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rie d'argent ne lui défendait même jusqu'aux moindres préparatifs.

«En défendant votre liberté, vous travaillez à celle de tous les peuples; et si les despotes se coalisent d'un pôle à l'autre pour vous anéantir, ainsi que leur sot orgueil leur en persuade la possibilité, les peuples doivent se réunir à vous pour détruire enfin le règne de l'iniquité et faire disparaître de dessus la surface du globe la ligué de quelques hommes qui n'a que trop duré pour le malheur et la honte des nations. Pénétré de ces vérités saintes, je veux contribuer, autant que la modicité de ma fortune me le permet, à l'établissement éternel de la liberté du genre humain. Des milliers d'hommes dans ma patrie, ainsi que chez les autres peuples, n'attendent que le moment où va être donné le signal du combat qui décidera la cause des rois et des peuples, celle de l'esclavage ou de la liberté, tous les peuples, dis-je, n'attendent que ce moment pour s'élever de toutes parts, et secouer avec effroi des chaînes dont la chute anéantira pour toujours les despotes.

« Si de toutes parts il va s'élever un cri contre la coalition infernale qui s'est formée contre vous, c'est que les autres peuples aiment aussi la liberté. Si je vous offre mes faibles moyens, si des individus de tous les pays travaillent ardemment à l'heureuse issue de votre entreprise, ce n'est pas qu'on ne soit convaincu que la nation française ne puisse achever elle seule la conquête de la liberté. Le peuple, qu'un petit nombre d'hommes ignorants et orgueilleux se plaisent si fort à humilier et à calomnier, a montré ce dont il était capable. Il montrera encore une fois que l'amour de la liberté fait faire de plus grandes choses que l'honneur féodal, et se noiera, s'il le faut, dans le sang de ses ennemis, plutôt que de se plier sous le joug.

« Gràces vous soient rendues, philosophes hu. mains, d'avoir accepté avec reconnaissance et fraternité les faibles secours de mes compatriotes et les miens! vous avez prononcé que vous ne vouliez plus reconnaître ces lignes de démarcation que les despotes, pour enchaîner les peuples, avaient placées entre eux et que leurs partisans s'efforcent encore vainement de conserver. A vos yeux, tous les peuples sont frères, tous doivent se réunir pour s'entr'aider et concourir à leur bonheur mutuel. Dieu récompensera les efforts que vous faites pour établir parmi les hommes cette égalité qui leur est si fort recommandée; lui qui dispose des armées, a déjà donné un courage invincible à vos légions; et bientôt il répandra la terreur dans le cœur de vos ennemis, et ne leur laissera que la honte de leur défaite.

« Je joins 200 livres à ma lettre. (Applaudissements.)

"A Londres, le 10 janvier, l'an III de la liberté. »

(L'Assemblée accepte l'offre qui lui est faite par William Becket, ordonne qu'il en sera fait mention honorable dans son procès-verbal et que la lettre y sera insérée.)

4° Pétition relative au chauffage économique et à la fabrication du blanc de céruse.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de commerce.)

M. le Président. Le ministre de la marine adresse à l'Assemblée nationale la copie de trois lettres de M. Blanchelande, gouverneur par intérim de l'île Saint-Domingue en date des 16, 23

et 30 novembre dernier, ainsi que la copie d'une lettre des commissaires civils qui sont arrivés au Cap le 28 du même mois.

(L'Assemblée décrète que la lecture de ces pièces aura lieu après la discussion du projet de décret sur les secours publics.)

L'Assemblée reprend la discussion du projet de décret des comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances et des secours publics réunis sur les moyens provisoires à employer pour subvenir aux besoins des départements qui, par des cas particuliers et extraordinaires, peuvent exiger des secours.

M. Deperet, rapporteur, donne lecture du 1er paragraphe de l'article premier ainsi conçu : L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit:

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Art. 1er.

« Les commissaires de la Trésorerie nationale tiendront à la disposition du ministre de l'intérieur, et sous sa responsabilité, les sommes ciaprès détaillées :

« 1° 100,000 livres pour servir de supplément, jusqu'au 1er avril prochain, aux dépenses ordinaires pour l'administration des enfants trouvés, outre les sommes décrétées pour 1791, et qui seront provisoirement payées en 1792, conformément au décret du mois de décembre dernier. »

(Cette première partie de l'article est adoptée.) M. Deperet, rapporteur, donne lecture du 2o paragraphe de l'article 1er qui est ainsi conçu :

2° 2,500,000 livres pour donner provisoirement, jusqu'au 1er juillet, des secours, ou faciliter des travaux utiles dans les départements qui, par des cas particuliers, peuvent en exiger. La répartition en sera arrêtée par l'Assemblée nationale sur le résultat qui lui sera présenté par le ministre de l'intérieur, des demandes et mémoires adressés par les directoires des départements, auquel il joindra son avis et ses observations. >>

M. Laureau. Avant de décréter quelle somme on emploiera aux travaux de secours, il me semble plus utile de savoir quels travaux on exécutera; on a déjà décrété 15 millions, dont il n'est rien resté d'utile; on en propose 5 autres, dont il ne résultera rien de mieux : l'emploi partiel de ces sommes nous engage dans des travaux que nous serons obligés de continuer, et dans la construction desquels on nous engage malgré nous, au lieu que sí nous avions un état général, nous choisirions les plus utiles, et nous ferions des dépenses dont la nation aurait à s'applaudir, par l'avantage qu'elle en retirerait. Je propose, en conséquence, de ne rien décréter pour les travaux qu'on vous propose, qu'après un rapport du comité des travaux publics, qui vous les représentera tous, et après le détail desquels vous pourrez choisir ceux qui concourront au bien général.

(Après quelques débats, l'Assemblée adopte le 2o paragraphe de l'article 1er.)

M. Deperet, rapporteur, donne lecture du 3 paragraphe de l'article 1er ainsi que des articles 2, 3, 4 et 5 qui sont adoptés sans discussion dans les termes suivants :

« 3° 1,500,000 livres pour fournir aux secours provisoires accordés par l'Assemblée constituante, tant aux hôpitaux de Paris qu'aux au

tres hôpitaux du royaume, dans la même proportion et suivant les dispositions de la loi des 25 juillet, 12 septembre et autres antérieures.

Art. 2.

« Les rentes sur les biens nationaux dont jouissaient les hôpitaux, maisons de charité et fondations pour les pauvres en vertu de titres authentiques et constatés, continueront à être payées à ces divers établissements, aux époques ordinaires où ils les touchaient, dans les formes, et d'après les conditions de la loi du 10 avril 1791, et ce, provisoirement jusqu'au 1er janvier 1793.

Art. 3.

« Les secours qui seront donnés aux départements pour être employés aux travaux utiles, ne pourront leur être accordés que lorsqu'ils auront rempli toutes les conditions prescrites par la loi du 9 octobre dernier et autres antérieures; le ministre de l'intérieur rendra compte, nominativement, des directoires de département qui n'auront pas rempli ces formalítés indispensables.

Art. 4.

«Le comité des secours publics présentera à l'Assemblée nationale, dans le plus court délai, un plan de travail sur l'organisation générale des secours à donner aux pauvres valides et invalides, l'administration des hôpitaux et hospices de bienfaisance, et sur la répression de la mendicité.

Art. 5.

« Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »

Un membre: J'observe que l'article 4 n'est pas sujet à la sanction; je demande qu'il soit séparé du décret.

(L'Assemblée adopte cette motion.)

M. Aubert-Dubayet. Je demande que le comité des secours publics prenne l'engagement formel de faire, à jour fixe, un rapport sur les secours à accorder aux hôpitaux dans les villes ci-devant de parlement; ces secours sont indispensables. Indépendamment des revenus que les hôpitaux retiraient des octrois, ils recevaient encore des secours journaliers, que des motifs révolutionnaires ont totalement suspendus. Les patriotes, qui aiment la liberté jusqu'à l'idolâtrie, ont beaucoup de peine à maintenir la tranquillité publique. Il y a dans ces villes un grand nombre d'indigents. Voilà les motifs puissants sur lesquels j'appuie la motion que j'ai faite. (Applaudissements.)

M. Deperet, rapporteur. Le comité des secours publics désire beaucoup pouvoir accélérer son rapport sur cet objet important.

M. Baignoux. Voici un article additionnel : Le ministre de l'intérieur sera tenu de faire remettre dans le plus court délai possible, par les directoires de département, un état détaillé des revenus des hôpitaux.

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Plusieurs membres : Cet état est remis.

(La motion de M. Baignoux n'a pas de suite.) Un membre annonce un grand travail du comité des secours publics sur les hôpitaux et les prisons.

Plusieurs membres : L'ordre du jour! (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.) Plusieurs membres demandent l'ordre du jour sur la motion de M. Aubert-Dubayet.

M. Aubert-Dubayet. Messieurs, depuis longtemps, on est dans l'incertitude. Je demande qu'on ne passe pas à l'ordre du jour, et j'insiste pour que le rapport que je demande soit fait dans un mois ou 6 semaines.

M. Blanchon appuie la motion de M. AubertDubayet.

(L'Assemblée décrète la motion de M. AubertDubayet.)

M. Viénot-Vaublanc. Messieurs, dans un grand nombre de départements qui ont touché leur quote-part des secours que vous avez donnés, au lieu de les employer à cette destination, on les a employés à rembourser le trop imposé. C'est un abus manifeste de vos intentions. Je demande donc, Messieurs, comme article additionnel, que vous annuliez toutes dispositions de ce genre qui ont pu être faites dans les départe

ments.

(L'Assemblée adopte l'article additionnel de M. Viénot-Vaublanc, sauf rédaction.)

M. Lacnée. Je vais vous présenter un article additionnel qui me paraît de la dernière importance. Tout le monde sait que dans les départements il y a des hommes qui n'ont ni force, ni facultés pécuniaires, et qui sont d'un âge si avancé qu'ils ne peuvent pas gagner leur vie... Plusieurs membres : On s'en occupe.

M. Lacuée. Vous savez que lorsque la nation a mis à sa disposition les biens du clergé, elle a décrété qu'elle aurait soin des pauvres, et elle a entendu les pauvres invalides particulièrement. Ainsi, je demande qu'il soit accordé à chaque département une somme de 3 à 4,000 livres, qui sera distribuée uniquement aux pauvres invalides et aux vieillards dénués de force et de fortune.

(Il s'élève quelques débats sur cette motion.) Un membre demande que cette proposition soit renvoyée au comité des secours publics pour en rendre compte samedi prochain.

(L'Assemblée renvoie la motion de M. Lacuée au comité des secours publics pour en rendre compte samedi prochain.)

Suit la teneur de ce décret, tel qu'il a été porté à la sanction :

"

L'Assemblée nationale, après avoir entendu les rapports de son comité des secours publics, considérant que le soulagement de la pauvreté est le devoir le plus sacré d'une Constitution qui repose sur les droits imprescriptibles des hommes, et qui veut assurer sa durée sur la tranquillité et le bonheur de tous les individus, attentive à pourvoir aux besoins des départements qui ont éprouvé des événements désastreux et imprévus, voulant enfin venir au secours des hôpitaux et hospices de charité, dont les revenus ont été diminues par la suppression de plusieurs droits et privilèges, décrète qu'il y a urgence. «L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit:

Art. 1er.

« Les commissaires de la Trésorerie nationale tiendront à la disposition du ministre de l'inté

rieur, et sous sa responsabilité, les sommes ci-après détaillées :

« 1° 100,000 livres pour servir de supplément jusqu'au 1er avril prochain aux dépenses ordinaires pour l'administration des enfants trouvés, outre les sommes décrétées pour 1791, et qui seront provisoirement payées en 1792, conformément au décret du mois de décembre dernier;

« 2° 2,500,000 livres, pour donner provisoirement, jusqu'au 1er juillet, des secours, ou faciliter des travaux utiles dans les départements qui, par des cas particuliers, peuvent en exiger. La répartition en sera arrêtée par l'Assemblée nationale, sur le résultat qui lui sera présenté, par le ministre de l'intérieur, des demandes et mémoires adressés les directoires des déparpar tements, auxquels il joindra son avis et ses observations;

3° 1,500,000 livres pour fournir aux secours provisoires accordés par l'Assemblée constituante, tant aux hôpitaux de Paris qu'aux autres hôpitaux du royaume, dans la même proportion et suivant les dispositions de la loi des 25 juillet, 12 septembre et autres antérieures.

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Les habitants de la province, effrayés des calamités dont ils étaient menacés, ont pris le parti de traiter avec les hommes de couleur. Les 14 paroisses ont nommé des commissaires. Les hommes de couleur en ont fait de même : il en est résulté un traité de paix que je joins ici sous le no 1, qui rappelle l'exécution du concordat du 14 septembre (Ah! ah !), n° 2, que j'avais joint à ma dernière dépêche. Ce traité m'a été adressé officiellement par les commissaires de l'Ouest, avec la lettre cotée n° 3, à laquelle j'ai fait lá même réponse insérée sous le même no 3.

« Le traité signé, les gens de couleur ont envoyé 1,000 hommes au Port-au-Prince, où ils ont fait le service avec les troupes patriotiques. 200 des nègres esclaves qu'ils avaient armés et amenés avec eux au Port-au-Prince, ont été embarqués sur un navire, et conduits à la Côteferme. Je ne sais ce que tout ceci deviendra : le calme paraît rétabli dans cette province, où chacun se porte à maintenir les ateliers dans le devoir. J'aurai l'œil ouvert, pour parer, autant qu'il sera en mon pouvoir, aux irrégularités... Mais vous devez concevoir, Monsieur, que je dois agir avec beaucoup de circonspection, n'ayant surtout aucun moyen réprimant de faire respecter mon autorité.

M. Delacroix. C'est bien dommage! (Rires.)

M. Mathieu Dumas, secrétaire, continuant la lecture:

«Dans la partie de l'Est de la province du Nord, les gens de couleur se sont aussi cantonnés à part, et ont aussi manifesté des prétentions comme ceux de la province de l'Ouest, quoique les habitants des 5 paroisses du Fort-Dauphin et environs aient acquiesce à leurs désirs, dans l'espérance de se réunir à eux contre les nègres en révolte, ils ne sont pas moins restés séparés, ce qui augmente infiniment les inquiétudes. Ces gens de couleur désirent que l'assemblée coloniale approuve leurs demandes, ce qui est de toute absurdité. (Ah! ah!) Il y a cependant environ 130 hommes de couleur qui ont rejoint les blancs. Je vais faire des efforts pour y faire parvenir des secours.

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Depuis 15 jours, nous avons eu de grands avantages sur les révoltés; dans d'autres parties de la province on évalue à 600 des leurs tués. J'avais envoyé M. de Touzard avec une division de 5 à 600 hommes au Port-Margot: il les a attaqués dans le Limbé, d'où ils ont été délogés avec beaucoup de perte.

« Pendant ce temps, les troupes du cordon de l'Ouest à Plaisance, commandées par M. de Casamajor, ont aussi attaqué un camp important dans le Haut-Limbé, qui a été forcé et gardé. Ces expéditions ont duré 15 à 16 jours, pendant lequel temps les troupes patriotiques ont voulu rentrer, on a placé différents postes pour conserver ces avantages, sans pouvoir les étendre.

« Pendant les opérations ci-dessus, M. de Cambesort est sorti dù Cap avec environ 500 hommes: il a parcouru les quartiers de l'Acul et de la plaine du Nord, où il a emporté plusieurs camps et tué beaucoup de ces brigands, entre autres un de leurs chefs très renommé, mais de même que son lieutenant-colonel, il a été obligé de rentrer après 10 jours de campagne et de succès marqués.

« Il est fâcheux d'abandonner les postes d'où l'on chasse les brigands, mais les troupes patriotiques ne peuvent soutenir que peu de jours les fatigues indispensables de cette guerre, et il faudrait pouvoir les harceler sans cesse et ne pas leur donner le temps de se reconnaître. Par malheur, la plus grande partie des citoyens accoutumés à une grande aisance chez eux, à une mollesse qu'inspire le climat, et à laquelle ils se livrent, tombent malades avec une facilité désolante, les pluies sont ici meurtrières, et elles y sont très fréquentes en cette saison. Le brave régiment du Cap, excédé de fatigues, ne se rebute pas, mais malheureusement il succombe, à peine reste-t-il 100 hommes au drapeau, à cause des détachements nombreux et des hôpitaux. Nous sommes à tous égards bien à plaindre.

« Il faudrait avoir entièrement à nous les hommes de couleur : ils ont toutes sortes d'avantages sur les blancs; nés dans le pays, le climat n'a que très peu d'influence sur leur physique, ils marchent pieds-nus pour la plupart, et ils vivraient un jour de bananes et d'eau, au lieu que les blancs ne peuvent souffrir aucune espèce de fatigue ni de gênes (Rires.); il leur faut du vin, des liqueurs, de la viande fraîche, des ragoûts, des domestiques, c'est une misère et un train incroyable quand il est question de les mouvoir; les prières, les ordres, la douceur, la sévérité ne produisent aucun bon effet (Murmures.), la campagne de 8 jours est citée par eux comme tout ce qu'il y a de plus dur et de plus excédant, ils sont fort bons pour un coup de

main, mais il est impossible de faire une guerre suivié avec ces messieurs-là. (Rires.)

"Ce ne sera donc qu'avec les gens de couleur, mêlés de troupes de ligne, que nous parviendrons à réduire les brigands. Pour cela, il faudrait procurer aux premiers des avantages: l'assemblée coloniale y était disposée, elle allait leur accorder, d'après son arrêté du 22 septembre ci-joint no 4, non seulement les bénéfices du décret du 15 mai, qui n'admettait que les hommes de couleur nés de père et mère libres, mais elle voulait améliorer le sort des autres : cette assemblée allait prendre, à cet effet, un arrêté concluant, quoique provisoire, lorsqu'on a eu connaissance du décret du 24 septembre. (Ah! ah! le voilà!) Depuis ce moment, fières de ce décret, les têtes se sont exaltées d'une manière à faire connaitre que le prononcé sur le sort des gens de couleur ne soit pas aussi favorable qu'ils auraient lieu de l'espérer, ce qui pourrait produire des effets très fâcheux, ces gens étant en force et en armes, et soupçonnés d'avoir fomenté sourdement la révolte des esclaves.

« Après plusieurs séances de débats, l'assemblée coloniale a pris un arrêté ci-joint n° 5, qui, du moins je le crains, ne satisfera pas les hommes de couleur; j'ai fait, avant de l'approuver, quelques observations qui ont produit des modifications. L'assemblée a de suite fait une adresse aux gens de couleur, cotée no 6, et moi une proclamation sous le n° 7. Nous ignorons encore l'effet qu'auront produit ces pièces. Si les hommes de couleur sont confiants et raisonnables, tout ira bien...

Plusieurs membres ironiquement: Oui! oui! sûrement.

M. Lacombe-Saint-Michel. Il a raison. M. Mathieu Dumas, secrétaire, continuant la lecture:

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sinon, la colonie court les plus grands dangers. (Murmures.)

« Signé BLANCHELANDE. »

Copie d'une seconde lettre de M. de Blanchelande au ministre de la marine.

« Au Cap, le 23 novembre 1791.

« Monsieur, est-il décidé que j'aurai sans cesse à vous informer des événements fâcheux arrivés dans cette malheureuse colonie!

« J'ai eu l'honneur de vous instruire, par mes lettres du courant de septembre, que j'avais fait partir, de concert avec l'assemblée générale, un aviso pour la Martinique, afin d'informer M. de Béague de notre position et demander tous les secours qu'il pourrait m'envoyer. La traversée de cet aviso pour se rendre à cette destination, ayant été contrariée, la réponse a longtemps tardé à me parvenir et déjà l'on murmurait contre le choix du prétendu bâtiment destiné à cette mission. On le supposait perdu et les malintentionnés s'en prenaient à moi.

«Enfin, le bâtiment reparut ici le 9 de ce mois, après 52 jours d'absence. Il m'apporta une lettre de M. de Béague, qui m'annonçait l'arrivée du vaisseau de guerre l'Eole, de la frégate la Didon, du brigantin le Cerf, sur lesquels il m'envoyait en armes, en munitions de guerre et de bouche, ce dont il pouvait se démunir; mais point de troupes, n'en ayant pas dont il pùt disposer. Depuis du

temps, les émissaires de Saint-Pierre de la Martinique, venus à bord de quelques bâtiments de commerce, répandaient ici sourdement des bruits injurieux sur la conduite de M. de Béague et de ses coopérateurs. On les accusait d'avoir rétabli l'ancien régime; en un mot, ils étaient ce qu'on appelle des aristocrates dans toute la force qu'il a plu de donner à cette expression. Ces bruits accrédités peu à peu se réveillèrent à la nouvelle des bâtiments de la station des îles du Vent, et même j'ai su qu'il a été fait des motions à l'assemblée générale pour faire prêter, en arrivant, le serment civique à l'état-major de ces bâtiments; mais quelques personnages sages représentèrent que ce serait annoncer des soupçons injurieux et déplacés vis-à-vis de ceux qui venaient de secourir la colonie; leur avis prévalut. Ces trois bâtiments annoncés parurent en effet le 15 et mouillèrent le 16 dans cette rade.

« Le 17 au matin, quelques jeunes gens étant venus à terre et y ayant déjeuné, tinrent malheureusement des propos inconsidérés qui occasionnèrent quelques rixes particulières. Des plaintes m'ayant été portées contre un d'eux, je l'envoyai sur le champ à M. Girardin, qui le fit mettre à la Fosse-aux-Lions. Cette précaution n'apaisa pas la rumeur déjà excitée parmi le peuple et l'assemblée générale.

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L'assemblée provinciale, inquiète de ces mouvements, n'y trouva d'autres remèdes que celui de m'engager, par un arrêté, à faire repartir ces 3 bâtiments. La circonstance me parut exiger un acquiescement à cet arrêté, surtout quand je fus instruit que plusieurs officiers de la Didon, et même M. le commandant de cette frégate, descendus dans l'après-midi, venaient d'être entourés, grièvement insultés, frappés, menacés de la lanterne, enfin, par composition, conduits à l'assemblée générale par une foule prodigieuse du peuple.

« M. Girardin dînait chez moi avec 10 officiers de son corps; lorsqu'on vint me rendre compte de cet événement, ce commandant désira de se rendre aussitôt à son bord; mais il lui fallait une escorte, et je craignais de la compromettre dans un moment d'effervescence, n'ayant réellement à mes ordres qu'une centaine d'hommes de troupes réglées.

« Je préférai de courir à l'assemblée, afin d'essayer de calmer le tumulte. J'y trouvai une nombreuse troupe, et les têtes montées à un point étonnant: il ne fut pas possible de me faire entendre. M. Girardin y vint seul un moment après, espérant ramener les esprits par cette démarche franche. Il voulut parler; mais bientôt interrompu par les cris et les huées, il fut réduit au silence. Nous demeurâmes ainsi jusqu'à 9 heures du soir et essayant vainement de calmer cet orage. Il fut décidé que l'assemblée délibérerait, et qu'en attendant, tous les officiers de marine présents, et même M. Girardin, resteraient dans l'enceinte des bâtiments de l'assemblée sous la garde des troupes patriotiques. Je me retirai alors, et je trouvai le moyen de faire conduire, vers minuit, à leur bord, les autres officiers de marine qui étaient restés, chez moi. L'assemblée me fit remettre le lendemain matin un arrêté pour m'engager à ordonner les arrêts aux officiers de la maison commune, et à ceux qui se trouvaient à bord des bâtiments nouvellement arrivés et de faire mettre une garde patriotique de 50 hommes pour les garder: je ne sanctionnai point cet arrêté.

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Des commissaires des deux assemblées furent envoyés à ces deux bords pour y remettre la paix et engager les équipages à envoyer des députés d'entre eux, aux fins d'exposer leurs raisons à l'assemblée. Ces députations eurent lieu, portèrent des plaintes contre la plupart des officiers, demandèrent hautement leur renvoi; cependant M. Girardin n'était pas compris dans la proscription, et même après avoir prêté le serment civique à leur tête, en présence de l'assemblée, il fut libre de retourner à son bord. L'assemblée, espérant que le temps calmerait la fermentation, remet au lendemain 19 à statuer sur le sort des officiers toujours détenus dans la maison commune; mais loin de s'apaiser, l'effervescence s'accrut à bord de l'Eole, dont l'état-major, avec M. Girardin, passa la nuit sous les armes pour faire tête aux mutins, parce qu'ils étaient menacés des plus grandes violences, ainsi qu'il conste par le procès-verbal du même jour 19, que M. Girardin m'adressa, et que je joins ici, nos 1 et 2, ainsi que la lettre qu'il m'écrivit en même temps.

«Des commissaires de l'assemblée passèrent la journée et la nuit à bord de l'Eole, afin d'en imposer à l'équipage, et pour la sûreté de l'étatmajor. Dans une crise aussi violente, mon embarras était grand. Devais-je accéder aux demandes des officiers qui tous demandaient à se retirer? devais-je, par mon refus, risquer à voir continuer, même à voir augmenter le désordre, et exposer les officiers à en être les victimes? Réduit à la nécessité de séparer les officiers d'avec les mutins, je préférai de laisser aux mécontents de l'équipage la liberté de débarquer, ou, pour mieux dire, j'ordonnai le désarmement du vaisseau. J'écrivis, en conséquence, à M. Girardin la lettre no 3.

« Aucun des matelots ne consentit à l'exécution de cette disposition; mais tous ces insurgents se transportèrent à terre. Je les fis ramasser et transporter dans des dépôts sous bonne garde, où j'ordonnai que les rations leur fusent distribuées. Tous ceux de cet équipage qui demandèrent à retourner avec leurs officiers y furent autorisés, et M. Girardin me demanda, par sa lettre n° 4, qu'il n'en voulait pas davantage. Je lui fis la réponse ci-jointe no 5. J'avais donné les mêmes ordres au commandant de la frégate la Didon et l'équipage, qui était retourné entièrement à bord, n'a jamais voulu consentir à leur exécution. Le public ayant eu connaissance de leurs dispositions, se transporta en foule à l'assemblée coloniale, où il manifesta par des clameurs redoublées son opposition à leur exécution. Il voulait le désarmément de tous les officiers et leur renvoi en France. Je tins bon et je cherchai cependant à satisfaire le public et à ne pas me compromettre. Quatre commissaires de l'assemblée furent députés vers moi. Ils m'ennoncèrent la grande effervescence de la galerie: ils furent suivis d'un corps de troupes assez considérable auxquelles je 'fis part de mes dernières intentions, celles de renvoyer en France, sur la corvette la Fauvette, les 5 jeunes gens qui avaient tenu des propos inconsidérés le lendemain de leur arrivée, qui avaient occasionné la rumeur populaire; je plaçai dans les différents

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