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vote des 20 millions, j'ai donné sur-le-champ des ordres pour une nouvelle levée de 6,000 chevaux, dont une grande partie est déjà achevée. J'ai pris également des mesures pour en augmenter le nombre avec toute la célérité qu'exigent les circonstances.

L'état ci-joint donnera à l'Assemblée nationale le détail des payements effectués sur ces 20 millions dans la première quinzaine de janvier. Ils se montent à 1,662,000 livres. Je lui ferai passer de même, tous les quinze jours, l'emploi des fonds dont j'aurai disposé.

Le roi m'a donné les ordres les plus précis pour prévenir les officiers de l'armée destinée à défendre nos frontières, de se mettre sur-lechamp en état d'entrer en campagne, et de faire en conséquence les préparatifs nécessaires pour la fourniture de leurs équipages; mais, pour l'exécution de cette disposition, j'ai besoin du concours de l'Assemblée nationale, et je m'empresse de lui présenter les objets sur lesquels il est urgent de prononcer. Les équipages nécessaires aux officiers consistent en tentes, lits de camp, ustensiles, chevaux, tant pour les officiers que pour le transport de leurs équipages. Il existe dans les magasins une quantité suffisante de tentes. Je propose d'en fournir aux officiers, ainsi qu'il en a été fourni dans la guerre de 1769. Quant aux lits de camp et aux autres effets de campement, il avait été fait, en 1779, un règlement qui assignait pour ces objets aux colonels 200 livres, aux lieutenants-colonels 150 livres, aux capitaines 80 livres, aux lieutenants et sous-lieutenants 50 livres. Aujourd'hui, ces sommes sont évidemment insuffisantes, tant par le renchérissement des denrées de toute espèce et par la perte sur les assignats, que par le remplacement des officiers en général, moins riches qu'alors. Je prie donc l'Assemblée de fixer le plus promptement possible la somme qu'elle jugera devoir être allouée à chaque grade, pour ustensiles de campement.

A l'égard des chevaux des officiers, les ordonnances anciennes fixaient le nombre qu'il serait permis à chaque grade d'avoir. La fixation étant faite, d'après la fortune qu'on supposait aux officiers, je la crois susceptible de réduction dans l'ordre actuel des choses. L'état n° 2 en donnera le détail.

Il me reste encore une demande à faire à l'Assemblée nationale, sur le traitement des officiers en campagne. Le décret sur la solde des troupes l'ayant fixé, d'après l'évaluation de leur dépense dans les garnisons, il est certain que l'achat des chevaux nécessaires, les dépenses relatives à leur nourriture, pansement, équipement et remplacement, les frais inévitables d'une campagne exigent d'eux une augmentation considérable de dépenses à laquelle il leur serait impossible de satisfaire avec leurs traitements ordinaires. Il était d'usage, en conséquence, de leur fixer un traitement de guerre ou de leur donner une avance de trois mois de solde en gratification, pour leur faciliter les moyens nécessaires de former leur équipage, et ensuite d'allouer à chaque grade un certain nombre de rations de vivres et de fourrages.

L'Assemblée aura également à prononcer si les rations seront fournies gratis, ou si les officiers devront fournir une retenue quelconque.

A l'égard des soldats sur qui doivent principalement porter toutes les fatigues de la guerre, je présume que l'Assemblée nationale voudra leur accorder au moins tout ce qui leur sera né

cessaire pour le soutien de leur force et de leur santé. C'est d'après cela que j'ai l'honneur de proposer de porter à 28 onces la ration de pain

leur fournir sans retenue, de leur donner une ration d'une demi-livre de viande par jour moyennant une modique retenue d'un demidenier par ration, et de leur laisser le surplus de leur solde, montant à 6 sous, dont 3 s. 8 d. pour pourvoir au surplus de leur nourriture, et à 2 s. 4 d. pour leur linge et chaussure.

J'ai fait mettre à la suite de l'armée les approvisionnements de chemises, bas, souliers nécessaires, etc., ainsi que de riz, eau-de-vie, vinaigre, pour leur être distribué en gratification sur les ordres du général de l'armée.

Je soumettrai successivement à l'Assemblée nationale les idées qui me paraîtront propres à donner à mon département toute l'activité dont il peut, dont il doit être susceptible; mais je me permettrai de vous rappeler que je vous ai fait, dans mon dernier rapport, des demandes aussi urgentes qu'indispensables; deux surtout sont tellement importantes qu'on ne peut, sans les obtenir, croire au succès de la guerre. Il suffit d'énoncer la première pour en faire sentir la nécessité, 51,000 hommes manquent à l'armée. La guerre rendra nécessaire un nombre plus considérable.

La seconde n'est pas moins importante, quoiqu'elle frappe moins d'abord ceux qui ne se sont pas livrés au métier des armes : il importe de donner à la guerre l'avantage du commandement aux officiers de ligne. Certainement les officiers de la garde nationale méritent toute la confiance des patriotes; mais ceux qui n'ont pas servi dans l'armée, exposeraient la vie de tous les hommes qu'ils conduiraient à l'ennemi et prodigueraient la leur sans assurer la victoire. A la guerre, c'est l'expérience qu'il faut croire, l'art militaire ne peut pas se passer d'elle. A la paix, vous considérerez peut-être la force armée sous de nouveaux rapports; mais, en ce moment, il est de mon devoir de répéter à l'Assemblée nationale que l'intérêt de l'humanité autant que celui de la guerre plaide en faveur des observations que je viens de présenter. Toutes les nouvelles de l'armée apprennent que les officiers et les soldats partagent cette opinion que je ne me permettrais pas d'offrir aussi positivement à l'Assemblée nationale, qu'en la sachant appuyée par les militaires les plus distingués à la fois par leurs talents et par leur patriotisme.

M. Cambon. Je demande le renvoi de la première proposition aux comités de l'ordinaire des finances et militaire réunis, et j'observerai que nous avons décrété la dépense de 20 millions en dérangeant l'ordre de la comptabilité établi par les décrets, qui portent que tous les ministres donneront l'aperçu de toutes les dépenses dont ils demanderont les fonds. Je demanderais que M. le ministre, pour guider l'opinion du comité de l'ordinaire des finances, voulût bien lui fournir l'aperçu des dépenses des 20 millions décrétés, afin que le comité de l'ordinaire des finances puisse apprécier si les nouvelles demandes de fonds que le ministre vient de faire indirectement, se trouvent dans les 20 millions ou si elles en sont séparées.

M. de Narbonne, ministre de la guerre. Je ne crois pas, dans le rapport que je viens de faire, avoir présenté un aperçu indirect de dépenses ou d'achats. J'ai dit que j'avais déjà fourni une somme de 1,662,000 livres à peu près pour achats

de chevaux. Je pourrais dire que si nous sommes obligés de faire le développement des forces qui seront nécessaires, nous aurons besoin de 30,000 chevaux. Vous voyez, Messieurs, que 30,000 chevaux prennent tout de suite une partie des fonds décrétés. Vous verrez, Messieurs, que pour le mode de recrutement qui, sans doute, vous sera incessamment présenté par votre comité militaire, il sera impossible de n'y pas employer beaucoup d'argent.

Si l'Assemblée ordonne que je lui donne un aperçu de dépenses, il me paraît difficile de ne pas lui représenter que je ne sais pas encore que personne de nous ne sait le genre de guerre auquel nous serons condamnés; que si nous sommes obligés de faire sur-le-champ un développement de 130,000 hommes, cela triplera peut-être la dépense. J'oserai demander à l'Assemblée les ordres qu'elle voudra me donner, et je réponds d'avance de l'exactitude que je mettrai dans leur exécution.

M. Cambon. Je n'ai fait mon observation que relativement à la dépense indirecte que j'ai cru entrevoir dans la demande de M. le ministre : M. le ministre vous a proposé de faire certaines avances aux officiers pour entrer en campagne. C'est une augmentation de dépenses indirectes; c'est ce qui m'a fait demander si cela était compris dans ces 20 millions.

Plusieurs membres : Le renvoi au comité!

M. Caminet. J'ai entendu dans la première partie du rapport, que conformément à votre décret, le ministre vous rendrait compte, toutes les quinzaines, des marchés qu'il aurait passés ; en conséquence, le ministre a le droit de passer tous les marchés. Je n'entends ni approuver, ni contester ce droit; mais, comme en matière de finances, tout doit être aussi clairement connu de la nation que sagement ordonné par les ministres, je demande que tous les ministres vous fournissent un double de tous les marchés qu'ils feront, parce que tous ces marchés seront connus de vos comités qui vous en rendront compte.

Un membre: Je demande le renvoi aux comités militaire et de l'ordinaire des finances réunis, des propositions du ministre de la guerre, de M. Cambon et de M. Caminet, pour le rapport en être fait mercredi matin.

(L'Assemblée renvoie aux comités militaire et de l'ordinaire des finances réunis les propositions du ministre de la guerre, de M. Cambon et de M. Caminet.)

M. le Président annonce que la séance de demain matin commencera à dix heures précises. (La séance est levée à trois heures et demie.)

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE. Séance du mardi 17 janvier 1792, au matin.

PRÉSIDENCE DE M. DAVERHOULT.

La séance est ouverte à dix heures du matin. M. Antonelle, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi 16 janvier.

Plusieurs membres se plaignent de quelques réflexions insérées dans la rédaction sur l'état déplorable d'Avignon.

1re SÉRIE. T. XXXVII.

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« Vous venez de prouver que son génie tout entier vous inspire: le témoignage énergique de votre dévouement pour la Constitution atteste à l'univers qu'interprètes fidèles des volontés de la France, vous êtes dignes aussi d'être les organes de ses plus chers sentiments.

Oui, tous les Français le répètent avec vous, ce serment va désespérer les tyrans, et confondre à jamais leurs détestables projets.

« Hier notre devise était : La Constitution ou la mort; aujourd'hui, c'est : Plutôt la mort qu'une atteinte à la Constitution. » (Applaudissements.)

(L'Assemblée ordonne que cette adresse sera insérée dans son procès-verbal, et qu'il en sera fait mention honorable.)

M. le Président. Messieurs, je viens de recevoir une lettre adressée au président de l'Assemblée par Joseph-Désiré Wolf, ci-devant prince héréditaire de Wolf. Il se trouve dedans une adresse à l'Assemblée nationale et une autre au roi. Il se plaint qu'on le maltraite dans les feuilles périodiques françaises. Je ne sais pas ce que l'Assemblee veut décider à cet égard.

Plusieurs membres : L'ordre du jour!

M. Broussonnet. Déjà les ministres se sont plaints, dans le sein de l'Assemblée, de ce que les papiers publics parlent indécemment sur le compte des puissances étrangères; mais, certes, l'Assemblée n'a rien de commun avec ces papiers. Les citoyens français et même tous les étrangers qui ont été calomniés ou injuriés par des écrits imprimés, peuvent, aux termes de l'article 18 du chapitre 5 de la Constitution française, en poursuivre les auteurs par-devant les tribunaux. Je demande qu'on passe à l'ordre du jour. (L'Assemblée, consultée, décrète qu'elle passe à l'ordre du jour en le motivant.)

M. Broussonnet, secrétaire, donne lecture de la lettre et de la pétition suivante :

1o Pétition du sieur Dupontet, chirurgien, dans laquelle il demande d'être pourvu de l'emploi de chirurgien-major des compagnies ci-devant connues sous le nom de la Prévôté de l'hôtel et de Robe-courte, transformées en compagnies de gendarmerie nationale. Il représente qu'il a administré sans intérêt, avec ardeur et empressement, les secours de son art, tant aux membres de l'Assemblée constituante qu'aux personnes qu' y étaient attachées, ainsi qu'il constate d'un certificat qu'il produit et quí est signé d'un grand nombre de membres du corps constituant.

(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette demande au comité des pétitions.)

2o Lettre de la municipalité de Caen, par laquelle elle prie l'Assemblée de hâter la décision de l'af

(1) Cette adresse, qui exprime le plus ardent amour pour la liberté, est rédigée par M. Lallemand, qui réunit plusieurs titres attestant combien il s'est rendu digne de la confiance de ses concitoyens. (Note de l'« Auditeur national. »)

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faire relative aux 84 personnes détenues dans le château de la ville; cette lettre est ainsi conçue :

"Caen, le 14 janvier 1792.

<< Messieurs,

« Permettez-nous de vous remettre sous les yeux le tableau des 84 personnes détenues dans le château de notre ville. Vous avez ordonné qu'elles y resteraient en état d'arrestation jusqu'à ce que vous ayiez prononcé sur leur sort, après l'examen des pièces. Nous attendons avec impatience, Messieurs, le décret que vous porterez dans cette occasion sur cette affaire.

Déjà deux mois et au delà se sont écoulés depuis votre premier décret. La garde des prisonniers fatigue singulièrement nos citoyens ; elle nécessité un plus grand nombre d'hommes. Ce service est d'autant plus pénible, qu'on ne peut refuser aux détenus l'accès de leurs parents et de leurs amis, ce qui exige une surveillance active et continuelle. Nous réclamons donc, Messieurs, avec instance, votre décision à cet égard et nous avons tout lieu d'espérer que votre décision ne restera pas sans effet.

« Signé : Les officiers municipaux de la ville de Caen. »

Plusieurs membres: A demain le rapport sur cette affaire!

M. Dorizy. Ce rapport était ajourné à hier matin. M. Guadet vous a dit qu'il n'était pas prêt. En vain ajournerez-vous à demain, si d'ici là, son travail ne peut pas être terminé.

M. Delacroix. Ces prisonniers sont détenus depuis deux mois, et il est possible que, parmi eux, il y ait des innocents. Je demande que le rapport de cette affaire soit mis à l'ordre du jour, afin que M. Guadet monte à la tribune dès qu'il sera prêt.

M. Mouysset. M. Guadet a promis de faire. son rapport jeudi matin.

Plusieurs membres : L'ordre du jour! (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

M. le Président annonce qu'un membre de l'Assemblée lui adresse une lettre, par laquelle il réclame la parole pour la séance de ce soir.

Un membre: Je prie l'Assemblée d'observer que le moyen que prend ce membre pour obtenir la parole, est inconvenant. Il a le droit de réclamer la parole au sein de l'Assemblée : c'est à lui à user de ce droit. Je demande l'ordre du jour sur sa lettre.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

Un membre demande que le comité de législation fasse, demain, à l'ouverture de la séance, son rapport sur la manière de mettre un ordre constant dans les travaux de l'Assemblée.

(L'Assemblée décrète cette motion.)

Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre de M. Dufresne-Saint-Léon, directeur général de la liquidation, par laquelle il instruit l'Assemblée du nombre de ses commis, de l'ordre de leur travail; il annonce qu'il y a plus de soixante rapports de liquidation prêts à être présentés à l'Assemblée et demande que le décret qui oblige les rentiers de l'Etat à justifier des six mois de résidence, soit étendu aux pensionnaires par brevet: cette lettre est ainsi conçue:

"Monsieur le Président,

« J'ai l'honneur de vous adresser, conformément au décret de l'Assemblée nationale, du 31 décembre dernier, un état des commis qui composent chacun des bureaux de la direction générale de la liquidation et des traitements de chacun d'eux. Ils ont l'ordre de se rassembler et de se livrer au travail depuis 9 heures du matin jusqu'à 2 heures et depuis 5 heures du soir jusqu'à 8; mais il leur est impossible de se livrer à aucun travail réfléchi dans la matinée qui se passe tout entière à recevoir et à répondre au public qui inonde les bureaux depuis leur ouverture. Le comité central de liquidation m'avait autorisé à tenir les bureaux fermés pour le public jusqu'à midi. Je tiens avec plus de fermeté à ce que les bureaux soient fermés et tranquilles l'après-diner, parce que, sans cette précaution, le travail de la liquidation, qui exige de la réflexion et du calme, serait impraticable, au préjudice du public même. Je puis assurer l'Assemblée nationale que mes bureaux se dédommagent, le soir, des interruptions du matin et que le travail s'y prolonge jusqu'à 10 et 11 heures du soir. Je ne dois qu'à cette ardeur d'être en avance sur l'Assemblée, et d'avoir, dans ce moment, pour plus de 60 millions de rapports et de liquidations toutes faites.

« Je supplie l'Assemblée d'agréer l'hommage de ma respectueuse reconnaissance pour l'augmentation qu'elle a bien voulu accorder au bureau des pensions, dont le retard préjudiciait beaucoup au Trésor public et au bureau des Jurandes, dont la liquidation concerne la classe la plus intéressante des créanciers de l'Etat.

"

L'Assemblée nationale constituante avait nommé des commissaires pour la vérification des numéros et des tours de liquidation je désirerais que l'Assemblée nationale voulût bien leur donner des successeurs.

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Un membre: Je demande qu'à l'instar de l'Assemblée nationale constituante, l'Assemblée nationale nomme des commissaires pour la vérification des numéros de liquidation.

(L'Assemblée, consultée, décrète cette motion.) En conséquence, le décret suivant est rendu : « L'Assemblée nationale décrète qu'elle fera choix de 4 commissaires pris dans son sein, pour la vérification des numéros et des tours dé liquidation. »

M. Dorizy. Je convertis la dernière partie de la lettre de M. Dufresne en motion expresse : c'est que les certificats de résidence de 6 mois que sont obligés de représenter les différents créanciers de l'Etat soient étendus aux brevets de pension.

Plusieurs membres : Le décret d'urgence!

(L'Assemblée décrète la proposition de M. Dorizy, après avoir préalablement déclaré l'urgence.)

En conséquence, le décret suivant est rendu : « L'Assemblée nationale, considérant que les formalités qu'elle a adoptées pour l'admission

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des créanciers de l'Etat au payement des sommes à eux dues pour liquidation ou rentes, sont de nature a être étendues aux pensionnaires de l'Etat, et qu'il est important d'y pourvoir sans délai, décrète qu'il y a urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète qu'à l'avenir les formalités prescrites par le décret du 13 décembre dernier, pour les certificats de résidence pendant 6 mois, auxquels sont assujettis différents créanciers dé l'Etat, seront observées pour l'expédition des brevets de pension et par les porteurs de ces brevets. »

Un membre: Je demande que les états d'organisation joints à la lettre de M. Dufresne soient imprimés et distribués à tous les membres de l'Assemblée; il est bon que l'on connaisse cette organisation.

M. Dorizy. Cette motion est très importante, mais il est très important aussi que nous ne dépensions pas 4,000 livres en impression, sans que cela soit très utile. On peut y suppléer par l'exposition, dans le lieu des séances du comité de liquidation, de l'état fourni par le liquidateur général. Tous les membres peuvent passer au comité et en prendre connaissance. On évitera ainsi une grande dépense. Je demande l'ordre du jour.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour et renvoie la lettre et l'état du liquidateur général au comité de liquidation.)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret des comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances et des secours publics réunis, sur les moyens provisoires à employer pour subvenir aux besoins des départements qui, par des cas particuliers et extraordinaires, peuvent exiger des secours (1).

M. Deperet, rapporteur. Voici le projet de décret :

Décret d'urgence.

:

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu les rapports de son comité des secours publics, considérant que le soulagement de la pauvreté est le devoir le plus sacré d'une Constitution qui repose sur les droits imprescriptibles des hommes, et qui veut assurer sa durée sur la tranquillité et le bonheur de tous les individus attentive à pourvoir aux besoins des départements qui ont éprouvé des événements désastreux et imprévus; voulant enfin venir au secours des hôpitaux et hospices de charité, dont les revenus ont été diminués par la suppression de plusieurs droits et privilèges, décrète qu'il y a urgence. »

Décret définitif.

"L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit:

Art. 1er. Les commissaires de la Trésorerie nationale tiendront à la disposition du ministre de l'intérieur, et sous sa responsabilité, les sommes ci-après détaillées :

1° 100,000 livres pour servir de supplément, jusqu'au 1er avril prochain, aux dépenses ordinaires pour l'administration des enfants trouvés, outre les sommes décrétées pour 1791, et qui

(1) Voy. ci-dessus, séance du 9 janvier 1792, page 172, le commencement de cette discussion.

seront provisoirement payées en 1792, conformément au décret du mois de décembre dernier;

2° 2,500,000 livres pour donner provisoirement, jusqu'au 1er juillet, des secours, ou faciliter des travaux utiles dans les départements qui, par des cas particuliers, peuvent en exiger. Lá répartition en sera arrêtée par l'Assemblée nationale sur le résultat qui lui sera présenté, par le ministre de l'intérieur, des demandes et mémoires adressés par les directoires des départements, auxquels il joindra son avis et ses observations;

3° 1,500,000 livres pour fournir aux secours provisoires accordés, par l'Assemblée constituante, tant aux hôpitaux de Paris qu'aux autres hôpitaux du royaume, dans la même proportion et suivant les dispositions de la loi des 25 juillet, 12 septembre et autres antérieures.

« Art. 2. Les rentes sur les biens nationaux, dont jouissaient les hôpitaux, maisons de charité et fondations pour les pauvres, en vertu de titres authentiques et constatés, continueront à être payées à ces divers établissements, aux époques ordinaires où il les touchaient dans les formes, et d'après les conditions de la loi du 10 avril 1791, et ce, provisoirement, jusqu'au 1er janvier 1793.

«Art. 3. Les secours qui seront donnés aux départements pour être employés aux travaux utiles, ne pourront leur être accordes que lorsqu'ils auront rempli toutes les conditions prescrites par la loi du 9 octobre dernier, et autres antérieures; le ministre de l'intérieur rendra compte, nominativement, des directoires de départements qui n'auront pas rempli ces formalités indispensables.

«Art. 4. Le comité des secours publics présentera à l'Assemblée nationale, dans le plus court délai, un plan de travail sur l'organisation générale des secours à donner aux pauvres valides et invalides, l'administration des hôpitaux et hospices de bienfaisance, et sur la répression de la mendicité. »

« Art. 5. Le présent décret sera porté dans le jour à la sanction du roi. »

M. Baignoux. Messieurs, je demande que l'on fixe d'abord la quotité des sommes qui sont à accorder pour les secours publics. Ensuite, je crois que nous pourrons examiner et déterminer la quotité des sommes pour les hôpitaux d'un côté et pour les enfants trouvés de l'autre.

M. Rougier-La-Bergerie. La loi du 9 octobre donne aux départements 5,700,000 livres; il est certain qu'il n'y a eu que 30,000 livres de distribuées; par conséquent, les fonds sont disponibles. Le comité des finances peut donner une somme de 2,500,000 livres, cela fait un capital de 8,500,000 livres. Je sais que tous les départements doivent participer aux secours publics; mais, n'ayant pas tous les mêmes besoins, ils ne peuvent, ni ne doivent avoir les mêmes sommes. La justice distributive veut que tous les départements méridionaux, par exemple, où les grains sont très chers et où, par conséquent, il y a plus de pauvres, aient une somme plus forte que les départements du centre où les grains se maintiennent à un prix plus modéré. Ainsi, pour mettre de l'ordre dans la délibération, il faut d'abord déterminer une somme égale pour tous les départements et distribuer la somme restante entre les départements dont les besoins sont connus et constatés.

Le premier objet, vous pouvez le décréter tout de suíte. Quant au second, il serait interminable; car malgré que nous ne soyons pas les députés de tel ou tel département, l'amour de nos commettants respectifs l'emporterait, et nous nous livrerions à des débats qui n'auraient d'autre résultat qu'une perte de temps. Je propose donc de donner d'abord à chacun de vos départements 60,000 livres et de charger vos comités des secours publics et des finances de distribuer les 3,300,000 livres restantes, après avoir examiné les différents besoins des départements. Mais je réclame l'emploi tout entier pour les chemins vicinaux. Il n'est pas de meilleur moyen de rendre l'agriculture florissante.

M. Deperet, rapporteur. Comme rapporteur, je demande à répondre, Monsieur le Président. Iĺ n'est pas possible, avec le meilleur cœur, tout en soutenant la meilleure des causes, d'être autant dans l'erreur que M. La-Bergerie. Il revient toujours à induire l'Assemblée en erreur en disant qu'il y a 6 millions de fonds disponibles, ce qui n'est pas.

M. Boisrot-de-Lacour. Je demande que tous les prisonniers détenus dans les dépôts de mendicité, qui n'y sont que pour avoir mendié, soient mis en liberté. Je demande encore que le ministre et le comité nous présentent l'état d'emploi des 25 millions et quelques cent mille livres qui ont été accordées en 1791 par l'Assemblée nationale constituante, pour être employées, soit au secours des dépôts de mendicité, soit au secours des hôpitaux, soit au secours des enfants trouvés. Quant à la distribution particulière, je m'en rapporte au comité.

M. Cambon. Dans ce moment-ci, nous n'avons qu'une question provisoire à discuter. Il est impossible de prendre des mesures générales dans la situation actuelle de l'administration des secours. Des besoins particuliers, des maux pressants appellent la sollicitude de l'Assemblée nationale et commandent une prompte décision. Lorsque le comité des secours publics nous présentera les principes de la mendicité, nous nous en occuperons; mais en ce moment, nous ne devons juger que le provisoire. Pour cela, il faut prendre, article par article, le projet de votre comité. Sur le premier article personne n'a contesté, ce me semble, que pour accélérer la délibération, on devrait d'abord le mettre aux voix. (Oui! oui!)

(L'Assemblée ferme la discussion, accorde la priorité au projet de décret du comité, décide qu'on le discutera article par article ; puis adopte le décret d'urgence.)

(La discussion est interrompue.)

M. Dorizy, secrétaire, donne lecture des lettres et pétitions suivantes :

1o Pétition du sieur Giraud, homme de loi, dans laquelle il demande à l'Assemblée nationale de faire construire des maisons d'éducation pour les deux sexes, dans lesquelles les élèves seront nourris, entretenus et instruits dans les sciences et les arts utiles et agréables. Il demande encore qu'on dépose, dans le Panthéon, deux bustes de chaque classe d'hommes qui, dans tous les genres, ont, par leur génie et leurs travaux, contribué à l'élévation et à la splendeur de la France.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité d'instruction publique.)

2o Lettre de M. Amelot, commissaire du roi près

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3o Lettre de William Becket, citoyen anglais, à laquelle est joint un assignat de 200 livres; cette lettre est ainsi conçue (1).

<< William Becket, aux représentants de la nation française, salut.

« Plusieurs de mes concitoyens vous ont donné publiquement des éloges, ainsi qu'à tous les Français, sur la manière courageuse avec laquelle vous avez conquis la liberté et établi une Constitution, une des bases éternelles, quoique méconnues jusqu'à ce moment. Plusieurs Anglais vous ont promis d'employer leurs biens et leur vie à défendre un peuple généreux et ami de toutes les nations. Si quelques despotes s'avisaient de vouloir porter la moindre atteinte à sa liberté, il existe dans ma patrie des milliers d'hommes qui ont juré dans le fond de leur âme, de défendre, à quelque prix que ce fût et par toutes sortes dé moyens, la liberté naissante d'un peuple dont le caractère aimable et bon lui attira de tous temps l'amitié des nations, mais qui s'en est rendu bien plus digne, par la promesse invariable de vivre en paix avec tous ses voisins et de ne rivaliser avec eux qu'en liberté et en grandeur d'âme. Union et liberté générale entre tous les peuples de la terre et surtout entre l'Anglais et le Français (Applaudissements.): voilà le seul cri auquel on doit désormais se reconnaître; voilà l'arme terrible qu'il faut opposer aux tyrans et à leurs satellites. Tel est l'esprit qui anime toute l'Angleterre, si toutefois j'en excepte quelques vils esclaves, quelques riches endurcis, personnes à qui l'égoïsme tient lieu de tous principes, les richesses de tout bonheur, l'orgueil de tous sentiments, qui n'ont d'humanité que pour la liste civile, qui ne connaissent de droits que ceux de la Couronne. (Rires.)

Législateurs d'un grand peuple qui vient de conquérir sa liberté, je vous le demande, de quel droit, lorsque vous présentez à toutes les nations le rameau d'olivier, leurs tyrans cherchent-ils à vous harceler de toutes les manières, et veulentils s'abreuver de votre sang au milieu du sentier pénible qui doit vous conduire à la liberté ? Repoussez ces bêtes féroces jusque dans leurs derniers retranchements; attaquez-les dans leurs repaires, et balayez ces cavernes séjour de l'infection et du désordre. Ne craignez rien du gouvernement d'Angleterre; au milieu de l'orage qui paraît vous menacer, l'opinion formelle de la nation retiendrait le ministre Pitt, si sa pénu

(1) Procès-verbaux des séances de l'Assemblée législative, tome IV, page 176.

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