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semblée nationale écoute la lecture de pétitions dont l'objet n'est relatif qu'à des intérêts privés. Comment serait-il possible qu'elle refusât d'entendre une pétition qui intéresse 50,000 citoyens?

M. Thuriot. Je crois que l'Assemblée nationale ne peut pas avoir deux mesures. Elle a décrété une fois qu'elle n'entendrait pas la lecture de pétitions relatives au dégrèvement et elle les a renvoyées au comité de l'ordinaire des finances. Je pense qu'il est naturel que la pétition qu'on vous présente y soit également renvoyée, car si nous accueillions une semblable pétition, tous les départements viendraient successivement en faire.

A cette observation, j'en joins une autre, c'est que les pétitionnaires n'ont point suivi la marche indiquée par la loi. Ils devaient, avant de venir auprès de l'Assemblée, s'adresser au directoire de district et ensuite au directoire de département (Murmures.)

M. Calon. Les pétitionnaires sont envoyés par le département.

Plusieurs membres : La discussion fermée!

(L'Assemblée ferme la discussion, décrète qu'elle ne peut entendre la lecture d'une pétition en dégrèvement qui ne doit lui parvenir que par la voie du pouvoir exécutif et renvoie la pétition au comité de l'ordinaire des finances.)

Un membre: Je demande que les pétitionnaires soient admis à la séance.

M. le Président, répondant à la députation: Messieurs, l'Assemblée nationale se fera rendre compte de votre pétition. Elle vous invite à sa séance.

Un membre: Je demande qu'il ne soit plus admis de pétitionnaires de département pour le même objet.

M. Dorizy. Je n'approuve point les pétitions souvent indiscrètes que l'on vous présente; mais, Messieurs, vous ne pouvez point abolir le droit le plus sacré, celui de pétition; je demande qu'on passe à l'ordre du jour.

(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du

jour.)

Deux officiers du 2o bataillon des gardes nationales volontaires du département de l'Eure sont introduits à la barre.

Ils demandent à l'Assemblée de prendre des mesures pour que la fourniture des habillements des gardes nationaux soit accélérée. Leur bataillon est formé depuis 4 mois, et cependant on n'a pas encore pourvu, en aucune manière, à leur habillement. Ils affirment que plusieurs des volontaires n'ont pas à demi de quoi se garantir des rigueurs de l'hiver, et ils prient l'Assemblée de prendre leur état en considération.

M. Dorizy. Pour faire cesser les plaintes qui vous arrivaient de toutes parts à ce sujet, M. Gérardin vous avait proposé de remettre au pouvoir exécutif le soin de pourvoir à l'habillement et à l'équipement des gardes nationales, confié par les décrets aux corps administratifs. Sa proposition ne fut pas adoptée. J'ose aujourd'hui la reproduire; ou, si vous ne voulez pas la décréter, je demande au moins que vous chargiez le comité militaire d'examiner la question de savoir s'il ne serait pas plus expéditif et plus avantageux de charger le ministre, plutôt que les corps administratifs, de ces détails étrangers à leurs fonctions.

M. Delacroix. Je m'oppose à la motion de

M. Dorizy. Les corps administratifs sont sous la surveillance du pouvoir exécutif. Je crois que, dans cette circonstance, l'Assemblée suivra la marche indiquée et qu'elle a déjà suivie; c'est de charger le ministre de la guerre de s'instruire, auprès des corps administratifs, des causes du retard apporté dans l'habillement des gardes nationales, et de vous en rendre compte incessamment.

M. Lecointe-Puyraveau. Le département de l'habillement des troupes de ligne était confié à un ci-devant marquis de Bouthilier, qui est actuellement à Coblentz. Cette partie a manqué totalement cette année; il faut savoir d'où provient cette négligence.

Je demande que le ministre de la guerre rende compte de tout ce qui concerne l'habillement des troupes de ligne.

Plusieurs membres demandent la priorité pour la motion de M. Delacroix.

(L'Assemblée accorde la priorité à la motion de M. Delacroix, puis la décrète.)

Une députation du premier bataillon des volontaires du département de la Charente est introduite à la barre.

L'orateur de la députation s'exprime ainsi : Messieurs, les soldats citoyens composant le premier bataillon des volontaires du département de la Charente, nos frères et camarades, nous ont députés auprès de vous, pour vous offrir l'hommage de leur respect et pour vous exprimer leur attachement inviolable à la Constitution, leur soumission sans bornes à vos lois et leur haine implacable contre le despotisme et les tyrans; enfin, pour vous jurer que nous avons quitté avec plaisir nos pères, nos mères, nos femmes et nos enfants pour voler au secours de la patrie et que notre seul désir est de combattre ses ennemis, sûrs de les vaincre, ou de mourir en hommes libres. Législateurs, comptez sur nous; rien ne peut nous ébranler; nous savons, comme tous nos frères d'armes, que le cri du ralliement de nos phalanges citoyennes est et sera toujours: la Constitution ou la mort; que nos bras doivent être continuellement tendus pour punir les traîtres; qu'enfin, il n'est point de grâce pour eux. Aussi, nous venons en faire le serment: oui, représentants de la nation, nous le jurons dans le temple auguste de la liberté! oui, nous le jurons sur nos armes, de ne rentrer dans nos foyers qu'après avoir exterminé nos ennemis ! Vivre libre ou mourir étant la devise des vrais patriotes soldats, elle sera à jamais la nôtre. (Applaudissements.)

M. le Président, répondant à la députation: Vous êtes armés pour la plus belle de toutes les causes, pour la cause de la liberté. La France doit des éloges à votre courage et à votre civisme et les représentants du peuple aiment à vous payer ce tribut Soldats citoyens, vous n'oublierez pas, sans doute, que pour vaincre, il est indispensable d'observer strictement les lois de la discipline. Ce n'est plus le despotisme qui vous commande cette soumission; c'est la patrie qui vous la demande et elle vous en récompensera. L'Assemblée nationale vous invite à assister à sa séance. (Applaudissements.)

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de cette adresse et qu'elle y sera insérée, ainsi que la réponse de M. le Président.)

M. Calon, au nom des commissaires-inspec

teurs de la salle, annonce que dès, demain, il sera distribué aux membres de l'Assemblée 220 billets de tribunes au lieu de 100 que l'on distribuait auparavant.

M. Caminet, au nom des comités diplomatique et de commerce, fait la deuxième lecture du projet de décret relatif à la convention commerciale faite entre le roi et la République de Mulhausen (1).

Ce projet de décret est ainsi concu (2):

«L'Assemblée nationale, ayant entendu le rapport de ses comités diplomatique et de commerce réunis, sur la convention signée au nom du roi, d'une part; et de l'autre au nom de la république de Mulhausen, le 22 septembre 1791, par les commissaires respectifs :

« Considérant qu'il est utile à la nation, et conforme aux usages d'amitié et de bon voisinage, pratiqués depuis longtemps, entre elle et ladite république, de donner aux relations commerciales réciproques la forme qu'exigent les lois du royaume :

«Ratifie la susdite convention dans tout son contenu, pour cette convention annexée au présent décret, avoir sa pleine et entière exécution, à compter du 1er janvier 1792. »

(L'Assemblée ajourne à huitaine la troisième lecture de ce projet de décret.)

M. Castel fait la troisième lecture du projet de décret relatif aux funérailles d'Honoré-Gabriel Riquetti-Mirabeau; lecture qui avait été ajournée au commencement de la séance parce que l'Assemblée n'était pas en nombre pour délibérer (3).

L'Assemblée décrète d'abord qu'elle est en état de rendre le décret définitif, puis adopte à l'unanimité le projet de décret. (Applaudissements.) En conséquence, le décret suivant est rendu : L'Assemblée nationale, après avoir entendu la première lecture du projet de décret ci-après le 3 novembre 1791, la seconde le 10 décembre suivant et la troisième le 12 janvier 1792, après avoir également décrété qu'elle est en état de décider définitivement;

« Considérant les services rendus à la nation par Honoré-Gabriel Riquetti-Mirabeau, décrète que les frais de ses funérailles seront acquittés par le Trésor public.»>

M. Chéron-La-Bruyère, au nom du comité des domaines, fait un rapport et présente un projet de décret sur la question de savoir si les procureurs-syndics des districts doivent être chargés de faire les poursuites nécessaires contre ceux qui commettent des délits dans les bois et forêts nationales (4); il s'exprime ainsi :

Messieurs, c'est une question extrêmement im portante et qu'il serait dangereux de laisser dégénérer, que celle de savoir si vous devez aliéner en tout ou en partie les forêts nationales, quel que soit d'ailleurs l'état actuel de vos finances. Mais, Messieurs, en attendant que cette grande question soit décidée, l'Assemblée nationale a paru s'attacher plus particulièrement à la motion d'un de ses membres, qui propose de charger provisoirement les procureurs syndics de district

(1) Voir ci-dessus, la première lecture de ce projet de décret, séance du 5 janvier 1792, page 92.

(2) Bibliothèque de la Chambre des députés : Collection des affaires du temps, Bf. in-8°, tome 146, n° 6. (3) Voy. ci-dessus, même séance, page 346, et, t. XXXV, séance du 10 décembre 1791, page 723.

(4) Voy. ci-dessus, séance du 7 janvier 1792, page 136, la motion de M. Dorizy à ce sujet.

de remplir les fonctions des ci-devant officiers des maîtrises des eaux et forêts. Cette motion fût décrétée et renvoyée au comité des domaines; mais, Messieurs, vous ignoriez sans doute que l'article 1er du titre XV de la loi du 29 septembre 1791, sur l'administration forestière, porte textuellement que les officiers des ci-devant grueries et maîtrises, titulaires ou par commission, chargés de l'administration des forêts du royaume doivent continuer leurs fonctions jusqu'à ce que les nouveaux préposés créés par la même loi entrent en activité. Or, vous voyez, Messieurs, que la police des forêts reste assurée. La même loi et toutes celles qui l'ont précédée, concernant la même administration, mettent les forêts nationales sous la surveillance des corps administratifs et municipalités. Il ne s'agit donc que de les inviter expressément à redoubler de zèle et d'activité.

à

Vous devez vous occuper dans un mois de la grande question de l'aliénation des forêts quoi serviront les mesures provisoires pour un temps si court? En supposant que vous les décrétassiez aujourd'hui même, qu'elles fussent sanctionnées demain, les expéditions, impressions et réimpressions dans les départements, publications et affiches vous reporteront au temps où les mesures provisoires cesseront d'être utiles. Observez encore, Messieurs, qu'il ne s'agit que d'une simple surveillance à laquelle la loi du 29 septembre a pourvu; qu'il n'y a d'ici au 15 avril aucune opération à faire dans les forêts, et qu'il serait aussi dispendieux qu'inutile d'ordonner de nouvelles dispositions.

En conséquence, votre comité des domaines me charge, Messieurs, de vous proposer le projet de décret suivant :

L'Assemblée nationale, considérant qu'aux termes de l'article 1er du titre XV de la loi du 29 septembre 1791 concernant l'établissement d'une nouvelle administration forestière, les anciens officiers de maîtrises ou grueries, titulaires ou par commission, chargés de l'administration des forêts du royaume doivent continuer leurs fonctions sous la surveillance des corps administratifs, jusqu'à ce que les nouveaux préposés, en exécution de ladite loi, entrent en activité, et qu'en conséquence, la police des forêts demeure assurée jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'ajournement à un mois de la question de savoir s'il est utile ou avantageux à la nation d'aliéner ou non aliéner ses forêts, décrète qu'il n'y a lieu à délibérer sur la proposition de charger les procureurs-syndics des districts, des fonctions qui sont encore provisoirement remplies par les ci-devant procureurs du roi des maîtrises des eaux et forêts. »

M. Dorizy. C'est sur ma motion que cette question a été renvoyée au comité. Le rapporteur avait dit que les fonctions des officiers de maîtrises des eaux et forêts étaient expirées depuis le 1er janvier 1792. Je n'avais point la loi sous les yeux; pour que l'administration ne fût point en suspens, je fis cette proposition. J'ai depuis relu le décret. J'ai reconnu que je m'étais trompé et que, d'après cela, il était avantageux, sous tous les rapports, de ne prendre, dans ce moment, aucune mesure provisoire. J'ai cru de mon devoir de vous expliquer par quels motifs je fis la motion, par quels motifs je demande sur elle la question préalable.

Un membre: Je demande que l'Assemblée nationale décrète qu'il sera suspendu à toute no

mination à ces fonctions jusqu'à la détermination définitive.

Plusieurs membres: Appuyé! appuyé!

M. Blanchon. Je demande la question préalable sur le projet du comité. Le pouvoir exécutif s'est empressé de nommer les administrateurs du centre, qui sont les plus inutiles, ainsi que des conservateurs, malgré le décret contraire que vous avez rendu. Or, l'Assemblée se propose, dans un mois, ou de décréter la vente des forêts ou de s'occuper des changements de leur régime. Il s'en suivra qu'il y aura des officiers de nouvelle création nommés, qu'il vous faudra dédommager parce qu'il est impossible que vous les conserviez. Voilà pourquoi, Messieurs, je demande la question préalable.

Plusieurs membres: Fermez la discussion! (L'Assemblée ferme la discussion.)

M. Broussonnet. Ce sont précisément les raisons données par M. Blanchon qui me déterminent à appuyer le projet du comité et je demande à ajouter une observation qui peut-être aura plus d'une fois son application dans cette Assemblée. Il est bien étonnant et ceci pourra influer dans cette grande question - qu'on oublie à ce point une loi formelle de l'Assemblée constituante, qui défend à tous ses membres d'aller solliciter auprès des ministres. (Applaudissements.)

Je le dis hautement parce que je le sais. Il y a déjà un certain nombre de conservateurs des eaux et forêts nommés par le ministre. Plusieurs, et peut-être tous, l'ont été en vertu de sollicitations des membres de l'Assemblée auprès du ministre. Ces sollicitations ne sont pas seulement directes; je sais que des députations entières de département se sont permis d'envoyer des espèces de certificats au ministre en faveur de telle ou telle personne, et c'est d'après ces recommandations que le ministre a nommé à l'administration forestière. Il est étonnant que l'on oublie ainsi la loi du 7 avril 1791 qui défend aux membres de l'Assemblée nationalê de solliciter pour eux ou pour personne auprès des ministres pour obtenir des places, pensions ou gratifications. (Applaudissements.)

Je n'ai fait, Messieurs, cette observation générale, et qui trouvera certainement son application dans l'Assemblée que pour appuyer en même temps le projet du comité en y ajoutant un amendement qui consisterait à suspendre l'organisation de l'administration forestière jusqu'après l'entière décision du fond de la question.

M. Roux-Fasillac. Je fais la motion expresse que l'Assemblée décrète, à l'instant, qu'elle interdit à tous ses membres de solliciter auprès des ministres aucune place quelle qu'elle soit. (Applaudissements.)

M. Lequinio. On éluderait encore ce décret. Il est une manière indirecte de solliciter, c'est de venir avec une requête au bas de laquelle on viendrait vous prier d'apposer votre certificat pour attester que M. un tel est patriote ou non. Je demande si ce ne sont pas les administrateurs qui doivent le faire et si ces certificats ne doivent pas être interdits aux membres de l'Assemblée. Je demande donc non pas que l'Assemblée nationale rende un décret qui défend de solliciter les ministres, mais que l'Assemblée défende tous certificats donnés par ses membres. (Applaudissements.)

M. Charlier. Ma motion a pour objet d'étendre à l'Assemblée nationale actuelle le règlement de police qui a été fait par l'Assemblée constituante. Il est indécent que les membres de l'Assemblée actuelle aillent faire le pied de grue dans l'antichambre des ministres. (Applaudissements.)

M. Dorizy. Je demande l'ordre du jour motivé sur la loi existante.

M. Roux-Fasillac. Elle n'existe pas.

M. Hilaire. Je demande en même temps qu'il soit défendu aux députés de signer des certificats.

M. Audrein. On nous insulte. Je ne sollicite jamais; mais je certifierai vingt fois la bonne conduite de quelqu'un. Je demande l'ordre du jour.

:

M. Lagrévol. De deux choses l'une ou vous voulez empêcher les députés de solliciter, ou vous voulez les empêcher de donner des certificats. Si vous voulez les empêcher de solliciter, il faut passer à l'ordre du jour, parce qu'il existe une loi du 7 avril et qu'il est inutile d'en faire une nouvelle. Si vous voulez empêcher les députés de donner des certificats sur des faits qui sont à leur connaissance, vous ne le pouvez pas, vous n'en avez pas le droit, et je demande également qu'on passe à l'ordre du jour.

Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée sur la motion relative aux sollicitations et aux certificats.

(L'Assemblée ferme la discussion.)

Plusieurs membres demandent que l'ordre du jour, motivé sur la loi du 7 avril, soit mis aux voix.

D'autres membres demandent la lecture de cette loi.

M. Broussonnet, secrétaire. Voici la loi, elle est du 7 avril :

« L'Assemblée nationale décrète, comme article constitutionnel, qu'aucun membre de l'Assemblée nationale actuelle, ni des législatures suivantes, les membres du tribunal de cassation, et ceux qui serviront dans le haut juré, ne pourront être promus au ministère, ni recevoir aucunes places, dons, pensions, traitements ou commissions du pouvoir exécutif ou de ses agents, pendant la durée de leurs fonctions, et pendant 4 ans après en avoir cessé l'existence.

«Il en sera de même pour ceux qui seront seulement inscrits sur la liste du haut juré, pendant tout le temps que durera leur inscription.

Aucun membre du Corps législatif ne pourra solliciter, ni pour autrui, ni pour lui-même, aucunes places, dons, pensions, traitements ou gratifications du pouvoir exécutif ou de ses agents.

«Les militaires, membres de l'Assemblée, pourront néanmoins être employés dans le grade dont ils sont maintenant pourvus, ils avanceront, pendant les 4 ans, à ceux qui leur seraient dévolus par ancienneté; mais ils ne pourront profiter, pendant ce temps, du choix du roi pour obtenir un grade supérieur à celui dont ils jouissent aujourd'hui.

Le comité de Constitution proposera la peine à infliger à ceux qui contreviendront au présent article.

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(L'Assemblée passe à l'ordre du jour en le motivant sur la foi du 7 avril.)

M. Rouyer. Je demande la parole pour faire

une motion d'ordre relativement à la question que vous venez de résoudre, car je crois que la motion que j'ai à faire n'est pas comprise dans la loi dont M. le secrétaire a fait lecture.

Plusieurs membres : L'ordre du jour!

M. Rouyer. Je demande qu'il soit défendu aux membres de l'Assemblée, lorsque les ministres viendront à leur place, de leur porter aucun billet ni de les suivre en groupe. (Applau dissements.)

Plusieurs membres : L'ordre du jour!

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la motion de M. Rouyer.)

Ces motions incidentes étant écartées, la discussion reprend sur le projet de décret présenté par M. Cheron-La-Bruyère au nom du comité des domaines.

M. le Président établit l'état de la délibération. M. Blanchon a demandé la question préalable sur le projet du comité et M. Broussonnet l'a appuyé en demandant, par amendement, que l'on suspende provisoirement l'organisation de l'administration forestière.

Un membre: Je propose de décréter, par sousamendement, qu'il pourra être procédé à la nomination des nouveaux administrateurs des eaux et forêts, mais qu'ils n'entreront en fonctions que lorsque la discussion sera terminée sur la question de l'aliénation des forêts nationales.

M. Lagrévol appuie ce sous-amendement. Plusieurs membres demandent la question préalable sur le sous-amendement.

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le sous-amendement.)

M. le Président. Je mets aux voix l'amendement de M. Broussonnet tendant à suspendre provisoirement l'organisation de l'administration forestière.

Un membre: Je demande que vous décrétiez l'urgence avant d'adopter cet amendement.

M. Gérardin. On n'a jamais proposé l'urgence pour un amendement. Si vous voulez décréter l'urgence, il faut convertir l'amendement en motion principale. (Murmures.) Il est impossible de délibérer au milieu de ces mouvements et de cette loquacité turbulente. (Murmures.) Je demande que vous renvoyez l'amendement au comité des domaines, pour vous présenter une rédaction. La question est trop importante pour être décidée ce soir. Le comité des domaines pourrait nous faire le rapport demain matin.

M. Lasource. Je m'oppose à la proposition de convertir l'amendement en motion principale; et malgré le reproche de loquacité, je demande qu'on décrète l'urgence.

M. Chéron-La-Bruyère, rapporteur. Aux termes des décrets, aux termes du règlement, tout s'oppose à ce que vous rendiez aujourd'hui un décret d'urgence qui ne vous a été proposé par personne. Je demande le renvoi de l'amendement au comité des domaines pour qu'il vous en fasse son rapport.

Plusieurs membres : La question préalable sur le renvoi!

(L'Assemblée rejette la question préalable et renvoie l'amendement au comité des domaines pour en faire le rapport demain matin.)

M. Chéron-La-Bruyère, rapporteur, fait une nouvelle lecture du décret.

Un membre Je demande que le projet de décret soit renvoyé au comité des domaines pour en faire demain le rapport, en même temps que celui sur la suspension de l'organisation de l'administration forestière proposée par M. Broussonnet.

(L'Assemblée renvoie le projet de décret au comité des domaines pour le joindre à l'amendement de M. Broussonnet et en faire le rapport demain.)

M. Journu-Auber, au nom du comité colonial, soumet à la discussion le projet de décret sur les effets de la Révolution dans les colonies françaises au delà du cap de Bonne-Espérance; sur la nécessité d'y envoyer 4 commissaires civils, au lieu de 2, dont l'Assemblée nationale constituante avait décrété l'envoi; sur l'importance de rétablir à Pondichery une garnison et un état militaire qui assurent la tranquillité publique dans nos possessions de l'Inde, et sur les moyens d'établir de nouvelles cultures sans le service des esclaves (1).

Ce projet de décret est ainsi conçu :

Décret d'urgence.

« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des colonies, informée des troubles et des dissensions qui ont éclaté dans les établissements français de Coromandel et du Bengale; considérant qu'il est nécessaire d'y envoyer incessamment des commissaires revêtus de pouvoirs suffisants pour y rétablir la concorde, assurer la paix entre les citoyens et y organiser les pouvoirs sur les bases constitutionnelles;

« Considérant que l'époque prochaine du départ des vaisseaux destinés à doubler le cap de Bonne-Espérance ne permet pas de différer la nomination de ces commissaires, décrète qu'il y a urgence. »

Décret définitif.

« L'Assemblée nationale, après avoir préalablement décrété l'urgence, décrète ce qui suit: « Art 1er. Le nombre des commissaires civils nommés pour les îles de France et de Bourbon, en exécution de la loi du 18 août dernier, sera à quatre, et leur mission s'étendra avec porté les mêmes pouvoirs à tous les établissements français au delà du cap de Bonne-Espérance.

« Art. 2. Ils seront aussi chargés de visiter toutes les îles et tous les comptoirs français de l'Inde, et de faire des rapports exacts sur les concessions, les réformes et les améliorations dont ils sont susceptibles et de présenter aussi des vues et des projets sur les territoires qui pourraient y être ajoutés, par cession libre et amicale de leurs légitimes possesseurs et non autrement.

Art. 3. Le ministre de la marine demeure chargé de proposer un plan pour rétablir Pondichery avec une garnison proportionnée à l'importance de cette place, et pour former deux gouvernements distincts, de toutes les possessions françaises dans l'Inde, sans toutefois aug

(1) Voir ci-dessus, séance du 7 janvier 1792 au soir, le rapport de M. Journu-Auber.

menter le nombre des officiers généraux déterminé pour ces colonies par l'Assemblée constituante. »

(L'Assemblé eadopte, sans discussion, le décret d'urgence et les articles 1 et 2 du décret définitif.)

M. Journu-Auber, rapporteur, donne lecture de l'article 3 qui est ainsi conçu :

Le ministre de la marine demeure chargé de proposer un plan pour rétablir Pondichery avec une garnison proportionnée à l'importance de cette place, et pour former deux gouvernements distincts de toutes les possessions françaises dans l'Inde, sans toutefois augmenter le nombre des officiers généraux déterminé pour ces colonies par l'Assemblée constituante. »

M. Mathieu Dumas. Il me semble qu'il s'élève ici une grande question, ou du moins qu'on la préjuge. Faut-il, ou ne faut-il pas relever les fortifications de Pondichéry? Telle est la question qui paraît se présenter.

Si on les relève, c'est une enveloppe très vaste qui coûtera plusieurs millions. Je sais très bien qu'il est différent d'avoir un point de force, ou un simple établissement de commerce, tel qu'un comptoir. Mais j'ai entendu discuter, par des hommes beaucoup plus instruits que moi dans les affaires de l'Inde, le point très capital de savoir s'il fallait avoir dans l'Inde des places fortes pour pouvoir tenir contre les forces des Anglais lorsqu'ils nous attaquaient à l'improviste au commencement de la guerre. Je sais que toutes les dépenses qu'on y a faites successivement ont été absolument inutiles, que l'événement a toujours prouvé que c'est vainement qu'on a rétabli, ces fortifications, et que l'on ne faisait que perdre avec éclat des ressources qui avaient coûté très cher.

Je demande le renvoi de cet article 3 aux comités de marine et colonial réunis, pour vous présenter leur opinion sur l'importance de Pondichéry dans l'Inde, et pour examiner à nouveau une disposition qui peut changer nos rapports politiques et commerciaux dans ce pays.

Un membre: Je prie l'Assemblée d'observer que les fortifications de Pondichéry sont relevées depuis la paix dernière, partie en terre, partie en maçonnerie. Les chemins couverts sont formés; les fossés creusés: Voilà quel est l'état de la place de Pondichéry. En faisant attention au rapport dont le projet de décret est précédé, on aurait vu que le comité ne propose que de rétablir la garnison à laquelle le mínistre a donné ordre d'évacuer la place.

M. Journu-Auber, rapporteur. Il n'est point question de relever les fortifications de Pondichéry. C'est sur le plan qui sera proposé par le ministre que l'on statuera. Les fortifications ont toujours été relevées.

M. Mathieu Dumas. Avec ces mots : « Pour rétablir Pondichéry avec une garnison Vous décidez une importante question, et vous donnez au ministre une trop grande latitude, par les raisons que je vous ai données tout à l'heure. Ceci demandera de plus grands développements. Par conséquent, si la question était agitée, je serais d'avis de ne point rétablir Pondichery comme place forte, et je vois à regret, dans cet article 3, une latitude donnée au ministre qui préjuge que l'on rétablira Pondichéry.

M. Journu-Auber, rapporteur. Je ne demande pas d'augmenter les fortifications de Pondichéry,

mais de les conserver. Il faut y établir un état militaire quelconque et ne pas livrer cette ville au premier brigand qui voudrait s'en emparer.

M.Aubert-Dubayet.J'observerai à l'Assemblée qu'une des grandes causes du discrédit des Français dans l'Inde tient précisément à ce qu'une place de guerre n'est devenue qu'un simple comptoir, et que, lorsque dans l'Inde, les tisserands, les teinturiers et tous les hommes qui alimentent notre commerce, n'ont plus vu dans Pondichery qu'une ville qui pouvait être prise par les premiers brigands qui s'y présenteraient, leur confiance a été radicalement détruite. C'est un des grands vices de l'administration de M. de Castries.

Or, je dis que, dans le moment où un concurrent dangereux s'élève contre les Anglais, c'est très sagement, c'est d'une manière profondément vue que le comité colonial vous propose de rétablir Pondichéry qui a déjà un cercle bastionné et qu'il vous propose d'y installer un gouvernement militaire. Que ce gouvernement soit faible, l'histoire prouve pourtant qu'il peut toujours présenter une digue redoutable aux Anglais. Le commerce de l'Inde est très négligé ; il est négligé honteusement pour la nation française.

J'ajoute, Messieurs, qu'au moment où la liberté a fait connaître tous ses charmes dans nos différents comptoirs de l'Inde, à Chandernagor, à Pondichéry, ce serait trahir nos principes, ce serait manquer à notre mission, que de les abandonner en quelque sorte à leur faiblesse. C'est là où vous devez envoyer de grandes forces. Je crois que l'Assemblée fera parfaitement bien d'adopter l'article proposé par son comité colonial. (Applaudissements.)

M. Taillefer. Quand même il serait vrai, comme l'a dit le préopinant, que la cause du discrédit du commerce dans l'Inde serait occasionnée par le défaut de places fortes, ce ne serait pas une raison pour relever Pondichery. C'est une grande question que celle de savoir si le commerce des Européens dans l'Inde doit être soutenu par des places fortes. Quant à moi, je crois au contraire que les places fortes sont la ruine du commerce.

D'ailleurs, Messieurs, Pondichéry est une place qui, au fond, est très mauvaise. D'un côté, elle n'a qu'une mauvaise rade et point de port. Ses fortifications ne seront jamais bonnes. Ce n'est pas le moment de décréter d'emblée une chose de cette importance, car ce serait donner bien promptement gain de cause à la proposition du ministère. J'en reviens à celle qui a été faite par M. Dumas, d'ajourner et de renvoyer aux comités de marine, colonial et militaire réunis.

M. Ducos. Il ne s'agit pas en ce moment de discuter un plan de fortifications pour Pondichéry, mais seulement de charger le ministre d'en proposer un. Alors il sera temps de présenter les considérations qu'on présente aujourd'hui à l'Assemblée nationale, et les membres qui ne voudront pas l'adopter pourront demander question préalable. Je demande donc l'admission de l'article.

M. Albitte. Je suis étonné qu'on nous renvoie sans cesse aux ministres pour avoir des avis et des plans. C'est de fait donner l'initiative au ministre sur tous les points qui concernent l'utilité publique. Il est étonnant que des députés citoyens disent qu'il faut avoir de grandes forces à Pondichéry. Moi, je soutiens que la li

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