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votre comité s'est déterminé à vous présenter les articles dont vous avez ordonné l'impression. Il a senti qu'il fallait encore un très grand nombre d'autres articles; mais ils seraient susceptibles de discussions qui seraient longues, qui retarderaient l'activité des tribunaux criminels. Je crois que l'Assemblée doit adopter le projet du comité en renvoyant les observations au rapport que le comité de législation doit faire.

M. Pastoret. J'ai aussi à faire des propositions additionnelles, mais je désire, comme le préopinant, qu'on mette d'abord aux voix les articles présentés par le comité, car je suis persuadé qu'on ne peut apporter trop de célérité à mettre en activité les tribunaux criminels.

(L'Assemblée ferme la discussion et adopte la proposition de M. Pastoret.)

(L'Assemblée décide ensuite que la discussion sera ouverte article par article.)

M. Lamarque, rapporteur, fait lecture du décret d'urgence, qui est adopté en ces termes :

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de législation, considérant qu'il importe essentiellement que les tribunaux criminels établis dans chaque département entrent en activité, et qu'il soit procédé, sans aucun délai, à l'instruction et au jugement des affaires criminelles suivant la loi du juré, décrète qu'il y a urgence. »

M. Lamarque, rapporteur, lit l'article 1er du décret définitif.

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« L'installation se fera dans la forme qui a été prescrite par la loi du 24 août 1790, pour les tribunaux de district. »

M. Lamarque, rapporteur, donne lecture de l'article 3 qui est ainsi conçu :

Le président, les juges, l'accusateur public et le greffier prêteront, devant le conseil général de la commune, le serment civique prescrit par la Constitution et ils jureront, en outre, de remplir avec exactitude et impartialité les fonctions de leurs offices. »

M. Mouysset. Je demande la question préalable sur l'article 8 et sur le suivant : la loi du 24 août 1790 porte tout ce qui est dit dans cet article.

M. Lemontey. Il faut dispenser du serment les juges de district puisqu'ils l'ont prêté antérieurement. Comme ces trois juges sont sujets à changer tous les 3 mois, il faudrait que les nouveaux juges appelés prêtassent aussi un nouveau serment, ce qui serait absolument ridicule. Ainsi, en appuyant l'article en ce qu'il fera prêter le serment au président, à l'accusateur public et au greffier. Je demande la question préalable sur le nouveau serment des juges de district. Ils ne font pas de fonctions nouvelles et ne sont appelés qu'à remplir pendant 3 mois des fonctions instantanées.

Un membre Sans doute, comme vous l'a fait observer M. Lemontey, les juges de district auront prêté le serment et ne doivent pas le prêter de nouveau; mais ils sont appelés à remplir des fonctions bien supérieures à celles qu'ils remplissent comme juges de district; car ils sont alors juges de tout un département. Je pense que les juges doivent de nouveau prêter serment. Je demande donc que l'article soit mis aux voix.

Un membre: Je m'oppose formellement au serment. L'Assemblée nationale se doit à elle-même de ne pas prescrire un serment inutile. Les juges de district ont prêté une première fois le serment de remplir fidèlement leurs fonctions, tant au civil qu'au criminel; c'est pourquoi je pense que nous ne devons pas décréter qu'ils en prêteront un nouveau.

M. Delacroix. Je pense qu'il est indispensable que les juges de district, choisis pour composer ce tribunal, prêtent le serment comme le président; et je me fonde sur ce que les fonctions qu'ils vont remplir sont différentes de celles qu'ils remplissaient. En effet, Messieurs, ils ne remplissaient leurs premières fonctions que dans le territoire de leur district, ils avaient pour justiciables les administrés du district. Au contraire, dans leurs nouvelles fonctions, ils vont avoir pour justiciables tous les administrés du département. Il faut donc qu'ils prêtent ce serment, et j'appuie la proposition du comité.

M. Couthon. Je regarde comme très immoral de multiplier les serments. Je ne connais pas de bornes au serment qu'ont fait les juges de district. Ils ont juré de maintenir la Constitution, de remplir fidèlement les fonctions de leur office. Ce sont les termes de la loi. Or, leur office était de juger au civil comme au criminel. On a beau dire qu'ils ne doivent juger que les affaires civiles et criminelles des habitants de leur district, le nombre de leurs justiciables ne change pas la nature de leur serment. Le répéter encore une fois ce serait une immoralité. Mais M. Lemontey vous a donné une raison à laquelle personne n'a répondu. Il vous a dit: Si vous jugez qu'au moment de l'installation le serment soit absolument nécessaire, soit pour le président, soit pour l'accusateur public, soit pour le greffier, soit pour les 3 juges qui doivent élémentairement former le tribunal criminel, il le deviendra tous les 3 mois pour les nouveaux juges de district qui viendront remplacer les premiers. Or, devant qui les juges de district, tous les 3 mois à chaque renouvellement, prêteront-ils ce nouveau serment? Faudra-t-il encore que le conseil général de la commune vienne, pour le peuple, recevoir ce serment, et faudra-t-il que le peuple, de son côté, fasse dans les personnes des conseil généraux, le serment de porter au tribunal et à ses jugements le respect et l'obéissance que tout citoyen doit à la loi et à ses organes ? Je de

mande donc la question préalable sur le serment des juges.

Plusieurs membres : La discussion fermée!

(L'Assemblée ferme la discussion et décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le serment des juges.)

M. Lamarque, rapporteur. En conséquence de la proposition que vous venez d'adopter, voici comment je propose de rédiger l'article 3:

Art. 3.

« Le président, l'accusateur public et le greffier prêteront, devant le conseil général de la commune, le serment civique prescrit par la Constitution, et ils jureront, en outre, de remplir, avec exactitude et impartialité, les fonctions qui leur seront confiées. >>

(L'Assemblée adopte l'article 3 ainsi rédigé.) M. Lamarque, rapporteur. L'article 4, qui n'était que le développement de l'ancien article 3, doit être supprimé.

M. le Président interrompt la délibération pour annoncer le résultat du scrutin pour la nomination de 3 secrétaires. Les secrétaires élus sont MM. Antonelle, Broussonnet et Gérardin. M. Lamarque rapporteur, donne lecture de l'article 5, qui devient l'article 4 et est ainsi conçu :

Art. 4 (ancien art. 5).

« Le président et les 3 juges composant le tribunal, procéderont à la nomination de deux huissiers, conformément à la loi du mois de juin 1791; et le traitement de ces huissiers sera incessamment fixé par l'Assemblée nationale.

Plusieurs membres présentent des observations sur l'article 4 et en demandent l'ajournement. D'autres membres: La question préalable sur l'ajournement!

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement et adopte l'article 4.) M. Lamarque, rapporteur, donne lecture des articles 6, 7 et 8 qui deviennent les articles 5, 6 et 7, et qui sont ainsi conçus :

Art. 5 (ancien art. 6).

« Dans les départements où le président du tribunal criminel, ou l'accusateur public, ou l'un et l'autre à la fois, sont absents, soit parce qu'ils ont été députés à l'Assemblée nationale, soit pour toute autre cause légitime, il sera pourvu à feur remplacement provisoire de la manière qui suit. »

Art. 6 (ancien art. 7).

« Dans le cas où le président et l'accusateur public manqueraient à la fois dans le même département, il sera pris dans les tribunaux de district, suivant le mode indiqué par la loi du mois de janvier dernier, pour la formation du tribunal, 5 juges au lieu de 3, lesquels nommeront au scrutin celui d'entre eux qui devra remplacer provisoirement le président du tribunal, et celui qui devra être chargé, aussi provisoirement, des fonctions de l'accusateur public. »>

1re SÉRIE. T. XXXVII.

Art. 7 (ancien art. 8).

«S'il se trouve seulement l'un de ces deux fonctionnaires, soit le président, soit l'accusateur public, absent, pour les causes exprimées dans l'article 6 du présent décret, il sera pris dans les tribunaux de discrict, suivant le même mode, 4 juges, qui nommeront aussi au scrutin celui d'entre eux qui devra remplacer le fonctionnaire absent; et, en cas de partage, le plus âgé des candidats sera préféré. »

M. Mouysset. Ces derniers articles me paraissent incomplets. Je demande que le comité fixe la question de savoir si le président et l'accusateur public nommés provisoirement, d'après les formes proposées, doivent être renouvelés tous les 3 mois ou remplir leurs fonctions pendant tout le temps que durera l'absence du président et de l'accusateur public et si les appointements des suppléants en exercice seront les mêmes que ceux du président et de l'accusateur public.

J'observe en outre que, dans plusieurs départements, les corps électoraux, en portant à la législature le président et l'accusateur public, ont nommé des suppléants, et je dis qu'il est juste que ces élections soient maintenues, parce que les suppléants ainsi nommés ont la certitude d'avoir obtenu la confiance publique.

Plusieurs membres combattent successivement les observations de M. Mouysset: Ils pensent que les corps électoraux, en nommant les suppléants des présidents et accusateurs publics des tribunaux criminels, ont outrepassé la mission et les pouvoirs qui leur sont délégués par la loi. Ils représentent qu'il serait dangereux de leur permettre d'interpréter ainsi la loi et de faire au delà de ce qu'elle leur permettait. Ils demandent que les articles soient adoptés tels qu'ils sont proposés par le comité.

Plusieurs membres demandent l'ajournement de l'article 7.

(L'Assemblée rejette l'ajournement demandé sur l'article 7 et décrète les articles 5,6 et 7 sans amendement.)

M. Basire. Je demande si, en adoptant ces articles, l'Assemblée a entendu annuler les élections faites par les corps électoraux, des suppléants du président et de l'accusateur public.

Plusieurs membres : Certainement! certainement!

M. Lamarque, rapporteur, fait une nouvelle lecture des deux articles additionnels qu'il a présentés au cours de la séance (1) et qui ont donné lieu à un nouveau rapport; ils sont ainsi

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Deuxième article additionnel.

« Ces mêmes tribunaux seront tenus d'envoyer devant les juges des tribunaux de la police correctionnelle, toutes les affaires qui, d'après la loi, seront de la compétence de ces juges. »

(La discussion est ouverte sur ces deux articles.) M. Crestin. J'ai un amendement à présenter sur le premier article. Il n'est pas douteux et nous en convenons tous qu'un des plus grands biens de la Constitution, est l'établissement du jugement par le juré. Or, si cela est ainsi, nous devons saisir tous les moyens de faire participer à ce bienfait le plus de citoyens qu'il sera possible.

Il est possible qu'il y ait beaucoup de procédures, pour crimes méritant peine capitale et infamante, qui ne soient encore portées qu'au degré du juré d'accusation; je veux dire à la plainte, au décret et à l'interrogatoire. Je ne vois pas, Messieurs, quel inconvénient il y aurait de faire passer les décrets d'accusation au juré d'accusation; et ensuite de faire participer les accusés au juré de jugement. Je demande donc qu'il soit fait une distinction entre les différents degrés de procédures et qu'il soit dit que tous les accusés qui sont actuellement soumis à l'instruction dans les tribunaux de districts et dont les procédures ne sont portées qu'au décret et à l'interrogatoire inclusivement, participeront au bienfait de l'institution des jurés; qu'en conséquence ils seront transférés dans les prisons du tribunal criminel, pour leur procédure être ultérieurement instruite dans la forme de la procédure du juré et leur jugement être rendu en conséquence.

M. Bigot de Préameneu. J'appuie la proposition du préopinant, et je vais lui donner quelques développements qui me semblent nécessaires pour qu'elle soit sentie. Je distingue dans la procédure ancienne comme dans la nouvelle, trois époques au lieu de deux qui vous ont été présentées.

Dans l'ancienne procédure, il y a la plainte et l'information qui en est la suite, le décret et le règlement à l'extraordinaire qui emportent le récolement et la confrontation. La partie de la procédure jusqu'au décret est parfaitement analogue à l'institution des jurés.

En effet, Messieurs, dans l'instruction par juré, les dépositions des témoins doivent être écrites elles sont remises aux mains du président ou directeur au juré qui ne doit point en faire part au juré, mais elles lui servent de renseignement. Ainsi quant aux accusés contre lesquels il n'y a maintenant qu'une plainte suivie d'information sans décret, il me parait qu'ils sont évidemment dans le cas de l'instruction par juré.

Quand le décret est rendu, ce décret que j'assimile absolument à l'acte d'accusation rend la question beaucoup plus difficile. Mais, Messieurs, la procédure par juré étant véritablement la plus conforme à l'humanité, il faut chercher ce qui est le plus avantageux à l'accusé. Peut-on fui contester le droit de choisir entre les deux procédures celle qu'il croit plus propre à prouver son innocence? Or, Messieurs, voici ce qui me paraît à cette époque être contre l'accusé et ce qui me parait pour. D'une part, il perd la faculté de l'appel s'il adopte le jugement par juré; il a seulement, à la confrontation, la faculté de

pouvoir discuter lui-même les témoins; mais voici d'un autre côté ce qu'il y gagne. D'abord, les témoins sont examinés et cet examen des témoins, tel qu'il est établi par la loi des jurés, est beaucoup plus propre à découvrir la vérité par la discussion qui s'ouvre entre l'accusé, ses conseils, les témoins et l'accusateur public. Il y a encore dans l'ancienne forme l'inconvénient des témoignages écrits qui sont le seul fondement des preuves légales, tandis que par l'institution des jurés, l'accusé ne sera condamné que d'après leur conviction intime. Un troisième avantage encore plus grand, est celui de la promptitude du jugement.

Une dernière époque de la procédure est quand le récolement et la confrontation sont commencés; alors il y a eu ordre de procédure tellement établi sur l'ancienne forme, qu'on ne peut pas revenir à la nouvelle. En effet, les témoins ne peuvent plus, après le récolement, varier dans l'ancienne loi, sans être dans le cas de l'accusation comme faux témoins. Il faudrait donc déroger à cette loi, si vous vouliez conserver àl'accusé le droit d'être jugé par les jurés. Ainsi Messieurs, je crois que forsqu'il n'y a point encore de décret, rien n'empêche que les accusés ne soient jugés par juré; lorsqu'il y a décret, comme il y a des raisons pour et contre, le choix doit lui être laissé entre l'ancienne et la nouvelle loi; mais quand les récolements et la confrontation sont commencés, alors l'accusé doit être jugé suivant les anciennes formes. Voici mon projet de décret :

« Art. 1o Les procédures sur les plaintes ou dénonciations non suivies d'information, et sur celles suivies d'information sans qu'il y ait eu de décret prononcé, seront continuées dans la forme du juré, et sans qu'il soit donné aux jurés lecture de ces informations.

« Art. 2. Si les plaintes et dénonciations ont été suivies de décret, ou même d'un règlement à l'extraordinaire, sans qu'il y ait eu récolement ou confrontation, il sera laissé à l'option des accusés d'être jugés suivant les anciennes formes ou dans celles du juré, laquelle option les accusés seront tenus de faire dans 8 jours, à compter de la publication du présent décret, passé lequel temps les procédures seront continuées suivant les anciennes formes.

Art. 3. Si les plaintes et dénonciations ont été suivies d'un règlement à l'extraordinaire sur lesquelles il y ait eut quelque témoins récolés et confrontés, les procédures seront continuées suivant les formes anciennes. >>

M. Hua. Je n'adopte pas les principes du préopinant, et j'attaque aussi l'article de votre comité, comme inconstitutionnel. La déclaration des Droits de l'homme, l'Acte constitutionnel disent que tous les hommes sont libres et égaux en droits. Cette égalité, Messieurs, qui est si juste dans l'ordre civil et politique, est bien plus précieuse encore en matière criminelle; et j'ose dire qu'à cet égard elle devient sacrée, et qu'aucune autorité ne peut y toucher. Que vous propose votre comité? une distraction entre les hommes parfaitement égaux. Les uns seront jugés selon les formes très favorables du juré; les autres, au contraire, seront abandonnés aux anciennes formes. Une pareille disposition ne peut pas subsister. Nous avons ici deux choses à considérer, l'intérêt des accusés personnellement, et l'intérêt de l'institution à elle-même. Sans doute, l'intérêt des accusés serait qu'ils fus

sent tous jugés par le juré; mais je crois que l'intérêt de l'institution s'oppose à ce renvoi que l'intérêt des accusés sollicite. En renvoyant au juré toutes les affaires actuellement existants dans les tribunaux, vous courriez le risque d'étouffer, pour ainsi dire, dès sa naissance, l'institution si sublime du juré.

Je crois donc que nous devons prendre un parti général; il faut dire que toutes les affaires actuellement existant dans les tribunaux y resteront pour être jugées suivant les formes établies, et dire ensuite que le juré ne connaîtra que des affaires postérieures à son établissement. C'est, je crois, le seul moyen de concilier l'intérêt dé l'institution avec l'intérêt de l'accusé.

M. Thuriot. Messieurs, M. Hua s'est élevé contre le système du comité; et je suis fort étonné qu'il ait terminé par l'adoption précise du projet du comité. Pour moi, Messieurs, je suis de l'avis du comité; mais c'est à regret dans ce moment que je l'appuie, car je proposerais dans toute autre circonstance les articles qui ont été présentés par M. Bigot comme plus concordants et rendant plus efficace le bienfait qui semble avoir été assuré par l'Assemblée constituante. Mais je vous demande comment il serait possible que les nouveaux tribunaux rendissent la justice qui est attendue depuis si longtemps, si vous les chargiez à l'instant même de toutes les instructions commencées dans tous les tribunaux de France. A Paris seulement, il y a dans les prisons 1,200 accusés: or, je vous demande si le tribunal criminel qui est établi dans la capitale, pourra, dans l'année, prononcer sur ces 1,200 accusations; cela est impossible. En calculant bien la marche des instructions et la nécessité de réfléchir pour prononcer avec sagesse et appliquer la loi avec exactitude, je ne conçois pas que le tribunal de Paris puisse juger par an plus de 350 procès. Cela posé, je crois que l'on ferait une grande faute en le chargeant à l'instant même de toutes les accusations existant dans l'étendue du département de Paris.

Mais d'un autre côté, je dís qu'il ne faut pas se borner aujourd'hui, relativement à Paris, à conserver aux tribunaux la connaissance et le jugement des affaires il faut encore, puisqu'il est bien démontré qu'un seul tribunal ne peut pas suffire dans Paris, que le comité de législation soit chargé d'examiner la question de savoir si l'on ne doit pas en établir plusieurs. Ainsi, d'après ces observations, je crois devoir proposer un amendement à l'article du comité. Il ne prévoit pas le cas où le tribunal, saisi en première instance, prononcera, et où l'accusé voudra interjeter appel. Il faut que ce cas soit prévu dans l'article, et que lorsque l'accusé voudra interjeter appel du jugement, on suive le mode ancien, et que l'appel soit porté aux sept tribunaux d'arrondissement, et jugé souverainement, conformément à la loi.

M. Crestin. L'amendement que j'ai eu l'honneur de présenter à l'Assemblée nationale, et qui a été appuyé par M. Bigot, est combattu par les deux préopinants, sous deux différents prétextes. D'abord, M. Hua l'a attaqué, sous prétexte qu'il se trouverait de l'inégalité entre les traitements que la loi ferait aux accusés dans la même position. Je rétorque moi-même cet argument; car s'il y a une inégalité, c'est certainement dans la disposition qui introduirait une sorte de procédure pour un accusé et une autre sorte de procédure pour un autre accusé, dans les mêmes circonstances.

Actuellement, répondant à M. Thuriot, je maintiens qu'il n'a pas réfléchi que la seule assemblée de juré, fixée au 15 de ce mois, expédiera infiniment plus d'affaires que n'en expédieront les six tribunaux de Paris dans l'espace de six mois. (Bah! bah!) Hé, Messieurs, les contraventions, les récolements, les récusations, les différents interrogatoires, les informations d'addition, étant toutes écrites, emportent infiniment plus de temps que n'en emporterait une confrontation d'égale étendue, par devant une seule assemblée de juré qui ne suit aucun de ces errements, si ce n'est qu'elle prend des notes simples et fugitives qui ne servent qu'à fixer la mémoire du juré. Il est possible que le moyen que j'ai proposé ait quelques inconvénients à Paris, en raison du grand nombre d'accusés qui s'y trouvent; mais, Messieurs, la situation seule de Paris ne peut pas faire loi; il suffit que ces inconvénients n'existent pas autre part... (Murmures.) J'insiste donc pour mon amendement.

M. Goujon. La séance est trop avancée pour donner à la discussion toute la maturité nécessaire à l'importance de cet objet. Je demande l'ajournement de la suite de la discussion à demain. (Appuyé! appuyé !)

(L'Assemblée ajourne la suite de la discussion à demain.)

(La séance est levée à 3 heures et demie.)

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du mardi 10 janvier 1792, au soir.

PRÉSIDENCE DE M. DAVERHOULT.

La séance est ouverte à six heures du soir. Un membre demande que la discussion du projet de décret relatif à la réclamation de la dixième compagnie du second bataillon des gardes nationales volontaires du département de la Manche, soit mise à l'ordre du jour de ce soir.

(L'Assemblée décrète cette motion.)

(Il s'élève une discussion assez vive sur l'ordre de la parole; plusieurs membres parlent au milieu du bruit et demandent à présenter des rapports au nom de divers comités.)

M. le Président. Il y a une centaine de rapports arriérés. Le président n'est pas le maître de donner arbitrairement la parole. Il serait à désirer que l'Assemblée prît un moyen pour dégager ses comités.

Plusieurs membres réclament la parole.

M. Regnault-Beaucaron. On réclame de toutes parts sur la manière dont l'Assemblée nationale suit l'ordre du jour. Le comité féodal, dont je suis membre, a été jusqu'à ce jour forcément sans activité et cependant il tient de près à l'intérêt du peuple des campagnes qui doit être aussi cher à l'Assemblée que celui des villes et il a à sa disposition une artillerie aussi redoutable pour les ci-devant puissances émigrées, que celle qui repose en la main de vos comités militaire et diplomatique, auxquels on ne refuse jamais la parole. Eh bien, jusqu'ici, vous l'avez paralysé. Je demande donc, de deux choses l'une, ou que l'on supprime le comité féodal,

dont l'entretien est aussi dispendieux que celui de vos autres comités, ou qu'on lui accorde la parole à son tour pour les rapports qu'il a à faire. (Applaudissements.)

M. Jean Debry (Aisne). Messieurs, une loi générale a été rendue relativement aux emplacements des corps administratifs; mais des circonstances et un acte formel de la ville où l'administration du département de l'Aisne a été placé, met les administrés de ce département et les administrateurs dans une position particulière. C'est au nom de toute leur enclave et de l'intérêt de l'administration même que celle du département de l'Aisne réclame une exception à la loi générale. Voici sa pétition. J'en demande le renvoi au comité des domaines pour en faire son rapport dans le plus court délai.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des domaines.)

M. Mulot. Je demande la parole pour une motion d'ordre. Je crois qu'il ne peut pas être indifférent à l'Assemblée qu'un de ses membres inculpés cherche à presser le moment de sa justification. Je n'ai qu'un mot à dire.

(L'Assemblée décide que M. Mulot sera entendu.)

M. Mulot. Messieurs, j'ai appris avec une peine mêlée de reconnaissance, qu'hier matin, à l'ouverture de séance, vous avez décrété de passer à l'ordre du jour sur la demande bien naturelle faite par un de nos collègues d'ajourner, à un jour fixe et prochain, le rapport des comités des pétitions et de surveillance sur l'affaire d'Avignon (1). Ma reconnaissance est appuyée sur cette base, que vous n'avez pas voulu prononcer sur ce qui me concernait, d'après les allégations de nos ennemis et qu'il fallait attendre des preuves certaines qui doivent parvenir par le tribunal que vous avez institué. Ma peine a eu pour cause l'incertitude dans laquelle vous me laissez sur l'opinion que vous avez et que vous laissez au public sur ma conduite.

Consacré à la Révolution dès le 14 juillet, par principes et par goût; ayant contribué depuis cette époque sans relâche à l'affermir, il ne m'est pas et il ne peut pas m'être indifférent d'être un seul instant soupçonné d'être son ennemi. Le doute, que des détracteurs intéressés ont jeté sur ma conduite à Avignon, est fâcheux à mon cœur, et vous ne pourrez sans doute qu'approuver la démarche que je fais en ce moment, en vous priant d'ordonner un rapport des comités auxquels vous avez renvoyé ce qui me concerne. Les pièces fournies par mes adversaire sont-elles en ce moment concluantes? Celles que j'ai fournies ne me disculpent-elles pas? C'est ce que vous avez à décider. La situation actuelle d'Avignon ne peut me concerner. Déclarez que votre confiance ne m'est pas enlevée; rendez-moi mon honneur. (Kires ironiques dans une tribune.)

Quelques membres se lèvent et demandent que les rieurs soient chassés.

M. Mulot... Je ne crains rien des recherches postérieures, et j'attends tout de votre justice.

M. Charlier. Si la délicatesse de M. l'abbé Mulot l'a porté à demander ou à appuyer la motion qui a été faite, la dignité de l'Assemblée nationale, la sûreté publique même exigent que

(1) Voy. ci-dessus, séance du lundi 9 janvier 1792, page 167, la motion de M. Gastellier.

l'on maintienne à une époque irrévocablement décidée le rapport d'Avignon. La conscience de M. l'abbé Mulot peut s'annoncer comme intacte; j'aime à le croire; mais il est certain que l'affaire d'Avignon tient en ce moment à la tranquillité de la France entière. Il est certain qu'il existe là un foyer de contre-révolution ; il est bien certain que l'aristocratie est aux prises avec le patriotisme. Nous pouvons nous en prendre dans ce moment-ci sur ceux mêmes qui sont dans les prisons et je demande que le décret rendu hier ne soit pas révoqué. Au jour fixé M. l'abbé Mulot paraîtra avec l'innocence qui peut lui appartenir. M. l'abbé Mulot, comme tant d'autres, pourra se trouver sous le glaive de la loi. (Applaudissements dans les tribunes.) Je demande donc que le rapport soit fait à l'époque indiquée.

M. Mulot. C'est précisément parce qu'on n'a pas ajourné à jour fixe que j'ai réclamé.

M. Lecointe-Puyraveau. M. l'abbé Mulot vous a dit rendez-moi votre confiance; rendezmoi mon honneur. On peut lui répondre : Une preuve qu'on n'a pas à vous rendre votre honneur, et que rien ne peut l'établir davantage, c'est que vous siégez parmi nous. Jusqu'ici, Messieurs, qu'avez-vous vu dans l'affaire d'Avignon? Des allégations d'un parti, des allégations de l'autre, ou du moins des conjectures. C'est donc d'après des considérations bien sages que l'Assemblée a passé hier à l'ordre du jour; elle n'a pas voulu se décider d'après les faits allégués par l'un ou l'autre parti; elle a voulu attendre que les juges du tribunal qu'elle a institué lui envoyassent des informations pour se décider d'après des relations impartiales. Je ne crois pas qu'elle puisse revenir aujourd'hui sur une mesure aussi sage. Je crois, au contraire, que l'on doit attendre ces informations et passer, comme hier, à l'ordre du jour.

Plusieurs membres: Appuyé! appuyé !

(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.) M. Depère, au nom du comité de l'extraordinaire des finances, présente un projet de décret relatif à l'emplacement de l'administration du département des Ardennes..

Ce projet de décret est ainsi conçu (1) :

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