supérieures à ceux qui se dévoueront à de service ce genre

Si vous adoptez ce premier moyen, Messieurs, voici quelles en seront les conséquences: 1° peu de désertions à craindre; 2° la facilité du recrutement, parce que, dans le pays de la liberté, un homme voudra rarement s'engager pour huit années, et que son désir de servir la patrie et d'apprendre l'art militaire, lui fera aisément consacrer trois ou quatre de ses premières années à la profession des armes.

Messieurs, si vous me demandiez quelle était la cause de la dépopulation de nos campagnes sous l'ancien régime, je vous répondrais: l'armée et la domesticité.

Ceux qui auront le désir de servir dans les troupes de ligne seront assurés qu'après 3 et 4 ans, ils retourneront dans leurs foyers, où la liberté et la considération leur présenteront l'égalité. (Applaudissements.)}

Alors, comme à 19 ou 20 ans, l'homme qui a 3 ou 4 années d'expérience est dans le cas de prendre, avec connaissance de cause, l'état qui lui convient, j'ose croire qu'il y en aura peu, et

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative : Militaire, tome 1, n° 20.

même point, qui osent déserter la terre de la liberté, ni vouer leur existence au service des ci-devant.

La terre est notre mère nourrice; c'est elle qui fournit à tous les besoins de la patrie; c'est occupés à sa culture qu'elle trouvera ses défenseurs, Messieurs, le jour où nos campagnes seront peuplées de guerriers cultivateurs, et où, je l'espère, les Cincinnatus ne seront pas aussi rares que les Turenne! (Applaudissements.)

A l'appui de ce premier moyen, j'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée que les engagements dans les régiments étrangers au service de France, n'excèdent pas 4 années. Ces régiments sont presque toujours complets, de la plus belle tenue; ils manoeuvrent parfaitement, et je dois à la vérité de dire qu'à la guerre, ils ont mérité les plus grands éloges.

Enfin, Messieurs, si vous adoptez ce premier moyen, il en résultera une économie de plus de 3 millions, seulement pour le recrutement des 51,000 hommes nécessaires pour porter l'armée au pied de guerre; et plus d'un million 1/2 pour le recrutement annuel de l'armée, au terme des engagements ordinaires parce que les engagements pour 8 ans sont actuellement à 100 et 120 livres au moins, et que je suppose moitié de diminution, comme de 4 à 8 ans.

Second moyen.

Messieurs, il serait possible d'employer les auxiliaires au recrutement de l'armée.

Mais deux objections se présentent à ce sujet. La première, c'est que le nombre étant bien au-dessous de celui décrété par l'Assemblée nationale constituante, ce moyen ne remplirait pas le but désiré.

La seconde, c'est que dans le cas où la coalition deviendrait entourante, et où il faudrait faire feu à tribord et à bâbord, je pense que le nombre des auxiliaires devrait être porté de préférence sur les côtes, pour y servir les batteries et garder les points de descente; former enfin une ligne de contrevallation à la liberté.

La plupart des auxiliaires connus ont servi sur terre ou sur mer; et il y a lieu de croire que, quand le cantique de guerre sera sonné (Rires.) Vous les verrez partir pour aller repousser nos ennemis, s'ils tentaient d'insulter nos côtes. Presque tous ouvriers et pères de famille, ils donneront à la patrie, pour cette circonstance, le reste de leur valeur et de leur force.

Et si vous prononciez cette intention, Messieurs, je ne doute nullement que le nombre des auxiliaires ne fût incessamment porté au complet. Je ne m'étendrai pas sur les avantages de cette mesure; je me bornerai à dire qu'il est des circonstances qui commandent aux hommes, et que tous ne sont pas propres au même genre de service; mais, pour la cause de la liberté, chacun doit avoir un poste, et c'est aux législateurs à le marquer.

La volonté ne se commande pas, mais malheur au lâche qui, ayant le choix du poste, ne voudrait en occuper aucun pour le salut public. (Applaudissements.)

Troisième moyen.

Opérer les remplacements et le complément de guerre dans les troupes de ligne, par la volonté individuelle des enfants de la liberté, composant les volontaires nationaux.

Messieurs, persuadé qu'il ne doit exister aucune différence entre l'organisation et la solde de tous les défenseurs de la liberté, et les enfants de la patrie qui se sont volontairement voués à cette défense dans la même arme, je ne verrais nul inconvénient à user de ce mouvement entre les départements et les bataillons, pour compléter l'armée.

Mais ce troisième moyen, qui paraît d'abord le plus facile, exige cependant une attention scrupuleuse.

La solde des soldats citoyens et celle des citoyens soldats étant absolument la même, les organisateurs des bataillons de volontaires ont, à mes yeux, un tort réel d'avoir différencié lé prêt d'une manière aussi apparente, puisque, d'une part, le soldat de troupe de ligne est militairement mieux traité que le volontaire national, et que, dans l'inverse, ce dernier croit avoir une meilleure paye que le soldat de troupe de ligne; il résulte de ce dissentiment qu'entre le soldat et le volontaire il existe une apparence de jalousie qu'il est juste et nécessaire de détruire.

Je soutiens que la paye est absolument égale pour l'un comme pour l'autre ;

Que l'avantage du prêt est à l'avantage économique du soldat de troupe de ligne;

Et que, faisant campagne, si l'on continue le même régime, le volontaire national, par le seul fait d'un prêt plus riche que le soldat, sera hors d'état de la fournir en entier.

Ce serait abuser de la permission que vous m'avez donnée, Messieurs, d'entreprendre ici de vous développer de plus grands détails à ce sujet et je ne dois pas me permettre de devancer les époques que l'expérience seule peut fixer.

Je dis donc que s'il n'y avait pas de différence entre le prêt des volontaires, et celui des soldats, l'incorporation pour le complément des régiments et pour le temps de guerre seulement, pourrait avoir lieu d'après la volonté manifestée des individus des différents bataillons volontaires.

Cependant j'aurai de la peine à me persuader qu'un homme qui s'est voué à la défense de sa patrie, puisse calculer la paye avec sa volonté, forsque cette dernière le porte à préférer uné arme plutôt qu'une autre.

Je regarde donc ce moyen de complément comme facile, raisonnable, et même politique sous plusieurs aspects.

La facilité est prouvée par le dernier décret que vous avez rendu, qui ordonne que tous les bataillons seront en tout temps entretenus complets par leurs départements respectifs.

Raisonnable, en ce que tout ce qui est facile et bien doit être préféré.

Politique, parce que quand des hommes courent les mêmes dangers et les mêmes chances, ils deviennent nécessairement amis, surtout lorsque leur intérêt est commun. C'est enfin le moyen de parvenir à une fraternité totale, et dont l'effet doit nécessairement produire les meilleurs résultats.

Je connais, Messieurs, une partie des objections que l'on peut faire à ce sujet; mais je vous prie d'observer que je suis à la considération politique de ce troisième moyen; que conséquemment il vaudrait mieux le rejeter que d'entamer aucune discussion qui ne tendrait pas à dissiper toute espèce de jalousie entre les enfants d'une même famille, disposés et destinés à défendre la Constitution et la liberté.

Donc, pour adopter ce troisième moyen, il faut, Messieurs, faire cesser toute différence dans l'organisation et la paye, et n'en conserver d'autre que celle du mot volontaire, et soldat de troupe de ligne. L'un sacrifie son temps pour la guerre seulement, l'autre pour 3 ou 4 années; et j'oserais être la caution pour tous qu'ils se disputeront également l'honneur de verser le plus de sang pour la gloire et la patrie. (Applaudissements.)

Il sera facile de convaincre les bataillons de volontaires nationaux de la justice de cette mesure; car il n'en est aucun qui ne connaisse et ne sente le prix de l'honneur, et qui voulût céder sa part de la reconnaissance publique.

Quatrième moyen.

Plusieurs membres de cette Assemblée, Messieurs, ont comme moi été assez heureux pour aider nos frères les Américains à conquérir la liberté. Ils vous diront que pendant cette guerre, le congrès d'Amérique demandait aux divers Etats un contingent en hommes pour servir aux armées continentales. Les époques étaient fixées pour leur jonction à l'armée; celles du retour l'étaient pareillement, car les uns servaient un an, les autres 8 mois, les autres moins.

Mais, il arrivait souvent que les ordres du congrès n'étaient pas toujours exécutés, et que les remplacements des contingents n'arrivaient point à terme; mais toujours à la fin des termes de service, les contingents s'en retournaient.

Souvent le général Washington voyait partir un nombre plus ou moins considérable d'hommes de son armée, et il était alors obligé de quitter une position offensive pour en prendre une défensive.

En supposant que les circonstances nous missent dans le cas d'user de ce quatrième moyen, aurions-nous de telles craintes ou de semblables considérations à prévenir. Je ne crois pas, Messieurs. Les communications faciles du royaume, notre population, disons plus, le respect des Français pour vos décrets, ne peuvent nous laisser la moindre inquiétude à ce sujet.

Cependant, pour rendre justice à nos frères les Américains, je dois dire qu'ils n'avaient ni la facilité des communications, ni les mêmes moyens que nous, et qu'ils avaient aussi leurs aristocrates sous le nom de tories.

Ils méritent d'autant plus l'admiration des hommes qu'ils ont, si j'ose m'exprimer ainsi, la nature à vaincre avec la liberté, car, manquant de tout, et pour vaincre aussi les besoins, ils les ont presque toujours oubliés puisqu'ils ont fait pendant 7 ans une guerre à outrance, sans argent, sous souliers, sans habits, bivouaquant presque toujours, hiver comme été, dans les bois et les montagnes. C'est par cette constance et cette sobriété soutenues, qu'enfin ils sont parvenus à la liberté.

Pour conserver la nôtre, nous n'avons pas besoin d'exemple; mais ce qu'ont fait les Américains, les Français le feraient sans doute dans les mêmes circonstances: d'où je conclus que ce quatrième moyen pourrait être exercé pour entretenir nos armées au complet, si l'Assemblée le jugeait convenable.

Pour cet effet, il faudrait décréter que les départements seraient tenus de fournir à l'armée, en raison de leur population, un nombre d'hommes pour recruter l'armée, et ce, pour la durée d'une campagne seulement; de manière

que le même homme ne puisse marcher deux fois au contingent, que tous ceux qui y seraient désignés n'aient marché une fois.

Je dois dire aussi, Messieurs, que si ce quatrième moyen était mis en usage, il serait nécessaire de décider si le complément des bataillons de volontaires devrait se faire par la même conscription.

Je ne le crois pas, parce que les volontaires se sont voués au service de la patrie pour le temps de la guerre, et que les citoyens qui seraient destinés à recruter les régiments de ligne, ne serait tenus qu'à 8 mois de résidence sous les drapeaux.

Enfin, Messieurs, ce quatrième moyen a beaucoup d'analogie avec le troisième; et, il serait très possible de vous soumettre plusieurs développements à ce sujet, qui vous amèneraient peutêtre à ne faire qu'un tout de ces deux moyens.

Observation générale, ou récapitulation des quatre moyens proposés, et qui, selon moi, peut former le 5 et véritable moyen de compléter l'armée de la liberté à 400,000 hommes d'ici au mois d'avril prochain.

En supposant, Messieurs, qu'aucun des 4 moyens que j'ai eu l'honneur de vous soumettre, ne vous paraisse devoir être adopté, il nous reste une grande ressource: c'est celle de toute la nation armée pour la défense de la liberté; elle ne posera les armes que lorsqu'elle pourra mettre cette devise sur le manteau du faisceau : Tout est vaincu! La France est libre! (Applaudissements.)

Jusque-là, Messieurs, vous avez 202 bataillons de volontaires nationaux, de 9 compagnies de 63 hommes chacun. Ces bataillons seront toujours complets vous l'avez décrété.

Voulez-vous avoir 29,108 combattants de plus à votre armée pour le mois de février prochain? Décretez sur-le-champ un augmentation de 16 hommes par compagnie de volontaires dans les 202 bataillons; je vous réponds que votre brave jeunesse ne fera pas languir l'exécution du décret. (Applaudissements.)

Aurez-vous besoin d'une force plus considérable au mois de mars prochain? Alors, Messieurs, un nouveau décret augmentera encore les 1,808 compagnies de volontaires, d'un second lieutenant, d'un tambour et de 8 volontaires par compagnie, et vous aurez alors au mois d'avril plus de 400,000 hommes à vos armées, et vous aurez fait une augmentation insensible de 47,288 hommes en trois mois de temps, et que vous pourriez porter encore plus haut, sans blesser les préjugés. Ce moyen, Messieurs est le plus sûr et le moins dispendieux, en ce qu'il éviterait une formation nouvelle de bataillons, qu'il économise des états-majors et du temps, et que l'instruction est bien plus facile.

En tout, l'expérience m'a demontré que les gros bataillons, les fortes compagnies, les gros escadrons et les gros vaisseaux ont toujours l'avantage; qu'ils sont préférables à la guerre, et qu'il y a plus d'économie. (Applaudissements.)

Mais par la même raison, Messieurs, je ne dois pas vous dissimuler quelles seraient mes inquiétudes si vous ne preniez pas d'avance des moyens pour l'armement, l'habillement et l'équipement des volontaires nationaux, ainsi que pour l'établissement des différentes masses qui sont la ressource de la teuue des troupes de ligne. J'ose vous le prédire, si nous sommes obligés de faire la guerre, vous ne pourrez vous dispenser d'admettre les formes et d'adopter le

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(Et sur cette masse de' volontaires toujours complets, vous ne devez pas manquer de moyens pour compléter vos troupes de ligne à la guerre, en usant de la volonté de tous les braves patriotes qui composent nos bataillons.)

Donc, pour parvenir à augmenter vos forces et parer à tout, vous voyez, Messieurs, quelles sont vos ressources. Choisissez. (Vifs applaudissements)

Plusieurs membres : L'impression!

(L'Assemblée ordonne l'impression du discours de M. Hugau.)

M. de Narbonne, ministre de la guerre. Je dois des éloges à l'éloquence loyale et guerrière de l'opinant; mais je suis condamné à redresser une assertion qu'il a faite : c'est pour les 70,000 auxiliaires. Il est bien vrai que l'assemblée constituante les a décrétés; il y a même longtemps que le décret est rendu; mais il est malheureusement démontré que le nombre n'ira pas à 3 ou 4,000.

:

M. Delacroix, au nom du comité militaire, fait un rapport et présente un projet de décret sur la demande du roi d'une augmentation de huit lieutenants généraux et de douze maréchaux de camp; il s'exprime ainsi (1) Messieurs, votre comité militaire a examiné avec attention la demande qui a été faite à l'Assemblée nationale d'une augmentation de 8 lieutenants généraux et de 12 maréchaux de camp; demande qui a été réitérée par le roi le 17 de ce mois. Cette proposition fut présentée à l'Assemblée nationale constituante quelque temps avant sa séparation.

L'exposé des motifs qui semblent la nécessiter encore détermina un premier décret qui la confirma; mais il fut rapporté le lendemain, et l'Assemblée vous renvoya l'examen plus particulier de cette affaire.

Depuis ce temps, les raisons qui avaient porté les ministres de la guerre à proposer cette augmentation sont devenues plus pressantes et quelques-unes, qui n'étaient alors que de prévoyance, paraissent à présent d'une nécessité urgente.

En vous les exposant succinctement, Messieurs, je ne vous arrêterai pas longtemps sur les instances réitérées des généraux en chef, consignés

(1) Bibliothèque de la Chambre des députés : Collection des affaires du temps, Bf, in-8° 165, tome 157, no 21.

dans leur correspondance avec les ministres de la guerre et dont ils vous ont donné connaissance. La vivacité de leurs expressions et le retour continuel de la même demande, autorisent à croire qu'ils sont dans un dénuement absolu sur ce point.

A l'époque où la force de l'armée fut décrétée sur le pied d'environ 150,000 hommes, sa formation et son organisation nécessitèrent 94 officiers généraux, dont 30 du grade de lieutenant général, et 64 maréchaux de camp, il faut en défalquer 13 attachés au service du génie et de l'artillerie; ce qui les réduit à 51, pour commander plus de 130 brigades. Aussi, lorsque l'Assemblée nationale constituante décida que l'armée serait mise sur le pied de guerre, elle décréta en même temps 16 maréchaux de camp de plus, dont 2 furent attribués à l'artillerie et un au génie; ce qui réduisit à 13 l'augmentation réelle d'officiers généraux attachés spécialement au service de l'infanterie et de la cavalerie, et porte à 74 la totalité des maréchaux de camp attachés à ces deux armées.

Les volontaires nationaux sont sous les ordres de ces officiers généraux pour les armer, les équiper, les commander et veiller à leur instruction ils ont dù, en conséquence, se porter des frontières au centre, et du centre aux frontières, dans le temps même que la nécessité des circonstances leur commandait des courses rapides et multipliées; ici, pour calmer des esprits agités: là, pour concilier des cœurs aigris par la différence des opinions.

Des mouvements dans les villes et dans les campagnes ont exigé et exigeront peut-être encore, pendant quelque temps, beaucoup de détachements qu'il faut également surveiller et pourvoir.

Observez aussi, Messieurs, que, depuis la suppression des états-majors des places, les grandes villes de guerre ont besoin d'officiers généraux pour le détail de leur service journalier; ce qui restreint encore le nombre de ceux attachés à celui personnel des régiments.

Sans doute, cet exposé rapide doit suffire pour vous convaincre de la nécessité d'une augmentation d'officiers généraux: il reste maintenant à examiner si la demande du roi, à cet égard, est plus en deçà qu'au delà de cette juste mesure, dans laquelle il faut maintenant la circonscrire.

Dans le tableau que je viens de vous présenter des devoirs nombreux et difficiles confiés aux officiers généraux, nous avons cru devoir faire abstraction de toutes les causes particulières et purement personnelles, qui peuvent diminuer momentanément le nombre de ceux qui sont en activité réelle.

Les fatigues, les dérangements de santé, les maladies, les affaires personnelles de la première importance qui exigent des congés, sont autant de causes de réduction, que vous ne pouvez ni prévoir ni vaincre, ou auxquelles vous devez absolument déférer.

Mais il est encore une raison qui milite en faveur du projet de décret que nous allons vous soumettre. Si la patrie a gémi de l'incivisme de plusieurs officiers généraux, recommandables par leurs talents, elle a dû, par prudence, s'abstenir de les employer, en même temps qu'elle a dù accueillir la demande de plusieurs d'entre eux, qui, consultant plus leur dévouement que leurs forces affaiblies par l'âge, ont brigué l'honneur de lui consacrer leurs derniers soupirs.

Vous devez penser, Messieurs, que ces officiers

ne peuvent pas servir fort activement la patrie; mais le service moral qu'ils font, si j'ose m'exprimer ainsi, lui est infiniment profitable: ils sont comme autant de centres auxquels se rallient les officiers patriotes.

Ils réchauffent, par leur exemple, ceux dont le zèle pourrait se refroidir; ils inspirent de la confiance, ils déterminent l'opinion par la déférence naturelle qu'inspirent leur âge, leur expérience. Car, vous le savez, Messieurs, on voit volontiers la vérité où l'on rencontre la vertu.

A ces moyens de fait, il en est d'une considération majeure, qu'il est du devoir de votre comité de vous présenter: il est difficile de vous les rendre d'une manière précise; mais ils se sentent bien mieux qu'ils ne s'expliquent.

Qui de vous, Messieurs, ne s'est pas déjà dit que le salut de la patrie dépend du choix des officiers généraux à qui l'on confie la défense de nos frontières? Qui ne sait pas que tel officier même très pur dans ses intentions, ne convient pas toujours au poste qu'il occupe; qu'il ne suffit pas d'avoir de grands talents, pour inspirer de la confiance; que des soupçons, même injustes, ne laissent à l'officier qui en est l'objet, aucun espoir de servir utilement sa patrie?

Notre position est on ne peut plus extraordinaire nous sommes à la veille d'une guerre où une portion nombreuse de Français s'apprête à marcher contre nous; d'une guerre provoquée par ceux qui ont leurs foyers à côté des nôtres; d'une guerre, enfin, où l'armée ennemie a pour elle des Français enrégimentés au delà de nos frontières, et des Français qui s'appliquent au dedans à faciliter leur irruption.

Il vous faut donc, Messieurs, sur vos frontières, dans vos places fortes et à la tête de vos troupes, des officiers généraux dont les principes ne soient ni contestés ni équivoques.

Ce n'est point assez qu'un officier général soit à l'abri de tout reproche, il faut qu'il soit encore à l'abri du soupçon; il faut enfin qu'il ait mérité et obtenu la confiance par une conduite franche et loyale, et par des actions qui caractérisent l'ami du peuple et l'adorateur de la liberté.

Vous le savez, Messieurs, nul officier ne peut être destitué de son emploi par un ordre arbitraire, mais seulement en vertu d'un jugement rendu dans les formes.

Que ferez-vous donc si l'un des officiers généraux à qui l'armée sera confiée, manifeste des sentiments ou des vues contraires à son serment et à ses devoirs? Attendrez-vous pour lui enlever le commandement, pour mettre vos troupes à couvert de ses funestes insinuations, que sa perfidie, que sa trahison ait passé par tous les degrés de conviction et d'une procédure criminelle? Non, sans doute le besoin de sauver la patrie exige impérieusement le prompt rappel du chef qui a seulement le tort d'être soupçonné: il faut aujourd'hui qu'un officier général mette au rang de ses devoirs l'évidence de sa conduite, de son incorruptibilité, et qu'il se regarde comme coupable dès l'instant qu'il est devenu suspect aux yeux de la nation.

Le rappel d'un officier général, son changement peuvent donc devenir nécessaires d'un instant à l'autre.

Mais cette mesure, dictée par la nécessité, devient profonde et sage, lorsque cette disparition subíte peut s'effectuer sur-le-champ; pour ainsi dire, à l'insu de son armée, et sans faire un vide dans le service militaire.

Pour faire usage de ce grand moyen, il faut

donc avoir toujours la possibilité d'un remplacement; et l'augmentation des officiers généraux que votre comité vous propose, produit le double avantage de vous mettre à portée de prévenir sans exciter aucune tentation, l'influence incivique des officiers devenus suspects, et de procurer des appuis à la valeur courbée sous le Pesse. des blessures, des infirmités et de la vieil

Votre comité, Messieurs, ne s'est pas dissimulé les inconvénients de cette augmentation; mais ils disparaissent devant le salut de la patrie attaché à cette mesure; et c'est ce qui le détermine à vous proposer le projet de décret suivant :

Décret d'urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire sur une augmentation de 8 lieutenants généraux et de 12 maréchaux de camp; considérant que les circonstances actuelles exigent que les officiers généraux en activité puissent être remplacés sans retard, lorsque, par cause d'absence légitime ou de maladie, ils ne peuvent remplir leurs fonctions, et toutes les fois que le bien du service militaire et la sûreté des frontières l'exigent, que jamais ces emplois importants ne doivent rester vacants, décrète qu'il y a urgence. »

Décret définitif.

«L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire et déclaré l'urgence, délibérant sur la proposition du roi, contenue en la lettre du 17 de ce mois, contresignée par le ministre de la guerre, d'augmenter les officiers généraux employés, de 8 lieutenants généraux et de 12 maréchaux de camp, décrète ce qui suit :

«Art. 1er. Le nombre des officiers généraux actuellement employés sera augmenté de 8 lieutenants généraux et de 12 maréchaux de camp.

« Art. 2. De ces 20 officiers généraux, 4 lieutenants généraux et 6 maréchaux de camp seront à la nomination du roi qui pourra les choisir, soit parmi les officiers généraux non employés, même parmi ceux nommés depuis le décret des 20, 21 et 23 septembre 1790, soit enfin parmi les officiers de garde nationale et de troupes de ligne actuellement en activité, ayant d'ailleurs les qualités requises pour parvenir à ce grade. L'autre moitié sera destinée à l'ancienneté, conformément au décret du 23 septembre dernier, jusqu'à ce que les officiers généraux soient réduits au nombre fixé par le décret du 23 septembre.

« Il ne sera nommé aux places de lieutenants généraux et maréchaux de camp qui viendront à vaquer qu'en vertu d'un nouveau décret sanctionné par le roi.

Si, à l'époque où la sûreté de l'Empire permettra de remettre l'armée sur le pied de paix, le nombre des officiers généraux excède celui fixé par le décret du 23 septembre 1790, il y sera réduit, et les officiers généraux qui seront réformés, conserveront leur activité de service, et jouiront de la moitié de leur traitement jusqu'à leur remplacement. »

M. Aubert-Dubayet. Je trouve encore ce projet inadmissible et j'en demande l'ajournement à samedi.

(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport

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