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nombreuses destinées à les repeupler et dont la conservation et la subsistance ne sont pas moins intéressantes. D'ailleurs, Messieurs, l'ouvrier des arsenaux ne reçoit le salaire d'un mois entier de travail que dans le premier ou le second mois qui le suit, au lieu que l'artisan et le cultivateur reçoivent le prix de leur journée à l'instant où elle finit, où pour le plus tard à la fin de chaque semaine. Le marin embarqué reçoit, à son départ, une avance de trois mois qu'il consomme par son équipement, et la solde de sa campagne n'est payée qu'à son retour et souvent plusieurs mois après son désarmement. Pendant son absence, la famille souffre ou sollicite des secours onéreux, et l'ouvrier réduit à un crédit d'un mois, ne le paye pas moins chèrement. Les billets d'apostilles, proposés par le ministre et donnés pour gage aux boulangers, auraient l'inconvénient d'autoriser un crédit souvent usuraire, et d'introduire un nouveau papier monétaire dans la circulation des villes maritimes, où le service des garnisons et des ports ne les fait que trop aborder au détriment de la classe industrieuse et pauvre.

Pour résumer ces motifs, votre comité vous observe 1° que le marin et l'ouvrier des arsenaux étant à la solde de la nation, et la subsistance en nature faisant partie de la solde, il a droit, ainsi que le soldat des troupes de terre et de mer, à une distribution quotidienne de pain, de la part de la nation, par une retenue du prix sur son salaire; 2° que le renvoi du payement, après l'expiration de chaque mois ou après le désarmement de la campagne, nécessite encore plus cette distribution soit aux ouvriers, soit aux familles des marins embarqués; 3° qu'en décrétant cette distribution dans les ports, vous assurerez d'autant plus la subsistance de leurs habitants, que les approvisionnements nationaux accroîtront leurs ressources en diminuant leurs besoins; 4° enfin, que si jamais cette distribution a dú être continuée et étendue aux trois grands ports, c'est dans un instant où la rigueur de la saison diminue les occasions de travail, où la rareté du numéraire augmente le prix des denrées, où des obstacles de tout genre entravent la circulation des subsistances; c'est, en un mot, lorsque votre surveillance doit saisir tous les moyens de maintenir la tranquillité et par elle la discipline et la subordination dans les arsenaux, que vous devez consacrer par une loi un usage fondé sur la justice et sur le besoin. Ce premier pas, Messieurs, vous conduira à fixer l'état de nos marins et dé nos ouvriers sur des principes généraux que nous pourrons vous proposer, et qui les attacheront toujours davantage à la chose publique.

Nous vous observerons, en finissant, que l'opinion que nous vous présentons est conforme au vœu unanime des trois corps adininistratifs de la ville de Toulon : la municipalité, le district et le département du Var se sont réunis à donner cette nouvelle preuve du zèle qui les anime pour les intérêts de leurs administrés.

En conséquence, votre comité vous propose le projet de décret suivant :

Décret d'urgence.

« L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu de la demande des ouvriers de l'arsenal de Toulon, du 27 octobre dernier, et de la lettre du ministre de la marine, du 21 novembre suivant, considérant qu'il importe d'assurer la subsistance des ouvriers dont les salaires ne sont payés que de mois en mois, et qu'il est

juste d'étendre aux ouvriers du port de Toulon la distribution du pain établie dans les ports de Brest et Rochefort, pour attacher, de plus en plus, cette classe utile et précieuse à leurs travaux et à leurs devoirs, décrète qu'il y a urgence.

Décret définitif.

« L'Assemblée nationale, après avoir ouï son comité de marine, et décrété l'urgence, décrète ce qui suit :

«Art. 1er. Il sera continué, dans les ports de Brest et de Rochefort, et il sera établi dans celui de Toulon une distribution journalière de pain aux ouvriers de l'arsenal, proportionnellement à leurs besoins, et conformément à ce qui se pratique dans lesdits ports de Brest et de Rochefort.

Art. 2. Cette distribution sera faite par le munitionnaire de la marine, sur des bons signés par les chefs des travaux, et d'après les états dressés chaque mois, et arrêtés par l'ordonna

teur.

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L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu de la demande des ouvriers de l'arsenal de Toulon, du 27 octobre dernier, et de la lettre du ministre de la marine, du 21 novembre suivant, considérant qu'il importe d'assurer la subsistance des ouvriers dont les salaires ne sont payés que de mois en mois, et qu'il est juste d'étendre aux ouvriers du port de Toulon la distribution du pain établie dans les ports de Brest et Rochefort, pour attacher, de Peurs travaux et à leurs devoirs, décrète qu'il y plus en plus, cette classe utile et précieuse à

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de l'arsenal, proportionnellement à leurs besoins, et conformément à ce qui se pratique dans lesdits ports de Brest et de Rochefort.

Art. 2.

« Cette distribution sera faite par le munitionnaire de la marine, sur des bons signés par les chefs des travaux, et d'après les états dressés chaque mois, et arrêtés par l'ordonnateur.

Art. 3.

«La valeur du pain livré à chaque ouvrier sera retenue tous les mois sur le montant de son salaire, suivant la fixation qui en sera faite et arrêtée entre le munitionnaire et les officiers d'administration de la marine, d'après le prix d'achat des grains, n'excédant pas le prix courant.

Art. 4.

« Le présent décret sera exécuté à compter du 1er janvier 1792, à l'effet de quoi il sera porté, dans le jour, à la sanction du roi, et envoyé sous trois jours, par le ministre de la marine, dans chacun des ports de Brest, Toulon et Rochefort. »

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettres M. de Bonneville, qui fait hommage à l'Assemblée de quelques exemplaires d'un ouvrage intitulé : « La chronique du mois ou les cahiers patriotiques. »

(L'Assemblée accepte l'offre qui lui est faite de cet ouvrage.)

M. Mathieu Damas, secrétaire. Ce matin, à la lecture du procès-verbal, j'avais ainsi énoncé la date le premier janvier 1792, l'an quatrième de la liberté. » Plusieurs membres ont observé qu'en comptant l'ère de la liberté du 14 juillet 1789, la troisième année de la liberté devait durer jusqu'au 14 juillet prochain. D'autres membres, craignant que ce changement de date ne causât des méprises et n'embarrassât les calculs chronologiques, ont proposé de décréter que l'ère de la liberté suivrait l'ère vulgaire. L'Assemblée n'était pas encore assez nombreuse, M. le Président n'a pu mettre aux voix; je demande que l'Assemblée prononce.

M. Dorizy. Je vais expliquer à l'Assemblée les motifs qui ont déterminé les secrétaires à énoncer la formule de l'an quatrième de la li

berté.

L'Assemblée constituante, en décrétant les nouvelles monnaies, a décidé qu'elles porteraient, à la suite du millésime de l'ère chrétienne, l'année de la liberté française. La commission des monnaies, arrêtée par la difficulté de concilier ces deux époques, la dernière ayant été fixée au 14 juillet 1789, a consulté le comité des assignats et monnaies. Il s'agissait de savoir si, pour mettre sur les monnaies l'inscription de l'an I, II ou III de la liberté, les coins devaient être renouvelés au mois de juillet, ou si l'on devait suivre l'usage adopté en France et dans la majeure partie de l'Europe de faire commencer l'année au 1er janvier.

Le comité des assignats et monnaies a longtemps discuté la question: le ministre des contributions publiques a été entendu et le résultat de nos observations a été que, autant pour la régularité de la computation que pour éviter les inconvénients qui surviendraient continuellement aux monnaies, il fallait compter l'année

de la liberté du 1er janvier 1789, bien qu'en réalité, nous n'ayions commencé à dater qu'à partir du 14 juillet. De cette manière, il n'y aura pas de différence dans les computations et l'ère de la liberté correspondra avec l'ère chrétienne. Je propose le projet de décret suivant :

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L'Assemblée nationale décrète que, soit pour les monnaies, soit pour les procès-verbaux, la computation de l'ère de la liberté suivra celle qui est d'usage dans la plus grande partie de l'Europe pour le renouvellement de l'année. En conséquence, elle déclare que l'an quatrième de la liberté a commencé hier 1er janvier 1792. »

M. Ramond. Je suis d'autant plus convaincu que le projet de décret présenté par M. Dorizy doit être adopté par l'Assemblée, qu'il est bien certain que plusieurs époques mémorables de la Révolution, celles mêmes qui l'ont déterminé, sont antérieures au 14 juillet 1789. Dès les premiers jours de janvier, les Français avaient rédigé leurs cahiers. La constitution des représentants de la nation en Assemblée nationale constituante date du mois de juin; la double représentation de ce que l'on appelait alors le Tiers-Etat, qui constitue véritablement l'origine de la liberté, date d'une époque antérieure. Il n'est personne de nous qui, dans les mois de mai, juin et juillet 1789, n'ait travaillé, dans son département à préparer la liberté : c'est le rôle que j'ai joué, moi, dans le département du Bas-Rhin. Enfin, n'y eût-il que les 6 derniers mois de 1789 qui appartinssent à la liberté, ces 6 derniers mois sont remplis de telles merveilles qu'ils valent bien une année entière. (Applaudissements.)

M. Rouyer. Je suis d'un avis contraire à celui du préopinant, car je soutiens que la computation de l'ère de la liberté ne doit avoir lieu que depuis le moment de son impulsion, et cette impulsion n'a' réellement eu lieu que le 14 juillet 1789. (Applaudissements.) C'est peut-être pour oublier un jour aussi mémorable qu'on veut le confondre dans le reste de l'année. (Murmures.) C'est dans ce jour que les cœurs vraiment libres se renouvellent... (Murmures. Aux voix ! aux voix!) Il est étonnant, Messieurs, que dans un seul jour, on veuille détruire une époque aussi mémorable. Je soutiens que ce jour doit être mémoré et qu'il doit purement fixer l'époque de chaque renouvellement d'année de la liberté.

M. Reboul. L'époque du 14 juillet est sans doute la plus glorieuse de notre Révolution; mais j'observe qu'il a fallu un espace de 200 ans pour que toutes les nations de l'Europe adoptassent le même calendrier, le calendrier Grégorien. Il ne faudrait pas, par un enthousiasme mal entendu, troubler l'ordre établi depuis longtemps et qui est commun à presque toutes les nations. (Applaudissements.)

Plusieurs membres : La discussion fermée!

(L'Assemblée ferme la discussion et décrète que l'ère de la liberté sera au 1er janvier 1789.)

Un membre: Je demande que l'on ajoute au projet de décret que tous les actes publics porteront, à l'avenir, immédiatement après la date de l'ère vulgaire, celle de notre liberté. (Appuyé! appuyé !)

M. Mathieu Dumas. J'appuie cet amendement par l'exemple des Etats-Unis, où tous les actes portent la date de l'indépendance, et où l'on compte, comme nous, par année et non par mois.

Un membre: Les rois eux-mêmes rappellent

l'époque de leur règne; rappelons aussi l'époque de notre liberté qui est celle de notre règne.

(L'Assemblée décrète que les actes publics porteront à l'avenir, immédiatement après la date de l'ère vulgaire, celle de la liberté.)

M. Rouyer. Je demande, en ce cas, le décret d'urgence; il est nécessaire.

(L'Assemblée décrète l'urgence.)

M. Mathieu Dumas. Je demande que la rédaction du considérant, qui est très intéressant, soit renvoyée au comité de législation.

(L'Assemblée renvoie la rédaction du considérant au comité de législation.)

M. Dorizy. Voici, en tenant compte de l'amendement adopté, comment je propose de rédiger le décret :

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L'Assemblée nationale décrète que, soit pour les monnaies, soit pour les procès-verbaux et autres actes publics où l'ère de la liberté est rappelée, la computation de l'ère de la liberté suivra celle qui est d'usage dans la plus grande partie de l'Europe pour le renouvellement de l'année.

«En conséquence elle déclare que l'an quatrième de la liberté a commencé hier 1er janvier 1792. »

(L'Assemblée adopte le projet de décret de M. Dorizy, sauf rédaction.)

M. Basire. Je demande que tous les actes officiels de notre correspondance diplomatique portent aussi les deux dates.

M. Ramond. Vous pouvez décréter que tous les actes publics diplomatiques seront soumis à cette formalité, mais les lettres ne sont pas des actes publics, et on n'a rien à prescrire à cet égard. Quant au considérant, j'observe qu'il est très urgent qu'il soit apporté à l'Assemblée, parce que le décret que vous venez de rendre a une influence sur la confection des assignats.

M. Grangeneuve. M. Ramond vient de dire que les lettres ne sont pas des actes publics, les lettres de cabinet sont des actes publics; le ministre n'écrit point en son nom, il écrit comme agent, comme homme public en France. Il est nécessaire que les princes étrangers, ennemis de notre Révolution, voient quelquefois, dans notre correspondance avec eux, l'époque mémorable où le plus puissant peuple de l'univers a brisé le joug de la tyrannie. Je demande, en conséquence, que les lettres y soient comprises. (Murmures.)

M. Albitte. Vous entendez tous les jours, avec patience, les noms de comte et de marquis dans les lettres des ambassadeurs des puissances étrangéres; les puissances étrangères liront aussi, avec patience, l'an de la liberté.

M. Gérardin. Je demande le renvoi de la disposition de M. Basire et des autres dispositions additionnelles aux comités diplomatiques et de législation réunis qui, dans la séance de demain, en feront leur rapport et présenteront une nouvelle rédaction du décret entier, et que l'on passe à l'ordre du jour.

(L'Assemblée décrète la motion de M. Gérardin.) M. Mathieu Dumas, secrétaire. Voici une lettre de M. le maréchal de Rochambeau.

Verdun, le 31 décembre 1791.

« Monsieur le Président,

« Le service de l'Etat m'obligeant à retourner directement à Valenciennes, je vous prie de bien

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« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics, considérant que le soulagement de la pauvreté est le devoir le plus sacré d'une Constitution qui repose sur les droits imprescriptibles des hommes et qui veut assurer sa durée sur la tranquillité et le bonheur de tous les individus; attentive à pourvoir aux besoins des départements qui ont éprouvé des pertes, des événements fâcheux et imprévus; considérant, en outre, que la suppression de plusieurs droits et privilèges dont jouissaient les hôpitaux du royaume, a prodigieusement diminué des revenus si précieux; voulant enfin pourvoir à l'état de détresse momentanée qu'éprouvent les divers établissements de charité, décrète qu'il y a urgence.

Décret définitif.

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété qu'il y a urgence, a décrété ce qui suit :

« Art. 1er. Il sera fourni par la caisse de l'extraordinaire au ministère de l'intérieur, et sous sa responsabilité, jusqu'à la concurrence de 15 millions, pour être employés, ainsi qu'il suit, à subvenir aux dépenses de secours habituels aux pauvres valides et invalides, aux enfants trouvés, aux maisons de correction, et aux avances et prêts à faire aux hôpitaux du royaume.

«Art. 2. Il serà assigné une somme de 5,300,000 livres, pour ouvrir des communications dans les différents départements, ou pour autres ouvrages utiles; les seuls indigents seront admis à ces travaux sur les certificats des municipalités, visés par les districts.

« Art. 3. Il sera destiné aux dépenses des 34 dépôts de mendicité, la somme de 13 millions de livres.

« Art. 4. Les fonds pour l'entretien des enfants trouvés seront portés provisoirement à la somme de 2,400,000 livres.

« Art. 5. Les secours accordés par l'Assemblée constituante, aux hôpitaux du royaume, auront leur entier effet; il leur sera en outre assigné une somme de 6 millions, et ce, à titre d'avances sur

(1) Voy. ci-dessus, séance du 26 décembre 1791, p. 407, le rapport de M. Deperet.

Société d'Imprimerie PAUL DUPONT. Paris, 4, rue du Bouloi (Cl.) 84.11.91.

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DE 1787 A 1860

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DES

DÉBATS LÉGISLATIFS & POLITIQUES DES CHAMBRES FRANÇAISES

IMPRIMÉ PAR ORDRE DU SÉNAT ET DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS

SOUS LA DIRECTION DE

M. J. MAVIDAL

CHEF DU BUREAU DES PROCÈS-VERBAUX, DE L'EXPÉDITION DES LOIS, DES PÉTITIONS, DES IMPRESSIONS ET DISTRIBUTIONS DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS

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