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Ce peuple qu'on dit si ignare reconnaît cependant l'utilité de l'instruction... Nous sommes pères de famille... Nous ne ferons pas part à nos enfants des flammes éternelles, mais nous leur inspirerons de l'horreur pour le vice, le parjure et la trahison, nous entretiendrons leur amour pour la tolérance et l'égalité, leur haine pour la tyrannie et le fanatisme... Le peuple n'est pas d'ailleurs aussi corrompu que le disent ses ennemis... N'a-t-il pas rejeté, avec indignation, l'argent qui lui était offert pour troubler vos délibérations. (Applaudissements?) ceux qui ont voulu l'acheter le connaissaient bien mal, ils l'ont jugé d'après eux, ils ont cru que l'or pourrait altérer son patriotisme... Mais les beaux esprits peuvent garder leur trésor et les placards dont ils salissent les murs de notre capitale... (Applaudissements.) Il est aussi difficile de nous gagner par l'appât de l'or que de nous égarer par des libelles... Au moment de la discussion du marc d'argent les beaux esprits disaient partout que le riche aimait plus sa patrie que le pauvre... Ah! sans doute, Messieurs, le cœur de ceux qui tiennent un pareil langage ne fut jamais ouvert au sentiment de la liberté... (Applaudissements.) Il nous semble, au contraire, que le riche aimé moins sa patrie que les dignités dont il est, ou dont il espère être revêtu... Il nous semble cependant qu'au moment où les bons artisans de la capitale entourèrent à Versailles les membres de l'Assemblée constituante, au moment où ils s'exposaient au canon de la Bastille, au moment où ils réveillaient la France endormie, il nous semble, dis-je, Messieurs, que ces riches partisans du marc d'argent, tous ceux qui font sonner si haut leur amour pour la Constitution, que tous ces patriotes d'une autre année frémissaient au nom de la liberté, fuyaient les dangers de la patrie et craignaient de déplaire aux idoles que nous avons renversées, mais les Crésus et les beaux esprits ont profité de notre ouvrage, et joignant l'hypocrisie à la lâcheté, beaucoup d'entre eux ont affecté du patriotisme, quand ils ont vu que c'était le seul moyen d'avoir une place... (Applaudissements.) Ce n'est pas pour nous que nous faisons ces observations douloureuses... On a, sous le prétexte spécieux d'une récompense militaire, on a, pour ainsi dire, annulé le contrat que l'attachement et la reconnaissance avait dicté aux citoyens de Paris et aux braves gardes françaises.

Pour nous, Messieurs, nous nous rappellerons toujours les services qu'ils ont rendus à la cause de la liberté... Ils portèrent les premiers coups à la tyrannie, et nous apprirent qu'il est des circonstances où le soldat peut et doit désobéir; nous saisissons encore cette occasion pour rendre justice au patriotisme que les gardes de la prévôté manifestèrent alors, et dont il n'ont jamais cessé de donner l'exemple.

« Les tyrans et les perfides ont beau s'agiter, nous ne craignons pas les premiers, et nous ne serons jamais dupes des autres (Applaudissements.)... Nos vrais amis, nous les reconnaîtrons, et jamais ils ne seront oubliés.

De beaux esprits nous disent encore que rien n'est beau comme la paix, qu'il est dur d'être toujours en méfiance, que le peuple doit travailler et ne pas se mêler des affaires publiques... Il nous semble cependant que, pour avoir cette paix, on doit surveiller tous ceux qui veulent la troubler; il nous semble encore que nous faits, ainsi que les beaux esprits, comme eux nous avons des besoins, comine eux il nous faut du 1re SÉRIE. T. XXXVII.

repos; serait-il défendu de se rassembler pour converser avec le père Gérard, pour venir rendre visite à nos représentants? (Rires et applaudissements.) On veut que nous respections les lois... Il faut donc les connaître... On se plaint de ce que nous murmurons quelquefois; je le veux, mais il nous semble que les beaux esprits témoignent aussi leur mécontentement, quand les opinions leur déplaisent... Mais ainsi va le monde, beaux esprits et gens bêtes, tous veulent être libres (Rires et applaudissements.) et gêner le voisin; dorénavant nous ferons entendre moins de murmures, parce que ceux qui les causent voudront peut-être se corriger (Applaudissements.) à leur tour. Les beaux espits nous disent encore que les ministres aiment la Constitution, qu'ils veulent faire exécuter les lois; tout cela est très rassurant; mais il nous semble, Messieurs, que vous êtes souvent obligés de leur demander des renseignements (Rires et applaudissements.); il nous semble que la bonne volonté est plus expéditive; et où en serions-nous si, comme eux, vous étiez apathiques; si, comme eux, vous oubliez les décrets rend ushier!... On a beau faire des phrases; quand le peuple murmure, il souffre; quand il souffre, c'est la faute de ceux qui gouvernent... Croit-on qu'il ait du plaisir à n'avoir jamais qu'à vous porter des plaintes?...

Eh! grand Dieu, il faut si peu pour contenter le peuple français... Jamais il n'est plus satisfait que lorsqu'il peut aimer. (Applaudissements.)... La cour devrait bien le savoir; mais dans ce pays-là, ce n'est pas la seule chose qu'on oublie... Eh! que demandons-nous aux ministres? leur propre salut... Ils peuvent s'en rapporter à nous mieux qu'aux gazettes de Coblentz; la contrerévolution n'est pas encore faite (Applaudissements.)... De beaux esprits nous disent encore que tout est perdu; que le commerce est ruiné; que nous mourrons de faim, si l'on ne rétablit pas la noblesse. Ces beaux esprits devraient bien se contenter de faire renchérir les denrées, car ils ne nous feront pas peur... Il nous semble que si l'infâme... (nous ne prenons jamais de détour) que si l'infâme Calonne et ses pensionnaires d'autrefois revenaient, il nous semble, disonsnous, qu'après nous avoir enlevé le numéraire, ces messieurs pourraient nous enlever nos assignats (Applaudissements.); que la banqueroute serait la première opération du nouveau ministre des finances; que les ci-devant gentilshommes dont l'orgueil et la folie viennent de faire des gens aussi pauvres que nous, loin d'enrichir la capitale, iraient se réfugier dans leurs vieux châteaux pour réparer leur fortune aux dépens du pauvre laboureur... Il nous semble que nous serions tous plus malheureux et plus esclaves qu'autrefois... Qu'ils restent donc au delà du Rhin; qu'ils promènent dans toute l'Europe leur rage, leurs vices et le urhonneur. (Applaudissements.)

Nous n'avons, parmi nous, que trop de perfides et de corrupteurs... Qu'ils fuient une terre dont ils ne méritent plus d'être les habitants (Applau dissements.)... Pour nous, pénétrés des mêmes sentiments que vous venez de manifester avec tant d'énergie... nous jurons, avec cette assurance que donne le sentiment d'une conscience sans reproche (Applaudissements.), nous jurons, oui, nous jurons que le cadavre de la noblesse ne renaîtra point, tant que les hommes du 14 juillet auront des piques et des bras. (Applaudissements.)

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« Les beaux esprits nous parlent encore du peuple romain... Il se peut qu'ils eussent notre courage; mais on nous a dit qu'ils se battaient pour des nobles, pour des serviteurs, et nous, Messieurs, nous ne combattrons jamais pour avoir des maîtres, quelque nom qu'on leur donne, roi, sénateurs, représentants; nous ne combattrons que pour n'en avoir d'autre que la loi. (Applaudissements.) Cette morale n'est peut-être pas celle des beaux esprits et de quelques gens riches, mais elle est la nôtre... Au reste, elle ne doit pas être si mauvaise... On dit que rien n'est beau comme la nature... Or, sans doute, les sentiments que nous exprimons sont bien naturels, car ils sont gravés dans nos cœurs. (Applaudissements.)

« Voici, Messieurs, nos pétitions :

« Nous demandons: 1° Que les braves gardes françaises ne quittent jamais la capitale et soient toujours assurés de trouver auprès de vous justice et protection;

2° Que vous nous donniez au plus tôt des écoles primaires et que le comité de l'instruction publique soit obligé incessamment de faire son rapport; (Applaudissements.)

3° Que l'on fasse exécuter les décrets de l'Assemblée nationale, relatifs à l'éducation du prince royal... Puisque la Constitution veut un roi, elle doit vouloir qu'il ait des vertus et des connaissances; (Applaudissements.)

4° Que le comité de surveillance se fasse remettre le procès-verbal du bureau de police, relatif à la distribution d'argent pour corrompre les tribunes de l'Assemblée nationale; (Applaudissements.)

«5° Que le comité des finances et les agents du pouvoir exécutif soient tenus de presser la fabrication des petits assignats; (Applaudissements.)

«6° Que le comité des pétitions veuille bien examiner la nôtre et vous en rendre compte au plus tôt; (Rires et applaudissements.)

«Nous demandons enfin que les représentants du peuple français se rappellent toujours que la Déclaration des droits de l'homme est la base de la Constitution. (Applaudissements.)

(Suivent des signatures au nombre de vingt-sept.)

M. le Président, répondant à la députation. Messieurs, le contrat formé entre les amis de la liberté n'est pas rompu, et s'il l'était, l'Assemblée nationale le renoue. Résolue à maintenir la Constitution ou à périr avec elle, elle verra toujours des frères dans ceux qui partagent ses sentiments. Votre langage, Messieurs, est celui des hommes libres et qui sont dignes de l'être. Vous vous montrez véritablement les hommes du 14 juillet mais Messieurs, il vous reste aujourd'hui une autre tâche à remplir, c'est celle d'assurer, par tous les efforts du patriotisme, le maintien de la loi, sans laquelle il n'est point de bonheur pour le peuple; et cette tâche ne peut pas être difficile pour ceux qui en ont provoqué le régime. Ce sont là les sentiments que l'Assemblée nationale attend de vous; elle vous en payera de tous les intérêts dont elle couvre les amis de la patrie. (Applaudissements.)

L'Assemblée nationale prendra en considération les divers chefs de votre pétition, et elle vous invite à sa séance. (Applaudissements.)

M. Mathieu Dumas. Je demande l'impression et la mention honorable au procès-verbal de ce discours; il est sublime pas sa simplicité.

M. Lacépède. J'avais demandé la parole pour faire la même demande que M. Dumas, et en même temps pour annoncer à l'Assemblée que le comité d'instruction publique s'occupe on ne peut davantage d'une partie des objets de la pétition des citoyens de Paris, qui sont venus visiter les représentants de la nation et réunir leurs sentiments aux leurs; mais, Messieurs, si tous les citoyens étaient aussi instruits que ceux que nous venons d'entendre, le comité d'instruction publique n'aurait rien à faire. (Applaudissements.)

(L'Assemblée décrète l'impression de cette pétition, le renvoi au comité des pétitions, et ordonne qu'il en sera fait mention honorable au procèsverbal.)

M. Lecointe-Puyraveau. Messieurs, en approuvant l'impression déjà décrétée, je demande qu'on mette pour épigraphe cette phrase qui peut bien passer en proverbe :

Beaux esprits et gens bêtes, tous veulent être libres.

(Cette motion n'a pas de suite.)

M. Anthoine, député à l'Assemblée nationale constituante, est admis à la barre, avec plusieurs citoyens et deux veuves, dont les maris MM. Julien et Auvry, citoyens de la Chapelle-Saint-Denis près Paris, ont péri le 24 janvier 1791, au moment où ils prêtaient mainforte à leur maire et à leur municipalité, pour assurer la tranquillité de leurs concitoyens; il s'exprime ainsi :

Législateurs, vous voyez devant vous les épouses infortunées de deux citoyens vertueux, victimes de leur patriotisme et de l'un de ces complots affreux par lesquels plus d'un faux ami de la Constitution essaya, dans Paris, la possibilité d'une contre-révolution invraisemblable.

Julien et Auvry, citoyens de la Chapelle, perdirent la vie le 24 janvier 1791, au moment où ils prêtaient main forte à leur maire et à leur municipalité pour assurer la tranquillité de leurs concitoyens. Leurs veuves, surchargées de famille, sans autre héritage que la misère, les regrets et le désespoir, plongées dans cette situation cruelle où la vengeance serait une consolation, immolent en ce moment leur juste ressentiment au respect pour la loi. Déjà elles poursuivaient les assassins devant les tribunaux, déjà la justice tendait une main secourable et vengeresse à leurs réclamations, lorsque l'Assemblée nationale constituante prononça le décret d'amnistie générale. C'était le 14 septembre dernier. On crut pouvoir pardonner aux meurtriers de Julien et d'Auvry, qui étaient aussi les meurtriers de leur patron. Les veuves qui se présentent se bornent à vous représenter, Messieurs, que si la loi a pu anéantir la peine encourue par les assassins, elle ne peut faire perdre aux parties civiles les indemnités qu'elle peuvent demander et qu'elles ont droit d'attendre. Tôt ou tard, le ciel vengeur appesantira sa main sur les coupables.

Qu'il soit permis à un membre du corps constituant de s'applaudir d'avoir été choisi pour vous prier de réparer à l'égard des veuves de la Chapelle un oubli du Corps constituant et pour vous fournir une nouvelle occasion de vous environner de l'amour et de la confiance d'une nation généreuse et sensible. Nous déposons sur le bureau toutes les pièces relatives à cette affaire. (Applaudissements.)

M. le Président, répondant à M. Anthoine. Il appartient à celui qui professa constamment les príncipes de l'égalité, à celui qui se montra un

des plus zélés défenseurs des droits du peuple, de prêter sa voix à l'infortune. Les veuves, au nom desquelles vous parlez, ne pouvaient choisir un plus digne organe. L'Assemblée nationale se fera rendre compte incessamment de l'objet de leur pétition. Elle vous invite à assister à sa séance.

(L'Assemblée renvoie cette pétition avec les pièces qui y sont jointes au comité des secours publics.)

Plusieurs citoyens, membres de la garde nationale de la Chapelle-Saint-Denis, sont admis à la barre et font à l'Assemblée une pétition qui a le même objet que la précédente. Ils donnent les plus grands éloges au patriotisme de ces deux citoyens infortunés, Julien et Auvry, et sollicitent, en faveur de leurs familles, les mêmes secours qui ont été accordés aux familles des citoyens tués à la prise de la Bastille. (Applaudissements.)

M. le Président répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance. (L'Assemblée renvoie cette pétition, comme la précédente, au comité des secours publics.)

Plusieurs citoyens, députés de la commune de Guernes, district de Mantes, département de Seineet-Oise, sont admis à la barre. Ils demandent qu'il soit pris des moyens pour rétablir, dans qu'il munícipalité, les cérémonies religieuses interrompues depuis plusieurs années, par la conduite irrégulière du pasteur de la paroisse. Ils dénoncent ce curé comme mauvais prêtre et mauvais citoyen, ayant perdu la religion dans la commune et n'ayant pas rempli, ni voulu laisser remplir par un autre, ses fonctions sacerdotales.

M. le Président répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée renvoie leur pétition au comité des pétitions.)

Un député extraordinaire du département de la Drôme, au nom du directoire de ce département, présente à l'Assemblée deux frères jumeaux, MM. Pierre et Joseph Franques, âgés de 17 ans, déjà célèbres par leur talent dans le dessin. Il annonce que ces deux frères, fils d'un berger et bergers eux-mêmes, ont bientôt montré un talent naturel qui s'est développé avec le plus grand éclat. Encore enfants, pendant qu'ils gardaient leurs troupeaux et sans autres maîtres que la nature, ils s'occupaient à tracer sur des pierres et sur des arbres, des figures humaines, des paysages, leurs boeufs et leurs agneaux. Bientôt on s'aperçut de leur talent et l'on sentit combien il irait loin s'il était cultivé. Les Etats du Dauphiné et, après eux, les administrations du département de la Drôme et de l'Isère, leur ont payé des maîtres. Mais aujourd'hui, il n'y en a plus dans cette partie de l'Empire, qui puissent apprendre quelque chose à ces deux futurs Raphaël. On les a envoyés chercher de nouvelles leçons dans la capitale.

Il demande que l'Assemblée veuille bien pourvoir au sort de ces deux jeunes peintres dénués de toutes ressources et dont le talent est susceptible, au moyen de l'éducation, d'être porté au plus haut degré. Il met sous les yeux de l'Assemblée divers échantillons de leur travail, entre autres leurs portraits tracés réciproquement par eux-mêmes.

M. le Président, répondant aux pétitionnaires.

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M. Aubert-Dubayet. Avant d'entendre une autre pétition, qu'il me soit permis de demander à l'Assemblée de fixer un jour pour que son comité des pétitions vous fasse un rapport sur ce que l'on pourra faire de ces deux jeunes gens extrêmement intéressants. J'ai été président du département de l'Isère et je puis vous attester que si le département a cessé de continuer l'éducation de ces enfants, c'est que nous n'avions plus de maitres qui puissent leur apprendre quelque chose. En conséquence, je crois qu'il est digne de votre sollicitude de ne pas perdre de vue ces deux jeunes enfants qui peuvent pousser peutêtre aussi loin que les Raphaël et les Titien l'art de la peinture.

M. Mathieu Dumas. Vous avez sous les yeux le fruit qu'ont déjà retiré ces deux jumeaux de l'éducation paternelle et patriotique qui leur a été donnée par leurs concitoyens. Je demande que, sans attendre le rapport de votre comité, ces deux jeunes et précieux élèves soient mis entre les mains de notre plus célèbre artiste, M. David, qui, dans ce moment, honore son art et son talent, en l'employant à fixer pour la postérité la première et la plus mémorable époque de notre liberté le Serment du Jeu de Paume.

(L'Assemblée, consultée, décrète à l'unanimité la motion de M. Mathieu Dumas.)

académique d'écriture vient dans ce moment, M. Lacuée, secrétaire. Messieurs, la société par l'organe d'un de ses membres, d'offrir dé donner ses soins particuliers et gratuits à ces deux jeunes jumeaux. (Bravo! bravo! Applaudissements.)

(L'Assemblée accepte l'offre de la société académique d'écriture.)

M. Aubert-Dubayet. Monsieur le Président, ma motion reste toujours dans son entier.

(L'Assemblée, consultée, renvoie aux archives les dessins présentés par les deux jumeaux; décrète le renvoi aux comités des secours publics et de l'instruction publique réunis, des diverses pièces relatives à ces jeunes gens et charge ses comités de lui présenter, dans la prochaine séance de jeudi soir, un rapport sur cette affaire, ainsi que les moyens de mettre à exécution les propositions décrétées dans cette séance.)

Un membre: Il y a dans les corridors un citoyen qui a inventé une machine pour détruire une armée dans un instant, et qui demande à en faire hommage à la nation.

(L'Assemblée décide que ce citoyen sera admis sur-le-champ.)

M. GARNIER, mécanicien, est introduit à la barre et présente quatre machines de guerre de son invention, entre autres le modèle d'un canon qui n'a pas besoin d'être bourré et dont les effets sont plus rapides et plus destructeurs que l'obusier, et des cartouches particulières qu'il ne faut ni déchirer ni bourrer. Il demande qu'on nomme des commissaires pour examiner sa découverte et réclame pour toute récompense l'estime de l'Assemblée. (Applaudissements.)

M. le Président répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.

Un membre demande le renvoi au pouvoir exécutif, pour l'examen en être fait par le bureau de consultation établi en vertu du décret du 12 septembre 1791.

M. Lecointre. Je demande que l'on choisisse dans l'Assemblée des officiers d'artillerie et du génie pour être témoins de cet examen et assister aux expériences qui pourront être faites par le bureau de consultation.

(L'Assemblée décrète, après de longs débats, ces deux propositions et ordonne qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de l'hommage de M. Garnier.)

Deux citoyens sont introduits à la barre et font lecture d'une pétition individuelle signée par 400 citoyens de Paris. Ils annoncent que de nouveaux malheurs affligent Avignon. Ils accusent les commissaires conciliateurs qui, suivant eux, n'ont rien concilié, et demandent leur rappel ainsi que celui des troupes qui y sont employées pour les remplacer par des gardes nationales patriotes. Ils déplorent, en outre, les barbaries qu'ils disent qu'on exerce sur les patriotes prisonniers à Avignon et réclament des secours pour ce pays.

M. le Président répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance. (L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des pétitions.)

M. Mulot. Monsieur le Président, je demande que l'Assemblée fasse rendre compte au ministre de l'intérieur des nouvelles qu'il a reçues hier des commissaires civils d'Avignon et qui sont du 8 janvier. Je puis assurer à l'Assemblée qu'il n'y a pas un seul prisonnier qui ait perdu la vie. J'en ai la preuve dans ma poche, mais ce n'est qu'une copie, et le ministre vous donnera l'original.

(L'Assemblée décrète que le ministre de l'intérieur lui donnera incessamment connaissance des diverses pièces qu'il a reçues d'Avignon.)

M. Merlin. Toutes les fois qu'on a parlé de cette affaire, on a passé à l'ordre du jour parce que le tribunal n'avait pas donné de nouvelles. Ceci n'est qu'un prétexte. Je demande que l'Assemblée fixe un jour pour que les comités des pétitions et de surveillance réunis lui fassent son rapport dans un court délai. (Appuyé! appuyé !)

M. Dumolard. Ce rapport sera prêt demain. M. Mulot. J'appuie la proposition de M. Merlin et je demande que le rapport soit fait mercredi matin.

(L'Assemblée décrète que le rapport sur l'affaire d'Avignon lui sera fait mercredi matin.)

Un membre: Je reçois trois pièces très essentielles au complot formé en dernier lieu à Perpignan par les officiers du 20° régiment décrétés d'accusation. Je demande que ces pièces, cotées et paraphées par un des secrétaires, soient renvoyées aux archives pour être réunies à celles qui doivent servir à l'instruction de cette affaire auprès de la haute cour nationale.

Un membre: Je demande que ces pièces soient d'abord communiquées au comité militaire qui a fait le rapport de cette affaire.

(L'Assemblée renvoie ces pièces au comité militaire.)

M. BOURGEOIS, prêtre de la congrégation de la mission, est admis à la barre. Il témoigne son atta.

chement à la Constitution, sentiment qui lui a déjà valu les persécutions des fanatiques. Il regrette de ne pouvoir voler aux frontières pour la défense de la liberté et d'être restreint par son état à élever les mains vers le ciel, tandis que nos généreux combattants se signaleront par des prodiges de valeur. Il présente un manuscrit ayant pour titre : Catéchisme constitutionnel, qui démontre les avantages de la Constitution et ses rapports avec les principes de l'évangile. (Applau dissements.)

M. le Président répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention honorable de son hommage au procès-verbal et que le manuscrit sera renvoyé au comité d'instruction publique.)

Un citoyen est admis à la barre avec M. Déchan, Piémontais, dont il rappelle les services. Il dit que cet étranger, devenu depuis longtemps Français par ses sentiments, après avoir pris les armes le 13 juillet 1789 pour la cause de la liberté, a découvert l'entrepôt du magasin à poudres de la Bastille et en a extrait plusieurs milliers; qu'il a été estropié en acquérant le titre glorieux de Vainqueur de la Bastille, mais qu'il n'a pu avoir part aux récompenses décernées aux citoyens courageux qui ont fait disparaître cet antre du despotisme, parce que les pièces à l'appui de sa demande ont été égarées. Il ajoute qu'elles ont été retrouvées en dernier lieu et il les présente à l'Assemblée, en réclamant sa justice.

M. le Président répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée renvoie la pétition au comité de liquidation.)

Six vieillards, députés de la commune de Margency, département de Seine-et-Oise, sont introduits à la barre. Ils se plaignent d'un acte arbitraire du directoire de leur département, qui a supprimé la municipalité de Margency, sans avoir consulté ni prévenu les habitants. Ils se plaignent en outre des obstacles que l'on met au remplacement de leur curé rebelle et qu'enfin, depuis longtemps, on leur fait parcourir les comités et les bureaux, sans faire droit à leurs réclamations. (Applaudissements.)

M. le Président répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée renvoie la pétition de la commune de Margency au comité de division.)

M. RICHARD DUPIN, ancien militaire, l'un des vainqueurs de la Bastille, est admis à la barre. Pendant la lecture de sa pétition, qui est faite par un secrétaire, un membre demande que le pétitionnaire, couvert de 42 cicatrices, soit assis, et cette proposition est adoptée avec empressement.

M. Broussonnet, secrétaire, donne lecture de la pétition de M. Richard Dupin, qui est ainsi conçue:

« J'ai servi avant la Révolution dans Mestrede-Camp-Dragons, les gardes françaises, les volontaires de Monsieur, l'Union et Luxembourg, comme soldat, sous-officier, commandant de grenadiers, jusqu'en 1786. Dans le dernier corps, le roi, en 1781, m'accorda 400 livres de pension, pour avoir bravé trois abordages, soutenu 15 heures consécutives de combat et reçu 18 blessures, lesquelles jointes à 24 autres, composent un total de 42 cicatrices dont mon corps est couvert.

« En 1789, j'ai volé des premiers à la place

Louis XV et à la Bastille. J'étais noble (Applaudissements.), marié, père de famille; mais que ne doit-on pas oublier quand il s'agit de la liberté? A mon retour de cette conquête, le comité permanent me fit ordonner par M. de La Salle, de prendre la majorité générale de la milice parisienne; jusqu'au 6 août suivant, j'en ai fait les fonctions avec honneur et désintéressement.

«Le 28 du même mois, j'ai commandé en second les 42 vainqueurs de la Bastille, qui ont osé aller à Montmartre le 5 octobre suivant. J'ai été traîné au réverbère pour avoir refusé d'indiquer où étaient les fusils et les munitions, et arraché des mains des scélérats, partis déguisés en femmes.

« Le 17 juillet 1791, j'ai reçu un coup de pierre sur l'épaule gauche au Champ de la Fédération, en cherchant, armé seulement d'une épée, à faire un rempart de mon corps à MM. les officiers municipaux.

« Le ruban, le brevet du corps constituant, les congés, les lettres, les commissions, les certificats (M. le Secrétaire montre une liasse.) sont des preuves que ma conduite ne variera jamais. Dusséje perdre l'estime de tous les ministres passés, présents et futurs, je ne changerai jamais. Qué m'arrive-t-il aujourd'hui ? Les commis des invalides de la marine viennent de me dire qu'un décret suspend le payement des pensions, jusqu'à ce que la légitimité de chacune soit bien constatée. A la bonne heure pour celles du Livre Rouge (Applaudissements.) dont les sept-huitièmes avaient été accordés à des Mercures, à des Phrynés.

« Ce n'est pas tout encore, j'ai appris au même bureau qu'on ne trouvait plus de décision originale, notamment la mienne. C'est-à-dire que s'il a plu aux ministres ou aux agents du pouvoir exécutif de les égarer, il faut nous attendre à perdre tout ce que nous avions gagné au prix de notre fortune, de notre sang le plus pur. Daignez, pères de la patrie, ordonner qu'on me paie les 6 mois échus de ma pension. Que dis-je, vous ferez plus; car les représentants de 25 millions de Français ne font point les choses à demi, vous ne remettrez point à des ministres le soin d'accorder la croix et une retraite honorable à un officier patriote, auquel la Révolution a ôté les seules ressources qui faisaient exister sa femme et ses enfants.

M. le Président répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée renvoie la pétition, ainsi que les diverses pièces qui s'y trouvent jointes, aux comités militaire et de liquidation réunis, pour le rapport en être fait dans la prochaine séance de mardi soir.)

Le membre qui avait demandé que le pétitionnaire fùt assis, propose que son nom soit inscrit par lui-même sur le procès-verbal et s'appuie sur ce qui a eu lieu pour le compagnon du chevalier d'Assas.

(Sur les représentations de quelques membres, l'Assemblée ajourne sa décision jusqu'au rapport des comités.)

6 volontaires nationaux, membres de la 4o compagnie du 9e bataillon de la 2 légion de la garde nationale de Paris, sont introduits à la barre et demandent un décret qui fixe le mode de remplacement aux grades devenus vacants depuis leur organisation, la loi leur ayant paru muette à cet égard.

M. le Président répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance. (L'Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.)

M. le Président observe qu'il est près de 4 heures et qu'il reste encore un très grand nombre de pétitionnaires à entendre.

Plusieurs membres : La séance levée!

M. le Président indique l'ordre du jour de demain et lève la séance à trois heures trois quarts.

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du lundi 16 janvier 1792.

PRÉSIDENCE DE M. DAVERHOULT.

La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Gérardin, secrétaire, fait lecture d'une nouvelle rédaction du procès-verbal de la séance du samedi matin 14 janvier.

(Cette rédaction est approuvée.)

M. Broussonnet, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du dimanche 15 janvier.

M. Dorizy, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :

1° Lettre, en forme de pétition, de 6 acquéreurs d'offices de notaires, qui se sont adressés au garde des sceaux pour obtenir des provisions et sollicitent la prompte décision d'une difficulté qui retarde leur réception. Ils demandent que l'Assemblée prononce très incessamment sur le rapport qu'elle a chargé son comité de législation de lui présenter relativement à leurs charges.

(L'Assemblée ordonne que son comité de législation lui présentera jeudi prochain, 19, le travail qu'il a dû préparer sur cet objet, en exécution du décret du 17 octobre dernier.)

2o Lettre de M. Charron, officier municipal de la commune de Paris, qui, au nom des citoyens armés du bataillon de Bonne-Nouvelle, demande a être admis à la barre pour féliciter l'Assemblée nationale sur l'énergie et l'enthousiasme qui ont animé, samedi dernier, les représentants de la nation.

[L'Assemblée décrète que cette députation sera introduite sur-le-champ. (Voy. ci-après, p. 438.)] 3o Adresse des citoyens d'une des sociétés d'amis de la Constitution, séante à Paris; elle est ainsi conçue :

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