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M. Merlin. Monsieur le Président, je demande que la discussion soit fermée.

(L'Assemblée, consultée, décide que la discussion continuera.)

M. Gohier. L'établissement d'une haute cour nationale est d'une si grande importance qu'on ne doit pas s'étonner que chacune des dispositions destinées à en compléter l'organisation soit l'objet de l'examen le plus scrupuleux, qu'on cherche à en prévoir toutes les conséquences, qu'on en calcule avec effroi toutes les suites.

Et comment, en effet, envisager avec une entière sécurité la puissance même que l'on a créée, quand l'histoire nous instruit de l'adresse avec laquelle le despotisme et la tyrannie savent tout s'approprier, quand l'expérience nous apprend qu'il n'est point d'institution sage qui n'ait ses dangers et ses abus, quand on songe que souvent les peuples ont été asservis par les grands pouvoirs auxquels ils avaient confié la surveillance de leurs droits. Jamais donc on ne saurait être trop circonspect, lorsqu'il s'agit de mettre en activité ces redoutables instruments politiques, on ne peut avec trop de prudence en régler la marche; on ne peut avec trop de précision circonscrire le cercle dans lequel ils doivent être renfermés.

Voyons, Messieurs, si votre comité de législation est sorti de la juste mesure qu'il devait tenir. Qu'est-ce qu'une haute cour nationale? Un tribunal par lequel doivent être jugés et punis les crimes qui attaquent la sûreté de l'Etat, les complots formés contre la Constitution, les conspirations, en un mot les crimes de lèse-nation; un tribunal conséquemment dépositaire des grands intérêts du peuple. Car, désormais, on ne qualifiera plus de crime de lèse-nation une insulte faite à la maîtresse d'un roi, un mot imprudent contre un courtisan chéri... Les traîtres envers la patrie seront seuls dénoncés comme coupables de haute trahison. (Applaudissements.)

Dès ici, vous sentez combien il est intéressant que la dignité de ce tribunal réponde à l'importance des fonctions qui lui sont attribuées, et surtout qu'il ne puisse être confondu avec ces commissions qui laissent après elles un souvenir éternel d'injustice; qui, sous le règne du despotisme, étaient plutôt destinés à effrayer l'innocence, qu'à faire trembler le crime; à être un instrument de vengeance ministérielle qu'un tribunal dépositaire de la vindicte publique et nationale. (Applaudissements.)

Toutes les objections faites contre le projet du comité se réduisent à deux principales: l'une concerne la durée de la haute cour nationale, l'autre est relative aux fonctions des hauts jurés mais autant le projet du comité de législation est lié dans toutes ses parties, autant les propositions de ceux qui l'attaquent sont incohérentes et contradictoires.

Les unes voudraient qu'il y eût autant de hautes cours nationales qu'il y aura d'accusations; ils se plaignent de l'attribution unique proposée par le comité de législation et de l'étendue qu'on lui donne; les autres, au contraire, trouvent la compétence de la haute cour nationale trop restreinte, et voudraient que son existence put être prolongée d'une législature à l'autre, si les affaires dont elle est saisie n'étaient pas terminées.

Votre comité de législation, Messieurs, a cru devoir tenir un juste milieu entre ces deux opinions également exagérées. Il a pensé qu'il ne

pouvait jamais y avoir qu'une seule haute cour nationale subsistante, mais aussi qu'elle ne devait subsister qu'autant que les affaires qui lui seraient déférées subsisteraient elles-mêmes, sans cependant excéder le terme de la législature sous laquelle elle aura été formée.

C'est la Constitution à la main, que les trois premiers articles ont été rédigés, c'est la Constitution à la main que je vais les défendre.

Une haute cour nationale, formée de membres du tribunal de cassation et de hauts jurés, porte l'Acte constitutionnel, article 23 du chapitre concernant le pouvoir judiciaire, connaitra des délits des ministres et agents principaux du pouvoir exécutif, et des crimes qui attaqueront la sûreté générale de l'Etat, lorsque le Corps législatif aura rendu un décret d'accusation. C'est donc à une seule haute cour nationale qu'est attribuée la connaissance de tous ces délits. Et que l'on ne dise pas, comme l'a prétendu M. Pastoret, que notre système est fondé sur une équivoque indigne du comité de législation. Lorsque la Constitution a parlé de ce grand tribunal, elle ne s'est pas bornée à déclarer qu'une haute cour nationale serait formée ; elle ne s'est pas bornée à déterminer tous les délits dont cette haute cour nationale doit connaître, à régler sa compétence. La Constitution a prévu et le cas où la haute cour nationale n'est pas encore rassemblée et celui où elle se trouve en activité.

Elle ne se rassemblera, ajoute l'article déjà cité, que sur la proclamation du Corps législatif. Rien de plus sage. Il est important qu'un si grand pouvoir ne puisse être mis en action que par les représentants de la nation, que par la puissance législative. Mais ce tribunal est-il en fonctions, il ne s'agit plus alors que de renvoyer devant lui ceux qu'il doit juger et c'est aussi ce que porte l'article 27 du même chapitre relativement aux juges qui, en excédant les bornes de leur pouvoir, ont encouru les peines de la forfaiture. Le fait, porte cet article, sera dénoncé au Corps législatif, qui rendra le décret d'accusation s'il y a lieu, et renverra les prévenus devant la haute cour nationale. On ne renvoie que devant un tribunal qui existe, que devant un tribunal formé. En vous présentant ce premier article: « La haute cour nationale formée et convoquée pour juger une première accusation connaîtra de toutes les accusations subséquentes qui seront portées par le Corps législatif, avant qu'elle se sépare et tant qu'elle sera en activité. » Votre comité de législation ne vous propose donc que d'ériger en loi une conséquence immédiate de l'Acte constitutionnel.

Et, d'ailleurs, Messieurs, les principes mêmes sur lesquels repose l'ordre judiciaire, ne se réunissent-ils pas à l'esprit et à la lettre de la Constitution pour le soutien du projet de votre comité? Les tribunaux ne peuvent être multipliés qu'autant, ou qu'on les attache à un territoire, ou qu'on leur délégue la connaissance d'une sorte d'affaire ou de délit. C'est ainsi qu'il y a plusieurs tribunaux civils, plusieurs tribunaux de commerce, plusieurs tribunaux criminels ordinaires et qu'il n'y a, au contraire, qu'une seule cour de cassation; qu'il ne doit y avoir qu'une seule haute cour nationale, parce que cette haute cour nationale doit juger tous les délits de lèse-nation, dans quelque partie du royaume qu'ils aient été commis. (Applaudissements).

M. Ducastel voudrait que la rédaction du premier article fût plus exacte. La haute cour

nationale, dit-il est formée non seulement des grands procurateurs, des grands juges, du commissaire du roi et des autres officiers du tribunal mais des grands jurés. Le comité, continue-t-il, convient qu'à chaque accusation le tirage au sort des grands jurés doit avoir lieu; il ne restera donc qu'une partie de la haute cour nationale. Il ne faut donc pas dire « la haute cour nationale connaîtra... », mais seulement : « les grands juges connaîtront... »

:

Il est aisé de répondre à cette chicane. Le tribunal criminel ordinaire est aussi composé de juges et de jurés, et cependant la loi, quand elle renvoie un délit à ce tribunal, se sert seulement du mot générique tribunal criminel. On peut ajouter que d'ailleurs l'article 3 lève toute équivoque et que tous les articles d'une loi s'interprêtent réciproquement :

L'article 2 porte que : « Si les accusations portées par le Corps législatif n'ont pu être jugées dans l'intervalle de sa session, une nouvelle haute cour nationale sera formée sans délai par la législature suivante; et cependant la première continuera ses fonctions jusqu'à son remplace

ment effectif. »

Par cette disposition, votre comité de législation concilie ce qui est dû au premier exercice de la justice et à la conservation des principes sur lesquels repose tout notre ordre judiciaire. Le renouvellement des juges à une époque fixe est un des articles les plus essentiels à maintenir, puisqu'on ne pourrait y contrevenir sans s'exposer à perpétuer les magistratures, et ce qui serait dangereux dans un tribunal ordinaire le serait bien davantage encore dans un tribunal aussi important que celui de la haute cour nationale. Votre comité de législation a jugé avec raison qu'il fallait un terme précis au delà duquel là haute cour nationale ne put être prorogée, et ce terme doit naturellement être celui de la fin de la législature, en autorisant le tribunal à continuer ses fonctions jusqu'à son remplacement effectif.

L'inconvénient de remettre une procédure commencée entre les mains de nouveaux juges, est peu de chose, et on y fut exposé dans tous les temps par la mort du magistrat. Au reste, c'est celui de tous les tribunaux temporaires. Le terme où le juge voit expirer ses fonctions est la mort politique de sa puissance, qui ne peut revivre que par une réélection. En réclamant contre l'article 2, M. Ducastel vous a donc proposé d'intervertir l'ordre qu'on ne peut être trop attentif à maintenir, de porter une dangereuse atteinte aux principes que nous ne pouvons trop respecter.

Je ne m'arrêterai pas à l'objection relative aux fonctions des hauts jurés, elle a été suffisamment réfutée par les préopinants. Il est évident que les fonctions d'un haut juré nommé pour toute la législature, et qui doit rester sur le tableau jusqu'à l'époque de la législature suivante, ne doivent pas être nécessairement limitées à la connaissance d'une seule affaire; et lorsque le même juré ne peut exercer ses fonctions dans une seconde accusation, qu'autant que le sort l'y appelle et qu'il n'est point écarté par les récusations de l'accusé, on ne peut pas dire que la liberté publique soit intéressée aux nouvelles fonctions qu'il court le risque de remplir.

Je ne répondrai pas non plus à la proposition qui vous a été faite de réunir toutes les accusations portées par vous en une seule; il ne s'agit point ici de délibérer sur les accusations que

Vous avez intentées, mais d'organiser la cour qui doit les juger.

Je conclus à l'adoption du projet de comité et je me propose d'y ajouter quelques articles additionnels dont je vais vous donner lecture. (Interruptions.)

Plusieurs membres : Non! non!

M. Delacroix. Je soutiens que ces articles sont une conséquence des dernières observations de M. Gohier et qu'il doit être autorisé à les lire. Plusieurs membres: Non! non! La discussion fermée sur les trois premiers articles!

(Après quelques débats, l'Assemblée ferme la discussion sur les trois premiers articles.)

M. Dalmas, rapporteur, donne lecture de l'article 1er qui est ainsi conçu :

"La haute cour nationale, formée et convoquée pour juger une première accusation, connaîtra de toutes les accusations subséquentes qui seront portées par le Corps législatif, avant qu'elle se sépare et tant qu'elle sera en activité.

"Son existence ne pourra néanmoins être prolongée au delà de la session du Corps législatif qui l'aura établie, sauf le cas prévu par l'article suivant. »>

M. Ducastel. Un point qui n'est point encore discuté et qui est bien important, c'est de savoir si les accusations seront instruites simultanément ou successivement. Vous n'avez pas d'article sur cet objet-là et l'article qui vous est présenté maintenant dépend absolument de la décision que vous prendrez à ce sujet.

M. Dalmas, rapporteur. Ce sera un article additionnel.

M. Ducastel. La Constitution dit nommément que la haute cour nationale ne se rassemblera que sur la proclamation du Corps législatif. Je prie l'Assemblée nationale de discuter et de considérer cette question, vu qu'elle décide la grande question de savoir si les hautes cours nationales tiendront simultanément, ou si elles tiendront successivement.

M. Thuriot. Il n'y aura ni l'un ni l'autre.

M. Delacroix. Il y a dans l'Assemblée deux opinions sur la permanence de la haute cour nationale. Les uns pensent que la haute cour doit connaître de toutes les accusations qui seront portées pendant les 2 ans de sa durée; d'autres prétendent, au contraire, qu'à chaque accusation nouvelle il faudra convoquer une nouvelle haute cour nationale. Je propose, avant de délibérer sur les articles, de résoudre cette question et je la pose ainsi : Y aura-t-il une seule haute cour nationale ou plusieurs hautes cours nationales. » Plusieurs membres Aux voix! aux voix la motion de M. Delacroix!

:

M. Ducastel. Il ne peut y avoir qu'une haute cour nationale, mais il faut qu'à chaque accusation on rassemble le haut juré. Cela est nécessaire et il y aura, pour chaque accusation, des hauts jurés différents, puisque c'est le sort et les récusations qui les déterminent: Les juges peuvent bien être permanents; vous pouvez décider, comme je l'ai dit, que les mêmes juges pourront connaître de toutes les accusations qui leur seront renvoyées pendant qu'ils seront en activité; mais vous ne pouvez pas décréter que le même jury concourra au jugement de toutes les accusations à cause des récusations que les accusés sont en droit de proposer contre un certain nombre de jurés. J'ajoute que, pour chaque ac

cusation, il faut nécessairement une proclamation pour que les jurés puissent présenter leurs excuses. (Bruit.) Sous ce rapport on ne peut donc pas dire que la haute cour connaîtra de toutes les accusations.

Je demande donc à l'Assemblée si, lorsque les juges seront à Orléans, alors qu'il y aura un haut juré convoqué, on pourra, pour une nouvelle accusation, en convoquer un autre; si on pourra en convoquer dix de suite pour dix accusations et instruire ces dix accusations concurremment. Je conçois bien que les grands juges et toute la partie judiciaire étant à Orléans, ils pourront convoquer les hauts jurés; mais ayant convoqué un haut juré pour une accusation, pourront-ils en convoquer 20 à la fois, de manière que les 166 jurés puissent se trouver ensemble à Orléans et qu'on instruise vingt accusations à la fois? Voilà ce que je demande à l'Assemblée; est-ce là ce qu'elle entend?

J'admets bien que les juges étant là, chaque juré convoqué se réunissant aux juges formera une haute cour nationale toutes les fois que les hauts jurés et les juges se trouveront ensemble. Mais l'Assemblée entend-elle et c'est le point sur lequel j'ai voulu qu'elle méditât, qu'elle fixât son attention, l'Assemblée entend-elle que lorsqu'une accusation sera commencée, elle sera alors suivie et terminée sans interruption, et qu'une autre accusation ne sera instruite que lorsque la première sera finie?

M. Dalmas, rapporteur. Il n'est pas besoin, suivant le texte de la loi, d'une proclamation du Corps législatif à chaque accusation; quoiqu'il y ait plusieurs assemblées de jurés, il n'y aura qu'une seule haute cour nationale. D'ailleurs, il n'est pas douteux que les accusations peuvent être suivies simultanément, cela ne nuira en rien à l'unité du jury.

M. Crestin. Avant tout, il faut savoir ce qu'on entend par le mot accusation. Le mot accusation portera-t-il sur chaque acte par lequel les individus auront été accusés par le Corps législatif, ou le mot accusation portera-t-il sur le corps des délits en général, et sur tous ceux qui étaient moteurs, fauteurs et adhérents? Au premier cas, il y a un grand inconvénient à ce qu'il y ait autant de hauts jurys qu'il peut y avoir d'accusés. Supposons qu'un crime ait été commis par 20 individus, il faudrait donc 20 fois 31 jurés pour connaître des 20 accusations sur le même cas. Au second cas, si par le mot accusation vous entendez le mot crime, nous sommes d'accord, parce que les 31 jurés qui seront sortis par le tirage au sort pour la première fois connaîtront de toute l'étendue du crime. Je dis donc qu'il faut que le mot crime soit substitué au mot accusation dans le projet de décret et qu'alors les trois articles peuvent être adoptés. Mais si vous laissez le mot vague d'accusation...

Plusieurs membres: Aux voix! aux voix l'article du comité!

M. Mouysset rappelle à l'Assemblée la loi même de l'institution du jury et répond à M. Ducastel sur la simultanéité des poursuites de plusieurs accusations. Dans le jury ordinaire, cette simultanéité a lieu et, en cela, le haut jury suit la même loi.

Plusieurs membres: La discussion fermée sur les amendements!

(L'Assemblée ferme la discussion sur les amendements.)

M. Dalmas, rapporteur. Je demande que la motion de M. Delacroix soit mise aux voix. Plusieurs membres : Non! non! La question préalable sur les amendements.

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements.).

M. Jouffret. Je propose de diviser l'article. M. Dalmas, rapporteur. J'y consens. Plusieurs membres demandent une nouvelle lecture de l'article premier.

M. Dalmas, rapporteur, fait une nouvelle lecture de l'article premier.

Plusieurs membres: La division! la division! (L'Assemblée adopte le vote par division.)

M. Dalmas, rapporteur, donne lecture du premier paragraphe de l'article 1er qui est ainsi conçu :

Art. 1er.

"La haute cour nationale, formée et convoquée pour juger une première accusation, connaîtra de toutes les accusations subséquentes qui seront portées par le Corps législatif, avant qu'elle se sépare et tant qu'elle sera en activité. »

Un membre: Je demande que l'on retranche de la rédaction de ce paragraphe ces derniers mots avant qu'elle se séparé et tant qu'elle sera en activité. »

M. Dalmas, rapporteur. J'adopte.

(L'Assemblée adopte l'amendement, puis le premier paragraphe de l'article premier.)

M. Dalmas, rapporteur, donne lecture du second paragraphe de l'article premier qui est ainsi conçu:

"Son existence ne pourra néanmoins être prolongée au delà de la session du Corps légistatif qui l'aura établie, sauf le cas prévu par l'article suivant. »

M. Pastoret. Je propose à M. le rapporteur de substituer au mot néanmoins le mot jamais. M. Dalmas, rapporteur. J'adopte.

M. Couthon. Je désirerais que cette disposition et l'article suivant ne fissent qu'un seul et même article, conçu en ces termes à peu près :

Art. 2.

« L'existence de la haute cour nationale ne pourra être prolongée au delà de celle de la législation qui l'aura établie. Si les accusations portées par le Corps législatif n'ont pas été jugées dans le cours de sa durée, une nouvelle haute cour nationale sera formée, sans délai, par la législature suivante; et cependant la première continuera ses fonctions jusqu'à son remplacement effectif. (Appuyé ! appuyé !)

Un membre: Je demande la priorité pour la rédaction de M. Couthon.

(L'Assemblée, consultée, accorde la priorité à la rédaction de M. Couthon et l'adopte.)

M. Dalmas, rapporteur, donne lecture de l'article 3 qui est ainsi conçu :

Art. 3.

"Dans chaque accusation, la composition du haut juré se fera par le tirage au sort sur les 166 membres formant le tableau du haut juré.

Ceux qui auraient déjà été employés en cette

qualité, ne pourront, pendant le cours de la magistrature, s'excuser, par ce motif, d'entrer dans la composition de nouveaux jurés, si le sort les y appelle.

M. Goujon. Je demande la question préalable sur cet article. D'abord, quant à la première partie, la loi du 15 mai y pourvu. Sur la seconde, il n'y a pas de raison pour prévoir le cas où l'on serait obligé de renouveler le juré. La loi du 15 mai veut qu'on ne fasse qu'une fois en sa vie les fonctions de juré. Vous pouvez avoir le soin de déroger à cette loi, mais il faut attendre que la nécessité vous y force. Ainsi je demande la question préalable.

M. Thuriot. Non pas, l'ajournement.
M. Goujon. Eh bien, l'ajournement.

M. Mouysset. Je demande la question préalable sur la première partie de l'article; mais je demande la conservation de la seconde, parce que je pense que les membres de la haute cour nationale peuvent exercer plusieurs fois pendant la législature leurs fonctions de hauts jurés.

M. Ducastel. D'après la loi du 15 mai, il ne serait pas possible d'avoir une haute cour nationale, par raison que les hauts jurés ne pourraient pas suffire pour y servir s'ils ne devaient remplir ces fonctions qu'une fois, Donc il faut écarter la loi du 15 maí et adopter l'article proposé.

M. Thuriot. L'observation de M. Ducastel ne faisant pas sur l'esprit de l'Assemblée l'impression qu'elle doit faire, je me permets d'ajouter que si Vous n'adoptiez pas l'article 3, il faudrait convoquer les assemblées primaires sur-le-champ, car n'est pas possible de ne pas voir que l'épuisement de la liste sera fait sans délai.

Mais, Messieurs, voyons si, abstraction faite de la motion de M. Ducastel, l'esprit de la loi du 15 mai résiste réellement à ce que les hauts jurés soient employés plusieurs fois. On s'est trompé continuellement en comparant le juré de jugement au juré d'accusation. Les hauts jurés ne sont point jurés d'accusation, c'est l'Assemblée nationale qui est le juré d'accusation; c'est donc des jurés de jugement que nous avons à nous occuper. Or, la loi qui s'exprime relativement aux jurés de jugement, dit positivement qu'ils peuvent l'être plusieurs fois de leur consentement, même dans la même année. La loi va plus loin, car elle dit que quand ils ne voudraient pas l'être, s'ils habitent le lieu du tribunal, on peut les forcer de l'être. Ainsi, nous avons donc l'esprit clair de la loi, et d'un autre côté nous avons l'évidence de la nécessité. Je conclus, par conséquent, à la conservation de l'article.

Plusieurs membres: La question préalable! L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur l'article 3 en entier, puis l'adopte.)

M. Dalmas, rapporteur, donne lecture de l'article 4 qui est ainsi conçu:

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Art. 5.

"Les grands procurateurs communiqueront directement avec l'Assemblée nationale, sans l'intermédiaire du pouvoir exécutif. »

M. Garran-de-Coulon. Je demande à dire un mot là-dessus. (Exclamations.) Je crois que pour maintenir l'indépendance absolue des grands procurateurs, et pour ne point porter atteinte à leur inviolabilité, cet article ne doit pas faire partie d'une loi sujette à la sanction, mais être l'objet d'un décret particulier pour ce qui le concerne. Plusieurs membres: Appuyé! appuyé!

M. Gensonné. Il est une question que nous devons aborder, la voici: Les décrets sur l'organisation de la haute cour nationale sont-ils susceptibles de sanction ou ne le sont-ils pas. Je crois, moi, fermement que non seulement les articles qui concernent les grands procurateurs, mais les autres articles du décret, ceux qui sont absolument nécessaires pour mettre la haute cour nationale en activité, ne doivent pas être soumis à la sanction. Je vous prie de vouloir bien examiner cette question. Si vous attribuez au pouvoir exécutif l'exercice du veto sur des lois réglementaires, sans lesquelles il est impossible que la haute cour nationale soit mise en activité, il est évident que vous donnez au pouvoir exécutif le droit de paralyser cette institution et de sauver du glaive de la loi tous les coupables qu'il voudra choisir. (Applaudissements.) Je demande que le décret soit déclaré n'être pas sujet à la sanction.

M. Dalmas, rapporteur. La proposition de M. Gensonné n'est pas admissible, parce que je ne vois rien dans la Constitution qui puisse l'autoriser, parce que la Constitution désigne les actes que le Corps législatif peut faire par luimême et sans le concours du pouvoir exécutif, Messieurs, vous avez l'exemple de l'Assemblée et qu'on n'y voit rien qui ait trait à ce sujet. nationale constituante. Le décret portant l'institution et l'organisation de la haute cour nationale a été présenté à la sanction.

M. Goujon. C'est à l'acceptation.

M. Ducastel. Je demande que cette question ne croise pas la délibération et qu'elle soit renvoyée à votre comité de législation pour vous en faire le rapport au premier instant.

(L'Assemblée renvoie la motion de M. Garrande-Coulon et celle de M. Gensonné au comité de législation pour en faire le rapport incessamment et adopte l'article 5.)

M. Dalmas, rapporteur, donne lecture de l'article 6 qui est ainsi conçu:

«Les fonctions de commissaire du roi auprès de la haute cour nationale seront exercées par le commissaire du roi auprès du tribunal criminel du département dans le territoire duquel elle s'assemblera. »

M. Aubert-Dubayet. Je regarde cet article comme inutile et j'en demande la suppression. M. Pastoret. Je rappelle à l'Assemblée que le ministre de la justice lui a dit que le commissaire du roi d'Orléans lui a écrit qu'il ne pouvait remplir ses deux fonctions. Je demande, non pas la question préalable qui me parait trop rigoureuse, mais l'ajournement, et voici sur quoi je me fonde:

Dans ce moment, votre comité de législation

est chargé de vous présenter un projet de décret sur un objet infiniment important, sur l'ambulance des tribunaux criminels. Si l'ambulance est décrétée, comme je crois qu'elle doit l'être (Murmures.), alors les 83 commissaires du roi auprès des tribunaux criminels deviendront parfaitement utiles, et nous ferons en même temps une grande économie d'argent et de pouvoirs. Je crois donc que dans ce moment-ci l'Assemblée nationale peut ajourner jusqu'après le rapport sur l'ambulance des tribunaux criminels, et charger provisoirement le commissaire du roi près le tribunal d'Orléans, de faire ses fonctions près la haute cour nationale.

M. Lemontey. La conséquence que je tire de l'observation de M. Pastoret, que j'appuie, est qu'on ne doit rien préjuger en cet instant; mais qu'en adoptant l'article 6 du comité, il faut ajoufer par amendement le mot : provisoirement.

(L'Assemblée adopte l'article 6 avec l'amendement de M. Lemontey.)

M. Ducastel. D'après l'amendement que vous venez d'adopter, il est possible que ce commissaire surchargé de travail, ne puisse pas exercer à la haute cour nationale. Je demande qu'on lui substitue, dans ce cas, le commissaire du tribunal de district.

Plusieurs membres: Appuyé! appuyé!

D'autres membres: La question préalable!

M. Thuriot. En l'absence du commissaire du roi, tous les gradués pourront faire ses fonctions. Ainsi l'amendement n'est pas utile.

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Ducastel.)

En conséquence, l'article 6 est adopté comme suit:

Art. 6.

« Les fonctions de commissaire du roi auprès de la haute cour nationale seront provisoirement exercées par le commissaire du roi auprès du tribunal criminel du département dans le territoire duquel elle s'assemblera. »

M. Dalmas, rapporteur, donne lecture de l'article 7 qui est adopté, sans discussion, dans les termes suivants :

Art. 7.

«Le ministre de la justice aura, avec le commissaire du roi auprès de la haute cour nationale, la même correspondance qu'avec les commissaires du roi auprès des autres tribunaux. » M. Dalmas, rapporteur, donne lecture de l'article 8 qui est ainsi conçu :

Art. 8.

« Les grands procurateurs pourront agir, concurremment ou séparément, dans le cas d'une suspension momentanée et forcée des fonctions de l'un d'eux.

«Ils auront une place distinguée dans l'intérieur du parquet, à la droite du tribunal, en face de celle occupée par le commissaire du roi. »

M. Lemontey. Messieurs, le comité n'a pas prévu le cas où il s'élèverait une opinion contraire entre les deux grands procurateurs et où ils présenteraient une diversité marquée dans leurs conclusions. Je demande le renvoi de l'article 8 au comité pour être présenté de nouveau.

M. Dalmas, rapporteur. Le comité a prévu le cas où les grands procurateurs seront d'accord et celui où ils seront discords. S'ils sont discords, ils rédigeront chacun leur requête et les grands juges décideront.

(L'Assemblée adopte l'article 8.)

M. Dalmas, rapporteur, donne lecture de l'article 9 qui est ainsi conçu :

Art. 9.

« Un greffier sera établi auprès de la haute cour nationale. Il sera âgé de 25 ans au moins. Les grands juges le nommeront au scrutin. Il pourra choisir les commis nécessaires pour le service du tribunal, et il en sera civilement responsable. Ils prêteront, ainsi que lui, entre les mains des juges, avant d'entrer en fonctions, le serment d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et d'exercer avec exactitude leurs fonctions. «Le greffier ne sera révocable que pour prévarication jugée; mais ses fonctions cesseront avec celles du tribunal.

"Son traitement, indépendamment des frais de ses commis, sera de 100 écus par mois. »

M. Pastoret. Je propose de supprimer ces mot: au scrutin. Il me semble inutile que 4 personnes aillent au scrutin pour nommer un greffier.

Plusieurs membres : La question préalable sur l'amendement !

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Pastoret et adopte l'article 9.)

M. Thuriot. Je propose que le nombre des commis à prendre par le greffier soit fixé par les grands juges.

(L'Assemblée adopte l'amendement de M. Thu

riot.)

En conséquence, l'article 9 est adopté comme suit :

Art. 9.

Un greffier sera établi auprès de la haute cour nationale. Il sera âgé de 25 ans au moins. Les grands juges le nommeront au scrutin. Il pourra choisir les commis nécessaires pour le service du tribunal, et il en sera civilement responsable. Le nombre de ces commis sera fixé par les grands juges. Ils prêteront, ainsi que le greffier, entre les mains des juges, avant d'entrer en fonctions, le serment d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et d'exercer avec exactitude leurs fonctions.

Le greffier ne sera révocable que pour prévarication jugée; mais ses fonctions cesseront avec celles du tribunal. Son traitement, indépendamment des frais de ses commis, sera de 100 écus par mois. »>

M. Dalmas, rapporteur, donne lecture des articles 10 et 11 qui sont adoptés, sans discussion, dans les termes suivants :

Art. 10.

« Quatre huissiers seront établis auprès de la haute cour nationale; ils seront nommés par les grands juges et prêteront devant eux le même serment que le greffier et ses commis: le traitement de chacun des huissiers sera de 125 livres par mois.

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