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DEUXIÈME ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU VENDREDI 13 JANVIER 1792.

OBSERVATIONS pour faire suite à l'opinion de Pierre Forfait, sur L'AFFAIRE DU MINISTRE DE LA MARINE (1).

On a révoqué en doute les faits que j'ai cités vendredi 13 de ce mois, relativement au sixième chef d'accusation dirigé contre le ministre; il faut lever ces doutes et prouver que je ne calomnie point.

Personne assurément n'ignore les traitements que MM. d'Albert et Gauthier ont éprouvés à Toulon. Les malheurs de M. de La Jaille sont connus et ont été cités à cette Assemblée, comme les autres événements l'avaient été à l'Assemblée nationale constituante. Le massacre de M. Patry, arrivé le 23 juin 1791, a été rapporté dans tous les papiers publics. La potence de la place SaintLouis a été placée devant la porte de M. Marigni le 15 septembre 1790, et le lendemain cet officier a donné sa démission, ce fait est encore notoire. M. Le Large a été traîné par la ville et chassé. Quelqu'un oserait-il nier ce fait? M. de La PorteVesins a été menacé et l'on a employé la violence pour le forcer à remettre la caisse de la cinquième division. Il y a, au comité de la marine, une copie de la lettre que M. Delessart lui a écrite le 10 mai 1791 qui le constate. Plusieurs majors ont été obligés de fuir pour éviter de mauvais traitements; M. Echallard est du nombre. Les lettres que le ministre de la marine cite dans ses moyens justificatifs en font foi. Quant aux propos tenus dans le club, il est évident que cela ne peut être connu que par la notoriété publique, et je citerai plusieurs personnes de Brest qui l'affirment; j'aurais pu parler de l'affaire de M. de Menou, des officiers d'artillerie arrêtés au port de Lorient, de 40 prêtres non assermentés détenus illégalement dans le château de Brest, de MM. Coataudon et de Silz arrêtés et emprisonnés illégalement à Brest. Mais l'on n'aurait pas écouté ces récits avec plus de patience. Il faut cependant se rendre à la vérité et convenir que les ports sont livrés à une anarchie effrayante.

Au surplus, qu'on ne croie pas que je veuille faire échapper le ministre de la marine à la peine qu'il aurait pu encourir. Qu'on me donne la liste des officiers qui ont abandonné leur poste, ou qui, depuis leur émigration, ont été payés par ordre de M. Bertrand, et qui ont eu des congés sans motif légitime, et je souscris à l'avis du comité. Mais quand je demande cette liste, pourquoi me la refuse-t-on? Je ne puis pas changer d'avis si on ne m'éclaire et jusqu'à ce qu'on m'ait cité un fait particulier à l'appui des accusations générales, je ne dirai pas que le ministre mérite la confiance de la nation, car je n'en sais rien; mais je dirai qu'on n'a pas prouvé qu'il ait mérité de la perdre, et je ne conçois pas comment on peut se former une autre opinion.

(1) Ce document est imprimé à la suite de l'opinion prononcée par M. Forfait dans la séance du 13 janvier 1792. (Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Marine, tome II, F, page 9.)

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«Les pluies continuelles tombées pendant le mois dernier, la fonte subite des neiges dans les Pyrénées, viennent d'occasionner une calamité nouvelle, dans le département de Lot-et-Garonne, qui comble la misère de ses infortunés habitants. Toutes les rivières et tous les ruisseaux de ce département se sont répandus dans les campagnes, ont détruit, en plusieurs endroits, l'espérance des récoltes et jusque aux demeures mêmes des cultivateurs. La Garonne a surmonté deux fois ses bords dans l'espace de 15 jours. La seconde fois, surtout, elle s'est élevée à une hauteur qui n'a presque pas d'exemple dans nos annales : un vent impétueux a accompagné ce fléau terrible, et les plaines, situées le long du fleuve dans une étendue de 12 à 15 lieues, ont présenté pendant quelques jours l'aspect d'une mer irritée. Nous n'affligerons point, Messieurs, vos cœurs paternels par les détails circonstanciés de cet événement; ils sont effrayants; les campagnes les plus fertiles, les mieux cultivées, les plus peuplées de ce département ne sont aujourd'hui couvertes que de désastres et de ruines; les grandes routes sont perdues, les ouvrages publics et particuliers n'existent plus dans les environs des rivières, et des familles entières réclament, de l'indigence même, des secours que naguère

elles étaient en état de lui offrir. En attendant les détails de ces tristes événements, nous cherchons à calmer la désolation presque générale qui nous environne. Nous soutenons les cultivateurs découragés, par la promesse des secours que vous leur accorderez. Lorsque nous connaîtrons nous-mêmes l'étendue de ces secours, nous vous les demanderons, parce que vous êtes les pères de la patrie, et que vous ne voudrez pas que le peuple du département de Lot-et-Garonne périsse dans la misère et le désespoir.

« Nous sommes, avec respect, etc. » (Suivent les signatures.)

M. Lavigne. Messieurs, la classe indigente des citoyens riverains périrait sans retour, si, par un acte prompt de bienfaisance, l'Assemblée nationale ne venait à son secours. La suspension des travaux de la campagne, les pertes qui ont essuyées les cultivateurs, ceux qui ont vu entraîner, par les eaux, des provisions et des instruments de culture, tant de malheureux n'auraient à dévorer qué des larmes, si vous tardiez un instant de les secourir. Je demande donc, Messieurs, ou plutôt, au nom de l'humanité, je prie l'Assemblée de décréter à l'instant que ministre de l'intérieur soit autorisé à faire passer, dans le plus bref délai, au directoire du département de Lot-et-Garonne, une somme de 30,000 livres accordée, à titre de secours, aux citoyens riverains qui ont souffert des désastres et des pertes, par l'effet des inondations survenues du 20 décembre au 2 janvier présent mois.

Dans ce désastre affligeant, Messieurs, des maisons et des granges à bétail ont croulé: il a péri des bestiaux de toute espèce; et ce qu'il y a de plus affligeant encore, il a péri des citoyens.

Je demande donc, Messieurs, que le ministre de l'intérieur soit autorisé à faire passer provisoirement au directoire du département de Lot-etGaronne, une somme de 30,000 livres.

Je vous observerai que vous avez, dans une pareille circonstance, accordé des secours au département du Loiret; et et ce secours vous paraftra modique, lorsque vous saurez que le département de Lot-et-Garonne paie une contribution de près de 6 millions et qu'il la paie très exactement; que les lois y sont régulièrement exécutées, et qu'enfin il offre 25,000 volontaires bien instruits et prêts à marcher aux frontières pour la défense de la patrie.

Un membre: J'appuie cette demande. Ce département mérite, par ses malheurs et par son patriotisme, que la nation lui accorde des se

cours.

M. Mouysset. Il est infiniment urgent d'accorder ces secours, d'ailleurs très modiques, aux habitants de ce département. Avant l'inondation qui a désolé cette contrée, le pain s'y vendait 4 sols 1/2 la livre. Jugez de ce qu'il en sera, maintenant qu'on vient d'éprouver ce désastre. Je demande le renvoi de cette lettre au comité de l'extraordinaire des finances pour qu'il fasse son rapport demain matin au plus tard.

M. Dorizy. Je demande, Messieurs, que le comité des secours publics soit adjoint au comité de l'extraordinaire des finances, pour que vous puissiez connaître les sommes que vous accordez en secours. Sans cela, vos comités de finances ne sauront jamais tout ce que vous aurez décrété dans ce sens.

(L'Assemblée renvoie la demande des administrateurs du département de Lot-et-Garonne aux comités des secours publics et de l'extraordinaire des finances réunis, pour en faire le rapport demain matin, immédiatement après la lecture du procès-verbal.)

M. Lacuée, secrétaire, continue la lecture des lettres et adresses :

3° Lettre du directoire du département du BasRhin qui annonce que les impositions sont en plein recouvrement dans le département. Il insiste sur la nécessité de faire rétablir promptement plusieurs communications importantes pour le service militaire. Cette lettre est ainsi conçue :

« Messieurs,

<< Instruits par le ministre que plusieurs départements avaient réclamé des secours pour l'acquit de leurs dépenses intérieures du quatrième quartier de l'année dernière, et que vous vous occupiez de l'état des distributions de fonds qui doivent mettre les départements à même de pourvoir aux travaux publics, nous avons cru devoir mettre sous vos yeux notre position, afin de mettre à même d'appliquer à vos besoins plus urgents les sommes que vous auriez pu nous destiner. Le conseil général de départementa, par sa délibération, invité les communes d'acquitter un acompte sur les contributions de 1791. Conformément à la loi du 29 juin, nous en avons pressé la rentrée par les deux articles que vous trouverez développés dans notre arrêté. L'effet en a été si prompt que, dans le cours du mois dernier, les communes ont rempli le devoir que la loi leur imposait, que plus de deux tiers des sommes dues ont été versées dans les caisses de district, et que les receveurs nous font espérer qu'avant la fin de ce mois, il n'existera plus que très peu d'arriéré. Le sixième de ces différentes rentrées ayant été mis à notre disposition par la trésoreríe nationale, il suffit à nos besoins et nous espérons pouvoir commencer bientôt à nous libérer des différentes avances qui nous ont été faites par notre département.

« Les directoires de district viennent d'adresser à toutes les communes leurs mandements pour la contribution foncière dont la répartition est terminée; celle de la contribution mobilière s'achèvera aussi incessamment, les visiteurs des rôles et les commissaires nommés dans tous les cantons pressent la confection des matrices des rôles et bientôt le recouvrement pourra être effectué. Le patriotisme de nos concitoyens se manifeste ainsi par l'acquittement exact de leurs contributions (Applaudissements.); et c'est, dans la circonstance actuelle, un des principaux moyens de servir utilement la chose publique et d'affermir la Constitution et le crédit de l'Etat. Tous les bons Français, pénétrés des mêmes sentiments, partageront sans doute les efforts de leurs frères du Bas-Rhin lorsqu'il s'honora de partager leurs dangers. Nous devons supplier le Corps législatif de s'occuper des représentations que nous lui avons adressées et qu'il a renvoyées à son comité militaire relativement à la réparation de plusieurs communications importantes pour le service militaire, qui se trouvent dans une dégradation absolue par les fréquents transports de munitions, et dont les frais d'entretien doivent être supportés par la nation.

« Nous sommes, avec respect, etc. »>
(Suivent les signatures.)

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M. Koch. La demande du département du Bas-Rhin est intéressante dans les circonstances où nous sommes, puisqu'elle tend à assurer les subsistances des troupes et à faciliter le transport des convois militaires. Je demande que cette nouvelle lettre soit renvoyée au comité militaire chargé déjà de l'examen d'une autre demande de ce genre, pour en faire le rapport dans la séance du soir de mardi prochain.

(L'Assemblée renvoie la lettre des administrateurs du département du Bas-Rhin aux comités militaire et des secours publics réunis.)

Un membre observe que la position dans laquelle se trouvent plusieurs départements doit engager l'Assemblée nationale à statuer promptement sur le projet de décret présenté par le comité des secours publics. Il propose de fixer définitivement la discussion de ce rapport à lundi, matin, après la lecture du procès-verbal.)

D'autres membres demandent que la discussion soit mise à l'ordre du jour de ce soir.

(L'Assemblée fixe la discussion à la séance de lundi, après la lecture du procès-verbal.)

4 Lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de l'extraordinire, relative à l'aliénation des domaines nationaux; elle est ainsi conçue :

« Monsieur le Président,

« J'ai eu l'honneur de vous adresser, le 5 de ce mois, un mémoire par lequel j'ai soumis à l'Assemblée nationale la détermination des mesurès que je dois suivre à l'égard des ventes de biens nationaux, lorsqu'elles comprennent des objets dont la vente est ajournée et non prohibée. Je supplie l'Assemblée de prendre incessamment une décision à cet égard.

« Je suis, avec respect, etc.

« Signé : AMELot. »

Plusieurs membres : Le renvoi au comité des domaines!

(L'Assemblée renvoie la lettre de M. Amelot au comité des domaines.)

5° Lettre des administrateurs du département du Gard, par laquelle ils réclament une récompense méritée en faveur de Pierre Boisson, citoyen du Pont-Saint-Esprit.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des secours publics.)

6° Lettre de l'assemblée coloniale de l'ile de France qui adresse à l'Assemblée nationale le procès-verbal de ses séances depuis le 12 septembre jusqu'au 22 du même mois.

(L'Assemblée renvoie ces pièces au comité colonial.)

M. le Président annonce que M. Latour-SaintIgest, qui a servi à l'ile de France pendant 41 ans et décoré de la croix de Saint-Louis, écrit à l'Assemblée pour se plaindre des vexations exercées contre lui par M. Barbé, ci-devant de Marbois, gouverneur de l'île de France.

(L'Assemblée renvoie cette lettre et les pièces y jointes au comité colonial.)

M. Dorizy, secrétaire. Voici une lettre de M. Amelot, du 13 janvier 1792, dans laquelle il vous adresse un mémoire contenant plusieurs questions, dont je demande le renvoi au comité de l'extraordinaire des finances.

Plusieurs membres : Le renvoi au comité des domaines!

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des domaines.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une pétition des citoyens des districts de Gray et de Champlitte, département de la Haute-Saône, afin d'obtenir l'établissement d'un tribunal de commerce dans la ville de Gray.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de commerce.)

M. Crestin. Je demande que l'Assemblée fixe la compétence des tribunaux de commerce, parce qu'il résulte, tous les jours, des inconvénients sur l'incertitude de la loi à cet égard.

(L'Assemblée renvoie la motion de M. Crestin aux comités d'agriculture et de commerce réunis.)

M. Broussonnet. Je demande que le comité des domaines veuille bien s'occuper incessamment d'un objet important, et que voici en deux mots. En 1785, l'administration des bâtiments du roi fit l'acquisition, dans les Etats-Unis de l'Amérique septentrionale, de deux terrains destinés à former de pépinières, l'un à la Nouvelle-Jersey, l'autre dans la Caroline, aux environs de Charlestown. Le but, à cette époque, en formant ces établissements, était d'introduire en France de nombreuses espèces d'arbres nés dans les vastes forêts de l'Amérique et que nous pouvons acclimater avec avantage dans nos bois. Ils sont du plus grand intérêt pour la culture des bois et la botanique.

Cependant, M. de La Porte, intendant de la liste civile, croyant sans doute que l'entretien de ces établissements devait être à la charge de la liste civile, vient d'écrire en Amérique pour faire vendre ces deux pépinières. Cette vente d'un terrain très considérable, dont le produit peut être très précieux, ne produira que 5 à 6,000 livres. Si nous n'avions pas ce terrain, il faudrait l'acheter.

Il s'élève ici, Messieurs, une question. Il s'agit de savoir si les pépinières et les jardins botaniques acquis dans le temps par l'administration des bâtiments du roi ne doivent point être considérés comme biens nationaux, et si, dans ce cas, l'intendant de la liste civile aurait dû en ordonner la vente. Je demande que cette question soit renvoyée aux comités d'agriculture et des domaines réunis. Je remettrai différentes pièces pour servir d'historique à cette affaire.

(L'Assemblée renvoie aux comités d'agriculture et des domaines réunis, l'examen de cette question pour en faire le rapport incessamment.)

M. Delacroix, au nom des comités de liquidation, de l'ordinaire des finances et militaire réunis, fait un nouveau rapport et présente un projet de décret sur la pétition de Guillaume Sébire, dit Saint-Martin, ancien carabinier au régiment royal des carabiniers (1); il s'exprime ainsi :

Messieurs, dans votre séance de dimanche dernier, vous avez renvoyé à vos comités le décret qui accordait une récompense nationale de 7,000 livres au brave carabinier qui a fait prisonnier le général Ligonier.

Après ce décret, l'Assemblée doit se rappeler que, sur l'assertion qui fut faite que l'Assemblée

(1) Voy. ci-dessus, séance du dimanche 8 janvier 1792, pages 157 et 160.

constituante avait déjà décrété une récompense en faveur de ce vieux militaire, elle renvoya à ses comités pour vérifier le fait. Il a été vérifié, et il en résulte qu'effectivement, par décret du 17 septembre dernier, l'Assemblée nationale constituante lui a accordé une somme de 5,000 livres, tant comme gratification qu'en remplacement de sa pension de 177 livres qui a été supprimée. M. le président du comité de l'ordinaire des finances s'est fait assurer si cette somme avait été payée au carabinier qui s'est présenté devant vous. Non seulement elle n'a point été payée, mais il ne lui en a été donné aucune connaissance. Il ignore absolument la disposition de ce décret.

C'est d'après cette vérification que vos comités vous présentent un projet de décret, qui réunit à peu près les mêmes dispositions que celui que vous avez rendu dimanche dernier. Quoique ce particulier soit moins bien traité par ce décret que par le vôtre, vos comités vous proposent de rapporter les décrets d'urgence et définitif qui ordonnent la récompense nationale de 7,000 livres, afin de ne pas les confondre avec le décret qu'il va vous présenter aujourd'hui. Le décret de retrait est ainsi conçu :

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport des comités de líquidation, de l'ordinaire des finances et militaire réunis, ordonne le rapport du décret d'urgence et définitif par elle rendu dans la séance du 8 janvier présent mois, sur la pétition de Guillaume Sébire, dit Saint-Martin, ancien carabinier au régiment royal des carabiniers. »>

Voici l'autre décret :

Décret d'urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de liquidation, de l'ordinaire des finances et militaire réunis, sur la pétition de Guillaume Sébire, dit Saint-Martin, ancien carabinier au régiment royal des carabiniers, considérant que la récompense due à la bravoure et à la fidélité de ce généreux soldat est une dette nationale, dont il ne peut trop tôt recueillir l'honneur et les fruits, décrète qu'il y

a urgence.

Décret définitif.

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de fiquidation, de l'ordinaire des finances et militaire réunis, en exécution de son décret du 8 de ce mois, et après avoir déclaré l'urgence, décrète qu'outre les 5,000 livres accordées au brave Guillaume Sébire, dit Saint-Martin, par décret de l'Assemblée nationale constituante, du 17 septembre 1791, pour avoir contribué à la prise du général Ligonier, fait prisonnier à la bataille de Lawfeld, et en remplacement de la pension de 177 livres, y compris 27 livres d'arrérages réduits, qui lui avait été accordée par brevet du 1er février 1748, il sera payé audit Guillaume Sébire, à titre de supplément et de récompense nationale, la somme de 2,500 livres qui lui sera délivrée sur les fonds de 1790 à ce destinés, en exécution de l'article 14 du décret du 3 août 1790. »

Plusieurs membres: Aux voix ! aux voix !

M. Delacroix, rapporteur. Vous voyez que ce carabinier est bien moins traité que par ci-devant, puisqu'il ne conserve pas sa pension. Voici les motifs qui ont déterminé cette réduction.

Vous savez, Messieurs, qu'un sieur Aude qui avec ce carabinier, avait fait la prise du général Ligonier, avait obtenu en 1748, une pension de 200 livres, et Guillaume Sébire avait obtenu pour la même action une pension de 150 livres seulement, ce qui mettait une différence du quart dans les deux gratifications. Cette pension à été supprimée par le décret du 2 septembre dernier. En gratification et en remplacement de sa pension, l'Assemblée nationale a donné à Aude la somme de 10,000 livres. C'est pourquoi vos comités réunis vous proposent de garder la même proportion en accordant la somme de 7,500 livres, pour remplacer la pension de Guillaume Sébire.

M. Albitte. Je demande que la somme soit portée à 10,000 livres. Lorsque le sieur Aude a obtenu 10,000 livres, il était sans doute à Paris et avait des protecteurs. Mais, Messieurs, celui dont il est ici question avait si peu d'appui et de protecteurs qu'il a même ignoré ce que l'ASsemblée avait fait pour lui. S'il eût été à Paris pour soutenir sa cause, il est probable qu'il aurait eu 10,000 livres.

M. Dorizy. L'Assemblée nationale, par son décret de dimanche dernier concernant le brave soldat qui a contribué à la prise du général Ligonier, avait porté sa récompense à 7,000 livres et lui avait conservé la pension de 150 livres qui lui fut accordée en 1748. Il est sorti de la capitale, emportant l'idée de la proportion que l'Assemblée nationale avait donnée à sa récompense. L'Assemblée doit conserver aujourd'hui le caractère de générosité qu'elle a montré dimanche dernier. Vous ne pouvez lui rendre sa pension, puisqu'elle est supprimée; mais je demande qu'aux 7,500 livres vous ajoutiez 500 livres, en indemnité de la pension qui n'existe plus. Cette somme de 500 livres, jointe à celle de 7,500 livres accordée par le comité, fera au total 8,000 livres, et vous aurez satisfait à la justice et à la générosité.

M. Delacroix, rapporteur. Je ne m'oppose point à cet amendement.

(L'Assemblée ferme la discussion, adopte le décret portant retrait du décret du 8 janvier, puis adopte le nouveau décret d'urgence avec le nouveau décret définitif, ainsi que l'amendement de M. Dorizy.)

En conséquence, le décret suivant est rendu : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de liquidation, de l'ordinaire des finances et militaire réunis, sur la pétition de Guillaume Sébire, dit Saint-Martin, ancien carabinier au régiment royal des carabiniers, considérant que la récompense due à la bravoure et à la fidélité de ce généreux soldat, est une dette nationale dont il ne peut trop tôt recueillir l'honneur et les fruits, décrète qu'il y

a urgence.

«L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de liquidation, de l'ordinaire des finances et militaire réunis, en exécution de son décret du 8 de ce mois, et après avoir déclaré l'urgence, décrète qu'outre les 5,000 livres accordées au brave Guillaume Sébire, dit Saint-Martin, par décret de l'Assemblée nationale constituante du 17 septembre 1791, pour avoir contribué à la prise du général Ligonier, fait prisonnier à la bataille de Lawfeld, et en remplacement de la pension de 177 livres, y compris 27 livres d'arrérages réduits, qui lui avait été accordée pour cette belle action, par

brevet du 1er février 1748, il sera payé audit Guillaume Sébire, à titre de supplément et de récompense nationale, la somme de 3,000 livres qui lui sera délivrée, sur les fonds de 1790 à ce destinés, en exécution de l'article 14 du décret du 3 août 1790. »

M. Dorizy, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Duport, ministre de la justice, qui transmet à l'Assemblée la note des décrets sanctionnés par le roi, ou dont il a ordonné l'exécution; elle est ainsi conçue:

« Le ministre de la justice a l'honneur d'adresser à M. le Président de l'Assemblée nationale la note (1) des décrets sanctionnés par le roi, ou dont Sa Majesté a ordonné l'exécution. »

Dans les divers décrets sanctionnés se trouve celui-ci ayant pour titre : « Décret qui confère à MM. Luckner et Rochambeau le grade de maréchaux

de France. »

Plusieurs membres font remarquer que ce titre est inexact, car ce n'est pas l'Assemblée, mais le roi qui a conféré ce grade à ces généraux.

M. Duport, ministre de la justice. J'observe à l'Assemblée que c'est une erreur du commis chargé de la rédaction des intitulés, et qu'elle sera facile à corriger.

Je saisis l'occasion de cette erreur pour rappeler à l'Assemblée qu'il existe un décret portant que le titre des décrets sera inscrit sur la feuille même, lorsqu'ils seront portés à la sanction. Je crois qu'il serait très utile de mettre cette mesure à exécution. Il m'est en effet difficile, pour ne pas dire impossible, de relire toutes les lois moi-même. L'esprit du décret serait infiniment mieux rendu par le titre, si ce titre était rédigé par le rapporteur, ou par les secrétaires de l'Assemblée, et s'il était porté sur la feuille qui enveloppe les décrets. On éviterait ainsi les difficultés auxquelles cette formalité donne lieu quelquefois dans les bureaux du sceau.

M. Bréard. Je convertis en motion la demande du ministre de la justice.

M. Duport, ministre de la justice. Je prie aussi l'Assemblée de vouloir bien annoncer dans les décrets, par un article positif, qu'ils seront susceptibles d'être imprimés. Cette mesure avait été encore adoptée par l'Assemblée nationale constituante et elle est très nécessaire, car, souvent, je suis arrêté sur la question de savoir si un décret doit être imprimé.

(L'Assemblée renvoie les observations du ministre de la justice au comité des décrets.)

M. Duport, ministre de la justice. Monsieur le Président, je prie l'Assemblée nationale de vouloir bien me permettre l'observation suivante. Il m'a été adressé, le 29 décembre dernier, un extrait du procès-verbal de la séance du 4 novembre 1791, portant que le commissaire du roi à la trésorerie nationale serait chargé de faire parvenir à l'Assemblée nationale, l'état des domaines nationaux vendus dans les districts. J'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée que cet extrait contient une erreur, ce qui m'a empêché jusqu'à ce jour de le notifier officiellement. L'intention de l'Assemblée a été sans doute que ce fût le commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, qui transmit les détails au Corps législatif. Cependant le texte du décret

(1) Voir ci-après cette note aux Annexes de la séance.

semble en charger le commissaire du roi auprès de la Trésorerie nationale. Je prie donc l'Assemblée de vouloir bien se faire rapporter son décret du 4 novembre pour rectifier l'erreur.

(L'Assemblée ordonne le renvoi de l'observation du ministre de la justice au comité des décrets.)

M. Duport, ministre de la justice. Je saisis aussi l'occasion de la sanction que le roi a donnée, le 4 de ce mois, au décret du 31 décembre 1791, et relatif à la liquidation de la dette publique, pour renouveler auprès de l'Assemblée nationale la demande que j'avais faite à l'Assemblée constituante pour la suppression de l'impression en placards des lois sur les liquidations et les pensions. Cette impression est très coûteuse; l'envoi de ces placards a occasionné de très grands frais. Je prie l'Assemblée de statuer incessamment sur cet objet.

(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette observation au comité de décrets.)

M. Duport, ministre de la justice. Je demande à l'Assemblée la permission de lui faire la lecture d'un mémoire sur la formation des listes de jurés dans le département de Paris, formation qui éprouve une difficulté particulière à la formation de ce département. Ce mémoire est rédigé par un membre du directoire; mais, comme j'en ai adopté et la rédaction et le résultat, je prie l'Assemblée nationale de permettre que je le lui mette sous les yeux. L'objet est très instant. J'y joindrai deux lettres qui m'ont été écrites sur cet objet par M. Roederer, procureur-généralsyndic du département.

Plusieurs membres : Le renvoi au comité de législation!

(L'Assemblée renvoie le mémoire et les deux lettres au comité de législation.)

M. Duport, ministre de la justice. Je dois profiter aussi de la circonstance pour proposer à l'Assemblée une mesure indispensable.

Les tribunaux de Paris vont se trouver dans un état de désorganisation presque complète par un inconvénient particulier au département de Paris, c'est-à-dire par la formation du tribunal d'appel de police correctionnelle, qui prend un de ses juges dans chaque tribunal. D'un autre côté, le juré en prend un autrel; de manière que ces tribunaux se trouvent réduits à trois juges. Dans cette position, je crois qu'il est absolument nécessaire de donner à tous les tribunaux de Paris le supplément d'un sixième juge, sans quoi il leur serait impossible de faire le service; car, malgré cet arrangement, les tribunaux se trouveront encore surchargés d'affaires. Je crois même qu'il y aura des tribunaux de Paris dans le cas de former la demande d'un septième juge, puisque tous s'étendent à une population supérieure à 50,000 âmes. Dans tous les cas, six juges au moins sont indispensables.

Plusieurs membres : Le renvoi au comité de législation!

(L'Assemblée renvoie la demande du ministre de la justice au comité de législation.)

M. Duport, ministre de la justice. Le commissaire du roi près le tribunal de cassation se trouve dans l'impossibilité d'exécuter l'article 22 de la première partie de la loi du 1er décembre 1790, qui porte que tout jugement de ce tribunal sera imprimé et inscrit sur les registres du tribunal dont la décision aura été cassée.

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