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de Corse, et cesseront au moment où ils seront remplacés.

Art. 4. Seront, au surplus, exécutées à leur égard, les dispositions des décrets des 3 août 1790 et 25 juillet 1791, en tout ce qui n'y est point dérogé par le présent décret. »

(L'Assemblée ajourne au 10 janvier la troisième lecture de ces trois projets de décret.)

Un membre: Je demande que le comité de liquidation soit chargé, à la troisième lecture, de présenter un projet de décret, tendant à faire comprendre dans les 30 années exigées pour obtenir une pension, celles qui auront été employées à faire la guerre avant l'âge de 16 ans et que les campagnes, antérieures à cet âge puissent être également comptées.

(L'Assemblée ajourne la discussion de cette proposition lors de la troisième lecture des trois projets de décret.)

M. Thorillon. Je demande à soumettre à l'Assemblée quelques observations sur l'article 50 de la loi sur l'organisation des tribunaux de police correctionnelle. Cet article est susceptible de quelques dispositions particulières pour la ville de Paris. En effet, la police correctionnelle de la capitale commence aujourd'hui ses fonctions. Etant composée de juges de paix, il est instant de décréter que leurs assesseurs les remplaceront, en cas d'absence, dans toutes les fonctions qui leur sont confiées, de peur de priver le peuple de la plus sainte et de la plus utile de toutes les nouvelles institutions.

M. Ducastel. Je demande le renvoi de la motion de M. Thorillon au comité de législation.

Plusieurs membres s'opposent à ce renvoi, parce qu'il ne s'agit que d'une légère application d'un décret réglementaire.

(L'Assemblée, consultée, renvoie la motion de M. Thorillon au comité de législation pour en faire son rapport vendredi prochain.)

Un membre propose les questions suivantes : 1° Doit-on intimer le procureur de la commune, ou le commissaire du roi, sur l'appel des jugements de la police municipale; 2° entendra-t-on le commissaire du roi sur ces appels; 3° accordera-t-on des dommages et intérêts aux appelants qui ont souffert de ces jugements, et contre qui ?

(L'Assemblée renvoie ces questions au comité de législation.)

M. Lavigne, au nom du comité des assignats et monnaies, fait un rapport et présente un projet de décret sur le retrait des coupons d'assignats restant encore en circulation; il s'exprime ainsi (1):

Messieurs, les coupons d'assignats adaptés aux assignats de la création des 400 premiers millions, décrétés les 19 et 21 décembre 1789, 16, 17 avril, 21 mai et 1er juin 1790, étaient destinés à faciliter le payement annuel des intérêts, à 3 0/0, dont ces assignats furent d'abord grevés.

Par décret du 8 octobre 1790, l'intérêt des coupons a été supprimé à compter du 16 du même mois.

Ce décret ordonne que les trois coupons d'intérêts attachés à chaque assignat pourront en être séparés, et que sur la remise qui en sera faite, les 6 mois d'intérêts échus au 15 octobre seront payés à bureau ouvert, etc.

(1) Bibliothèque nationale Assemblée législative, Monnaies et assignats, no 9.

Les intérêts des coupons annexés aux assignats s'élevaient alors à une somme de 6 millions.

Cette création de 400 millions étaient spécialement destinée à servir d'échange contre pareille somme de promesses d'assignats et billets de caisse d'escompte, alors en circulation, aux lieu et place des assignats; mais l'Assemblée fut forcée de distraire de cette destination les secours à donner au Trésor public, dont le trésorier de la caisse de l'extraordinaire fit le payement en assignats garnis de leurs coupons: ce qui produisit une bonification momentanéé, à la nation, de 1,656,578 livres. Cependant, il résul- · tait de cette opération, qu'il restait une quantité de promesses d'assignats égale à celle d'assignats donnés au Trésor public, restant à échanger contre des assignats de la seconde création, qui n'étaient point garnis de coupons, et dont les fonds se trouvaient naturellement dans les 1,656,578 livres dont le trésorier de la caisse de l'extraordinaire s'était chargé en recette au profit de la nation.

Depuis ce moment, l'échange de ces billets, ou promesses, se fait successivement avec le remboursement des intérêts, qui doivent être considérés comme nature de coupons, puisqu'ils en tiennent lieu.

Ainsi, il y avait donc en intérêts à rembourser à l'époque du 15 octobre 1790, savoir : En coupons réels détachés d'assignats, somme de...... 6,000,000 1.

Plus, en intérêts inhérents aux billets de la caisse, ou promesses d'assignats restant en circulation, et dont la nation avoir bonifié d'autant......

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Dans les différents remboursements qui ont été faits jusqu'ici des coupons d'intérêts, il en a été, et il en est fréquemment présenté de faux, dont quelques-uns sont si bien imités, que l'œil le plus exercé peut à peine les distinguer.

Ce genre de faux se multiplie tous les jours dans la ville de Paris, et surtout dans les prisons du Châtelet. Oui, Messieurs, dans cet asile destiné au repentir et aux remords, des hommes

abrutis par l'habitude du crime, attendent la vengeance de la loi, en aggravant le délit qui les a placés sous son glaive. On a déjà plusieurs fois saisi de faux coupons d'assignats, des papiers disposés pour en faire, des caractères et des planches en cuivre et en bois. Tous ces objets ont été portés au tribunal du 2o arrondissement, sans qu'il ait été possible de sévir contre les coupables qu'on n'a jamais pu prendre sur le fait.

Cette dangereuse contrefaçon, Messieurs, peut frapper également sur la fortune publique, comme sur la fortune particulière. Les ouvriers et les citoyens les moins aisés en sont ordinairement les victimes, parce que leurs connaissances ne s'étendent pas en général au delà de la forme et de la couleur des coupons. Il est donc d'autant plus instant d'en arrêter le cours, que l'imitation de la forme des coupons ne présente aux faussaires aucune difficulté, ni aux citoyens trompés nul caractère de méfiance, parce qu'ils ne sont distingués par aucun signe de gravure, de timbre et de caractères capables, comme ceux employés pour les assignats, de rebuter le fabricateur et de trahir la contrefaçon. La beauté seule des caractères de M. Didot est le seul point de reconnaissance des vrais coupons, d'avec les faux; et tous les citoyens dans les mains de qui ils passent, ne sont pas toujours à portée de faire cette comparaison.

La rentrée des coupons restant encore dans la circulation s'opère dans ce moment avec la plus grande lenteur. On ne les apporte au remboursement qu'un à un, pour avoir la certitude de n'en être remboursé qu'en monnaie ou en assignats de 5 livres: et quoiqu'il n'en reste dans la circulation que pour une somme de 1,700,000 livres, il n'en est pas moins vrai de dire que, jusqu'à ce qu'on soit parvenu à un entier remboursement, les faux fabricateurs pourront encore abuser de l'ignorance ou de la confiance du public.

Pour parvenir à arrêter cette criminelle fraude, pour préserver surtout les citoyens les moins aisés du malheur d'en être les victimes, votre comité des assignats et monnaies a jugé nécessaire de vous proposer un décret qui fixe un terme fatal pour le remboursement des coupons d'assignats, passé lequel terme ils n'auront plus de valeur.

Instruit de l'existence de la contrefaçon par les administrateurs de la caisse de l'extraordinaire et par la municipalité de Paris, votre comité ne fait que mettre sous vos yeux la mesure de rigueur que les administrateurs de la caisse de l'extraordinaire et la municipalité sollicitent vivement au nom de l'intérêt public.

Mais, quelque pressant qu'il ait paru de hâter cette mesure, votre comité n'a pas cru qu'il fut de la justice de l'Assemblée de prescrire des délais trop courts pour opérer la rentrée des coupons encore dans la circulation. Répandus dans toute l'étendue de l'Empire, il a paru convenable de mettre, par un délai suffisant, tous les citoyens à portée de s'en procurer le remboursement; en conséquence, le comité vous propose le projet de décret suivant:

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L'Assemblée nationale, informée qu'il a été présenté au remboursement à la caisse de l'extraordinaire des coupons d'assignats faux; considérant qu'une plus longue circulation des coupons exposerait les citoyens à devenir victimes de la coupable contrefaçon qui lui a été dénoncée, décrète qu'il y a urgence.

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L'Assemblée nationale, après avoir déclaré l'urgence, décrète ce qui suit:

« Art. 1er. Les coupons d'assignats connus dans les valeurs de 3 liv., 4 1. 10 s. et 15 livres cesseront d'avoir cours dans le commerce à compter du 1er mars prochain.

« Art. 2. Ceux desdits coupons qui sont encore en circulation ne seront payés, à bureau ouvert, à la caisse de l'extraordinaire, que jusqu'au 1er avril 1792.

«Art. 3. Les coupons d'assignats qui seront reçus dans les caisses publiques en paiement de contributions directes ou indirectes, ne seront plus remis dans la circulation, et seront envoyés au Trésor public.

«Art. 4. Les receveurs des contributions et autres droits recevront, jusqu'au 1er avril 1792 seulement, les coupons d'assignats qui leur seront présentés ; ils les feront parvenir à la trésorerie nationale, qui les fera rembourser à la caisse de l'extraordinaire.

« Art. 5. Passé le 1er avril 1792, les coupons d'assignats qui n'auront pas été présentés au remboursement, seront refusés dans toutes les caisses publiques et particulières

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Messieurs, je demande l'impression et l'ajournement à trois jours.

(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret et en ajourne la discussion à demain.)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret du comité de législation sur la formation de la haute cour nationale (1).

M. Dalmas, rapporteur. Messieurs (2), plusieurs difficultés ont été proposées, dans votre séance du 30 décembre, contre les trois premiers articles du projet de décret de votre comité de législation relatif à la haute cour nationale.

L'importance de la matière, celle des débats qui ont accompagné ces difficultés, et peut-être aussi le défaut de maturité des idées sur les principes d'une institution toute nouvelle que vous allez mettre, pour la première fois, à l'épreuve, vous ont déterminés à la livrer à une méditation plus profonde, et au choc, toujours utile, d'une nouvelle discussion.

J'ai cru, Messieurs, que je pourrai abréger le travail de l'Assemblée en lui présentant sous un même point de vue les principales objections faites contre les trois articles de son comité, et l'aperçu des moyens qui peuvent servir à leur défense.

On s'élève d'abord contre la disposition du projet de décret qui laisse à la haute cour nationale la possibilité d'une existence de deux années, et celle de la connaissance de plusieurs délits.

On prétend que ses fonctions sont bornées à la connaissance d'un seul délit, et qu'il doit en être formé de nouvelles sur chaque accusation ou qu'il faut du moins les varier selon les différents genres de délits pour lesquels le Corps législatif peut se porter accusateur

C'est le système de M. Pastoret.

On oppose ensuite que les hauts jurés ne peuvent entrer qu'une seule fois dans la composition du juré.

C'est une suite du système de M. Pastoret, qui

(1) Voy. Archives parlementaires, 1re série, t. XXXVI, séance du 30 décembre 1791, page 654.

(2) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Législation, tome I, no 5.

est soutenue sur ce point par MM. Crestin et Guadet.

M. Crestin'admet néanmoins une hypothèse dans laquelle les hauts jurés peuvent exercer leur ministère sur plusieurs accusations. C'est celle des crimes connexes, ou de ceux sur lesquels il suppose que l'on peut convoquer et faire prononcer cumulativement la même assemblée de jurés, parce qu'ils se poursuivent en même temps.

On objecte encore qu'il n'est pas possible de mesurer la durée de la haute cour nationale sur celle du Corps législatif, et que cette durée doit être nécessairement subordonnée à l'instruction et au jugement des accusations pour lesquelles elle a été convoquée.

C'est l'opinion de MM. Ducastel et Crestin. Enfin M. Ducastel, qui adopte les articles du comité, sauf l'amendement qu'il propose sur cette dernière partie, pense que la rédaction de l'article 1 n'est pas exacte en ce que l'expression générique de haute cour nationale qui y est employée, pourrait faire croire que les premiers jurés appelés sur une accusation, peuvent connaître, avec les grands juges, des accusations postérieures; tandis que l'article 3 annonce que la composition du juré, par le tirage au sort, doit être renouvelée dans toutes les accusations nouvelles.

Je ne m'arrêterai pas, Messieurs, sur l'avantage qu'il serait possible de tirer, en faveur du plan de votre comité, de la disparité et de la discordance des opinions contraires, je passe rapidement à leur discussion.

Et d'abord, quant à celle de M. Pastoret, qui tend à ce qu'il soit créé autant de hautes cours nationales qu'il y aura d'accusations différentes, ou de genres différents d'accusation, ce système bizarre et monstrueux, j'ose le dire, porte son vice et son embarras avec lui-même, puisque la dernière partie, qui est, en quelque sorte, destructive de la première, serait toujours, malgré cette restriction, contraire aux principes, et sujette aux plus grands inconvénients.

Nous ne reviendrons pas sur tous ceux qui ont été déjà relevés et qui, quoi qu'en dise M. Pastoret, paraissent avoir été sentis par l'Assemblée. Nous n'entreprendrons pas non plus que lui, sur ce point, de discussions grammaticales. Vous jugerez si les articles qui vous ont été cités, soit de la Constitution, soit de la loi du 14 mai, ne renferment pas une attribution spéciale et formelle, à la haute cour nationale, de tous les crimes et délits dont le Corps législatif se porte accusateur, et par conséquent l'exclusion bien prononcée de l'existence simultanée de plusieurs tribunaux de ce genre.

Mais il est un point très important sur lequel on ne saurait trop se fixer. C'est l'article de la Constitution qui exige que les grands juges soient pris parmi les membres du tribunal de cassation.

De là ce calcul très simple que, comme il faudrait quatre grands juges pour chaque haute cour nationale, vingt et une absorberaient non seulement la totalité des membres du tribunal de cassation, mais celle même de leurs suppléants.

De là la nécessité de former partout des assemblées électorales pour de nouvelles élections, ou l'exercice du tribunal de cassation, ou celui de quelques hautes cours nationales.

Et si, après qu'on aurait nommé de nouveaux juges et de nouveaux suppléants, les circonstances forçaient le Corps législatif à former de nouvelles hautes cours nationales, on pourrait se voir plu

sieurs fois exposé à donner de nouveaux mouvements à toutes les parties de l'Empire pour faire de nouvelles élections.

Tout cela est possible, et il faut le prévoir, il faut le dire, parce que le moyen le plus sûr de combattre un système, c'est de le pousser à bout, et de le présenter avec toutes les hypothèses qu'il peut faire naître.

Qui peut prévoir, dans des temps de trouble et d'agitation, le terme où s'arrêteront les délits qui nécessitent l'accusation du Corps législatif? Dans ces temps malheureux, les idées qui paraissent les plus exagérées peuvent encore se trouver au-dessous de la vérité.

Mais, dit-on, les délits peuvent être connexes, et alors il y a indivisibilité dans l'instruction et dans le jugement.

Ils peuvent être connexes, mais s'ils ne le sont pas? et ils ne peuvent pas l'être; car les mêmes délits peuvent exister en divers lieux, et entre des individus différents, sans qu'il existe aucun rapport, aucun concert entre ceux qui les ont commis; et, dans ce cas, l'instruction et le jugement doivent être divisés.

Ce n'est pas tout, supposons pour un moment l'existence simultanée de plusieurs hautes cours nationales; c'est sur la même liste qu'elles seront obligées de faire la composition du juré, puisqu'il n'en existe qu'une seule pour tout le royaume; et si le tirage au sort fait sortir à la fois les mêmes individus dans les différents tribunaux, s'ils se trouvent ainsi exposés à une double convocation, quel sera le moyen de régler cette difficulté entre des corps indépendants les uns des autres, et indépendants aussi de toutes les autres autorités constituées ?

Une difficulté plus grande encore, et également insoluble pourra se présenter c'est celle de la connexité des délits, qui n'aurait pas été aperçue au moment des accusations, et qui se développerait par la marche des instructions. Toutes les règles réclameraient, dans cette hypothèse, pour la jonction des procédures; et comment l'obtenir, si l'un des tribunaux s'y refusait avec l'égalité de pouvoir et l'indépendance dont ils seraient tous investis?

Ainsi, le système de M. Pastoret offre des inconvénients et des dangers sans nombre. Diviser l'exercice de la puissance, comme il l'entend, ce serait, à mon sens, les multiplier et ajouter au nombre et à la chance des périls.

Le système de votre comité, s'il n'en est pas entièrement exempt, se présente sous des rap

plus simples, et moins alarmants pour l'ordre et la tranquillité publiques.

Il borne à 2 ans la plus fongue durée des fonctions des grands juges; et certes ces fonctions sont redoutables, elles le sont beaucoup moins cependant que celles des jurés qui, dans le système de votre comité, seront renouvelées sur chaque accusation. Ce renouvellement écarte tous les dangers qui pourraient compromettre le sort des accusations, ou celui des accusés.-C'est dans les mains des jurés que reposent principalement l'un et l'autre, puisque ce sont ceux qui fixent et l'existence du délit, et la conviction du coupable, et que le ministère des juges se réduit à l'application et à la déclaration de la peine.

Les fonctions des présidents des tribunaux criminels sont peut-être plus encore redoutables, et d'une influence plus dangereuse, puisqu'elles sont confiées à un magistrat unique, qui dirige seul tous les mouvements de l'instruction. Cependant la loi les continue pendant 6 ans et au delà, sans

aucune borne, puisqu'elle permet la réélection | indéfinie de ces officiers.

Passons maintenant à ce que l'on oppose contre la fixité du tableau du haut juré, pendant tout le cours de la législature.

Ce système serait véritablement contraire à celui de l'institution des jurés, s'il n'établissait pas une nouvelle composition du juré sur toute nouvelle accusation, parce que le principal but de cette institution salutaire est de soustraire les accusés à la décision de personnes revêtues d'une autorité quelconque permanente, et les jurés aux séductions, aux pièges dont on ne manquerait pas de les environner, s'ils acquéraient la moindre permanence.

Mais ce but est rempli par le renouvellement de la composition du juré sur chaque nouvelle accusation.

Les premiers qui ont rempli cette fonction se retirent et rentrent dans la classe des simples citoyens. Le sort peut, à la vérité, les porter dans un nouveau juré, mais le sort uniquement, et ce mot écarte l'idée et le danger de la permanence.

Quel peut être d'ailleurs le danger, soit pour l'accusation, soit pour l'accusé, de ce nouvel appel aux fonctions de juré; lorsque l'accusé, lorsque les accusateurs peuvent les exclure par la récusation, et nécessiter par conséquent une nouvelle composition du juré; et cette composition présente des chances bien plus favorables pour tous lorsqu'elle s'opère sur la liste entière du juré, que si elle se formait seulement sur une partie de cette même liste, comme le voudraient ceux qui pensent que les fonctions des jurés doivent être bornées à la connaissance d'une seule accusation, ou tout au plus à celle des accusations qui se trouvent prêtes à être jugées lors de l'assemblée des jurés.

Cette dernière opinion, qui est celle de M. Crestin, et qui paraît conforme aux dispositions de la loi relative aux tribunaux criminels ordinaires, où les accusations doivent être bien plus fréquentes, votre comité n'a pas cru devoir l'appliquer à l'établissement de la haute cour nationale, par la plus grande importance des délits qui lui sont attribués, et par leur plus grande influence sur l'ordre et la sûreté générale de l'Etat.

Il faut répéter ici, à l'appui du système de votre comité, ce qui a déjà été observé sur la mauvaise interpretation que l'on donne à l'article 19 de la loi du 15 maí portant que celui qui aura rempli une fois les fonctions de haut juré, ne pourra plus les remplir pendant, le reste de la vie.

C'est une grande erreur de penser que cette disposition borne le ministère des jurés à la connaissance d'une seule accusation.

La disposition qui termine ce même article, et les rapports avec les articles qui précèdent, notamment avec les articles 2 et 3, présentent un sens tout opposé.

Ces deux articles portent l'un, que les deux citoyens élus par les électeurs de chaque département pour l'exercice des fonctions de hauts jurés, demeureront inscrits sur le tableau du haut juré, pendant tout le cours de cette législature; l'autre, que chaque nouvelle législature, après avoir vérifié les pouvoirs de ses membres, dressera la liste des jurés élus par les départements du royaume et la fera publier.

Enfin, la disposition qui termine l'article 19. qu'on nous oppose, explique elle-même la disposition précédente, puisqu'elle ajoute que le nom de celui qui aura rempli les fonctions de haut

juré, sera retiré de dessus la liste et qu'on ne pourra plus l'élire pour cette fonction.

La liste dont il est question ici, est la même que celle dont parlent les articles 2 et 3, c'est-àdire, celle qui doit être dressée et publiée par chaque législature au commencement de la session, celle qui doit former le tableau du haut juré pendant tout le cours de la législature, celle enfin, qui, si l'on ne veut pas rendre ces articles illusoires, insignifiants et sans objet, doit être la base et l'élément continuel de la composition des jurés, durant toute la session du Corps législatif.

Je sais que ces dispositions, purement réglementaires, peuvent être changées ou modifiées; mais ces changements ou ces modifications qu'il serait dangereux d'entreprendre aujourd'hui, la sagesse doit les attendre des conseils de l'expérience, qui est le meilleur juge des lois.

Les dangers de celle qu'on vous propose pour limiter les fonctions des hauts jurés à la connaissance d'une seule accusation se justifient par tout ce qui a déjà été dit sur le nombre indéfini des accusations que le Corps législatif peut être dans le cas de porter.

Il n'en faut que six pour épuiser la liste des hauts jurés; et la réduction successive qu'elle éprouverait par la sortie des premiers jurés qui auraient été employés, pourrait influer d'une manière fâcheuse sur la chance des dernières accusations, qui n'auraient pas, dans la composition du juré, la même latitude que les premières.

Cependant, quels événements commandent plus impérieusement l'observation de l'égalité des droits et des avantages, que ceux qui compromettent tout à la fois l'honneur et la vie des citoyens, et l'intérêt général de l'Etat. Et, comment admettre un système qui, dans des circonstances aussi alarmantes, laisserait des chances plus ou moins favorables à une accusation qu'à l'autre; un système qui, indépendamment de ce premier vice, tendrait à multiplier à l'infini le rassemblement des électeurs de tous les départements, pour l'élection de nouveaux jurés.

Daignez observer encore, Messieurs, que la mesure qui vous est proposée par votre comité, et qui n'offre aucun de ces inconvénients, n'est pas seulement calquée, comme on l'a prétendu, sur les dispositions de la loi du 15 mai, particulière à l'établissement de la haute cour nationale, mais sur les principes généraux de la loi relative à l'institution des jurés: et, avec un peu plus de réflexion, on se serait convaincu que l'article 6 du titre II de cette loi, que l'on présente comme contraire à notre opinion, vient lui-même à son appui, puisque, loin d'exclure d'une nouvelle assemblée de jurés les citoyens qui en ont fait une première fois les fonctions pendant les 3 mois que leur nom reste sur la liste, cet article laisse à tous la faculté de les reprendre, si le sort les y appelle, et force même le ministère de ceux qui habitent la ville où siège le tribunal cri

minel.

Remarquez enfin, Messieurs, que la mesure que l'on vous propose de substituer à celle de votre comité, ne tendrait à rien moins qu'à la décomposition entière de cette partie essentielle du système des jurés, puisque les mêmes raisons militent pour les faire exclure de la liste après un premier exercice devant les tribunaux criminels comme devant la haute cour nationale: et, encore une fois, la prudence ne permet pas de précipiter les changements dans une institution

aussi importante, qui n'a pas encore été éprouvée, et dont les avantages ou les inconvénients ne pourront être bien sentis qu'après les premiers essais.

Je viens actuellement à l'opinion de ceux qui prétendent que l'on ne peut limiter la durée de la haute cour nationale, et que cette durée doit être nécessairement subordonnée à l'instruction et au jugement des accusations pour lesquelles elle a été convoquée.

Votre comité, Messieurs, a vu de grands dangers dans une attribution aussi illimitée. Elle laisserait aux membres de ce tribunal passager, la faculté de proroger à leur gré le pouvoir qu'ils exercent; et il ne faut pas que ce pouvoir terrible acquière aucune permanence, ni même que ceux à qui la loi en confie momentanément l'exercice, en demeurent trop longtemps investis.

Le projet du comité tend à ce que les fonctions des grands juges et des grands procurateurs cessent, dans tous les cas, avec celles du Corps législatif qui aura convoqué la haute cour nationale, ou ne puissent du moins se continuer que jusqu'à leur remplacement effectué.

Cette disposition écarte le danger de la trop longue durée des pouvoirs, et elle ne présente aucun inconvénient le sort des accusations ni celui des accusés ne peuvent en souffrir les preuves s'acquièrent, les procédures marchent avec la même activité jusqu'au remplacement, et la nouvelle haute cour nationale qui succède à celle qui les a commencées, en termine l'instruction et le jugement.

Il en sera du remplacement des membres de la haute cour nationale, comme de celui des jurés et des principaux officiers des tribunaux criminels de département, qui doit s'opérer aux époques déterminées par la loi, indépendamment de l'état dans lequel se trouvent alors les procédures commencées. Il y a la même raison de décider pour les uns que pour les autres, parce que leurs procédures sont en général soumises aux mêmes formes. Une seule difficulté pourrait se présenter, et elle serait commune aux tribunaux criminels et à la haute cour nationale c'est le cas où le remplacement s'effectuerait avant que les jurés eussent prononcé leur jugement, et cependant après qu'il aurait été procédé à l'examen des témoins, qui doit toujours se faire de vive voix : tout ce qui résulterait néanmoins de cette hypothèse possible, mais qui sera certainement très rare, c'est que les nouveaux juges et les jurés seraient obligés de se faire réitérer l'examen: et cet inconvénient léger ne saurait être comparé au danger très grave d'un système qui donnerait une durée indéfinie à des fonctions toutes temporaires de leur nature, et qui effraieraient bientôt la liberté publique, si elles restaient trop longtemps dans les mêmes mains.

Enfin, Messieurs, il reste à répondre à l'objection de M. Ducastel qui ne touche pas au fond, mais à la rédaction de l'article premier du projet de décret de votre comité.

Et d'abord l'équivoque qu'il prétend y trouver s'explique, d'après lui-même, par l'article troisième, qui établit le renouvellement de la composition du juré sur chaque accusation; et il n'est dès lors pas possible de conclure des termes généraux, employés dans l'article premier que toutes les accusations portées à la haute cour nationale, durant son activité, seront jugées par les mêmes jurés.

D'ailleurs, la dénomination générale employée dans cet article est plus propre à lui donner toute sa latitude. L'article serait incomplet dans le sens de votre comité, et par conséquent dans celui de M. Ducastel qui l'adopte, si l'attribution qu'il établit était restreinte aux grands juges, aux grands procurateurs et au greffier, que M. Ducastel appelle la partie judiciaire du tribunal; il résulterait de cette restriction une sorte d'exclusion de la seconde partie, qui est celle des jurés; et cependant il faut que l'une et l'autre soient comprises dans l'attribution.

Votre comité s'est servi pour la régler par une seule et même disposition, du terme générique de haute cour nationale, et cette expression ne change rien, ni à la fixité d'un de ses éléments, ni à la mobilité de l'autre.

Je termine cette discussion, Messieurs, par une observation générale et par l'aveu d'une grande vérité c'est que dans des questions aussi nouvelles, aussi abstraites, aussi éloignées de nos mœurs actuelles, toutes les combinaisons présentent réellement des difficultés et des dangers: le système qu'a adopté votre comité n'en est sans doute pas exempt; mais je persiste à croire que c'est celui qui en offre le moins, et qu'il a été peut-être taxé trop légèrement d'irréflexion. Toutes les lois, toutes les institutions humaines ont leurs avantages et leurs inconvénients. C'est après les avoir balancés que la sagesse doit s'arrêter au parti qui doit entraîner le moins d'abus; et c'est à ce terme que doivent se fixer les sollicitudes du législateur.

Je conclus donc, Messieurs, au maintien des trois premiers articles du projet de décret de votre comité.

Les voici :

«Art. 1er. La haute cour nationale est formée et

convoquée pour juger une première accusation, connaître de toutes les accusations subséquentes qui seront portées par le Corps législatif, avant qu'elle se sépare, et tant qu'elle sera en activité.

«Son existence ne pourra néanmoins être prolongée au delà de la session du Corps législatif qui l'aura établie, sauf le cas prévu par l'article suivant.

« Art. 2. Si les accusations portées par le Corps législatif n'ont pu être jugées dans l'intervalle de sa session, une nouvelle haute cour nationale sera formée sans délai par la législature suivante; et cependant la première continuera ses fonctions jusqu'à son remplacement effectif.

« Art. 3. Dans chaque accusation, la composition du haut juré se fera par le tirage au sort sur les 166 membres formant le tableau du haut juré.

« Ceux qui auraient déjà été employés en cette qualité, ne pourront, pendant le cours de la législature, s'excuser, par ce motif, d'entrer dans la composition du nouveau juré, si le sort les y appelle. »

M. Goujon. Messieurs, on vous propose, par l'article 1er du projet, que la haute cour nationale, formée et convoquée pour juger une première accusation, continue de connaître de toutes les accusations subséquentes qui seraient portées par le Corps législatif qui l'aura une fois proclamé, c'est-à-dire, en un mot, qu'on vous propose et qu'on entend qu'une haute cour nationale, une fois formée, sera permanente pendant toute la durée de la législature. Or, je dis que cette permanence est contraire à l'institution des jurés : j'ose dire qu'elle en attaque le fondement. C'est

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