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santes et les vues utiles qu'il a présentées à l'Assemblée constituante; nous pensons, Messieurs, qu'il faut un plus mùr examen, un travail plus circonstancié, et des renseignements plus exacts, pour ajouter ce qui manque aux bases déjà connues, afin de distribuer les secours dans une juste proportion; car les moyens employés sont insuffisants, et ne peuvent s'appliquer aux circonstances présentes, si vous consultez la population ou le territoire, les besoins actuels de certains départements sont indépendants de ces deux bases élémentaires; l'utilité plus ou moins grande des travaux à ouvrir, les ressources déjà existantes dans d'autres départements, en fonds déjà affectés aux travaux publics, ou autres ateliers, exigent des considérations ultérieures pour compléter vos vues bienfaisantes.

Votre comité est bien pénétré de l'immensité et de la difficulté du travail qu'il doit vous soumettre; il ne peut se dissimuler combien ses recherches sont embarrassantes et compliquées. Mais, Messieurs, il redoublera d'efforts; animé par le zèle d'être utile à la classe trop nombreuse des indigents et qui sont mis particulièrement sous la protection de la nation. «Le soin de veiller à la subsistance du pauvre est un devoir au moins aussi sacré que celui de veiller à la conservation de la propriété du riche. » Il est absolument nécessaire d'employer une grande partie des fonds que vous allez provisoirement accorder en travaux utiles et même indispensables aux départements qui les entreprendront; en conséquence, d'après l'état des demandes multipliées, et vu l'insuffisance des fonds répartis par l'Assemblée constituante pour subvenir aux besoins pressants des départements qui se trouvent dans des cas particuliers de détresse, votre comité des secours publics, sur les observations et de l'avis des comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances, a l'honneur de vous présenter le projet de décret suivant :

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Décret d'urgence.

L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics, considérant que le soulagement de la pauvreté est le devoir le plus sacré d'une Constitution qui repose sur les droits imprescriptibles des hommes, et qui veut assurer sa durée sur la tranquillité et le bonheur de tous les individus; attentive à pourvoir aux besoins des départements qui ont éprouvé des événements désastreux et imprévus; voulant enfin venir au secours des hôpitaux et hospices de charité dont les revenus ont été diminués par la suppression de plusieurs droits et privilèges, décrète qu'il y a ur

gence. »>

Décret définitif.

« L'Assemblée nationale, après avoir délibéré l'urgence, décrète ce qui suit:

« Art. 1er. Les commissaires de la Trésorerie nationale tiendront à la disposition du ministre de l'intérieur, et sous sa responsabilité, les sommes ci-après détaillées :

1° 100,000 livres pour servir de supplément, jusqu'au 1er avril prochain, aux dépenses ordinaires pour l'administration des enfants trouvés, outre les sommes décrétées pour 1791, et qui seront provisoirement payées en 1792, conformément au décret du 31 décembre dernier;

2o 2,500,000 livres pour donner provisoire1ro SERIE. T. XXXVII.

ment, jusqu'au 1er juillet, des secours, ou faciliter des travaux utiles dans les départements qui, par des cas particuliers, peuvent en exiger. La répartition en sera arrêtée par l'Assemblée nationale sur le résultat qui lui sera présenté, par le ministre de l'intérieur, des demandes et mémoires adressés par les directoires des départements, auquel il joindra son avis et ses observations.

« 3° 1,500,000 livres pour fournir aux secours provisoires accordés par l'Assemblée constituante, tant aux hôpitaux de Paris qu'aux autres hôpitaux du royaume, dans la même proportion et suivant les dispositions de la loi des 25 juillet, 12 septembre et autres antérieures; les fonds continueront à être faits par la caisse de l'extraordinaire.

« Art. 2. Les rentes sur les biens nationaux dont jouissaient les hôpitaux, maisons de charité et fondations pour les pauvres, en vertu de titres authentiques et constatés, continueront à être payées à ces divers établissements, aux époques ordinaires où ils les touchaient, dans les formes, et d'après les conditions de la loi du 10 avril 1791, et ce, provisoirement jusqu'au premier janvier 1793.

« Art. 3. Les secours qui seront donnés aux départements pour être employés en travaux utiles, ne pourront leur être accordés que lorsqu'ils auront rempli toutes les conditions prescrites par la loi du 9 octobre dernier, et autres antérieures; le ministre de l'intérieur rendra compte, nominativement, des directoires de départements qui n'auront pas rempli ces formalités indispensables.

"

Art. 4. L'Assemblée nationale révoque toutes les dispositions particulières que quelques départements ont prises, en appliquant en moins imposé, ou au marc la livre, une partie des fonds destinés à des ateliers de secours et de charité, comme contraires aux dispositions de la loi. « Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction.

Article réglementaire.

Le comité des secours publics présentera à l'Assemblée nationale, dans le plus court délai, un plan de travail sur l'organisation généralé des secours à donner aux pauvres valides et invalides, sur l'administration des hôpitaux et hospices de bienfaisance, et sur la répression de la mendicité. »

Un membre présente un nouveau projet de décret en onze articles, dans lesquels, après avoir indiqué les sommes qu'il croit nécessaire d'accorder provisoirement et pour trois mois aux départements, tant pour les dépôts de mendicité, que pour les enfants exposés, les ateliers de charité et les hôpitaux, il propose d'ordonner au comité de secours publics de présenter incessamment des mesures définitives sur l'entretien des dépôts de mendicité, sur leur conservation ou leur réforme, leur régime et leurs dépenses; il désire que le comité s'occupe, avec les mêmes détails et les mêmes soins, de tout ce qui est relatif aux enfants exposés. Il demande que le ministre des contributions publiques présente à l'Assemblée nationale un tableau des sommes que chaque département a destinées, sur les impositions de 1791 et 1792, à ces différents objets.

M. Deperet, rapporteur. Je demande que l'Assemblée se borne, dans ce moment, à examiner

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si les secours aux départements seront pour l'année entière, ou seulement pour trois mois, époque où l'on pourra statuer définitivement sur toutes les dépenses de l'Etat.

Plusieurs membres: L'ajournement à demain ! (L'Assemblée, consultée, ordonne l'impression du rapport et du projet de décret de M. Deperet et ajourne la discussion à demain.)

(La séance est levée à trois heures et demie.)

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du samedi 7 janvier 1792, au matin. PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS DE NEUFCHATEAU.

La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Lacuée, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du vendredi 6 janvier.

M. Caminet propose à l'Assemblée de se faire rendre compte, par le ministre des contributions publiques, de l'état des employés de la régie générale, afin de supprimer des emplois et des dépenses inutiles et présente un projet de décret sur la comptabilité des 12 commissaires liquidateurs des ci-devant ferme et régie générale.

(L'Assemblée renvoie ce projet de décret au comité de l'examen des comptes.)

M. le Président donne lecture d'une lettre de la gendarmerie nationale employée au service de l'Assemblée, par laquelle ce corps représente que le détachement n'est pas assez nombreux. A cette lettre sont jointes des observations sur le service des deux compagnies servant auprès du Corps législatif, de la haute cour nationale, du tribunal de cassation et du ministre de la justice.

(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités militaire et des inspecteurs de la salle réunis.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Merlin, ancien député à l'Assemblée constituante, qui adresse à l'Assemblée nationale le procès-verbal d'installation du tribunal crimi nel du département du Nord et l'assure de son dévouement au bien public; cette lettre est ainsi conçue :

Monsieur le Président,

« J'ai l'honneur d'adresser à l'Assemblée nationale, le procès-verbal d'installation du tribunal criminel du département du Nord, à la présidence duquel m'a porté le choix de mes concitoyens, sanctionné par des provisions du roi. Cette installation s'est faite hier, jour désigné à cet effet par la loi. On n'a pas cru, ìci, qu'il pùt exister de moyen, ni même de prétexte pour la reculer, et sans doute, il n'est pas à craindre que notre exactitude soit improuvée par l'Assemblée nationale... >>

Un membre: Non, sûrement.

M. le secrétaire, continuant la lecture de la let tre... « Tout est ici en mouvement pour mettre les jurés en activité. Les tableaux des jurés d'accusation sont formés; ceux des jurés de jugement le seront sous peu de jours; et j'ai tout lieu de croire que cette belle institution aura, dans ce département, le succès qu'elle a obtenu dans tous les

pays vraiment libres. Ce succès serait et plus certain et plus prompt, si l'Assemblée nationale soumettait les tribunaux criminels à l'ambulance : mais, quelque parti qu'elle prenne à cet égard dans sa sagesse, je serai toujours prêt à tout sacrifier pour faire respecter, dans le département du Nord, la Constitution et les lois; pour y assurer la répression des délits, pour y maintenir les citoyens de tous les partis dans le calme devenu si nécessaire à leur bonheur, j'en ai fait le serment, et j'y serai aussi fidèle que je l'ai été dans l'Assemblée constituante, à celui par lequel je m'étais lié à ses dangers, à ses combats et à ses travaux. (Vifs applaudissements.)

« Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur. « Le président du tribunal criminel du département du Nord,

Signé MERLIN. »

Un membre: Je demande l'insertion de cette lettre au procès-verbal avec mention honorable du zèle et du patriotisme de M. Merlin (Appuyé ! appuyé !)

(L'Assemblée décrète l'insertion de la lettre de M. Merlin au procès-verbal avec mention honorable.)

M. Mouysset. Il importe essentiellement de mettre dans tout le royaume les tribunaux criminels en activité. Je demande que l'Assemblée s'occupe, sans délai, de décréter les articles additionnels relatifs à leur organisation.

Un membre: Le rapport est prêt; il a été mis à l'ordre du jour.

Un de MM. les secrétaires donne lecture de plusieurs lettres de différents pétitionnaires qui demandent à être admis à la barre.

(L'Assemblée admet les députés de la garde nationale de Chantilly à la séance de ce soir et renvoie les autres pétitionnaires à la séance de demain.)

M. Baignoux, au nom du comité de l'ordinaire des finances, fait un rapport sur les forma lités à observer par les payeurs des rentes de l'Etat ; il s'exprime ainsi :

Messieurs,

Vous avez chargé votre comité de l'ordinaire des finances de vous présenter un rapport sur une difficulté présentée à l'Assemblée nationale, relativement à l'exécution de la loi du 13 décembre dernier. L'exécution littérale de cet article, en ce qui concerne l'obligation de joindre à la quittance le certificat de résidence, est accompagnée de plusieurs difficultés, dont il est nécessaire que vous soyez instruits avant d'adopter la mesure que votre comité vous propose.

Les rentes ou intérêts de la dette publique sont composés d'environ plus de 15,000 articles, dont plus de moitié se perçoivent par semestre. Il résulte de ce fait: 1° que les parties présentes étant assujetties, par le 1er article de votre décret du 13 décembre dernier, à joindre à leurs quittances les certificats de résidence, sont obligés de se faire délivrer autant de certificats qu'elles ont de parties de rente à toucher; 2° que les municipalités sont aussi beaucoup plus surchargées par ce nouveau travail, puisque, par le relevé qui a été fait des articles de rentes qui se payent par semestre, il est démontré que le nombre des

certificats de résidence qui seraient délivrés par les municipalités s'élèverait à 2,400,000.

Le dernier inconvénient est grand sans doute; mais le premier ne l'est pas moins. Le rentier qui a 500 livres à recevoir en 10 parties de chacune 50 livres est astreint à fournir 10 certificats, tandis que celui qui touche 500 livres en un seuĺ article n'est tenu de fournir qu'un seul certificat. Vous voyez, Messieurs, que la loi est moins rigoureuse pour celui qui a le plus d'avantages, cependant vous n'avez pas voulu porter obstacle au payement des petites rentes, vous n'avez pas voulu que les bons citoyens souffrissent des mesures prises contre les ennemis de la patrie. Votre seul motif a été d'empêcher que ces hommes qui ont abjuré leur patrie ne trouvassent point de secours dans son sein. Aussi c'est en interprétant l'article de votre décret du 13 décembre que votre comité propose le projet de décret suivant (1):

Décret d'urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'ordinaire des finances, sur les difficultés que pouvait occasionner l'exécution de l'article 1er du décret du 13 décembre dernier, relatif au payement des rentes; considérant qu'il est important de les faire cesser, décrète qu'il y a urgence de délibérer. »

Décret définitif.

« Art. 1er. L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que les certificats de résidence, exigés par l'article 1er du décret du 13 décembre dernier, et que les quittances ou duplicata de quittance des impositions, exigés par le décret du 24 juin précédent, seront remis au moment du payement, et rendus aux parties prenantes, après vérification.

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« Art. 2. Il est enjoint aux contrôleurs des rentes de faire mention du vu des certificats et quittances ou duplicata de quittance aux procès-verbaux des paiements faits par chaque payeur sous peine de responsabilité. »

« Art. 3. Les certificats de résidence ne seront valables que pendant deux mois, à compter de la date du visa du directoire du district. »

« Art. 4. Le décret du 13 décembre dernier sera exécuté en tout ce qui ne déroge point aux dispositions du présent décret. »

« Art. 5. Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction. »

Plusieurs membres demandent l'impression du projet de décret et l'ajournement de la discussion à lundi.

(L'Assemblée décrète l'impression du projet de décret et l'ajournement de la discussion à lundi prochain.)

M. Crestin obtient la parole pour présenter une motion tendant à révoquer l'article 4 du titre II de la loi du 15 mars 1790, concernant les droits féodaux supprimés sans indemnité; il s'exprime ainsi :

Messieurs, à la vue des nombreux et profonds décrets rendus par l'Assemblée nationale constituante pour détruire jusqu'à la plus légère trace

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Dette publique, J.

de la féodalité, il semble qu'elle ait entièrement consommé cette destruction. L'on dirait surtout à la lecture de son décret du 15 mars 1790, concernant les droits seigneuriaux rachetables, qu'elle a embrassé et scruté tous les cas où le régime féodal avait frappé de son oppression les malheureux cultivateurs attachés à une glèbe que les seigneurs avaient usurpée sur eux, et dont ils ne leur laissaient qu'une culture précaire.

Cependant de ces lois si parfaites en apparence, il est sorti des prétentions nouvelles de la part de plusieurs ci-devant seigneurs, contre lesquelles une grande quantité de communautés d'habitants des provinces où la mainmorte était établie, réclament la justice et l'autorité de l'Assemblée nationale législative. Je vais en exposer le sujet très succinctement, et après avoir posé l'état de la question, je me bornerai à en demander le renvoi au comité féodal, pour qu'il en fasse son rapport, et qu'il vous présente un projet de décret propre à calmer les inquiétudes d'une multitude de familles, victimes d'une injustice, qui, contre l'intention de vos prédécesseurs, repose sur une contradiction ou une équivoque réelle dans un de leurs décrets.

La mainmorte, ce fléau qui désolait la Franche-Comté, comme le domaine congéable, désolait la Bretagne, ce raffinement de servitude et d'inhumanité qui, en raison des habitants du Jura, a exercé longtemps la plume, et excité les sollicitudes philosophiques de Voltaire; la mainmorte était réelle, mixte et personnelle: ces trois espèces avaient des caractères absolument différents. On ne connaissait point en Franche-Comté la mainmorte mixte; mais la réunion de la mainmorte réelle et de la mainmorte personnelle était, pour ainsi dire, générale. Plusieurs communautés s'en étaient affranchies par des traités, moyennant des dimes considérables en grains et en vins et d'autres redevances en argent. Ces traités étaient les uns anciens, les autres extrêmement récents à l'époque à jamais mémorable des décrets des 4 août 1789 et jours suivants, qui frappèrent le colosse féodal, et établirent le règne de la liberté en supprimant toute espèce de servitude personnelle. C'était le principe; l'Assemblée nationale constituante en développa les conséquences par son décret du 15 mars 1790. Elle abolit très expressément toute mainmorte réelle, personnelle et mixte encore existante. Par l'article 5 elle abolit encore tous les droits, charges et redevances représentatives de servitude personnelle.

Par l'article 4 du titre II, elle veut que les traités d'affranchissement et les redevances établies pour rachat de la mainmorte réelle et mixte soient exécutés. En sorte que par la plus bizarre injustice, par l'inconséquence la plus extraordinaire, ceux des mainmortables qui n'avaient point pensé à s'affranchir, se sont trouvés francs de toute espèce de mainmortes, sans aucune indemnité, tandis que ceux qui s'en étaient rachetés, même récemment pour des dîmes et redevances, restent assujettis à ces dîmes et redevances, et ne peuvent s'en libérer qu'en les rachetant. L'affranchissement est devenu par ce moyen un malheur pour eux, quoiqu'il ne dût y avoir aucune différence entre eux et ceux qui në s'étaient pas affranchis, quoiqu'enfin le signe représentatif et onéreux de mainmorte, dut, aux termes des décrets du 4 août 1789, être brisé comme un joug odieux que les ci-devant seigneurs n'avaient pu imposer sans offenser la dignité de l'homme. Est-ce faiblesse? est-ce retour

sur soi-même? est-ce distraction de l'Assemblée constituante? Il me suffit de montrer que c'est une insulte révoltante de la disposition de l'article 4 du titre II de la loi du 15 mars 1790, si contrastant avec l'article 1er, et c'est contre cette contradiction que je viens réclamer. Ce sont les cris de peut-être deux cent mille familles intéressantes de cultivateurs, répandus dans les départements ci-devant affectés de la mainmorte, que je viens vous faire entendre.

Je sais avec quel respect religieux on doit aborder les lois faites par l'Assemblée constituante. Personne n'en est plus pénétré que moi; mais elle-même ne s'est pas dissimulé que quelques-unes, et celle que je dénonce entre autres, étaient susceptibles de corrections. Je n'ai que faire d'intéresser votre sensibilité pour vous convaincre de l'urgente nécessité de la correction que je propose. Il me suffit de la montrer à votre équité suprême. Et quand les dîmes et redevances constituées avant 1789, pour rachat de mainmorte réelle et personnelle tout à la fois, pourraient être légitimées, du moins ce ne serait qu'en ce qui concerne la mainmorte réelle; mais en ce qui regarde la partie de la redevance relative à la mainmorte personnelle, elle ne pourrait subsister, puisque tout droit représentatif de cette servitude est textuellement supprimé sans indemnité. Je demande donc la révocation absolue de l'article IV du titre II de la loi du 15 mars 1790. Je demande la suppression entière de tous droits et redevances représentatives de la mainmorte réelle et personnelle et mixte, sans indemnité, comme cette suppression a été prononcée de ces trois espèces de mainmorte dans les lieux où elles étaient encore existantes en nature à l'époque du 4 août 1789. Je demande que cette suppression ait lieu par quelques titres que ces droits, dîmes et redevances aient été établis et constitués par les communautés d'habitants ou par les particuliers, envers leurs ci-devant seigneurs. Vous ne voudrez pas qu'il existe de nombreux Français encore chargés des chaînes de la féodalité, encore tributaires de leurs anciens tyrans. C'est de la nation, c'est de vous, et non pas de ces tyrans, qu'ils doivent et qu'ils veulent tenir le complément de leur liberté.

Plusieurs membres: Appuyé! appuyé ! (L'Assemblée renvoie la motion de M. Crestin au comité féodal.)

M. le Président donne lecture d'une lettre de la dame Elise Palm, née d' Aelders, qui offre à l'Assemblée nationale la traduction en hollandais, de la déclaration solennelle décrétée le 29 décembre dernier; cette lettre est ainsi conçue :

« Monsieur le Président,

« L'Assemblée nationale a décrété que la déclaration rédigée par M. Condorcet, adoptée par elle au nom de la nation, serait traduite dans toutes les langues; permettez qu'une femme hollandaise de naissance et française par adoption, puisse avoir l'honneur d'offrir à l'Assemblée nationale, par votre organe, la traduction de cette déclaration dans sa langue naturelle, afin de mettre ses concitoyens à même de connaître, admirer et inviter les sentiments généreux et magnanimes du peuple français. (Applaudissements.) Je vous prie, Monsieur le Président, d'être l'interprête des sentiments de vos amis

et alliés dont je me fais gloire d'être la concitoyenne. J'ai l'honneur d'être, etc.

« Signé Elise PALM, née d'Aelders. »

Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal!

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette lettre au procès-verbal.)

Un membre: Il y a déjà longtemps qu'on presse le comité de législation de vous présenter un projet de loi sur la manière de constater les naissances, mariages et décès ce projet n'arrive jamais, et cependant l'objet en est très urgent. Je demande que pour tout délai le comité de législation soit tenu de présenter, dans trois jours, un projet de décret qui règle le mode uniforme par lequel les naissances, mariages et et décès seront constatés, lequel aussi désignera les officiers publics chargés d'en recevoir et d'en conserver les actes.

M. Ducastel. Le comité de législation est surchargé d'occupations; il s'est déjà occupé de cette question vraiment importante qui demande un long et mûr examen et la loi comprendra au moins cent articles. Les membres du comité travaillent jusqu'à onze heures du soir. Il est impossible que dans trois jours on vous fasse un rapport sur une matière qui exige tant de réflexion.

M. Ramond. Je crois que si l'Assemblée voulait ordonner au comité de diviser son travail, il serait plus à partie de satisfaire à l'impatience de l'Assemblée. Je demande, en conséquence, que le comité de législation borne son rapport à la manière de constater légalement les naissances, mariages et décès et fasse des rapports séparés sur les dispositions accessoires qu'il paraît se proposer d'y réunir en faisant porter la loi demandée sur les dispenses.

Plusieurs membres : C'est impossible!

M. Lemontey appuie la motion de M. Ramond. M. Rougier-La-Bergerie. Le comité de législation a été établi pour vous présenter un travail général sur les lois civiles et criminelles ; cependant vous lui renvoyez chaque jour tout ce qui a rapport à la Constitution. Il ne peut suffire à tant d'occupations. Comme il est composé de 48 membres, je demande que vous le divisiez en deux grandes sections de 24 membres chacune, dont l'une s'occupera, exclusivement à tout autre objet, de la réformation des lois civiles et criminelles; et l'autre, divisée en deux sections de 12 membres, s'occupera des objets journaliers que l'Assemblée renvoie au comité, sans qu'une section soit tenue de soumettre ses rapports à l'autre.

MM. Ducastel et Lemontey appuient cette proposition.

(L'Assemblée, consultée, décrète la motion de M. Rougier-La-Bergerie.).

M. Cartier-Douineau, au nom du comité de l'extraordinaire des finances, fait un rapport et présente un projet de décret relatif aux dépenses nécessaires à l'établissement du tribunal criminel de Paris; il s'exprime ainsi :

Messieurs, le comité de l'extraordinaire des finances, après avoir pris connaissance de la demandé faite par la municipalité de Paris, relativement à l'établissement du tribunal criminel, et des avis du ministre de l'intérieur et du direc

toire sur cet objet, a reconnu qu'il était aussi urgent que nécessaire d'acquiescer à cette demande.

Par le décret du 29 septembre 1791, sanctionné le 12 octobre suivant, l'Assemblée a fixé à 3,000 livres la dépensé de l'établissement du tribunal criminel de Paris. La salle de la ci-devant chancellerie ayant paru à la municipalité ainsi qu'au directoire du département, le seul emplacement convenable à cet établissement, il résulte du devis qu'a fait dresser la municipalité, que la somme de 3,000 livres, fixée par la loi ci-dessus, est évidemment insuffisante, soit à raison du haut prix de la main-d'œuvre, soit en raison de l'étendue que doit avoir un semblable établissement dans un département aussi peuplé. Ce devis des frais mis sous les yeux de votre comité s'élève à 15,500 livres; mais la loi s'opposant à ce que le département autorise une dépense plus forte que celle dont l'Assemblée constituante avait fixé la mesure, c'est à vous à qui il appartient de fixer cette dépense.

Votre comité a reconnu qu'il était absolument impossible de fixer la dépense à 3,000 livres; le local choisi par la municipalité et approuvé par le département, lui a parù le seul convenable à cause de la proximité des prisons. Il est donc d'avis que vous autorisiez la municipalité de la ville de Paris à cet excédent de dépense, il vous observera qu'il est extrêmement urgent que vous prononciez sur cette demande, pour mettre la municipalité en état d'établir promptement ce tribunal. Dès le 2 janvier il devait s'ouvrir, le public l'attend, la justice et la Constitution lé réclament. En conséquence, votre comité m'a chargé de vous présenter le projet de décret suivant (1):

Décret d'urgence.

L'Assemblée nationale, considérant que le local choisi par la municipalité de Paris, d'après l'avis du ministre de l'intérieur, et celui du département de Paris, est le seul convenable à l'établissement de son tribunal criminel; que les frais fixés à 3,000 livres pour cet établissement sont évidemment insuffisants; qu'il est urgent d'autoriser la municipalité à élever cette dépense à la somme de 15,500 livres suivant le devis qu'elle en a fait dresser; considérant, d'ailleurs, que le tribunal criminel de Paris devrait être en activité depuis le 2 de ce mois, que le public l'attend avec impatience, et qu'il est également réclamé par la justice et la Constitution après avoir entendu le rapport de son comité de l'extraordinaire des finances, décrète qu'il y a urgence.

Décret définitif.

:

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devis qu'elle en a présenté et dans le local qu'elle a choisi pour cet établissement. »

(L'Assemblée adopte, sans discussion, ce projet de décret.)

Après quelques légers débats sur la priorité des objets à l'ordre du jour, l'Assemblée l'accorde à la suite de la discussion du projet de décret du comité de législation, sur la question de savoir si le décret relatif au complément d'organisation de la haute cour nationale sera soumis à la sanction du roi (1).

Un membre: Je demande à faire une motion d'ordre, c'est que l'Assemblée nationale passe à l'ordre du jour sur cette question.

M. Thuriot. Eh, Monsieur, c'est précisément la question. Monsieur le Président, je demande... Le même membre: Messieurs, depuis 3 mois, j'ai entendu faire dans cette tribune des motions plus ou moins fondées en raison. J'ai eu la patience de les écouter. Je réclame pour moi la même indulgence; je ne veux point traiter le fond de la question.

Voici mes motifs : L'Assemblée ne peut ouvrir la discussion sur une question dont la solution ne lui appartient pas.

Plusieurs membres: Ce n'est pas là la question.

Le même membre: Messieurs, je ne m'écarte point de ma proposition. En interprétant sans cesse la Constitution, article par article, nous finirons par la détruire entièrement.

M. Basire. On ne peut pas se jouer de l'ASsemblée par des subtilités et des escobarderies de la nature de celle de l'opinant. La question au fond est de savoir ce que porte ou ne porte pas la Constitution. Je demande que l'on suive l'ordre de la parole.

Le même membre: Si je m'écarte de la motion d'ordre, M. le Président me rappellera à la question.

M. Basire. Traitez la question au fond. (Murmures.)

Le méme membre: Je vais seulement prouver que l'Assemblée ne peut pas permettre que l'on discute dans son sein une question dont la solution ne lui appartient pas. Il n'appartient pas à l'Assemblée de prononcer sur la question dont il s'agit, et je le prouve. Ou la Constitution a placé ce décret dans la classe des décrets sujets à la sanction, ou il l'a placé dans la classe des décrets non sujets à la sanction, ou bien encore la classe est douteuse. Or, dans ces trois cas, l'Assemblée nationale ne peut pas prononcer; car, dans les deux premiers, la Constitution ayant parlé clairement, il est de notre devoir d'en rester là. S'il en était autrement, l'Assemblée nationale qui n'est pas infaillible, pourrait décider d'une manière contraire à la Constitution, ce qui n'est pas dans la Constitution.

Dans le troisième cas, c'est-à-dire celui où il y a doute sur la classe où la Constitution a placé le décret dont il s'agit, je prétends que l'Assemblée nationale ne peut pas non plus discuter, car alors il s'agirait d'interpréter un article constitutionnel. Or, si aujourd'hui l'Assemblée nationale s'arrogeait le droit d'interpréter un article constitutionnel, ce serait faire un nouvel article

(1) Voy. ci-dessus, séance du 4 janvier 1792, le rapport de M. Dalmas et le commencement de la discussion sur cet objet.

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