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nous ne chercherons point à les éblouir, mais nous nous les attacherons par nos égards; l'excellence de nos lois nous méritera leur estime et leurs respects.

Si les commissaires voient jour à traiter avec les nababs pour en obtenir amiablement des concessions ou des aldées industrieuses, ils enverront incessamment leurs projets au ministre; ils développeront en toute occasion un caractèré digne de la nation; ils annonceront formellement que l'astuce, l'intrigue, la perfidie, jusqu'à présent le sublime talent des négociateurs et des cours, sont à jamais proscrites chez les Français; ce sera à dater de ce moment que les Indiens et tous les paisibles sectateurs de Brama, toujours inviolablement fidèles à leurs promesses, ne verront en nous que des amis et des frères. Il est digne de nous de donner ce grand exemple; et si chez les anciens, on a pu, à l'éternelle honte d'une nation avilie, citer la foi punique, il faut qu'on cite désormais dans l'univers moderne la candeur et la loyauté françaises.

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Bonne-Espérance ne permet pas de différer la nomination de ces commissaires, décrète qu'il y a urgence. »>

Décret définitif.

« L'Assemblée nationale, après avoir préalablement décrété l'urgence, décrète ce qui suit:

« Art. 1er. Le nombre des commissaires civils nommés pour les îles de France et de Bourbon, en exécution de la loi du 18 août dernier, sera porté à quatre, et leur mission s'étendra avec les mêmes pouvoirs à tous les établissements français au delà du cap de Bonne-Espérance.

«Art. 2. Ils seront aussi chargés de visiter toutes les îles et tous les comptoirs français de l'Inde, et de faire des rapports exacts sur les concessions, les réformes et les améliorations dont ils sont susceptibles et de présenter aussi des vues et des projets sur les territoires qui pourraient y être ajoutés, par cession libre et amicale de feurs légitimes possesseurs et non autrement.

« Art. 3. Le ministre de la marine demeure chargé de proposer un plan pour rétablir Pondichery avec une garnison proportionnée à l'importance de cette place, et pour former deux gouvernements distincts, de toutes les possessions françaises dans l'Inde, sans toutefois augmenter le nombre des officiers généraux déterminé pour ces colonies par l'Assemblée constituante. » (Applaudissements.)

Plusieurs membres: L'impression du rapport et du projet de décret !

(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret.)

(La séance est levée à 10 heures.)

ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU SAMEDI 7 JANVIER 1792, AU SOIR. NOTE DES DÉCRETS que le roi a sanctionnés ou dont il a ordonné l'exécution du 8 au 30 décembre 1791. Le ministre de la justice a l'honneur d'adresser à Monsieur le Président de l'Assemblée nationale la note des décrets sanctionnés par le roi, ou dont Sa Majesté a ordonné l'exécution.

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PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS DE NEUFCHATEAU, président, ET DE M. DAVERHOULT, vice-président, élu président.

La séance est ouverte à neuf heures du matin.

Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 7 janvier, au soir.

Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 7 janvier, au matin.

M. Lacuée, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui adresse à l'Assemblée copie d'une lettre des officiers municipaux de Saint-Omer et du procèsverbal qu'ils ont dressé sur ce qui s'est passé dans cette ville, le 29 décembre dernier, à l'occasion de trois voitures de grains pour la sortie desquelles il a fallu employer la force publique; cette lettre est ainsi congue :

" Paris, le 7 janvier 1792.

« Monsieur le Président,

« J'ai l'honneur de vous envoyer copie d'une lettre des officiers municipaux de Saint-Omer et du procès-verbal qu'ils ont dressé sur ce qui s'est passé dans cette ville le 27 décembre, à l'oc casion de trois voitures de grains, pour la sûreté desquelles il a fallu employer la force publique. Malheureusement il en a coûté la vie à un homme, et un autre a été blessé ainsi qu'une femme et deux soldats; mais le 22° régiment d'infanterie s'est conduit avec tant de prudence et de fermeté, que le roi a chargé le ministre de la guerre de luí en témoigner sa satisfaction. Je regrette bien que Sa Majesté n'ait pu donner les mêmes éloges à la garde nationale de SaintOmer. J'ai écrit au directoire du département du Pas-de-Calais et aux officiers municipaux de SaintOmer pour soutenir leur zèle, et pour qu'ils prennent toutes les mesures nécessaires afin de met

tre en sûreté les écluses qui paraissent être menacées. >>

« Je suis, etc.

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(L'Assemblée ordonne la lecture de la lettre et du procès-verbal de la municipalité de SaintOmer.)

M. Lacuée, secrétaire, donne lecture de ces pièces :

1° Lettre des officiers municipaux de Saint-Omer.

K

Saint-Omer, le 3 janvier 1792.

« Nous avons l'honneur, Monsieur, de vous envoyer copie du procès-verbal que nous avons dressé les 28 et 29 décembre dernier. Vous jugerez, par ce procès-verbal, de la position fâcheuse où nous nous trouvons. Le peuple est égaré, suscité par les ennemis de la chose publique; et même nous n'aurions point de sécurité à espérer dans cette ville, si nous n'étions appuyés du 22 régiment, dont les dispositions sont portées à l'exécution de la loi.

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Nous lui offrons des éloges pour la fermeté et l'esprit de fraternité qu'il a déployés dans l'insurrection que nous venons d'essuyer. Nous demandons à conserver ce régiment.

« Nous demandons aussi instamment le régiment de dragons, ci-devant Bourbon en garnison à Arles, dont nous connaissons le zèle à faire exécuter les lois. Nous vous observons, Messieurs, qu'il est très essentiel de faire prendre des précautions pour conserver les écluses. Le peuple projette de les détruire cette destruction serait très funeste, et coûterait au commerce des intérêts immenses. »

« Nous sommes, etc. »

(Suivent les signatures.)

2o Procès-verbal de la municipalité de Saint-Omer.

Il résulte en substance de ce procès-verbal que des commissaires nommés par la municipalité furent envoyés pour faire faire des chargements de blés destinés à Marseille auxquels des séditieux

s'étaient déjà opposés. Ils étaient accompagnés par un bataillon du 22e régiment d'infanterie et un détachement de la gendarmerie nationale. Les commissaires ont fait faire les chargements : ils les ont accompagnés ensuite. La marche a été très imposante. Au moment de sortir de la ville, une grêle de pierres est tombée sur ceux qui exécutaient la loi. Un soldat a été grièvement blessé à la tête par une pierre. L'un de ses camarades, voyant une nouvelle pierre dans la main de l'assaillant qui venait de le frapper, l'a couché en joue et l'a tué. Un autre soldat, une autre personne et la femme d'un nommé Waudermont, chef de la révolte, qui combattait à côté de son mari ont été grièvement blessés : Cette scène eùt été plus désastreuse encore; mais le lieutenant-colonel s'est précipité au milieu des soldats. Il a prononcé le nom de la loi avec toute l'énergie qu'elle peut inspirer, et il est parvenu, par ce moyen, à arrêter l'effusion du sang près de couler. Un sapeur a brisé avec sa hache les barrières qu'on opposait au passage des voitures, et, à travers tous les obstacles, la loi a été exécutée. La marche des grains qui sortaient de la ville s'est trouvée ensuite en sûreté. Les commissaires sont rentrés à la maison commune. Ils y ont fait l'éloge de la gendarmerie nationale et du bataillon du 22° régiment qui les avaient accompagnés. Leur conduite est au-dessus de tout éloge. Mais le peuple, continuellement inquiet sur la destination de ces convois, menace de détruire une écluse très importante, qui, si elle était forcée, inonderait un terrain considérable.

Un membre: Il est de la plus grande importance de pourvoir à la sûreté des écluses qui sont au-dessus de Saint-Omer; elles sont menacées par le peuple qui a des inquiétudes sur les subsistances et qui est alarmé sur le renchérissement du prix des denrées. Si ces écluses étaient détruites, il en coûterait d'abord plusieurs millions pour les réparer, et ensuite tout le pays, depuis Saint-Omer jusqu'à Calais, serait inondé. Le peuple est persuadé qu'il n'y a point assez de blé pour pourvoir à ses besoins. A-t-il raison? c'est ce que je ne sais pas; mais il menace les écluses et il est instant d'y porter secours.

Un membre: Dans tout ceci, il ne paraît pas que la garde nationale se soit mal conduite.

Un membre: Elle ne s'est pas présentée.

Un membre: Je demande le renvoi des pièces aux comités d'agriculture et de commerce réunis.

Un membre: L'exécution des lois sur la liberté de la circulation intérieure des grains, la sùreté des écluses, sont des objets confiés à la surveillance du pouvoir exécutif. Je demande que les pièces lui soient renvoyées.

(L'Assemblée, consultée, ordonne le renvoi des pièces aux comités d'agriculture et de commerce réunis.)

Un membre: Je demande qu'il soit fait mention honorable au procès-verbal de la conduite de la municipalité et de celle du 22° régiment d'infanterie.

M Jaucourt. On demande qu'il soit fait une mention honorable au procès-verbal de la conduite de la municipalité et de celle du 22° régiment. J'observe qu'avant de prendre cette décision, il faut connaitre plus amplement tous les détails de cette affaire. Il parait que la municipalité a montré, dans cette circonstance, une

grande présence d'esprit; je veux croire que le 22° régiment a exécuté ses ordres avec le plus grand zèle, avec le plus grand courage; mais je vois, par le procès-verbal même, qu'un coup de fusil a été tiré sans réquisition. Il se peut que les troupes aient été forcées par les assaillants à cette fâcheuse extrémité; mais il ne faut pas approuver leur conduite sans l'avoir examinée : je demande, en conséquence, l'ajournement de la proposition.

(L'Assemblée ajourne la motion de la mention honorable jusqu'au moment où les comités feront leur rapport.)

Un membre: L'Assemblée nationale constituante a décrété que l'intérêt des offices de receveurs particuliers des finances leur serait payé, à compter du 1er janvier 1791 jusqu'à l'époque de leur liquidation et du remboursement, déduction faite des intérêts dus par les titulaires. Beaucoup de ces receveurs n'ont pu se faire liquider, parce que leurs recouvrements ont été entravés par différentes circonstances. Plusieurs autres causes détaillées dans un mémoire que j'ai à la main, les ont mis dans l'impuissance de se conformer à ce décret.

Il paraît donc juste, Messieurs, d'accorder à ces receveurs un délai pour se faire liquider et de ne pas suspendre les intérêts de leurs finances, que dans le cas où, à une époque qui serait déterminée, leur compte ne serait pas arrêté. Les intérêts de leurs finances continueraient de courir jusqu'à l'époque fixée par ce nouveau délai. J'en fais la motion expresse, et je demande le renvoi du mémoire au comité de liquidation.

(L'Assemblée décrète le renvoi du mémoire au comité de liquidation.)

M. Jean Debry (Aisne). Voici une adresse des membres du tribunal criminel du département de l'Aisne qui, au moment de leur installation, protestent de leur zèle et de leur activité à remplir leurs fonctions importantes et à favoriser la sublime institution des jurés et de leur dévouement à la Constitution.

Plusieurs membres Mention honorable au procès-verbal!

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)

M. Léopold. Messieurs, c'est acquérir des droits à votre attention que de vous proposer une mesure qui, en accélérant l'extinction de la dette nationale, ferme aux fanatiques ennemis de la Constitution, des repaires aristocratiques où s'effectuent journellement, à la honte des mœurs, les rassemblements les plus inciviques et les plus scandaleux.

Les maisons religieuses possédaient, dans toute l'étendue du royaume, les biens les plus fertiles et les plus agréablement situés l'un des plus grands bienfaits de l'Assemblée constituante à été de rendre au commerce et à une destination plus utile et plus noble, des domaines qui alimentaient depuis longtemps la fainéantise et les vices; mais ce bienfait demeure incomplet par la disposition de l'article 3 de la loi du 19 février 1790. Les deux premiers articles de cette loi suppriment les vœux, ouvrent la porte des monastères aux religieux, et ordonnent qu'il sera indiqué des maisons où pourront se retirer ceux qui ne voudront pas user de la liberté qui leur est offerte.

Ces deux articles ont mis en exploitation une

mine féconde, et les biens des moines sont aujourd'hui vivifiés par des agriculteurs et des manufacturiers, tandis que le prix de ces mêmes biens vient annuellement vivifier le Trésor national; mais l'article 3 porte que les religieuses pourront rester dans les maisons où elles sont, les exceptant expressément de l'article qui obligé les religieux de réunir plusieurs maisons en une. Je rends justice à l'esprit d'humanité qui a dicté cet article, mais il n'en est pas moins vrai qu'il est dans ce moment devenu très contraire aux vrais intérêts de la nation et à la tranquillité publique. Dans les couvents de femmes comme ailleurs, tous les cœurs sensibles se sont réveillés à la voix de la liberté, et cette loi puissante a rendu à la société des milliers de citoyennes dont elle regrettait les vertus; il n'est resté dans les cloîtres que les tristes victimes de l'orgueil et des préjugés.

Il est un très grand nombre de couvents qui ne sont habités que par trois ou quatre religieuses, tant choristes que converses, et ces trois ou quatre femmes qui, à la faveur de l'article 3 de la loi que j'ai citée, restent en possession de maisons immenses, sont une charge incalculable pour la nation. Le coup d'œil le plus rapide va vous découvrir les principaux inconvénients qui dérivent de cet ordre de choses.

J'ai dit que cet article 3 est contraire à l'interêt national, au commerce, au bien des pauvres et à la tranquillité publique, et je le prouve.

Il est contraire à l'intérêt national de trois manières: d'abord le prix des maisons immenses qu'elles occupent en pure perte, diminuerait sensiblement la dette nationale; en second lieu, parce que les terres végétales qu'elles possédaient ne sont pas vendues, ou le sont à vil prix, par la raison qu'on en détruit l'agrément et l'avantage en les isolant des bâtiments qui, par la nature des choses, devraient en être inséparables.

En troisième lieu, parce que ces maisons, dont les réparations sont à la charge de religieuses, dépéríssent de jour en jour, et que leur valeur se trouve ainsi considérablement diminuée.

Il est contraire au bien du commerce, parce que des manufactures ou des établissements utiles vivifieraient des biens dont le produit est actuellement réduit à zéro.

Il est contraire à l'intérêt des pauvres, parce que ces manufactures occuperaient des milliers d'infortunés qui languissent sans ouvrage et sans pain, à côté de richesses ensevelies.

Il est enfin contraire à la tranquillité publique, parce que trois ou quatre religieuses restées au fond d'un cloître, prennent sur leur subsistance pour soudoyer un prêtre non conformiste, qui les sauve de l'alternative affreuse pour elles de manquer de messe, ou d'entendre celle d'un prêtre constitutionnel de leur paroisse, parce que cet aumônier est ordinairement le président du conciliabule aristocratique de tous les prêtres non assermentés de la ville ou du canton, parce que ces conciliabules entretiennent l'aigreur et la division entre les citoyens.

Je crois avoir prouvé que les petites congrégations de femmes superstitieuses sont à la fois très dispendieuses, très indécentes et très dangereuses, et il me semble possible de concilier les égards dus à la faiblesse de leur sexe avec les intérêts de la nation, en décrétant que les maisons où il ne se trouve pas 12 religieuses, seront réunies à une autre maison du même ordre; que les corps administratifs veilleront à ce que celles des religieuses dont les maisons

seront réunies, soient conduites aux frais du Trésor public, à la congrégation qui leur sera destinée, et que les maisons et les biens des maisons évacuées seront incessamment mis en vente; mais comme ce projet a besoin d'être mûri et discuté, j'en demande moi-même le renvoi au comité des domaines. (Vifs applaudissements.)

(L'Assemblée renvoie les observations de M. Léopold au comité des domaines pour en faire le rapport incessamment.)

M. Dorizy. Je demande également que le comité des domaines s'occupe de présenter incessamment le rapport des décrets et des décisions du comité ecclésiastique de l'Assemblée constituante qui, à ma connaissance, ont arrêté ou suspendu l'aliénation de quelques abbayes de filles et spécialement des bâtiments dits: la mense abbatiale séparée de toutes les maisons.

M. Demées. Je demande que l'on réunisse aux autres biens nationaux ceux des congrégations séculières.

(L'Assemblée renvoie ces différentes motions au comité des domaines.)

M. Lemontey. Messieurs, quelque habile que l'on soit en finances, il faut remonter à la source des finances, c'est-à-dire au payement des contributions et veiller attentivement au répartement entre les districts et les municipalités. Mais je sais qu'elles éprouvent des obstacles dans les municipalités pour être réparties entre les contribuables. Des cultivateurs m'ont dénoncé quelques-uns de ces obstacles. Ils proviennent de ce que les états indicatifs et les déclarations des propriétaires se font mal. En sorte que, lorsqu'un propriétaire possède plusieurs fonds dans une section, il devient imposible aux autres contribuables de vérifier si la rédaction est exacte. La municipalité et les commissaires eux-mêmes font des doubles emplois et commettent des erreurs. D'autre part, on n'a soumis à aucune peine la déclaration inexacte de la contenance des fonds. C'est pourquoi je propose à l'Assemblée de renvoyer au comité de l'ordinaire des finances l'examen des trois articles suivants :

« Art. 1er. A compter de la publication du présent décret, les déclarations qui seront faites par les propriétaires, en conformité des articles 3 et 4 de la loi du 1er décembre 1790, énonceront la contenance de chaque fonds déclaré, ainsi que le nom du territoire où il est situé.

« Art. 2. Les municipalités sont autorisées à faire faire l'arpentage des fonds dont elles présumeront que la déclaration de contenance n'est pas exacte; et, s'il est reconnu que l'erreur excède de plus d'un vingt-quatrième, les frais d'arpentage, qui ne pourront être de plus du quinzième par arpent, seront supportés par le propriétaire.

« Art. 3. Les états indicatifs de section, mentionnés dans l'article 3 du titre II de la loi du 1er décembre 1790, contiendront dans la même case la nature de la propriété et le confin du territoire. »

(L'Assemblée renvoie ces trois articles au comité de l'ordinaire des finances.)

Un membre, au nom du comité de l'ordinaire des finances, rend compte à l'Assemblée de la demande formée par le directoire du département des Cotesdu-Nord, lequel prie l'Assemblée de décider par qui doivent être supportés les frais d'ameublement du séminaire de Saint-Brieuc. Le comité conclut au renvoi de cette lettre au pouvoir exécutif, la

question étant décidée par l'article 2 du décret du 22 décembre 1790.

(L'Assemblée renvoie cette demande au pouvoir exécutif.)

Le même membre, au nom du comité de l'ordinaire des finances, fait ensuite le rapport d'une pétition du conseil général du département de Loir-et-Cher, du 10 décembre dernier, relative aux surcharges des impositions des ecclésiastiques en 1790 et présente le projet de décret suivant :

« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de l'ordinaire des finances, décrète qu'il n'y a lieu à délibérer sur la pétition du département de Loir-et-Cher, en date du 10 décembre dernier, tendant à faire ordonner que les surcharges des impositions des ecclésiastiques en 1790, seront supportées par la caisse de l'extraordinaire. >>

(L'Assemblée adopte ce projet de décret.)

Le sieur Guillaume Sébire, portant l'uniforme de carabinier, est introduit à la barre.

M. Dorizy. Messieurs, le pétitionnaire qui se présente à la barre est un de ces généreux soldats qui ont arrêté le général Ligonier et qui n'ont pu être tentés par aucun moyen de corruption. (Applaudissements.). Son âge ne lui permettant pas de se faire entendre, il demande qu'un secrétaire veuille bien lire sa pétition. Je demande à l'Assemblée de me permettre de remplir ce devoir. (Oui! oui!)

M. Chéron-La-Bruyère. Le pétitionnaire est très âgé; je demande qu'à cause de son grand âge, il s'asseye dans le sein de l'Assemblée.

M. Lemontey, Je demande que l'on fasse asseoir cet invalide sur le siège du ministre de la guerre. (Oui! oui!)

M. le Président fait introduire le pétitionnaire dans l'intérieur de la salle, où il prend place sur le siège du ministre de la guerre.

M. Dorizy, secrétaire, donne lecture de cette pétition qui est ainsi conçue :

«Représentants de la nation française, un vieux soldat, assez heureux pour avoir rendu à sa patrie un service signalé, vous adresse sa supplique avec cette confiance que donne le sentiment d'une action généreuse. Courbé sous le poids des années et de la misère, je réclame de la nation, que j'ai bien servie, une portion des bienfaits qu'elle a destinés à ceux qui ont bien mérité

de les atteindre. L'un était le duc de Cumberland et l'autre le général Ligonier. Le duc prit la fuite et ne dut son salut qu'à la rapidite de son coursier. Ligonier, pour éviter la mort, se nomma et rendit les armes. Le sieur Aude et moi nous rejoignions notre armée avec notre prisonnier; nous fùmes assaillis par trois ennemis. Le sieur Aude, qui conduisait Ligonier, dont il tenait la bride du cheval, poussa en avant. Seul je fis face aux assaillants (Applaudissements.); je fis mordre la poussière à deux et le troisième prit la fuite. (Applaudissements.) Nous arrivâmes au quartier général sans éprouver de nouveaux obstacles.

« Représentants de la nation française, voilà ce que j'ai fait. Je continuai de servir encore sept années et à la paix de 1754, vu que je n'obtenais aucun avancement, je demandai mon congé. On me l'accorda, avec la modique pension de 150 livres, dont j'ai toujours été mal payé. Voilà comme on récompensait alors.

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Qu'il me soit permís de rapporter les paroles de Ligonier à mon sujet: Comment trouve-t-on, disait-il, de braves soldats en France, lorsqu'on les récompense si mal? Et que dirait-il aujourd'hui, s'il vivait, et qu'il sût que celui-là qui refusa son portefeuille et ses diamants, qui préféra l'honneur et la gloire au sort brillant qu'il lui offrait, s'il eût voulu passer avec lui dans l'armée ennemie, que celui-là manque de soupe? (Applaudissements.) Sans doute qu'il s'écrierait encore: Comment trouve-t-on de braves soldats en France lorsqu'on les récompense si mal?

«Mais Ligonier n'aurait pas raison aujourd'hui. Les représentants d'une nation généreuse et libre seront généreux et justes. Déjà mon compagnon de guerre a reçu de l'Assemblée constituante la récompense qu'il devait attendre de la générosité et de la reconnaissance nationales. Je n'ai pas moins fait que le sieur Aude : comme lui j'ai couru les plus grands dangers; la prise de Ligonier m'appartient comme au sieur Aude et les talents militaires de Ligonier attestent l'importance du service que nous avons rendu à la nation.

Tant que le travail de mes bras a pu suppléer à l'insuffisance de ma pension de 150 livres, tant que j'ai pu subsister de l'un et de l'autre, j'ai gardé le silence en me bornant à gémir sur la monstrueuse ingratitude d'un gouvernement corrompu; mais aujourd'hui que je manque de tout, je dois élever la voix. C'est à vous, représentants de la nation que j'ai si bien servie, que

d'elle. Amis de l'humanité, exercez la bienfai-je m'adresse. Sans doute vous ne souffrirez pas

sance nationale; je vous en fournis l'heureuse occasion: je suis Guillaume Sébire, dit SaintMartin, ancien cavalier au régiment Royal-Carabiniers. J'ai servi quinze années entières et sans discontinuation, dans le même régiment; j'ai fait toutes les guerres de 1740; j'étais au siège de Tournai, à la bataille de Fontenoy, à celles de Rocroy et de Lawfeld et au siège de Maestricht. (Applaudissements.) C'est à Lawfeld surtout que j'ai mérité la récompense que je sollicite. Voici mes titres :

«Le régiment Royal-Carabiniers ayant culbuté un corps de 2,600 hommes de cavalerie ennemie, qu'on lui avait opposé, se mit à la poursuite des ennemis. Le feu de l'action m'entraîna, ainsi que le sieur Aude, l'un de mes camarades, après quelques fuyards: nous nous écartâmes de notre troupe. Le hasard nous servit assez bien pour apercevoir dans l'enfoncement d'un vallon, deux ennemis assez mal vêtus, mais moins pressés que les autres de fuir. Nous nous empressâmes

que le vieux Saint-Martin soit réduit à l'aumône. (Non! non!) J'attends de votre humanité, de votre générosité, que vous augmentiez ma pension, comme l'Assemblée constituante a augmenté celle du sieur Aude. Cette augmentation sera une charge bien modique pour la nation: déjà je suis àgé de 71 ans, je suis prêt à descendre au tombeau; mais que je n'y descende pas en regrettant encore les rigueurs de l'ancien gouvernement, et que je n'aie qu'un regret en mourant, celui de ne pas mourir en défendant la Constitution et la liberté de la nation française. (Applaudissements).

« Voici un certificat de la municipalité de Pont-Audemer qui recommande ma pétition à la générosité de la nation. »>

M. le Président, répondant au pétitionnaire. Vénérable vieillard, votre âge et vos services sont des titres précieux auprès de l'Assemblée nationale. Elle fera vérifier vos titres pour récom

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