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Dimanche dernier, comme je rentrais chez moi, le portier m'avertit que M. Fleury voulait mé parler. J'entrai chez lui, en effet. Il débuta par me dire Il s'est passé aujourd'hui, dans l'hôtel, un événement qui m'a fait donner l'ordre au portier de ne plus laisser entrer à l'aventure dans la maison. Un homme s'est présenté chez M. Desbrosses, a forcé pour ainsi dire la porte, et en entrant a fermé les portes derrière lui. M. Desbrosses qui est malade, attaqué de la poitrine, était seul parce qu'il occupe peu son domestique et lui permet de faire le métier de perruquier. Cet homme, entré chez M. Desbrosses lui dit : « Monsieur, je suis dans le besoin. M. Desbrosses se crut livré à un malfaiteur. - Je viens vous demander des moyens de subsister et de me procurer un état. Ne pourriez-vous pas me donner quelques recommandations? » Là dessus, M. Desbrosses effrayé de cette demande, se détermina à écrire une lettre, et c'est vraisemblablement celle dont on vient de vous donner lecture. Vous voyez que les faits se rapprochent assez pour pouvoir se conjecturer. C'est donc bien M. Desbrosses qui l'a écrite.

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La lettre a été en effet remise à l'homme qui était entré chez lui, puisqu'après la lettre reçue il a fait écrire à M. Desbrosses que s'il ne lui donnait pas une somme de 200 livres, on le dénoncerait au comité de surveillance. (Ah! ah!) Voilà, Messieurs, ce fait. Je ne prétends pas en yous le rapportant ici inculper ni disculper le baron Desbrosses, mais c'est à vous de prononcer. J'ai cru devoir vous dire ce que je savais. Vous examinerez maintenant si les faits que je viens d'articuler sont propres à atténuer ou à fortifier la dénonciation qui vous est faite. Pour moi, je ne donnerai mon opinion ni pour l'un ni pour l'autre.

M. Caminet. Je ne prétends pas non plus atténuer ou aggraver la faute de M. Desbrosses, s'il l'a commise; mais je viens donner des renseignements que vous ne dédaignerez pas. Le jeune homme dont il s'agit est effectivement de Lyon; il se nomme Chaix et est âgé de vingt ans. Il est venu pleurer chez moi, il y a un mois et demi à peu près. Il me dit qu'il était dans la misère, qu'il n'avait pas mangé depuis 36 heures et mé demanda des secours. J'ai connu peu son père. Je sais seulement qu'il était autrefois négociant, que depuis il a fait faillite et qu'il est mort dans la misère. Cependant les larmes de M. Chaix m'intéressèrent. Je lui ai donné tout ce que j'avais dans ma poche. Il me dit qu'il attendait des secours de sa famille. Je lui promis mes bons offices et lui dis de revenir vers moi si les secours qu'il attendait de sa famille n'arrivaient pas. Trois ou quatre jours après, il est venu à l'Assemblée me trouver avant l'ouverture de la séance, et sous prétexte qu'on lui avait volé son portefeuille sur une table, dans un café du Palais-Royal, il me demanda encore de l'argent. Je crus bien plutôt que c'était une affaire de jeu que de vol. Cependant je lui donnai encore. Mais dernièrement, un homme âgé, assez bien vêtu et décoré de la croix de Saint-Louis, m'a apporté une lettre de sa part. M. Chaix m'annonçait qu'il n'avait point encore reçu les secours qu'il attendait de sa famille. Il m'en demandait encore et me recommandait surtout avec la plus grande instance, de ne pas instruire le porteur de l'état de détresse où il se trouvait parce que, disait-il, il l'ignorait absolument. Je voyais un homme d'un certain âge, et capitaine de hussards, lié avec un aussi

jeune homme, que je lui demandai quelques renseignements. Il me dit que sans prendre d'informations, il avait logé chez lui M. Chaix depuis le premier soir où son portefeuille lui avait été volé, et que ses moyens ne lui permettant plus de le garder, M. Chaix lui avait remis la lettre qu'il m'avait apportée, pour obtenir des secours. Je demandai alors à ce Monsieur s'il avait nourri M. Chaix. Il me répondit: Je l'ai nourri tous les jours depuis l'époque que je vous ai indiquée et je viens vous demander de quoi fournir à sa nourriture à l'avenir, ou bien je serai forcé de le renvoyer. Je reconnus alors que M. Chaix nous en avait imposé à tous les deux. Je vous laisse, Messieurs, à former votre opinion.

Un grand nombre de membres : L'ordre du jour! (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre des commissaires de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, qui demandent à l'Assemblée de vouloir bien les admettre samedi matin à la barre pour lui rendre compte de nouvelles affligeantes qu'ils ont reçues de cette colonie; cette lettre est ainsi conçue :

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« Nous recevons à l'instant une lettre officielle de l'assemblée générale de la colonie séante au Cap. Cette lettre, en date du 12 novembre, contient les détails les plus affligeants sur la situation de la partie du Nord. Les quartiers préservés jusqu'à l'instant de notre départ sont devenus la proie des flammes, et tout nous fait croire que la plus belle portion d'une des plus riches possessions de l'Empire français est réduite en cendres.

"A cette dépêche sont jointes beaucoup de pièces dont la connaissance pourra répandre le plus grand jour sur les causes des malheurs de Saint-Domingue. Nous prions l'Assemblée, Monsieur le Président, de décider si elle veut que samedi nous lui en fassions lecture. (Murmures prolongés.)

«Nous sommes avec respect...

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Signé Les commissaires de l'assemblée générale de Saint-Domingue. »

Plusieurs membres : L'ordre du jour ! l'ordre du jour! M. Ducos. Je demande à M. le secrétaire si les pièces sont jointes à la lettre.

M. le secrétaire: Non, elles ne sont pas jointes. M. Ducos. Il est certain que si l'affaire était urgente, si les détails que les commissaires ont à donner étaient autres que ceux que nous avons déjà reçus, ils n'auraient pas manqué de joindre les pièces à la lettre. Je demanderai donc que l'on passe à l'ordre du jour.

M. Tarbé, rapporteur du comité colonial. Je demande que les pièces soient communiquées au comité colonial.

Un membre: Je soutiens qu'on ne peut se refuser à entendre les commissaires. Vous avez passé déjà plusieurs fois à l'ordre du jour sur de pareilles lettres et vous savez l'impression fàcheuse que cela jette dans nos ports...

M. Basire interrompt brusquement l'orateur; des huées le rappellent à l'ordre.

Le même membre: Il n'est pas possible que

l'Assemblée se refuse la faculté de prendre connaissance des pièces qu'on lui annonce, quels que soient ceux qui les adressent. Il est peut-être plus convenable d'en ordonner le renvoi au comité colonial; je vous propose de le décréter.

Un membre: Je demande que les commissaires de l'assemblée générale soient admis à la barre... (Murmures prolongés.)

M. Basire. Il est dangereux d'admettre à la barre...

M. le Président. Monsieur Basire, vous n'avez pas la parole.

Un membre: Je demande formellement que les commissaires soient admis.

M. Basire. Il est dangereux d'admettre à la barre...

M. le Président. Monsieur, vous n'avez pas la parole; la parole est à M. Dórizy.

M. Dorizy. Messieurs, de quelque part que nous viennent les lumières, nous devons les recevoir avec empressement. Je demande donc, et j'appuie en cela la motion de M. Tarbé, que les pièces que l'on vous annonce vous soient communiquées ce soir s'il est possible; et Dieu veuille que les malheurs que l'on vous annonce ne soient pas arrivés. Si les commissaires-colons vous trompent, vous saurez bien leur faire porter la peine de leur perfidie; mais vous devez les entendre. Il serait bien étonnant, en effet, que, parce que ce sont les commissaires qui vous offrent des renseignements, vous ne crussiez pas que les malheurs dont ils vous préviennent, fussent dignes de votre attention. Je demande que le comité colonial se fasse remettre dès demain les pièces qui vous sont annoncées et qu'il en fasse le rapport le plus tôt possible.

M. Ducos. Si les commissaires croient nécessaire de remettre les pièces, qu'ils les remettent. Manqueraient-ils de confiance en l'Assemblée nationale? Si les malheurs qu'ils annoncent sont pressants, qu'ils les communiquent au plus tôt. Mais, je vous prie de considérer, Messieurs, qu'il doit être fait demain un rapport à ce sujet et que l'on n'offre de vous remettre ces pièces que samedi. Il y a peut-être un piège là-dessous; et j'ose dire que la conduite des commissaires de Saint-Domingue jusqu'à ce jour nous autorise à le croire.

Je demande donc que, les commissaires pouvant en tout état de choses remettre les pièces, soit au comité, soit à l'Assemblée nationale, on passe à l'ordre du jour.

M. Basire. Il est dangereux d'admettre à votre barre les commissaires de l'assemblée générale de Saint-Domingue, car il y a plusieurs partis dans les colonies. Ces hommes sont évidemment attachés à une faction; et si, par malheur, les commissaires vous trompent, il y a un très grand danger à cela: c'est qu'aussitôt le prix des denrées coloniales haussera. Il faut donc renvoyer au comité toutes les pièces qui vous arrivent des colonies, si vous voulez qu'elles n'induisent pas en erreur, parce que ceux qui s'entendent avec les accapareurs et les malveillants viendraient sans cesse vous apporter de ces nouvelles dans le but de servir des spéculations.

M. Lasource. C'est aujourd'hui la veille du jour où doit vous être présenté le rapport du comité colonial. Si de huitaine en huitaine, on venait annoncer à l'Assemblée de nouvelles piè ces et que vous renvoyassiez toujours au comité,

il en résulterait que vous n'auriez jamais ce rapport et que jamais l'Assemblée ne prendrait un parti sur les colonies. Je demande donc que, malgré la communication qu'on doit nous donner des pièces annoncées, le comité colonial, sans plus de délai, fasse son rapport demain et que l'Assemblée décide que, sur les nouvelles pièces, elle entendra un nouveau rapport.

M. Tarbé, rapporteur du comité colonial. On inculpe le comité; il faut que le comité réponde par mon 'organe. Il y a trois semaines que le rapport que l'on demande est prêt; il y a trois semaines que je sollicite la parole sans pouvoir l'obtenir. Chaque fois on l'a ajourné sous divers prétextes; on a demandé d'y joindre le rapport concernant les troubles de la Martinique, et à présent qu'une masse considérable de renseignements arrive, on veut le hâter, lorsqu'il n'est fait que sur des conjectures et qu'il n'a pour base aucun rapport immédiat. Je dois vous observer que le comité n'a raisonné dans son rapport que sur les hypothèses des faits arrivés jusqu'au 25 septembre, il vous le lira demain si vous le jugez à propos. Mais comme vous ne pourrez pas prendre un parti définitif, je crois qu'il serait de la sagesse de l'Assemblée, maintenant que nous avons des faits jusqu'au 12 novembre, de les joindre aux premiers, parce qu'alors vous aurez une suite de faits qui vous donneront bien plus de lumières.

En conséquence, je demande que les commissaires, par l'ordre de l'Assemblée, soient mandés demain à la barre... (Murmures prolongés.)

Plusieurs membres : Non! non!

M. Tarbé, rapporteur du comité colonial,... pour rendre compte des nouvelles qu'ils ont reçues de Saint-Domingue; que toutes les pièces soient remises au comité colonial et que vous fixiez un jour pour le rapport.

Plusieurs membres: Non! non! Demain! demain !

M. Tarbé, rapporteur du comité colonial. Cependant, si l'Assemblée veut entendre le rapport demain, je conclus, au nom du comité, et en changeant mes conclusions, à ce que j'aie la parole demain, à l'ouverture de la séance, après la lecture du procès-verbal. i

Plusieurs membres: Non! non!

Un membre: Et bien, que déciderez-vous sur un rapport incomplet? (Murmures.)

M. Ducastel. Je combats l'opinion du rapporteur. En effet, M. Tarbé vous annonce que son rapport est prêt sur les événements antérieurs au 25 septembre. Il dit ensuite que les commissaires ont des nouvelles ultérieures. Si vous exigez qu'on vous fasse le rapport sans ces faits-là, il sera morcelé. Ainsi, vous devez recevoir les détails que l'on vous offre, pour avoir un rapport d'ensemble.

On vient vous dire que les commissaires de l'assemblée coloniale sont suspects: voudrait-on faire entendre, par là, qu'ils sont d'accord avec le comité coloníal? Je ne le crois pas. Ils viennent vous dire qu'ils ont des renseignements sùrs; si leurs renseignements sont bons, vous devez les entendre. (Non! non!) Il est injuste de repousser des hommes qui veulent vous donner des éclaircissements importants. Je demande que le rapport ne soit pas fait demain. Le comité vous a fait, par l'organe de son rapporteur, une proposition juste, c'est de retarder le rapport de quelques jours. Ainsi, décrétez que les pièces

seront remises demain; vous entendrez ensuite les commissaires quand vous voudrez.

Plusieurs membres: Non! non!

M. Blanchon appuie la motion de M. Ducastel. M. Bigot de Préameneu. L'Europe entière a les yeux fixés sur l'Assemblée, relativement aux colonies. Il suffit que les commissaires soient inculpés, pour qu'il soit de notre devoir de les entendre. Songez que vous avez à décider d'une affaire sur laquelle vous devez regretter de n'avoir pas assez de lumières. Les colonies n'ont point de représentants parmi nous, mais elles ont des commissaires. Vous violez le droit des gens, si vous refusez de les entendre; non seulement ils ont le droit de remettre leurs pièces à un comité, mais ils ont le droit de faire entendre des pétitions. Ils ont le droit de venir ici vous exposer les malheurs de leurs commettants.

M. Basire. Je ne sais pas pourquoi vous attendriez les renseignements dont on vous parle. Quelle confiance pourriez-vous avoir en ces pièces? Ils vous seraient donnés par des hommes évidemment suspects. Les commissaires ne sont pas responsables. Il faudrait, pour avoir une responsabilité à exercer, que M. Montmorin vous apportât sa correspondance avec M. Blanchelande. Autrement ce ne sont que les nouvelles des chefs d'un parti, puisqu'on ne peut pas dire qu'ils sont à la fois les représentants des blancs et des hommes de couleur. Si vous les écoutez, il faudra que vous attendiez de nouveaux renseignements pour confirmer ceux qu'ils vous auront donnés, ou pour savoir s'ils n'ont pas été fabriqués à Paris, à l'hôtel Massiac. Vous ne refléchissez pas que, pendant vos délibérations, les troupes sont en route. Il est instant que vous prononciez sur leur sort et que vous leur fassiez parvenir des instructions qui empêchent le désordre dans les colonies. Je demande que le rapport soit fait demain, sauf au rapporteur à se faire communiquer les pièces nouvelles d'ici à demain. (Applaudissements dans les tribunes.)

M. Lamarque. J'observe que c'est un malheur que les commissaires n'aient pas la confiance publique, mais cela ne peut influer sur l'opinion de l'Assemblée : il faut donc les entendre.

D'autre part, il n'y a aucun inconvénient à entendre demain le rapport de M. Tarbé, puisqu'il est fait. Il vous présentera des vues générales. S'il y a des articles additionnels à proposer, alors que vous connaîtrez les faits et d'après le rapport et d'après l'exposé des commissaires, vous pourrez juger avec plus de certitude. Je demande donc que le comité fasse son rapport demain matin, et qu'aussitôt après on entende les commissaires. Par là on ne retardera point la satisfaction de l'Assemblée, on ne nuira point à la cause des colonies.

M. Jagot. Il y a un décret qui fixe à demain le rapport du comité colonial. A moins que vous ne fassiez rapporter ce décret, vous n'en pouvez rendre un second sur le même objet. Je demande donc la division sur la proposition de M. Lamarque, et je conclus à l'admission de la seconde partie.

Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion.)

M. le Président. Il y a un décret qui porte que le rapport sera fait demain. Il ne s'agit donc que de délibérer sur l'admission des commissaires.

Plusieurs membres demandent la question préalable sur la motion d'admettre les commissaires. (L'Assemblée, consultée, à une très grande majorité, rejette la question préalable.)

M. le Président. Je mets aux voix l'admission des commissaires.

M. François de Neufchâteau. Je demande, par amendement, qu'il soit ordonné aux commissaires de ne dire aucune injure aux membres de l'Assemblée. (Applaudissements, rires et murmures.)

(L'Assemblée décrète que les commissaires de l'assemblée coloniale seront entendus demain à la barre, après le rapport du comité.)

M. Delmas. Je demande que M. le Président soit chargé d'écrire au ministre de la marine, pour savoir s'il a reçu des nouvelles officielles de M. Blanchelande. Il est bien extraordinaire que les commissaires de Saint-Domingue aient reçu des nouvelles de malheurs arrivés dans cette colonie et que le ministre de la marine n'en soit pas informé. (Applaudissements.)

M. Lecointe-Puyraveau. Je demande qu'au lieu de charger M. le Président d'écrire au ministre, l'Assemblée décrète que le ministre de la marine sera tenu de lui rendre compte demain, séance tenante, des lettres qu'il peut avoir reçues de Saint-Domingue.

(L'Assemblée décrète la motion de M. LecointePuyraveau.)

En conséquence, le décret suivant est rendu : « L'Assemblée nationale décrète qu'elle entendra demain les commissaires de l'assemblée générale de Saint-Domingue, immédiatement après le rapport du comité colonial sur les troubles de Saint-Domingue; et, sur la motion d'un de ses membres, elle décrète que le ministre de la marine sera tenu de lui rendre compte demain, séance tenante, de la situation de la colonie dé Saint-Domingue et des nouvelles officielles qu'il aurait pu avoir reçues de M. Blanchelande. » M. le Président annonce l'ordre du jour. (La séance est levée à dix heures.)

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du mercredi 11 janvier 1792.

PRÉSIDENCE DE M. DAVERHOULT.

La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Dorizy, secrétaire, fait lecture d'une adresse de M. Charles-Joseph Lhote, premier juge du tribunal de Longuyon, district de Longwy, département de la Moselle.

Il prévient l'Assemblée que ce tribunal avait commencé l'instruction d'une procédure contre le sieur Henry, prêtre habitué à Virton, ville du Luxembourg, qui, descendu le 23 novembre dans un village où se trouvait un détachement de 5 dragons, avait offert 45 livres à chacun d'eux pour déserter et passer dans l'armée des princes. Il fut dénoncé et mis en état d'arrestation. Pendant que l'on faisait les poursuites, le tribunal a appris par les papiers publics que l'Assemblée législative venait de porter un décret d'accusation à la haute cour nationale contre les sieurs Malvoisin,

Marc fils et Gauthier (1), prévenus de crimes semblables. Dès ce moment, le tribunal a cru devoir suspendre l'instruction de la procédure pour en référer à l'Assemblée et demander que le décret d'accusation soit porté contre le sieur Henry.

(L'Assemblée renvoie cette adresse et les pièces qui y sont jointes aux comités de législation et de surveillance réunis.)

M. le Président annonce qu'une députation du conseil général du département de la Nièvre demande à présenter une pétition dans une des prochaines séances.

(L'Assemblée décrète que cette députation sera admise à la séance de demain soir.)

Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre par laquelle M. Louis Levoyer, officier au régiment de l'Ile de France, en garnison à Pondichery, et venu en France par congé, demande d'être dispensé, vu l'expiration de son congé, des formalités prescrites par les lois relatives à la liquidation, pour un relief d'appointements qui lui est dû et pour lequel il a été renvoyé au bureau dediquidation.

Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

M. Baignoux monte à la tribune pour soumettre à la discussion un projet de décret relatif aux formalités à observer par les payeurs de rentes de l'Etat.

. Plusieurs membres dénoncent à ce moment à l'Assemblée qu'on vend publiquement à la porte les billets d'entrée pour les galeries.

M. Delacroix. Je fais la motion de charger les commissaires-inspecteurs de la salle de faire un prompt rapport pour fixer le nombre de places que la nouvelle distribution de la salle offrira pour le public et pour distribuer également entre tous les membres de l'Assemblée les billets des nouvelles tribunes, afin qu'on ne donne pas plus de billets qu'il n'en faut.

M. Dehaussy-Robecourt, au nom des commissaires-inspecteurs de la salle, donne quelques explications relatives aux dispositions de la salle et annonce qu'après-demain tout sera disposé pour les tribunes nouvellement pratiquées dans les deux extrémités.

Plusieurs membres demandent l'ordre du jour sur la motion de M. Delacroix.

(L'Assemblée rejette le passage à l'ordre du jour et adopte la motion de M. Delacroix.)

Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre du directoire du département de Saône-etLoire, qui informe l'Assemblée du bon état où se trouvent les deux bataillons de volontaires fournis par le département et offre de les remplacer par deux autres, si la cause de la liberté l'exige; cette lettre est ainsi conçue :

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Plusieurs membres demandent l'insertion de cette lettre au procès-verbal avec mention honorable.

(L'Assemblée décrète l'insertion de cette lettre au procès-verbal avec la mention honorable.)

M. Rühl. On vient de m'adresser, du fond de la Westphalie, un ouvrage dont l'auteur fait hommage à l'Assemblée nationale. Cet ouvrage est écrit en langue allemande. Il a pour titre : Traité de l'instinct sexuel, ou moyens de régler le désir naturel des hommes de se reproduire. (Rires.) La lettre est signée: Bernard-Christophe Furt, docteur en médecine, à Buckembourg, en Westphalie.

Plusieurs membres demandent lecture de la lettre adressée par l'auteur à l'Assemblée nationale.

D'autres membres demandent l'ordre du jour ! (L'Assemblée, consultée, décide que la lettre sera lue.)

M. Rühl donne lecture de cette lettre qui est ainsi conçue:

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Messieurs, je serai court... (Rires prolongés.) Médecin allemand et bien qu'étranger à la France, je me félicite de trouver une occasion d'offrir mon contingent à la dette commune, à une nation aimable et généreuse, en lui adressant un ouvrage qui peut être utile à l'espèce humaine. « Je suis avec respect, etc.

a Signé Bernard-Christophe FURT, docteur en médecine, à Buckembourg en Westphalie. »

Plusieurs membres demandent la mention honorable de l'hommage au procès-verbal et le renvoi de l'ouvrage et de la lettre au comité d'instruction publique.

(L'Assemblée agrée l'hommage, en décrète la mention honorable au procès-verbal et ordonne le renvoi de la lettre et de l'ouvrage au comité d'instruction publique.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi 10 janvier, au matin.

M. Baignoux, au nom du comité de l'ordinaire des finances, soumet à la discussion un projet de décret relatif aux formalités à ob

server par les payeurs de rentes de l'Etat (1). Ce projet de décret est ainsi conçu (2):

Décret d'urgence.

L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité dé l'ordinaire des finances, sur les difficultés que pouvait occasionner l'exécution de l'article 1er du décret du 13 décembre dernier, relatif au payement des rentes; considérant qu'il est important de les faire cesser, décrète qu'il y a urgence.

Décret définitif.

Art. 1er. L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que les certificats de résidence, exigés par l'article 1er du décret du 13 décembre dernier, et que les quittances ou duplicata de quittance des impositions exigés par le décret dû 24 juin précédent, seront remis au moment du payement, et rendus aux parties prenantes, après vérification. » « Art. 2. Il est enjoint aux contrôleurs de rentes de faire mention du vu des certificats et quittances, ou duplicata de quittance aux procès-verbaux des payements faits par chaque payeur, sous peine de responsabilité.

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Art. 3. Les certificats de résidence ne seront valables que pendant deux mois, à compter de la date du visa du directoire de district. »

«Art. 4. Le décret du 13 décembre dernier sera exécuté en tout ce qui ne déroge point, aux dis`positions du présent décret. »

« Art. 5. Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction. »>

Plusieurs membres demandent le renvoi de ce projet de décret à l'examen des comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances réunis.

(L'Assemblée renvoie le projet de décret aux comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances réunis.)

L'ordre du jour appelle la suite du rapport du comité colonial sur les troubles de Saint-Domingue (3).

M. Tarbé, rapporteur, s'exprime ainsi (4) : Messieurs, je viens au nom de votre comité colonial, vous soumettre la suite de son rapport sur les troubles de Saint-Domingue.

Cette seconde partie destinée à vous être présentée immédiatement après la première, dont elle est la conclusion, a été rédigée dans l'hypothèse des faits dont nous avions connaissance au 10 décembre dernier, ainsi que j'ai déjà eu l'honneur de vous l'observer.

Je crois cependant devoir la faire précéder du résumé du seul avis officiel qui nous soit parvenu depuis le 10 décembre; je veux parler de la lettre de M. de Blanchelande, en date du 22 oc

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tobre, transmise à l'Assemblée par le ministre de la marine.

Dans cette lettre, M. de Blanchelande annonçait (1) que les nègres révoltés, chassés des habitations d'Agoult et Galiffet, s'étaient repliés sur plusieurs habitations au bas des montagnes des quartiers de la Grande-Rivière et du Dondon; qu'on n'avait pu jusqu'alors combattre les révoltés dans ces parties, par la crainte de les faire refluer vers les paroisses de l'Est de la province; qu'une compagnie entière de gens de couleur avait été entourée et enlevée, sans que l'on pùt savoir si c'était de gré ou de force; qu'il y avait des divisions bien dangereuses parmi les citoyens blancs de Port-au-Prince, relativement au premier concordat, mais que des commissaires étaient nommés pour en rédiger un nouveau; que les citoyens de couleur des quartiers Léogane, du Grand-Goave et du Petit-Goave, avaient exigé que les municipalités fussent dissoutes; qu'en conséquence, les commandants pour le roi de Léogane et du Petit-Goave avaient été requis de reprendre leurs fonctions, dans toute l'étendue du terme, comme avant la Révolution de 1789; et que les citoyens de couleur, campés à la Croixdes-Bouquets, auraient opéré la même chose à Port-au-Prince, sans l'opposition du peuple et des soldats de Normandie et d'Artois.

Ces détails inquiétants sans doute, n'ajoutant cependant rien de positif aux données acquises jusqu'alors sur les causes des troubles de SaintDomingue, le comité avait cru ne devoir rien changer au rapport qu'il avait arrêté de vous faire, et dont je vais, suivant votre ordre, vous donner lecture:

Messieurs, la première partie du rapport de votre comité colonial vous à présenté la chaîne des événements qui se sont succédé à SaintDomingue depuis la Révolution jusque vers la fin de septembre.

Vous avez reconnu dans les événements de la première époque, l'histoire fidèle de nos troubles, lorsque nos prédécesseurs jetaient les premiers fondements de notre Constitution, sur les ruines du régime arbitraire.

La seconde époque vous a rappelé les nombreux écarts de la première assemblée coloniale; ses divisions avec l'assemblée provinciale du Nord, sa haine contre le gouverneur, et ses projets d'indépendance, malheureusement trop bien secondés par la lenteur du corps constituant à statuer sur le sort des colonies.

La troisième époque offre une suite d'événements incohérents; plusieurs paroisses se confédèrent pour venger la dissolution de la première assemblée coloniale; des révoltés incendiaires et assassins reçoivent la juste punition de leurs crimes; les soldats séduits immolent leur colonel à la vengeance d'un parti; la colonie est livrée au désespoir par la nouvelle du décret du 15 mai.

La quatrième époque est celle des troubles actuels de la colonie; révolte presque générale des noirs, dans la partie du Nord; réclamations, à main armée, des hommes de couleur libres, dans la partie de l'Ouest; quelques mouvements dans le Sud.

Tel est, en peu de mots, Messieurs, le résumé des faits dont vous nous aviez chargés de vous faire le rapport.

(1) Voir ci-après, page 263, la pièce justificative no 63.

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