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principes du bien, par les principes de l'équité, et que sa correspondance.....

Un membre: Voilà ce qu'il faut dire à la tribune.

M. Dorizy... avec le ministre prouvera que le ministre a montré beaucoup de zèle pour la chose publique. Je demande que tous vous rendent compte de leur conduite; et vous verrez alors, Messieurs, que souvent l'intérêt particulier, que souvent les spéculations ont retardé l'effet des mesures qu'il a prises. On vous a présenté M. Johannot. M. Johannot est un excellent faiseur de papier dont la papeterie est renommée en France, mais qui a le malheur de demeurer à 145 lieues de Paris. Au surplus, vous verrez, Messieurs, tous les motifs qui ont fait agir le comité; et j'espère que mes collègues et moi nous aurons la satisfaction d'obtenir l'approbation de l'Assemblée nationale, et que nous n'entendrons plus les tribunes applaudir quand on inculpera les comités ou les membres de l'Assemblée. (Applaudissements.)

Plusieurs membres : La discussion fermée ! (L'Assemblée ferme la discussion.)

Plusieurs membres : La priorité pour la motion de M. Dorizy.

(Après deux épreuves successives, l'Assemblée accorde la priorité à la motion de M. Dorizy.)

M. Delacroix. Je propose, par amendement, que le commissaire du roi et le ministre soient tenus d'envoyer leur compte au comité des assignats et monnaies qui le communiquera ensuite à l'Assemblée avec les observations qu'il pourrait y faire.

(Plusieurs amendements sont successivement proposés et rejetés.)

(L'Assemblée décrète la motion de M. Dorizy avec l'amendement de M. Delacroix.)

En conséquence, le décret suivant est rendu : « L'Assemblée nationale décrète que le ministre des contributions publiques et le commissaire du roi rendront compte, chacun à leur égard, à l'Assemblée nationale des marchés faits pour la fabrication des 300 millions d'assignats de 5 li

vres.

« L'Assemblée nationale se réserve de statuer sur ce compte, après le rapport qui lui en sera fait par son comité des assignats et monnaies, qui sera tenu de l'instruire de ce qu'il a arrêté sur cette fabrication. »

M. le Président annonce que la dame Bazire de Sainte-Croix, veuve d'un administrateur des hôpitaux, fait hommage à l'Assemblée des travaux de son mari sur le régime des hôpitaux civils et demande une pension.

(L'Assemblée renvoie la lettre de la dame Bazire et les pièces qui y sont jointes au comité des secours publics.)

M. Crestin, au nom du comité des domaines, demande à faire un rapport, qui est prêt depuis plusieurs jours, sur les ordres de Saint-Lazare et du Mont-Carmel et propose de s'occuper de cet objet important avant toute autre délibération.

(L'Assemblée décide qu'elle passera à cette discussion immédiatement après un court rapport du comité des domaines relatif au district de Beauvais.)

M. le Président invite l'Assemblée à se retirer séance tenante dans les bureaux pour la nomination d'un vice-président, en remplacement

de M. Daverhoult, nommé président, et de trois secrétaires, en remplacement de MM. Ramond, Jaucourt et Lasource, secrétaires sortants.

L'Assemblée se retire dans les bureaux, puis rentre en séance. (Voy. ci-après p. 206 et p. 209.)

M. Benoiston, au nom du comité des domaines, fait un rapport et présente un projet de décret relatif à l'emplacement de l'administration du district de Beauvais, département de l'Oise (1); ce projet de décret est ainsi concu :

Décret d'urgence.

« L'Assemblée nationale, considérant combien il est instant de pourvoir au nouvel établissement demandé par l'administration du district de Beauvais, et surtout au déplacement de ses registres et papiers, attendu le mauvais état dans lequel ils se trouvent en la maison des ci-devant mínimes, où cette administration s'était établie provisoirement, décrète qu'il y a urgence. »

Décret définitif.

« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des domaines, et sur l'avis du ministre de l'intérieur, après avoir préalablement décrété l'urgence, autorise le directoire du district de Beauvais, au département de l'Oise, à louer, pour y transporter son établissement et ses archives, la maison ci-devant occupée par l'état-major des gardes du corps du roi, dans ladite ville de Beauvais, en se conformant à la loi du 6 août 1791, relativement à l'estimation de la valeur locative de cette maison.

«Autorise pareillement le directoire à faire procéder à l'adjudication, au rabais, des ouvrages et arrangements nécessaires dans l'intérieur de ladite maison pour le placement des bureaux, sans que néanmoins l'adjudication puisse excéder la somme de 1,200 livres, suivant l'état estimatif dressé par le sieur Rolland, architecte ; pour le montant de ladite adjudication, ainsi que le prix de la location, être supportés par les administrés du district de Beauvais.»

Un membre: Il est nécessaire, Messieurs, de nous occuper sans délai de plusieurs réformes devenues indispensables dans la division actuelle du royaume, et de la réduction du nombre des districts, dont la multiplicité surcharge les administrés d'une augmentation considérable d'impositions. Je demande donc que le comité de division soit chargé de présenter sans délai un projet de décret qui indique le mode d'après lequel les administrés doivent émettre leur vou pour la réduction des districts, cantons et munici palités et qui présente des vues générales sur les changements à faire dans la division du royaume. Je demande, en outre, l'ajournement du projet de décret du comité de domaines jusqu'après le rapport du comité de division.

Un membre propose l'ajournement de cette motion à dix ans.

M. Benoiston, rapporteur, présente quelques observations et demande qu'on passe à l'ordre du jour sur la motion.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la motion, puis adopte le décret d'urgence et le décret définitif.)

(1) Voy. Archives parlementaires, 1re série, t. XXXV, séance du 28 novembre 1791, page 406.

Un membre. Je demande que conformément à la loi du 20 juillet dernier ce décret ne soit envoyé que dans le département de l'Oise, et en manuscrit seulement.

(L'Assemblée décrète cette motion.)

M. le Président fait connaître les différents objets qui sont à l'ordre du jour et observe que MM. les rapporteurs ne sont pas entièrement d'accord sur la priorité.

Plusieurs membres réclament la priorité pour le rapport sur les subsistances.

Après de vifs débats, l'Assemblée accorde la priorité au projet de décret tendant à accélérer l'instruction et le jugement des affaires criminelles suivant la loi duj uré.

M. Lamarque, rapporteur du comité de législation civile et criminelle, obtient en conséquence la parole et fait un rapport tendant à l'addition de deux nouveaux articles au projet de décret présenté par le comité (1) à la séance du 30 décembre 1791; il s'exprime ainsi :

Messieurs, avant que la discussion s'engage sur le projet relatif aux tribunaux criminels, dont vous avez sous les yeux l'imprimé, je pense qu'il est à propos de vous faire connaître quelarticles que le comité de législation a cru ques devoir y ajouter comme également urgents. Les voici :

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Ces mêmes tribunaux seront tenus d'envoyer devant les juges des tribunaux de la police correctionnelle, toutes les affaires qui, d'après la loi, seront de la compétence de Ces juges.

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Ce dernier article, Messieurs, n'a éprouvé aucune difficulté; mais le premier ayant été vivement débattu, votre comité a cru nécessaire de vous faire connaître les motifs qui ont déterminé son opinion. Ici j'ose appeler toute votre attention sur une question qui en est véritablement digne. Il s'agit de savoir si, en décrétant l'article qui vous est proposé par le comité, vous porteriez atteinte au droit des citoyens accusés, ou si, en adoptant le parti opposé, vous attaqueriez le principe même de l'institution des jurés, qui forme une des principales bases de la liberté publique. Je ne dois donc pas vous dissimuler que votre comité de législation trouvait injuste que l'instruction et le jugement par jurés ne pussent pas s'appliquer aux affaires commencées et actuellement existantes dans les tribunaux, en partant de ce principe universellement reconnu, qu'en matière criminelle, la procédure qui peut servir le mieux à découvrir et à sauver l'innocence est aussi nécessairement la plus sage et la plus juste.

Voici, d'après ce principe, comment il raisonnait le citoyen qui se trouve accusé et poursuivi dans les tribunaux actuellement existants, ne doit pas être traité avec plus de rigueur que

(1) Voy Archives parlementaires, 1re série, t. XXXVI, séance du 30 décembre 1791, page 664, le premier rapport de M. Lamarque sur cet objet.

celui qu'on accusera et qu'on poursuivra à l'avenir suivant la loi du juré. Tout dépend donc de la question de savoir s'il est véritablement avantageux pour un accusé que la procédure commencée contre lui soit continuée et jugée suivant les formes de cette nouvelle institution; et pour être convaincu de l'affirmative, il suffit de parcourir les articles relatifs au tribunal criminel et au juré de jugement.

La première observation porte sur la formation même du juré; et, sous ce rapport, l'avantage du juré est incontestable.

En effet, le tableau des 12 jurés de jugement, se prend au sort dans la liste de 200, après que l'accusateur public en a exclu 20; le tableau est présenté à l'accusé qui peut récuser tous ceux qui le composent; et ce n'est que lorsqu'il a fait ainsi 20 récusations successives, sans en exprimer les motifs; ce n'est qu'alors qu'il est obligé de motiver, et de faire juger par le tribunal les autres récusations qu'il voudrait faire ensuite. Voilà un avantage que l'accusé ne trouve pas dans les tribunaux de district. D'un autre côté, bien loin que ces 12 jurés que l'accusé lui-même s'est choisis, soient contraints par des formes rigoureuses, et par le texte d'une déposition à prononcer, ainsi que le faisaient souvent les anciens tribunaux contre leur conviction intime, chacun fait le serment de se décider avec sa conscience et son intime conviction, avec la fermeté et l'impartialité qui conviennent à un homme libre. Même avantage d'apprécier et de fixer les dépositions des témoins: d'abord la liste de ceux qui doivent déposer devant le juré de jugement doit être notifiée à l'accusé 24 heures au moins avant l'examen; après chaque déposition, le président lui demande s'il a à répondre à ce qui vient d'être dit contre lui, et l'accusé, ainsi que ses amis et conseils (observez, Messieurs, qu'il a le droit d'en choisir deux au lieu d'un), l'accusé peut dire, tant contre les témoins que contre leur témoignage, ce qu'il juge utile à sa défense; il peut, immédiatement après, faire entendre les siens, questionner ceux de ses accusateurs, demander qu'ils soient entendus en présence les uns des autres, demander encore, après qu'ils auront déposé, que ceux qu'il désignera se retirent de l'auditoire, et qu'un ou plusieurs d'entre eux soient entendus de nou

veau.

Enfin, il peut faire, entendre des témoins pour attester qu'il est homme d'honneur et de probité; toutes ces épreuves, tous ces moyens de défensé qu'établit la nouvelle loi, et qui souvent, dans l'opinion du juré, détruisent les témoignages les plus formels en apparence, tous ces moyens sont nuls dans les anciennes lois, et ne recevront aucune application dans les tribunaux de district.

:

Autre avantage encore le juré ne doit prononcer que sur ce qui est porté dans l'accusation, quelle que soit la déposition des témoins; cette règle dictée par l'équité, par la raison, dé tous les temps, et qui cependant ne se trouve point non plus dans les lois antérieures au juré, a été jusqu'à ce jour méprisée par ces tribunaux. Qui nous répondra qu'elles seront maintenant respectées, si l'on dispense les tribunaux de suivre la foi du juré?

Mais, a-t-on dit, à ces considérations prises de la formation du juré, de ce qui détermíne sa décision et de la manière dont les dépositions sont discutées et combattues, se joint un autre motif bien plus décisif encore, c'est celui qui résulte

de ce que la loi du juré, par une disposition dont l'avantage est inappréciable, sépare la question de fait de celle de droit et cela pour éviter, ainsi que l'observait M. Thouret, ces abus, si souvent reprochés à nos anciens tribunaux, qui consistaient à rendre les jugements contré l'avis de la majorité des opinants, parce qu'ils délibéraient à la fois sur le fait et le droit. Il est affligeant de penser, disait M. Thouret, que de graves tribunaux ont souvent délibéré sans se faire de point de délibération commun et qu'ils ont rendu des arrêts de mort par une réunion de motifs et d'avis partiels, qui, pris chacun séparément, n'avaient que la minorité des suffrages. Le vice de ce mode de délibération judiciaire est évident, il est intolérable, il est détruit par le régime de la liberté, et c'est cependant celui qui sera conservé à l'égard d'une foule de citoyens, si on autorise les tribunaux de district à écarter la loi du juré et à prononcer suivant les lois antérieures.

Mais outre la séparation de la question de fait de la question de droit, la loi du juré établit dans la décision même du fait une autre distinction bien avantageuse à l'accusé. Le juré doit prononcer 1° s'il y a ou non délit constant; 2° si l'accusé est ou non convaincu; en troisième lieu, il peut faire une dernière déclaration d'équité tendant à déterminer si ce délit a été commis volontairement ou involontairement, avec ou sans dessein de nuire, si l'accusé est excusable ou non; et ce qui est remarquable plus que tout le reste encore, c'est que sur 12 jurés l'opinion de 3 suffira pour faire déclarer soit que le délit n'est pas constant, soit que l'accusé n'est pas convaincu; soit qu'il y a lieu à l'excuse ou à l'atténuation. Personne ne doute assurément que ceci ne soit un avantage très grand, très réel, très favorable, à l'innocent et par conséquent très précieux pour les accusés. C'en est un encore bien grand que les juges soient tenus de donner à haute voix leur avis en présence du public; car, en général, la publicité est le caractère le plus sûr de la vérité et de la bonne foi. Or, a-t-on dit, si on ravit aux accusés dont les procédures sont commencées, cette multiplicité de moyens que la loi a soigneusement et précieusement établis en faveur de tous les citoyens, n'auront-ils pas à se plaindre qu'on viole à leur égard l'égalité des droits? Enfin il faut considérer que l'ac.. cusation et le jugement par jurés sont constitutionnels, que cet établissement est une des bases de la liberté et que conséquemment il n'est point permis de s'en écarter, si ce n'est lorsque l'application en est rigoureusement impossible, ce qui ne se montre point ici.

Voilà, Messieurs, l'analyse exacte des moti's qui ont déterminé quelques membres de votre comité de législation à penser que toutes les affaires criminelles qui n'étaient pas de nature à être renvoyées devant la police correctionnelle et dans lesquelles il n'y avait eu encore ni récolement, ni confrontation, devaient être portées devant les tribunaux criminels et jugées suivant la loi du juré, en laissant subsister les plaintes et information set en considérant comme actes d'accusation les décrets ci-devant décernés par les tribunaux de district.

Ce système, Messieurs, a été écarté par diverses autres considérations plus décisives, qui ont déterminé le projet de décret que j'ai lu. A l'appui de cette seconde opinion, on a dit, et c'est un des motifs principaux, qu'on ne devait pas s'arrêter à l'avantage individuel de tel ou tel citoyen, mais qu'il fallait considérer surtout l'intérêt du

peuple et celui de la Constitution. La liberté, a-t-on dit, et la Constitution seraient en danger si dans le premier essai de la loi sur les jurés, on mettait cette belle institution à une épreuve qu'elle ne peut pas soutenir. Or, il est incontestable que les affaires criminelles actuellement pendantes, soit dans les tribunaux provisoires de Paris, soit dans les divers tribunaux de district du royaume, sont infiniment trop nombreuses, trop compliquées, trop chargées de procédures pour être vidées par le juré. Ces citoyens précieux qui doivent porter le jugement du pays, c'est-à-dire celui du peuple le plus respectable de tous, seraient donc découragés, rebutés dès le premier pas. Ne pouvant vaincre les difficultés du moment, ils croiraient qu'elles tiennent à la nature même de l'institution, et jugeant la chose par ses effets plutôt que par ses principes: par ses succès actuels plutôt que par ceux qu'elle doit avoir dans la suíte, la nation même serait trompée et les avantages innombrables de cette institution constitutionnelle seraient méconnus. Inconvénients très grands sans doute, car le sage législateur ne doit pas seulement s'attacher à faire les meilleures lois possibles, il doit aussi prévoir les moyens les plus sûrs de les faire aimer.

D'un autre côté, a-t-on dit, le juré tient à une organisation simple, qu'il ne faut pas embarrasser ou compliquer; il est contraire aux principes de cette organisation qu'une affaire criminelle soit instruite en partie suivant les anciennes formes et en partie suivant la loi du juré. Les procédures déjà existantes, sur lesquelles il est intervenu déjà des décrets, ne peuvent jamais tenir lieu du jugement par juré. Il faut donc ou anéantir ces procédures, ce qui serait susceptible des plus grands inconvénients; ou bien, si on les laisse subsister, il faut qu'elles soient continuées suivant les mêmes principes, les mêmes lois et conséquemment devant les tribunaux qui s'en trouvent saisis. D'ailleurs, la loi du juré ne peut pas avoir d'effet rétroactif. Elle en aurait un, si on l'appliquait à des affaires dont les procédures étaient instruites et dont les principales bases de jugement étaient jetées avant l'établissement du juré. Enfin, si on abandonne pour ce moment les rapports généraux, et si on se fixe sur l'intérêt particulier de l'accusé, l'on aperçoit, sous ce rapport même et sous ce rapport seul, des raisons très fortes pour ne point renvoyer les procédures aux jurès; car, par ce renvoi, l'accusé se trouverait perdre la faveur de l'appel, conséquemment celle d'un second examen de son affaire, qui pourrait lui offrir de très grands avantages.

Frappé de ces considérations, mais arrêté par l'intérêt même des accusés, quelques membres de votre comité avaient proposé, Messieurs, un article qui semblait concilier toutes les opinions, c'était de laisser aux accusés relativement aux procédures dans lesquelles il ne se trouverait encore ni récolement ni confrontation, le choix pour la continuation de ces procédures, entre les tribunaux de district et les tribunaux criminels. Cette proposition n'a point été accueillie; votre comité de législation a jugé que les grands inconvénients qui résulteraient du renvoi forcé, se trouveraient également dans le renvoi volontaire; que dans ce dernier cas, comme dans le premier, il y aurait un mélange de formes anciennes et nouvelles qui tendraient à se détruire réciproquement; que les difficultés, que le danger pour l'établissement serait le même; enfin que le sort des accusés devait être réglé par la

loi ét non par l'accusé lui-même à qui il ne fallait laisser d'arbitraire pour son avantage ni à son détriment. C'est sur ces principes, Messieurs, que la majorité des membres du comité de législation s'est déterminé en faveur de l'article que j'ai déjà eu l'honneur de vous lire.

M. le Président. Messieurs, voici le résultat du scrutin pour la nomination d'un vice-président. Le nombre de votants était de 377; la majorité était par conséquent de 189. M. Guadet a eu 197 voix; en conséquence, je le proclame viceprésident. (Applaudissements.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de l'extraordinaire, relative au brùlement d'assignats, et qui est ainsi conçue :

"Monsieur le Président,

« J'ai l'honneur de vous prévenir qu'il sera brûlé vendredi prochain, à la caisse de l'extraordinaire, 5 millions d'assignats, provenant des rentrées sur les domaines nationaux, lesquels, joints aux 372 déjà brûlés, forment la somme de 377 millions. Je vous prie d'en donner connaissance à l'Assemblée.

« Je suis, avec respect, etc.

« Signé AMELot. »

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des assignats et monnaies.)

La discussion du projet de décret du comité de législation tendant à accélérer l'instruction et le jugement des affaires criminelles suivant la loi du juré, est reprise.

M. Lamarque, rapporteur, soumet à la discussion le projet de décret présenté à la séance du 30 décembre 1791, et qui est ainsi conçu :

Décret d'urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de législation, considérant qu'il importe essentiellement que les tribunaux criminels, établis dans chaque département, entrent en activité, et qu'il soit procédé, sans aucun délai, à l'instruction et au jugement des affaires criminelles, suivant la loi du juré, décrète qu'il y a urgence. »>

Décret définitif.

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit.

« Art. 1er. Les tribunaux criminels qui, à l'époque de la publication du présent décret, n'auront point été installés, le seront, sans délai, par les conseils généraux des communes des lieux où ils doivent siéger; et ils commenceront leur service immédiatement après leur installation.

« Art. 2. L'installation se fera dans la forme qui a été prescrite par la loi du 24 août 1790, pour les tribunaux de district.

« Art. 3. Le président, les juges, l'accusateur public et le greffier prêteront, devant le conseil général de la commune, le serment civique prescrit par la Constitution, et ils jureront, en outre, de remplir avec exactitude et impartialité les fonctions de leurs offices.

« Art. 4. Après ce serment prêté, les membres du conseil général de la commune, descendus dans le parquet, installeront les juges, et au nom du peuple, prononceront pour lui Tenga

gement de porter au tribunal et à ses jugements le respect et l'obéissance que tout citoyen doit à la loi et à ses organes.

« Art. 5. Le président et les trois juges composant le tribunal procéderont à la nomination de deux huissiers, conformément à la loi du mois de juin 1791; et le traitement de ces huissiers sera incessamment fixé par l'Assemblée nationale.

« Art. 6. Dans les départements où le président du tribunal criminel, ou l'accusateur public, ou l'un et l'autre à la fois, sont absents, soit parce qu'ils ont été députés à l'Assemblée nationale, soit pour toute autre cause légitime, il sera pourvu à leur remplacement provisoire, de la manière qui suit :

Art. 7. Dans le cas où le président et l'accusateur public manqueraient à la fois dans le même département, il sera pris, dans les tribunaux de district, suivant le mode indiqué par la loi du mois de janvier dernier, pour la formation du tribunal, cinq juges au lieu de trois, lesquels nommeront au scrutin celui d'entre eux qui devra remplacer provisoirement le président du tribunal et celui qui devra être chargé, aussi provisoirement, des fonctions de l'accusateur public.

« Art. 8. S'il se trouve seulement l'un de ces deux fonctionnaires, soit le président, soit l'accusateur public, absent pour les causes exprimées dans l'article 6, il sera pris dans les tribunaux de district, suivant le même mode, quatre juges, qui nommeront aussi au scrutin celui d'entre eux qui devra remplacer le fonctionnaire absent; et, en cas de partage, le plus âgé des candidats sera préféré.

M. Lemontey. Je ne viens pas vous proposer de différer l'établissement des jurés, mais de hâter, s'il est possible, la maturité qui manque au peuple pour jouir de ce grand bienfait. Quiconque a étudié le cœur humain et surtout le caractère français soit combien le bonheur d'un premier essai influe sur les succès ultérieurs et la stabilité d'un établissement. Vous ne pouvez vous dissimuler que l'institution des jurés éprouvera les plus grands obstacles. Les mécontents, les ennemis des nouveautés, la force des vieilles habitudes, l'amour-propre et l'intérêt des légistes et surtout la grande ignorance d'une partie du peuple, tout conspire contre eux, jusqu'à leur nom, qui ne présente à l'esprit aucune idée fixe et précise. Il faudra encore corriger ce que les circonstances ont de peu favorable pour un pareil établissement. D'une part, existe un dépit concentré, des espérances criminelles; d'autre part, des défiances fondées et menaçantes. C'est au milieu de cette tourmente des esprits que va se placer la paisible institution des ju

rés.

Qu'a-t-on fait jusqu'à présent pour préparer les esprits à les recevoir? J'ignoré quel a été le travail du ministre pour surmonter ces obstacles; mais qu'a fait l'Assemblée, elle dont l'autorité est d'un si grand poids sur l'opinion. Rien encore. Une instruction a bien été envoyée par le corps constituant; mais ce n'est que la loi délayée dans un long commentaire, ce n'est qu'un formulaire qui ne peut point suffire pour éclairer les jurés? Je pense donc qu'il est important que votre comité de legislation présente une instruction courte, énergique et simple, qui apprenne aux jurés quel doit être leur esprit de probité et de morale; que cette instruction leur

apprenne surtout quel est le plus sacré de leurs devoirs; qu'au moment où ils remplissent des fonctions si importantes, ils doivent mettre à l'écart toute opinion politique; que, dans un calme parfait de l'âme et s'isolant de toute affection publique et privée, ils doivent songer qu'ils ont à juger les faits et non pas les hommes: car, Messieurs, si ces fonctions viennent à tomber dans les mains de ces mécontents égoïstes dont fourmillent les grandes villes, si elles sont abandonnées à des esprits exaltés en sens contraire; si enfin votre juré vient à se teindre de l'esprit d'un parti, il est perdu pour toujours, il n'y aura qu'un cri dans le royaume; la liberté individuelle sera menacée, et, malgré vous, l'opinion arrachera cette grande institution avant qu'elle ait pu prendre racine. (Applaudissements.) Il est donc important que, dans peu de jours, votre comité de législation présente un projet d'instruction courte et précise sur l'esprit et les fonctions du juré.

Je ne ferai que quelques réflexions générales sur les articles qui nous sont proposés par le comité. Ils exigent un nouveau serment des juges de district. Selon moi, ce serment est inconvenant, injurieux pour eux et, en général, tendrait à faire croire qu'un serment a besoin d'être renouvelé. Il faut se garder, Messieurs, de répéter si souvent un acte qui unit seul le système politique au système religieux. Je demande donc la question préalable sur cette disposition. Quant à l'article additionnel qui vous a été présenté, je l'appuie de tout mon pouvoir, parce que je suis convaincu que le mélange des formes anciennes et nouvelles est impossible: il ne produirait qu'un ensemble monstrueux, effraierait les jurés, pourrait détruire l'établissement, et enfin amènerait une alliance qui altérerait la pureté de l'institution des jurés. Je conclus à ce qu'il soit fait incessamment une nouvelle instruction et à ce que l'article additionnel soit adopté.

M. Hérault-de-Séchelles. Je crois devoir écarter la proposition que vient de vous faire M. Lemontey relativement à une instruction qu'il demande au comité de législation sur les jurés. Celle qui est faite par l'Assemblée constituante me paraît expliquer suffisamment quels sont les devoirs et les fonctions des jurés; mais, Messieurs, avant de nous occuper des articles additionnels sur les jurés, permettez-moi de vous observer qu'il n'y a encore rien de prêt quant aux dispositions physiques. Et, en effet, l'article 12, si je ne me trompe, du premier chapitre du Code pénal, prescrit qu'il sera statué par un décret particulier sur le nombre des différents établissements de correction qui, en exécution du décret sur les jurés, doivent être auprès des tribunaux criminels. Le pouvoir exécutif n'a point fait ces établissements et, à cet égard, il faut le justifier; il ne pouvait les faire, parce que personne n'avait encore provoqué un article additionnel exigé par l'article 12 du titre Jer du Code pénal. Je demande donc que l'on s'occupe dès à présent de ce décret, et avant de s'occuper du juré, je demande que le comité de législation vous fasse un rapport préalable et nécessaire sur l'ambulance des juges criminels. Car vous sentez, Messsieurs, que tant que cette question ne sera pas jugée, on ne pourra pas savoir si les 83 tribunaux criminels doivent être fixés dans les 83 départements, ou si l'on doit faire une nouvelle formation. (Applaudissements.)

M. Condorcet. Messieurs, je n'ai demandé la parole que pour une seule observation. L'institution des jurés est regardée comme le meilleur rempart de la liberté. Mais il faut que ce soit de vrais jurés. Or, qu'est-ce qui constitue des jurés? C'est qu'il ne faut pas que ce soit des juges nommés; c'est qu'il faut que ce soit des juges pris en quelque sorte, par la majeure partie des citoyens et surtout que ce ne soit pas des juges nommés par un pouvoir particulier et par un pouvoir qui à d'autres fonctions. Or, dans la loi des jurés, c'est au procureur-syndic des départements presque seul, sous la simple abrogation des directoires, qu'appartient le pouvoir de former le juré. Or, il est presque impossible que, dans un pays où il y a des partis politiques différents, où les citoyens sont divisés d'opinions, un homme occupant un poste aussi distingué que celui de procureur-syndic, n'ait pas une opinion politique formée; que, par conséquent, il ne soit suspect à ceux qui sont dans un esprit absolument contraire. Or, comme c'est surtout pour assurer l'impartialité des juges qu'on préfère le tribunal des jurés à tout autre, je regarde cette institution comme absolument manquée, ce rempart de la liberté comme absolument nul, si les procureurs-syndics conservent ce droit.

Une institution très salutaire, qui fait partie de notre Constitution, nous offre, à ce que je crois, un excellent moyen de nommer les jurés, je veux parler de celle des juges de paix. Les juges de paix sont des hommes choisis dans un canton, parmi ceux qui doivent être le plus étrangers aux partis et plus dignes par conséquent d'inspirer de la confiance. Si, par hasard, un juge de paix est d'un parti, le juge de paix voisin tient à un autre, par conséquent aucun accusé ne peut craindre d'être jugé par des hommes qui soient du parti dont il craint l'influence et si, par hasard, il arrivait que tous les juges de paix fussent du même parti, alors il serait évident que ce parti est celui de la très grande majorité de la nation, et il n'y aurait pas à avoir la moindre inquiétude. Je demanderais donc que le comité de législation voulut bien examiner cette question et voir d'abord s'il n'est pas convenable de changer la forme de la nomination des jurés et de ne plus la laisser au pouvoir d'un seul homme revêtu de fonctions étrangères, et s'il ne conviendrait pas ou de la donner aux juges de paix, ou d'adopter une autre forme qui serait meilleure. (Appuyé! appuyé!)

M. Guadet. J'appuie la motion de M. Condorcet j'avais sur ce point les mêmes vues que lui. Je ne vois pas d'inconvénient, je vois, au contraire beaucoup d'avantages à déléguer aux juges de paix le droit de choisir les jurés. Je demanderais donc que le comité de législation examinât cette mesure et vous fit incessamment son rapport.

M. Lamarque, rapporteur. Depuis le renvoi qui avait été ordonné, votre comité de législation s'est occupé de la loi entière des jurés. Il a vu que cette institution était très imparfaite, et notamment le vice qui a été remarqué par M. Condorcet, ne lui avait point échappé. Il en est une foule d'autres; mais voici le raisonnement qui a été fait. En prenant l'institution du juré telle qu'elle est, elle vaut encore beaucoup mieux que l'ordre judiciaire ancien; il est donc essentiel que l'institution des jurés, que les trinaux criminels soient mis en activité aussitôt qu'il sera possible, et c'est sur ce motif que

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