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le bonheur des peuples à de criminelles jouis

sances.

Quelle est la situation de la France dans cet état de choses? Elle a paru d'abord comme étourdie de l'agitation intérieure qu'elle vient d'éprouver, elle s'est comme isolée, mais dans l'étonnement que lui cause sa nouvelle manière d'être, et dont elle n'est peut-être pas tout à fait revenue, elle a pourtant levé ses regards sur l'univers, elle a vu les différentes puissances conjurées contre elle et elle a présenté la contenance du lion qui, à son réveil, verrait les habitants des bois tous réunis contre lui. Elle a senti sa force, elle s'est sentie capable de lutter avec avantage contre une ligue qui montre plus d'audace que de véritable puissance.

Mais cette lutte doit-elle s'y livrer? Oui, si ses ennemis, assez aveuglés pour se précipiter vers leur ruine, osent la commencer; mais, au con-traire, si elle peut l'éviter, elle le doit. Elle le doit, pour ne pas retarder plus longtemps son bonheur et celui du monde entier, dont la providence semble aujourd'hui lui avoir confié la destinée.

C'est donc à elle à faire cesser toutes les incertitudes, qui ont produit momentanément cette monstrueuse confédération entre toutes les puissances, elle doit s'élancer subitement dans la carrière politique, prendre son rang, et fixer aux nations les nouveaux rapports qu'elles doivent avoir entre elles.

Son système politique est formé par la Constitution même : c'est la paix. Répéter, au milieu de l'appareil de guerre dont elle est environnée, qu'elle veut la paix, ce sera donner le signal qui doit enfin faire succéder un calme parfait à cette turbulente fermentation, qui, trop longtemps, a fait gémir l'humanité.

Mais ce nouveau système ne lui permet plus de renouer ses anciennes liaisons, quand ses anciens alliés eux-mêmes ne les auraient pas rompues par leurs trahisons. Le despotisme inquisitorial des rois d'Espagne sur leurs sujets des deux mondes, l'ambition, active autant que sourde, de la maison d'Autriche, l'écarteraient bientôt de ses principes. Une alliance aussi mal assortie, qui a eu déjà pour elle d'aussi pernicieux effets, ne peut plus lui inspirer à ellemême aucune confiance, elle entretiendrait les inquiétudes et les jalousies des autres nations, elle finirait par faire reproduire le désordre, qu'elle doit faire cesser autour d'elle comme dans son sein même.

La France doit se rappeler qu'à diverses époques elle a éprouvé de grands revers; qu'elle a vu longtemps retarder le cours de ses prospérités, qu'elle a vu tarir jusqu'à la source de ses richesses, et elle doit rapporter tous ses maux à ses longues querelles avec l'Angleterre. Une rivalité qui doit avoir pour cause les principes différents de leur gouvernement, des intérêts mal entendus, plutôt que l'antipathie des peuples. a trop longtemps divisé les deux nations. Elle doit se rappeler que cette rivalité seule, adroitement entretenue entre les autres puissances, qui autrement restaient condamnées à ne jouer jamais qu'un rôle subalterne, leur a donné quelque considération, et en attirant la France et l'Àngleterre dans leurs querelles, elles ont donné aux guerres qu'elles se sont faites une importance qu'elles n'auraient jamais eue, si la France et l'Angleterre n'avaient voulu y jouer un rôle.

La France doit prévoir aussi que la liberté américaine doit infailliblement produire sur

l'Amérique méridionale la même influence que ses nouvelles lois vont porter sur le reste de l'Europe, que la séparation de l'Amérique méridionale d'avec ses anciennes métropoles, aura lieu dans un avenir plus rapproché qu'on ne pense. Cet événement et ses suites doivent attirer son attention, il doit fixer aussi les regards de l'Angleterre, à qui toutes les autres considérations ne doivent pas échapper, les mêmes causes l'ayant exposée aux même revers, les deux nations doivent sentir à la fois que les motifs les plus puissants leur commandent une alliance prompte, étroite, indissoluble, le souvenir des maux qu'elles se sont causés, qu'elle a fait au monde entier, qui attend d'elle d'en être dédommagé, le désordre de leurs finances, qui a sa source dans les folles dépenses auxquelles elles se sont portées pour se nuire, pour arrêter respectivement le cours d'une prospérité à la quelle les appellent de nouveau et à la fois les principes actuels de leur gouvernement, et le nouvel ordre des choses qui s'annonce dans l'univers.

Ces deux puissantes nations, en s'unissant, devront aussi enlacer dans les mêmes liens les Etats-Unis de l'Amérique que leurs lois et leur future grandeur appellent déjà à l'honneur de cette triple alliance; elle sera solide et durable, si elle a pour base les principes de la fraternité, d'un intérêt commun franc et loyal. Unies, qui pourrait vaincre ces trois nations? L'empire des mers leur assurera celui des deux mondes et leurs trésors. Qui pourrait fuir ou craindre cet empire? Sans doute, elle ne voudrait que porter partout la reconnaissance de leurs sages lois, sans jamais s'écarter du respect dù aux lois établies, que répartir leurs trésors entre tous les peuples, par des échanges utiles, en dirigeant partout l'attention vers l'agriculture, une sage économie et les arts heureux de la paix. Oui, la force, la richesse, l'exemple des trois nations unies, commanderont bientôt à toutes les autres une conduite prudente et pacifique, dont elles ne pourraient s'écarter sans danger.

Le premier fruit d'une si belle union serait une loi qui ferait incessamment quitter aux autres nations cet appareil militaire et menaçant, que l'ambition et le despotisme seuls ont imaginé pour soumettre le grand au petit nombre, appareil qui semble uniquement fait pour préparer au genre humain des scènes d'horreurs dont trop souvent il s'est donné le spectacle à lui-même.

Le désarmement des puissances de l'Europe, en réduisant les armées au nombre d'hommes nécessaire au maintien de l'ordre intérieur dans chaque association politique, y serait la première source de la prospérité publique, par la raison que l'entretien de la force militaire y est aujourd'hui la première cause de l'oppression et de tous les maux qui l'accompagnent.

La France, l'Angleterre et les Etats-Unis devront ensuite réduire aussi leurs troupes et leurs vaisseaux de guerre au nombre seulement convenu au soutien des lois, d'un commerce parfaitement libre, et de l'harmonique équilibre qu'elles auront établi.

Que de vexations cesseraient! Que de ressources fécondes s'ouvriraient à la félicité publique au moment fixé pour le grand événement qui unirait tous les peuples par les liens de la fraternité? Evénement possible, puisqu'on en voit déjà l'exemple dans ce qui se passe dans une nation de 25 millions d'âmes, événement qui préviendrait pour l'avenir les convulsions insépa

rables d'un passage trop subit de l'oppression à la liberté, événement qui établirait et conserverait plus sûrement une paix générale et perpétuelle que les rêves de l'abbé de Saint-Pierre, ou une Diète qui serait composée des représentants de toutes les nations.

Mais n'aurais-je fait aussi qu'un rêve? Eh! qui en empêcherait la réalité, tandis que l'union que je propose, peut en être le fondement, a ellemême pour base le véritable intérêt des nations qui doivent s'unir et les principes d'une philosophie sublime qu'elles professent également aujourd'hui, tandis qu'elle a pour objet de rendre tous les peuples libres et heureux. Serait-ce le génie qui préside aux conseils du cabinet de Saint-James? On avance, en effet que Pitt, mù par les principes de l'ancienne politique des rois, a pris une part active dans nos troubles, qu'il a prodigué les trésors de l'Angleterre pour entretenir nos dissensions domestiques, qu'il a voulu par une conduite si peu loyale, mais qu'excuserait pourtant nos anciens exemples, qu'il a voulu où espéré procurer dans l'incertitude des événements, des avantages passagers à sa patrie, mais aujourd'hui que la France a échappé à la crise qu'elle vient d'éprouver, que cette crise a été heureuse pour elle, qu'elle promet à cette grande et puissante nation, entièrement régénérée, un développement de forces inattendu, croit-on le génie de Pitt assez peu souple pour ne pas savoir refaire ses calculs sur de nouvelles données, trop rétréci pour se prêter à de nouvelles vues, pour embrasser un système plus

vaste? Si cela est, il n'est pas digne de gouverner l'Angleterre, alors la France doit quitter la route ordinaire et proposer son amitié à la nation anglaise elle-même, la nation anglaise trouvera dans cette offre franche et généreuse ses intérêts trop bien ménagés, elle y apercevra une jouissance trop prompte des avantages qu'elle lui assure, pour ne pas en saisir l'à-propos, en arrachant son Machiavel aux longueurs, aux ambages d'une politique tortueuse et malfaisante. Nations libres, c'est à vous de commander la paix aux rois, c'est à vous de changer en houlettes les sceptre des despotes que vous aurez toujours pour ennemis. Sans une union intime entre vous, votre propre liberté ne vous est pas assurée, et c'est de vous que le monde entier l'attend pour ne faire de toutes les nations qu'une seule république.

J'ai manifesté mon opinion et mon vœu sur une des plus grandes questions politiques qui puissent occuper en ce moment ceux qui tiennent en leurs mains les destinées de la France, je suis satisfait, si j'ai présenté une seule idée qui, fécondée par quelque heureux génie, pût amener un événement favorable à ma patrie. En tous cas, j'aurai marqué ma bonne volonté à remplir la tâche importante que m'ont confiée mes concitoyens, je leur aurai fait connaître mon désir de les voir bientôt atteindre une félicité qui fait l'objet des travaux de l'Assemblée, je leur aurai fait voir que mon cœur ne cherche pas de bonheur qui ne soit inséparable de celui de tous.

TROISIÈME ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU SAMEDI 14 JANVIER 1792, AU MATIN. NOLE DES DÉCRETS sanctionnés par le roi ou dont Sa Majesté a ordonné l'exécution du 29 novembre 1791 au 5 janvier 1792.

DATES DES DÉCRETS.

29 novembre 1791.

14 décembre.

24 et 27 décembre.

27 décembre.

27 décembre.

28 décembre.

28 décembre.

NOTE DES DÉCRETS.

Décret relatif à l'admission aux emplois de l'armée et de la gendarmerie nationale, en faveur de tous les militaires français qui ont servi chez les puissances étrangères, dont les armes ont été combinées avec celles de la France.

Décret relatif à la discussion élevée entre la municipalité de Versailles et une section de la même ville, sur l'élection de 3 of ficiers municipaux.

Décret relatif à la retenue à exercer sur les intérêts de tous les capitaux, valeurs de tous les offices et des dîmes inféodées supprimées.

Décret qui confère à MM. Luckner et Rochambeau le grade de maréchaux de France.

DATES DE LA SANCTION OU DE L'EXÉCUTION.

Sanctionné le 8 janvier 1792.

Non sujet à la sanction. Le roi en

a ordonné l'exécution le 30 décembre. Sanctionné le

1er janvier 1792.

28 décembre 1792.

Décret qui affecte au service de la caisse de l'extraordinaire la 1er janvier 1792. somme de 30 millions en assignats, provenant de la création du 29 juillet dernier et destinée à retirer de la circulation pareille somme en assignats de 2,000 livres.

Sanctionné le

Décret qui rectifie l'erreur qui s'est glissée dans la rédaction de l'article 2 du décret du 17 décembre dernier, sur les assignats, 1er janvier 1792. en ordonne une nouvelle création de 300 millions d'assignats pour les besoins des caisses.

Décret relatif aux formalités à remplir par tout citoyen français porteur de reconnaissances de liquidation, soit provisoires, soit définitives, et qui indique les fonctionnaires exceptés des dispositions du décret du 13 décembre relatifs aux certificats de

4 janvier.

DATES DES DÉCRETS.

29 décembre 1792.

29 décembre.'

30 décembre.

31 décembre. 31 décembre.

31 décembre.

2 janvier 1792.

2 janvier.

2 janvier.

2 janvier.

3 janvier.

3 janvier.

4 janvier.

5 janvier. 5 janvier.

5 janvier.

5 janvier.

NOTE DES DÉCRETS.

résidence exigés pour obtenir des payements dans les caisses
publiques.

Décret qui ordonne qu'à compter du 1er janvier 1792, les com-
missaires de la Trésorerie nationale tiendront à la disposition
du ministre de la guerre, 20 millions de fonds extraordinaires
destinés aux préparatifs de guerre.

Décret portant que la caisse de l'extraordinaire versera à celle de la Trésorerie nationale : 1° une somme de 18 millions 487,690 livres, montant de l'excédent des dépenses du mois de novembre; 2o celle de 13 millions 342,115 livres, montant des dépenses particulières de 1791.

Décret qui ordonne que la caisse de l'extraordinaire fera à la
municipalité de Paris une avance de 300,000 livres sur le produit
des sols pour livres additionnels aux contributions de 1791.

Décret relatif au payement des dépenses publiques, à faire par
la Trésorerie nationale, pour les 3 premiers mois de 1792.
Décret qui prohibe l'exportation des fourrages, etc..., dans les
pays étrangers.

Décret qui alloue, par forme d'augmentation, une somme de
36,000 livres par année au commissaire du roi, directeur général
de la liquidation, pour l'appliquer au bureau des pensions et à
celui de la liquidation des maîtrises et jurandes.

Décret relatif aux bibliothèques provenant des maisons reli-
gieuses et autres établissements supprimés, et à la continuation
des travaux ordonnés pour la confection des catalogues.

Décret portant accusation contre les princes français émigrés
et les sieurs Laqueille aîné, Grégoire Riquetti et Calonne.
Décret qui ordonne une distribution journalière de pain aux
ouvriers de l'arsenal de Toulon.

Décret pour assurer le recouvrement des créances dues au
Trésor public par le sieur Séguin et Cie, acquéreurs de l'enclos
des Quinze-Vingts.

DATES DE LA SANC
TION OU DE L'EXÉ-
CUTION.

4 janvier 1792.

4 janvier.

4 janvier.

Sanctionné le

4 janvier.
4 janvier.

4 janvier.

4 janvier.

Non sujet, etc., le 4 janvier. Sanctionné le

6 janvier.

6 janvier.

Sanctionné le

Décret portant qu'il sera fait fonds, par la caisse de l'extraordi-
naire, d'une somme de 600,000 livres pour continuer le canal de 6 janvier.
jonction de la Saône à la Seine.

Décret d'accusation contre les sieurs Félix Adhémar, Nonjoux,
Pomayrole, Leroule, Gérard, Froichamp, et autres officiers du
2 régiment d'infanterie, prévenus de complots contre la sûreté
générale et principalement contre celle de la ville de Perpignan.
Décret qui ordonne la fabrication et l'émission de 300 millions
d'assignats de 10, 15, 25 et 50 sols.

Décret portant qu'il n'y a pas lieu à accusation contre l'abbé
Poulmye.

Décret qui règle la manière de pourvoir aux cures vacantes
dans le département du Haut-Rhin et détermine les mesures à
prendre pour faciliter, dans tous les départements, les nomina-
tions aux bénéfices qui pourront vaquer dans le cours de l'an-
née 1792.

Décret relatif à une augmentation provisoire des brigades de la gendarmerie nationale.

Décret qui autorise la municipalité d'Aubenas à faire un emprunt de 10,000 livres pour faire des achats de grains.

Paris, le 14 janvier 1792.

Signé M.-L.-F. DUPORT.

Non sujet à la sanction. Le roi en a ordonné l'exécution le 4 janvier.

Sanctionné le 8 janvier. Non sujet, etc., le 8 janvier. Sanctionné le

8 janvier.

8 janvier.

8 janvier.

ASSEMBLÉE NATIONALE LEGISLATIVE. Séance du samedi 14 janvier 1792, au soir. PRÉSIDENCE DE M. LEMONTEY, ex-président. La séance est ouverte à six heures du soir. M. Mangin. Voici une adresse des juges du tribunal de Longuyon au district de Longwy, département de la Moselle, qui annonce à l'Assemblée

que le sieur Jean Gircourt, vicaire à Audun-leRiche, sur la frontière, est actuellement détenu dans la maison d'arrêt du tribunal comme soupçonné d'avoir séduit un dragon du 7° régiment qui a déserté le 3 du courant avec armes et bagages. Le crime d'embauchement étant un crime de lèse-nation, et l'Assemblée nationale s'étant réservé de porter les décrets d'accusation contre les crimes de lèse-nation et contre la sûreté de l'Etat, ils pensent que la haute cour nationale est seule compétente pour connaître de ce délit.

(L'Assemblée renvoie cette adresse et les trois pièces y jointes aux comités de législation et de surveillance réunis pour lui en faire le rapport incessamment.)

M. Etienne Martin. Je crois devoir communiquer à l'Assemblée nationale des nouvelles d'Espagne, dont il est nécessaire qu'elle ait connaissance. Elles sont du 5 janvier et envoyées par la chambre de commerce de Marseille.

" Monsieur,

« Nous avons l'honneur de mettre sous vos yeux une lettre du 14 décembre 1791 que nous venons de recevoir de M. Aubert, consul de France à Barcelone, avec diverses pièces qu'il nous a fait parvenir, qui attestent les procédés inouïs que les capitaines français, naufragés sur les côtes d'Espagne, éprouvent de la part des officiers espagnols, lorsqu'ils devraient s'attendre, au contraire, à en recevoir secours et protection.

« Le capitaine André Plumier, de Marseille, qui eut le malheur de se perdre avec sa tartane, il y a environ 7 mois, vers Tortose, gémit depuis ce temps dans une prison où il a été enfermé, avec son équipage, par ordre du commissaire de la marine espagnole.

« Le capitaine Joseph Héron, commandant le brigantin la Marie-Louise d'Honfleur, naufragé à San-Salvador, après avoir pourvu par le secours du consul de France, au sauvetage de la cargaison et d'une partie des agrès de son bâtiment, a vu saisir toutes ses marchandises et effets par le commissaire de la marine, qui, après avoir fait enfoncer le magasin qui les contenait, s'en est emparé,

« Le capitaine J.-B.-Nicolas Prince, d'Honfleur, commandant la bélandre le Sain-Antoine, échouée dans la rade de Salès en Catalogne, a éprouvé la même violence de la part du même commissaire, dont il a été même maltraité.

« Il paraît, par ce que nous mande M. Aubert, que ses démarches et celles des vice-consuls dé ces différents ports n'ont pu prévenir ou faire réparer des actes de barbarie qui n'ont lieu que chez les nations les plus sauvages, qui sont contraires aux droits des gens et qui sont autant d'infractions au pacte de famille qui lie la France et l'Espagne et particulièrement aux articles arrêtés entre les deux puissances par la Convention du 23 mars 1769.

«Il était de notre devoir de dénoncer au gouvernement français la conduite que se permettent les officiers espagnols dans les circonstances dont il s'agit. Nous avons rempli cet objet en nous adressant au ministre de la marine, auquel nous avons représenté, le 12 du mois dernier, combien il importait d'obtenir de la cour d'Espagne la réparation des torts faits à notre navigation sur les côtes de ses Etats, et qu'il prît des mesures pour qu'elle n'y soit plus exposée désormais.

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tique, après avoir examiné la conduite peu loyale de l'empereur, nous rendra compte aussi de la conduite folle du roi d'Espagne.

M. Delacroix. Je demande que le ministre de la marine soit tenu demain de rendre compte à l'Assemblée des mesures qu'il a prises ultérieurement à la dénonciation et que les pièces soient renvoyées aux comités diplomatique et de marine réunis.

(L'Assemblée renvoie la lettre et les pièces y jointes aux comités diplomatique et de marine réunis et décrète que le ministre de la marine rendra compte des mesures qu'il aura prises pour obtenir satisfaction.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse des chasseurs du 12° bataillon, ci-devant Roussillon en garnison à Perpignan. Ils représentent à l'Assemblée que tous les membres de ce bataillon ne méritent pas d'être regardés comme les tristes objets de l'exécration publique. Les signataires de cette adresse attendent de la justice de leurs concitoyens qu'ils ne seront pas confondus avec les vrais coupables. Ils exposent les faits qui doivent jeter le jour sur la malheureuse affaire de Perpignan et annoncent que les chefs du complot ont agi de concert avec les émigrés d'Espagne. Ils demandent que l'Assemblée prononce bientôt sur le sort des coupables, et ils se flattent que l'expression de leurs sentiments, manifestés dans cette adresse, leur rendra les droits qu'ils avaient à l'estime de leurs concitoyens. (Applaudissements.)

Plusieurs membres : Le renvoi au comité militaire!

(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité militaire.)

Plusieurs membres Mention honorable au procès-verbal!

Un membre: On ne peut décréter la mention honorable qu'après le rapport du comité militaire!

(L'Assemblée ajourne la mention honorable jusqu'après le rapport du comité militaire.)

M. Lanxade, député par le conseil général de la ville de Libourne (Gironde), est introduit à la barre.

Il rappelle une pétition présentée à l'Assemblée nationale constituante relativement à la propriété d'une chapelle située sur l'une des places publiques de cette ville que les habitants réclament comme ayant été construite à leurs frais, et qui, pour cela, ne peut être comprise dans la classe des biens ecclésiastiques vendus au profit de la nation. Il expose que la municipalité de Libourne avait déjà converti cette chapelle en un dépôt de subsistances, établissement dont la privation exposerait 10,000 habitants aux horreurs de la disette. Il demande que le rapport de cette affaire soit incessamment présenté à l'Assemblée nationale, puis ajoute : La ville de Libourne ne vous demande point une grâce, elle sait que les exceptions à la loi sont autant d'atteintes portées à la liberté publique, ce n'est donc qu'un simple acte de justice qu'elle vient réclamer aujourd'hui, aussi ne vous promet-elle point de reconnaissance particulière pour cet objet; elle confondra ce sentiment avec ceux que vous ayez fait naître dans le cœur de tous les Français. Fière, dans un moment où quelques despotes osent nous provoquer, de contribuer à la défense de la patrie, elle lui offre l'élite de ses habitants; cette jeu

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nesse, dont le patriotisme peut seul égaler le courage, n'attend que le premier signal pour voler aux combats. Les foudres que vous avez déjà lancées sur 6 hommes coupables, ne seront que les précurseurs de ceux qui doivent écraser leurs complices au champ de la victoire; et cette guerre, si on nous force de l'entreprendre, cette guerre, en pulvérisant les trônes des tyrans, sera le signal de la liberté des Empires. (Applaudissements.)

M. le Président, répondant à M. Lanxade. L'Assemblée nationale à entendu avec le plus grand intérêt votre pétition; elle applaudit à votre patriotisme et partage votre sollicitude. Sous ce règne de la liberté, le peuple a non seulement le droit de prétendre à sa subsistance, mais encore à l'abondance et au bonheur. L'Assemblée prendra en considération votre demande, elle vous invite à assister à sa séance. (Applaudissements.)

Plusieurs membres: Le renvoi au comité de l'extraordinaire des finances!

(L'Assemblée renvoie la pétition de la ville de Libourne au comité de l'extraordinaire des finances.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du directoire du département de Rhône-etLoire qui adresse à l'Assemblée une pétition des administrateurs du grand hôtel-Dieu de Lyon qui se plaignent de l'épuisement des secours fournis en 1791, par le Trésor public, à cet hôpital et qui en demandent de nouveau.

(L'Assemblée renvoie cette lettre et les pièces y jointes au comité des secours publics.)

Plusieurs membres réclament l'ordre du jour pour divers objets.

Un membre: L'Assemblée mettra sans doute à l'ordre du jour ce qui devrait déjà y être : c'est la déchéance de la régence. Je demande que l'on prononce incessamment la déchéance pour les princes rebelles.

M. Jean Debry. Le terme accordé par la Constitution à celui que l'ordre de la succession appelle à la régence est expiré. Je demande que cet acte de souveraineté nationale, émané du Corps législatif, reçoive le complément de son exécution; et, attendu l'importance de cette mesure, quoiqu'elle ne puisse pas souffrir de discussion sérieuse, je demande que lundi prochain, après la lecture du procès-verbal, votre comité de législation vous propose le mode de déchéance de la régence, encourue par LouisStanislas-Xavier, prince français. Vous devez, Messieurs, cette déclaration formelle au respect de votre propre volonté, à l'attente du peuple, à la Constitution.

M. Broussonnet appuie la motion de M. Jean Debry.

(L'Assemblée décrète la motion de M. Jean Debry.)

M. Chéron-La-Bruyère, au nom du comité des domaines, fait un rapport et présente un projet de décret sur la question de savoir si la nouvelle organisation forestière sera suspendue, et si les fonctions du procureur du roi des ci-devant maitrises seront attribuées provisoirement aux procureurs-syndics de district (1); il s'exprime ainsi :

(1) Voy. ci-dessus, séance du jeudi 12 janvier 1792, au soir, page 349.

Messieurs, dès longtemps, votre comité des domaines vous eût proposé de suspendre l'exécution de la loi du 29 septembre 1791 sur l'administration forestière, sì, lorsqu'il a pu se mettre en activité, il n'était déjà trop tard pour s'en occuper, puisque le roi, conformément à cette loi, avait déjà nommé les 5 commissaires de la conservation générale, nomination dont l'Assemblée nationale avait été instruite, puisque la nomination des autres préposés créés par la même loi devait être très incessamment faite.

Votre comité, après avoir analysé cette loi, dont il faut en convenir, l'exécution lui a paru, sinon impraticable, au moins tellement surchargée d'entraves et embarrassée dans ses rouages, que l'on pouvait douter si elle pouvait être mise utilement en activité, a cru qu'il était de sa sagesse d'attendre du temps et de l'expérience des lumières que la théorie ne fournit jamais avec assez d'exactitude. Il lui a semblé qu'à moins de vous démontrer géométriquement de graves abus qui pouvaient en résulter, vous eussiez repoussé de símples conjectures; et certes, sans la grande question qui va vous occuper, celle de savoir s'il est utile et avantageux à la nation d'aliéner ou non aliéner ses forêts, vous n'eussiez jamais pensé à suspendre l'exécution de cette loi avant d'être bien convaincus de l'urgente nécessité de prévenir les abus qu'elle peut entraîner. Les choses ont bien changé de face depuis ce temps. Dans l'incertitude où l'on vous a jetés en vous proposant d'aliéner vos forêts, incertitude qu'il est certainement important de ne pas laisser longtemps subsister, vous avez dû penser que la loi du 29 septembre dernier pouvait devenir inutile, et que, dans tous les cas, vous ne pouviez, sans courir le hasard de vous engager à payer des dédommagements très dispendieux, vous dispenser d'en suspendre l'organisation.

Messieurs, votre comité des domaines pense en effet, que si vous vous décidez à vendre vos forêts, la loi, n'ayant plus d'objet, deviendra comme non-avenue; que si, au contraire, vous pensez qu'il soit utile de conserver cette précieuse propriété dans les mains de la nation, ou d'en aliénér seulement une partie, il faudra réformer la loi, moins par un motif d'économie qu'il ne faut jamais négliger quand on est chargé des intérêts du peuple, que par les motifs plus puissants encore, qui doivent animer une grande nation et la rendre indépendante de ses voisins, pour un grand objet de consommation, le plus nécessaire après le pain, le bois. D'après toutes ces considérations, et sans rien préjuger sur l'importante et délicate question, sur laquelle vous aurez mûrement à délibérer dans un mois, votre comité des domaines vous propose le projet de décret suivant :

Décret d'urgence.

« L'Assemblée nationale, considérant qu'aux termes de l'article 1er du titre XV de la loi du 29 septembre 1791, sur l'administration forestière, les anciens officiers de maîtrises ou grueries, titulaires ou par commission, chargés de l'administration des forêts du royaume, doivent continuer leurs fonctions jusqu'à ce que les nouveaux préposés, en exécution de ladite loi, entrent en activité; considérant, en outre, qu'elle a chargé ses comités des finances, d'agriculture, de commerce, de marine et des domaines de lui présenter, dans le délai d'un mois, un rapport sur la question de savoir s'il est utile et avanta

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