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Projet de décret.

« L'Assemblée nationale, applaudissant à la fermeté avec laquelle le roi a répondu à l'office de l'empereur du 21 septembre dernier, et après avoir entendu le rapport de son comité diplomatique, décrète :

«Art 1er. Le roi sera invité, par un message, de demander à l'empereur, au nom de la nation française, des explications claires et précises sur ses dispositions à l'égard de la France, et notamment s'il s'engage à ne rien entreprendre contre la nation française, sa Constitution et sa pleine et entière indépendance dans le règlement de son gouvernement, et si, dans le cas où la France serait attaquée, il lui fournirait les secours stipulés par le traité du 17 mai 1756.

« Art. 2. Le roi est également invité à demander que ces explications lui soient données avant le 10 février prochain, et à déclarer à l'empereur qu'à défaut d'une réponse entièrement satisfaisante à cette époque, ce procédé de sa part sera envisagé par la nation française comme une rupture du traité du 9 mai 1765 et un acte d'hostilité envers elle.

« Art. 3. Le roi sera également invité à donner les ordres les plus précis pour continuer et accélérer, autant qu'il sera possible, les préparatifs de guerre et le rassemblement des troupes sur les frontières, de manière qu'elles soient en état d'agir dans le plus bref délai. » (Vifs applaudissments.)

Plusieurs membres : L'impression et l'ajourne

ment!

M. Isnard. Je demande que le rapport et le projet de décret soient imprimés et distribués demain, et que la discussion s'ouvre après demain...

Plusieurs membres: Non! mardi!

M. Isnard. Hé bien, mardi, soit. J'ai encore une motion à faire. Il s'est introduit, Monsieur le Président, un abus qui peut avoir des suites très fâcheuses. 15 jours, 3 semaines, un mois avant qu'il soit question d'un objet, on se fait inscrire dans un ordre de parole dont personne n'a connaissance, de sorte que, lorsqu'un autre membre se présente à l'ouverture de la séance, il trouve 30 personnes inscrites. De là ce grand inconvénient : c'est que des personnes qui connaîtraient les conclusions d'un rapport, qui auraient toutes une même opinion et qui voudraient la faire prévaloir, pourraient se coaliser, et, par le privilège exclusif de l'inscription, être infiniment nuisibles aux résultats des délibérations. (Exclamations.) L'Assemblée constituante n'agissait pas ainsi, et je de ande que, conformément à son usage, l'ordre de la parole soit ouvert mardi à l'ouverture de la séance.

Un membre: Il y a un rapport du comité de législation relatif à cet objet qui est à l'ordre du jour.

M. Isnard. Je demande alors que les conclusions du rapport du comité de législation soient appliquées à la discussion du rapport du comité diplomatique.

(La motion de M. Isnard, qui n'est pas appuyée, n'est pas mise aux voix.

(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret du comité diplomatique et l'ajournement de la discussion à mardi.)

M. le Président. Je demande la permission de communiquer à l'Assemblée quelques réflexions que la lecture du rapport de votre comité diplomatique vient de me faire naître et de céder le fauteuil à M. Lemontey.

Plusieurs membres : Oui! oui!

M. Guadet, Président, cède le fauteuil à M. Lemontey, ex-président.

PRÉSIDENCE DE M. LEMONTEY.

M. Guadet. De tous les faits sur lesquels le comité diplomatique appelle l'attention de l'Assemblée, celui qui m'a le plus frappé, c'est le projet de formation d'un congrès, dont l'objet serait d'obtenir la modification de la Constitution française; projet annoncé depuis si longtemps dans les journaux, mais toujours repoussé par son invraisemblance, jusqu'au moment où le discours du ministre de la guerre et le rapport du comité diplomatique ont dù faire croire qu'il a quelque consistance.

Quel est donc, Messieurs, ce complot formé contre la liberté de notre patrie? et jusques à quand souffrirons-nous que nos ennemis nous fatiguent par leurs manœuvres et nous outragent par leurs espérances?

Ces espérances sont folles, j'en conviens. On parle de congrès! Les députés des nations réunies pour assurer la liberté du monde, voilà le seul congrès possible aujourd'hui en Europe, voilà le seul probable! (Vifs applaudissements.)

Mais s'il est vrai, comme on l'assure, que lé fil de toute cette intrigue est tenu par des hommes qui croient voir, dans son succès, le moyen de sortir de la nullité politique dans laquelle ils viennent de descendre; s'il est vrai que quelquesuns des agents du pouvoir exécutif, soit par attachement pour la maison d'Autriche à laquelle ils sont dévoués, soit pour donner cette chance de plus à leur autorité, secondant de toute la puissance de leurs relations cet abominable complot; enfin, Messieurs, s'il est vrai que l'état de défense, état ruineux dans lequel on nous a mis, sans vouloir peut-être permettre que nous en sortions ni par la paix, ni par la víctoire, n'ait d'autre but que de nous amener, par le découragement et par l'épuisement de nos finances, à accepter comme une faveur cette honteuse médiation, l'Assemblée nationale doit-elle fermer les yeux sur de tels dangers? Non, Messieurs, cette sécurité serait dangereuse et funeste elle appellerait peut-être des crimes et il faut les prévenir.

:

Apprenons donc, Messieurs, à tous les princes de l'Empire que la nation française est décidée à maintenir sa Constitution tout entière; nous mourrons tous ici... (Oui! oui! Vifs applaudissements.)

(A ces mots, tous les membres de l'Assemblée, animés du même sentiment, se lèvent et s'écrient: Oui, nous le jurons! Ce mouvement d'enthousiasme se communique à toutes les âmes, échauffe tous les cœurs. Les ministres de la justice et des affaires étrangères, les huissiers, les citoyens, les citoyennes présents à la séance, s'unissent aux représentants du peuple, se lèvent, agitent leurs. chapeaux, étendent leurs bras vers le bureau du Président et prêtent le même serment. Les cris de Vivre libre ou mourir, la Constitution ou la mort, se font entendre, la salle retentit d'applaudissements.)

M.Guadet... Oui, nous mourrons tous ici plutôt

que de permettre, je ne dis pas qu'on mette en question si le peuple français demeurera libre, mais seulement qu'il soit porté la moindre atteinté à sa Constitution. Apprenons aux intrigants, aux hommes pervers, qu'ils peuvent bien chercher à égarer le peuple, qu'ils peuvent bien essayer de jeter des soupçons sur la pureté des intentions de ses représentants, mais que nous, chargés de défendre la Constitution contre leurs calomnies, nous en garderons le dépôt avec une inviolable fidélité et que nous remplirons avec le zèle et l'énergie d'hommes libres la tâche honorable que le peuple français nous a confiée. En un mot, marquons à l'avance une place aux traîtres, et que cette place soit sur l'échafaud. (Bravo! bravo! Vifs applaudissements.)

Je propose à l'Assemblée nationale de déclarer, à l'instant même, infâmes, traîtres à la patrie, coupables du crime de lèse-nation, tout agent du pouvoir exécutif, tout Français...

Plusieurs membres : Tout législateur.
M. Delacroix. Il n'y en a pas.

M. Guadet... Tout Français qui pourrait prendre part directement ou indirectement, soit à un congrès dont l'objet serait d'obtenir une modification de la Constitution française, soit à une médiation entre la nation et les rebelles conjurés contre elle; soit enfin à une composition avec les princes possessionnés dans la ci-devant province d'Alsace, autre que celle d'indemnité qui est portée dans les décrets de l'Assemblée constituante. (Vifs applaudissements.) Je lui propose encore de décréter à l'instant même que cette déclaration sera portée au roi, avec invitation d'en donner connaissance aux puissances étrangères, en leur annonçant, au nom de la nation française, qu'elle veut, ou sa Constitution tout entière, ou périr tout entière avec elle; et qu'en conséquence, elle regardera comme ennemi de la France, tout prince qui voudrait y porter atteinte. (Très vifs applaudissements. Bravo! bravo!)

Un grand nombre de membres : Aux voix! aux voix !

M. le Président. Je prie l'Assemblée de suspendre ses applaudissements; je vais la consulter. (L'Assemblée décrète les conclusions de M. Guadet, à l'unanimité et au milieu des plus vifs applaudissements.)

Un membre: Je demande le renvoi de la rédaction du décret que l'Assemblée nationale vient de rendre...

Un autre membre: Oui, à M. Guadet.

M. Lacombe-Saint-Michel. Je fais la motion expresse qu'il soit nommé une députation pour aller porter le décret au roi, et que l'Assemblée ne se sépare pas que la députation ne soit partie.

MM. Hérault-de-Séchelles et Gérardin demandent la parole.

(L'Assemblée décrète qu'elle leur est accordée.)

M. Hérault-de-Séchelles. Mon intention était de proposer la même motion que M. Guadet. Je me félicite de ce qu'il a exprimé mon vœu avec tant d'énergie et beaucoup mieux que je ne l'aurais pu faire; mais j'avais cru qu'il serait utile d'y joindre en même temps une adresse très courte au peuple français, et je demande la permission d'en faire lecture.

Plusieurs membres: Lisez! lisez!

M. Hérault-de-Séchelles, lisant :

Adresse au peuple français.

Français, vous pensiez, il n'y a pas longtemps, que le plus pressant intérêt de la patrie n'appe lait vos regards que sur les mouvements des princes étrangers et des ennemis extérieurs; mais vous apprendrez qu'ils ne sont en quelque sorte eux-mêmes que les agents et les mandataires des ennemis enfermés dans le sein de l'Empire. (Applaudissements.)

Il existe un complot perfide dont la trame est brisée dès qu'elle est connue. On voulait, on veut encore faire rétrograder la nation vers la servitude, par la corruption au dedans, par de vaines menaces au dehors.

On veut diriger l'action de ce double moyen vers la convocation d'un congrès, où quelques puissances étrangères, c'est-à-dire des cabinets, mais non pas des nations (Applaudissements.) oseront dire au peuple français : « Nous vous permettons de vous dire libres, mais à tel degré, à telle mesure; c'est à nous de peser les droits de l'homme dans la balance du despotisme. Il nous plaît qu'une de vos castes l'emporte sur la nation (Applaudissements.); qu'en voulant régénérer votre Empire, vous n'ayez en effet régénéré que la féodalité, et qu'une chambre haute éternise chez vous, avec le patriciat, l'orgueil et les préjugés, qui, depuis 8 siècles, ont tenu les Français dans les fers. »

Si l'on ne vous impose pas immédiatement ces conditions, si le despotisme se relève d'abord avec moins d'audace, redoutez, ô Français! les combinaisons lentes et perfides par lesquelles on mutilerait plus sûrement encore votre Constitution, sous prétexte de la consolider par la paix. On appelle clôture de la Révolution, le plan d'une transaction insensée, dont l'idée seule est un crime de lèse-majesté nationale, et doit vouer à l'indignation publique la mémoire de ceux qui l'on conçu. Irrités contre une loi sacrée, patriomoine inaliénable de l'homme, l'égalité, c'est la haine pour l'égalité qui les a liés d'intérêt avec des rebelles enhardis jusqu'à ce jour par nos ménagements pusillanimes, comme si des rebelles étaient une puissance européenne; comme si les Français pouvaient, sans encourir le mépris du monde et d'eux-mêmes, soumettre à la fantaisie de quelques voisins les destinées d'un grand Empire! Certes, les Français, après avoir pris un si haut rang, ne se résoudront pas à descendre jusqu'à la dernière place; oui, la dernière; car s'il est sur la terre quelque chose de plus vil qu'un peuple esclave, c'est un peuple qui le redevient après avoir su cesser de l'être. (Applaudissements.) Ils ne souffriront pas que cette Constitution, premier titre de leur vraie gloire, gage du bonheur de leur postérité, soit le jouet d'une poignée d'intrigants, qui essayent d'aveugler leur monarque, et trompent des monarques étrangers. Toute la nation se ralliera autour de l'autel de l'égalité; un cri d'indignation sortira du fond de tous les cœurs, et déconcertera le ridicule espoir de ceux qui n'ont combattu le despotisme que pour en arracher un traité entre ses espérances et leur ambition. Français, levez-vous et vous verrez s'évanouir ces rêves d'une vanité puérilement factieuse. Dissipez d'un mot ces fantômes; déclarez traitre à la patrie quiconque oserait parler d'une capitulation que la France ne peut pas signer. La capitulation entre vous, c'est la justice; avec des rébelles, le châtiment; avec des ennemis, la guerre. (Applaudissements.)

M. Gérardin. J'appuie la proposition de M. La- | combe-Saint-Michel tendant à nommer une députation pour porter la déclaration au roi, mais j'en demande l'ajournement à mardi. Il ne faut jamais, dans une occasion solennelle, prendre des mesures détachées. Il me semble qu'il serait plus convenable que le message qui portera au roi la volonté de l'Assemblée nationale, lui porte en même temps la déclaration que vous venez de faire. Je ne sais même pourquoi l'on veut faire aujourd'hui la démarche qui vous est proposée, car le beau mouvement de votre séance aura une grande publicité, et l'on sait bien qu'il n'est pas d'homme assez lâche pour composer lorsqu'il s'agit de sa liberté. Enfin, il est toujours dangereux d'engager une assemblée délibérante dans un mouvement d'enthousiasme. J'insiste sur l'ajournement à mardi. (Murmures prolongés.)

M. Lacombe-Saint-Michel. La proposition de M. Guadet a été reçue par l'Assemblée avec enthousiasme. Le roi ne se sépare pas des représentants de la nation. Il partagera le sentiment qu'elle vient d'éprouver et recevra avec un même enthousiasme cette proposition. Je demande donc qu'on ne l'en prive pas plus longtemps et qu'il soit nommé à l'instant même une députation chargée de se rendre, séance tenante, chez le roi, pour lui faire part de l'engagement solennel que l'Assemblée nationale vient de prendre au nom de la nation française.

(L'Assemblée adopte la motion de M. LacombeSaint-Michel et nomme en conséquence une députation de 24 membres pour porter de suite le décret au roi et rendre compte de sa mission à la séance du soir.) (Vifs applaudissements.)

M. Lacombe-Saint-Michel. Je demande encore que nous joignions une marque de reconnaissance envers M. Guadet, et qu'il sorte de l'ordre ordinaire du tableau, pour se mettre à la tête de la députation.

(L'Assemblée décrète la motion de M. LacombeSaint-Michel.)

M. Vergniaud. Je demande l'impression de l'adresse lue par M. Hérault, et en même temps qu'il soit nommé des commissaires pour examiner cette adresse et pour en faire le rapport à l'Assemblée.

M. Ducos appuie la motion de M. Vergniaud. M. Guadet. Voici ma rédaction :

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L'Assemblée nationale déclare infâmes, traitres à la patrie et coupables du crime de lèsenation, tout agent du pouvoir exécutif, tout Français qui pourraient prendre quelque part, directement ou indirectement, soit à un congrès, dont l'objet serait d'obtenir la modification de la Constitution française, soit à une médiation entre la nation française et les rebelles conjurés contre elle, soit enfin à une composition avec les princes possessionnés dans la ci-devant province d'Alsace, qui tendrait à leur rendre, sur notre territoire, quelqu'un des droits supprimés par l'Assemblée nationale constituante, sauf une indemnité conforme aux principes de la Constitution.

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ennemi tout prince qui voudrait y porter atteinte. »

M. Duport, ministre de la justice. J'ai demandé la parole pour déclarer à l'Assemblée que nous partageons parfaitement le sentiment qui a dicté la déclaration de M. Guadet; mais je la prie de me permettre une observation.

Il y a, dans le décret que M. Guadet propose, une menace d'infamie; or, l'infamie est une peine, et une peine ne doit être prononcée que par une loi. Je crois en conséquence que la rédaction doit être divisée en deux parties: l'une qui contiendra la disposition pénale, qui déclare infâmes et criminels de lèse-nation tous ceux qui chercheront à attaquer la Constitution; l'autre, qui contiendra la déclaration purement politique. Sur la première, je crois qu'il faut faire intervenir un décret d'urgence, parce que c'est une loi générale que vous portez; la seconde n'a besoin d'aucune des formalités d'une loi. Je soumets cette considération à l'Assemblée. (Applaudissements.)

Un membre: Je convertis en motion l'observation de M. le ministre de la justice.

Plusieurs membres : L'urgence sur la première partie!

(L'Assemblée décrète l'urgence sur la première partie de la déclaration de M. Guadet.)

M. Thuriot. Messieurs, aux termes de la Constitution, tous ceux qui pourraient se réunir dans le sens présenté par M. Guadet, sont regardés comme conspirateurs contre la nation française et tombent sous le coup de la peine de mort. Or, en prononçant, par une loi particulière, seulement la peine d'infamie, vous diminuez lá peine lorsque votre intention est de l'aggra

ver.

M. Mathieu Dumas. C'est sans préjudice de la peine de mort.

Plusieurs membres: Oui! oui!

M. Ramond. Je demande qu'on rappelle à l'ordre le membre qui regarde l'infamie comme une diminution de peine.

Un de MM. les Secrétaires donne lecture de la rédaction du projet de décret de M. Guadet, précédée du décret d'urgence.

Cette rédaction est adoptée à l'unanimité, et avec de nouveaux applaudissements, dans les termes suivants :

་་

« L'Assemblée nationale, considérant que dans un moment où la liberté du peuple français est menacée de toutes parts, il importe que les représentants du peuple écartent, par tous les moyens qui sont en leur pouvoir, les efforts dirigés contre la Constitution française, décrète qu'il y a urgence.

«L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit:

"

L'Assemblée nationale déclare infâmes, traîtres à la patrie et coupables du crime de lèsenation, tout agent du pouvoir exécutif, tout Français qui pourrait prendre quelque part directement ou indirectement, soit à un congrès dont l'objet serait d'obtenir la modification de la Constitution française soit à une médiation entre la nation française et les rebelles conjurés contre elle, soit enfin à une composition avec les princes possessionnés dans la ci-devant province d'Alsace, qui tendrait à leur rendre, sur notre territoire, quelqu'un des droits supprimés par l'Assemblée nationale constituante, sauf une in

demnité conforme aux principes de la Constitution.

"L'Assemblée nationale décrète que cette déclaration sera portée au roi par une députation, et qu'il sera invité de la faire connaître aux puissances de l'Europe, en leur annonçant, au nom de la nation française, que, résolue de maintenir la Constitution tout entière, ou à périr tout entière avec elle, elle regardera comme ennemi tout prince qui voudrait y porter at

teinte. »

Un membre: Je demande la question préalable sur la motion de M. Vergniaud, tendant à imprimer l'adresse de M. Hérault-de-Séchelles et à la renvoyer à des commissaires nommés spécialement pour l'examiner.

Plusieurs membres: La division!
(L'Assemblée décrète la division.)

Plusieurs membres : La question préalable sur l'impression!

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'impression de l'adresse présentée par M. Hérault-de-Séchelles.)

Plusieurs membres : Le renvoi de l'adresse au comité diplomatique!

(L'Assemblée décrète le renvoi de l'adresse de M. Hérault-de-Séchelles au comité diplomatique.)

M. Fauchet. Quand MM. Condorcet et Vaublanc ont proposé des messages au roi, ils ont fait partie de la députation. Je demande que l'Assemblée accorde la même faveur à M. Guadet. Plusieurs membres : C'est arrêté !

M. Guadet remplace au fauteuil M. Lemontey.

PRÉSIDENCE DE M. GUADET.

M. Delessart, ministre des affaires étrangères. Messieurs, dans un moment où l'Assemblée nationale est occupée d'une délibération aussi im portante, je crois devoir lui donner connaissance d'une pièce qui m'est parvenue ce matin, et qui a rapport à l'objet dont l'Assemblée s'occupe : c'est une note officielle remise à l'électeur de Trèves de la part de l'empereur. Elle a été communiquée au ministre du roi à Bruxelles, par le ministère de ce gouvernement. La voici :

Dans la supposition que l'électeur de Trêves, suivant ses promesses, établira et fera strictement exécuter les principes adoptés aux PaysBas autrichiens à l'égard des émigrants français, en sorte que, de son côté, il ne provoquera ni ne justifiera nullement une incursion hostile des Français, le conseil de guerre vient, par ordre de Sa Majesté impériale, d'enjoindre au maréchal baron Bender de secourir et protéger les pays et possessions de Son Altesse électorale, contre une attaque, et de repousser la force par la force; bien entendu que l'Electeur aura pleinement satisfait aux devoirs du bon voisinage.

«Le chargé d'affaires de Sa Majesté Impériale à Coblentz reçoit en même temps des ordres de veiller à l'exécution ponctuelle de ce qu'on exige de l'électeur, comme condition sine qua non, et de faire à ce sujet, au ministre de Son Altesse Electorale, des représentations sérieuses et amicales, et de rendre compte, sans délai, du résultat de ses démarches, tant à Sa Majesté Impériale qu'au gouvernement général des Pays-Bas. »

Plusieurs membres : Le renvoi au comité diplomatique !

(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette pièce au comité diplomatique.)

M. Delessart, ministre des affaires étrangères. J'ajouterai, relativement à ce qui a été dit concernant les agents politiques du pouvoir exécutif, que je ne connais rien qui puisse me faire suspecter leur fidélité. Quant à moi, je répéterai ce que j'ai déjà dit ici, au nom de nos collègues et au mien La Constitution ou la mort. (Vifs applaudissements, dans l'Assemblée et dans les tribunes. Bravo! bravo!)

:

M. Duport, ministre de la justice, lève la main en signe d'adhésion.

M. Delessart, ministre des affaires étrangères. Monsieur le Président, en l'absence du ministre de la guerre, je crois devoir prévenir l'Assemblée que le roi a donné les ordres nécessaires pour que les officiers de l'armée du centre fissent leurs équipages. (Bravo! bravo!—Vifs applaudissements dans l'Assemblée et dans les tribunes.)

(Les deux ministres sortent de la salle au milieu des témoignages de la satisfaction de l'Assemblée.)

M. Emmery. Messieurs, comme cette séance mémorable peut être comparée à la séance auguste du Jeu de Paume, je demande que le procèsverbal de la séance soit envoyé aux 83 départements. (Applaudissements.)

Un membre: Et à l'armée. (Applaudissements.) M. Lacombe-Saint-Michel. Au milieu de l'enthousiasme que vous venez de manifester, il est de votre dignité de faire une chose plus difficile, c'est de passer paisiblement à l'ordre du jour.

(L'Assemblée décrète l'envoi aux 83 départements du procès-verbal de la séance.)

(La séance est levée à trois heures et demie.)

PREMIÈRE ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU SAMEDI 14 JANVIER 1792, AU MATIN.

PROJET D'ADRESSE par M. Chéron-La-Bruyère, député du département de Seine-et-Oise (1). L'ASSEMBLÉE NATIONALE AUX FRANÇAIS (2).

Français,

Vous êtes libres, vous l'êtes pour jamais : nulle puissance, nul individu sur la terre ne peut vous imposer des lois, nul n'a le droit ni le pouvoir de vous donner des chaînes. Cependant, d'audacieux conspirateurs ont l'impudence de le tenter. Despotes et fanatiques, endurcis par l'orgueil, ils sont demeurés sourds à la voix du sentiment, par laquelle la nation et son roi leur promettaient le bonheur au milieu de leurs concitoyens et de leurs frères. Ils ont fait pis encore:

(1) J'avais le premier la parole, je l'ai en vain réclamée: Hérault l'a obtenue. (Note de l'opinant.)

(2) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Diplomatie, B.

ils ont bravé votre indulgence, et se sont fait un jeu de vos menaces. Ils n'ont pas craint de s'avilir au point de mendier de l'or pour en forger des armes contre vous. Les sacrilèges, ils osent vouloir toucher à l'arche sacrée de notre Constitution! les barbares, ils veulent enchaîner des bras libres qui ne se tendent vers eux que pour les embrasser! les dénaturés, ils essaient de faire de l'Europe entière l'ennemie de la France! Et ils ne voient pas, les insensés, qu'ils ne font qu'y précipiter et y propager une masse brillante de lumière, dont l'ombre dans laquelle ils s'enveloppent ne fait qu'attester l'existence et rehausser l'éclat. Ils en seront eux-mêmes éclairés, mais trop tard. Le temps de la justice est arrivé: il faut punir... Ah! puissions-nous n'avoir qu'à pardonner.

Français, comptez sur l'inébranlable fermeté de vos représentants; ils comptent sur votre courage. Vous voulez la Constitution, nous la voulons tout entière, nous la voulons intacte. Reposezvous sur nous du soin de la faire vouloir fortement aux agents du pouvoir exécutif, et de les surveiller. Ils ne se joueront pas impunément de 25 millions d'hommes libres. Nous aimons qui nous aime et nous sert, mais nous haïssons les traîtres, mais nous les punirons. Qu'ils nous servent donc bien ceux qui sont appelés à nous servir, ou qu'ils tremblent! c'est une reconnaissance sans bornes ou une vengeance terrible qui les attend.

La Liberté, l'Egalité, voilà nos droits, et nous les soutiendrons, l'épée d'une main, la Constitution de l'autre.

Représentants de la nation, ministres, administrateurs, juges et magistrats du peuple, soldats de la patrie, négociants, cultivateurs, hommes utiles de tous les états, vous tous, citoyens français, que le même intérêt anime, que le même danger menace, que la même gloire attend, pourriez-vous n'avoir pas tous les mêmes sentiments et le même courage! Non, tous, vous ne voulez plus de noblesse que dans le cœur, de titres que ceux des talents et des vertus, les exemptions et les privilèges vous blessent. Quels sont donc les bienfaits que vous promettent nos ennemis? Serait-ce le droit de dévaster vos propriétés ? Serait-ce la gabelle, la corvée et tous les autres droits barbares qu'ils s'étaient arrogés sur vos personnes et sur vos fortunes? Français la Liberté, l'Egalité, la sainte Egalité, une union fraternelle, une harmonie parfaite, une surveillance active, un dévouement entier à la chose publique, voilà nos droits et nos devoirs. S'il faut combattre, nous vaincrons. Que notre cri de ralliement soit la Constitution ou la mort : ce sera celui de la victoire. Alors, la paix reviendra dans nos campagnes et dans nos villes, alors notre commerce et notre industrie fleuriront à l'ombre des lois protectrices du plus bel Empire du monde.

1re SÉRIE. T. XXXVII.

DEUXIÈME ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU SAMEDI 14 JANVIer 1792, au soir.

COUP D'OEIL POLITIQUE (1), sur les relations extérieures de la France, par M. Depère, député du département de Lot-et-Garonne (2).

La France vient de se donner une Constitution qui étonne l'Europe, et laisse tous les rois qui se partagent cette belle partie du monde, dans une attente inquiète de l'avenir.

On voit cette anxiété politique percer à travers l'entortillement réfléchi de leur correspondance diplomatique, avec le roi des Français, au sujet de son acceptation sur l'Acte constitutionnel.

Cette correspondance, d'ailleurs insignifiante, présente encore une autre observation à l'œil attentif: c'est qu'aucune puissance de l'Europe n'a reconnu la souveraineté de la nation française; elles semblent attendre toutes qu'elle-même annonce le nouveau système politique qu'elle va suivre et qu'elles devront adopter.

L'étonnante révolution dont elles sont les témoins, celle qu'elle ne fait que précéder, les tient éveillées, elles cherchent à se garantír de la secousse inévitable que l'univers va ressentir.

Dans l'incertitude de ce qui doit arriver, elles voudraient bien retarder, peut-être même se flattent-elles de prévenir un événement qui doit changer tous leurs anciens rapports politiques, tous les principes machiavéliques sur lesquels ils reposent.

Les nouveaux traités que les principales de ces puissances viennent de passer entre elles, l'agitation de tous les cabinets, décèlent assez et les craintes et les desseins de ceux qui les dirigent. Ce n'est pas l'intérêt de quelques princes étrangers possessionnés en France, ce n'est pas la compassion pour nos émigrés, c'est la crainte de l'influence trop subite de nos principes politiques, qui cause tous ces événements auxquels on les voit se livrer.

Les monarques qui, forts autrefois de l'alliance des rois de France, faisaient peser leur sceptre de fer et sur leurs sujets, et sur leurs voisins, sont ceux aujourd'hui dont l'inquiète perplexité est la plus marquée, ils sont devenus les moteurs d'une ligue qu'ils tendent de former contre la nation française. Ils pensent que s'ils peuvent l'arrêter dans sa marche, s'ils peuvent obscurcir le nouveau jour qu'elle va faire luire sur tous les peuples de la terre, ils pourront encore prolonger pendant des siècles la durée des ténèbres sans lesquelles leur tyrannique empire ne peut plus se maintenir c'est ainsi qu'ils sacrifient

(1) Je ne sais si je me trompe, mais j'ai pensé qu'à la veille des grands événements qui se préparent, les considérations que je présente ici pourraient n'être pas tout à fait inutiles, en disposant seulement les esprits à la méditation des objets importants et nouveaux qui vont faire la matière des délibérations de l'Assemblee nationale. La liste des orateurs inscrits pour la parole, sur l'office de l'empereur, est si nombreuse, que j'ai préféré la voie de l'impression, plutôt que de faire une opinion à prononcer à la tribune. (Note de l'opinant.) (2) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Di!plomatie, F.

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