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l'empire de la Charte, notamment les art. 75, 76, 77 et suiv. (1). Les statuts relatifs à la famille impériale ont paru à quelques écrivains pouvoir être appliqués sans difficulté à la maison de Bourbon; d'autres ont préféré chercher dans la Constitution de 1791 un complément à la Charte; enfin, on a pensé qu'il fallait recourir, dans plusieurs cas, aux principes de notre ancien droit public (2). Les différentes autorités auxquelles est confiée l'administration tiennent leurs pouvoirs ou de la loi du 28 pluviose an 8, ou de celles qui l'ont modifiée au profit du pouvoir impérial. L'organisation municipale et départementale est réglée sous la monarchie constitutionnelle par quelques décrets de l'Assemblée constituante et par une foule de lois de la république, accommodées aux convenances du despotisme militaire. Le Conseil-d'Etat n'a plus, depuis la Charte, les mêmes attributions; et cependant on a cru pouvoir, sans inconvénient, adapter à son existence actuelle quelques dispositions démembrées d'un systême tout différent.

Cette énumération pourrait être beaucoup plus étendue; et si ces observations sur des généralités ont quelque force, elles auraient un effet bien plus grand, s'il était possible d'entrer dans quelques détails.

Plus d'une fois la justice étonnée a vu l'intérêt personnel chercher des ressources dans des lois qui furent faites en haine de ceux-là même qui, par un étrange concours de circonstances, les invoquent à leur profit (3).

La jurisprudence peut seule, par son autorité et ses lumières,

(1) Voy. art. 615, Cod. inst. crim.

(2) Voy. Collection des constitutions des peuples de l'Europe et des deux Amériques, France, p. 79. Voy. Rapport à la Chambre des Pairs, sur la loi de la presse, en 1822.

(3) Cette observation s'applique surtout aux lois sanguinaires et fiscales du gouvernement révolutionnaire. Notamment dans la célèbre affaire Desgraviers, le conseil de la liste civile a invoqué le décret du 16 juin 1793, qui, suivant l'expression des jurisconsultes chargés des intérêts de M. Desgraviers, n'est que l'appendice des autres décrets régicides de la Convention, qui confirme l'abolition de la royauté, dépouille le Roi et l'héritier de la couronne de leurs qualités royales, les insulte, les outrage...... qui est incompatible avec la légitimité, etc.

préparer au pouvoir législatif les moyens de rétablir l'ordre et l'harmonie dans cet inextricable chaos; mais le pouvoir législatif ne doit pas rendre inefficaces les efforts des tribunaux, et décourager leurs bonnes intentions par une inertie qui semble n'attacher aucune importance à l'un des premiers besoins de la société. La difficulté de l'entreprise ne saurait être un motif suffisant pour y renoncer, d'autant que si une fois l'intention de ce beau travail était manifestée, des secours inattendus se présenteraient de toutes parts. Il existe déjà de profondes dissertations et d'excellens ouvrages des plus célèbres jurisconsultes et des plus habiles publicistes : quelques encou ragemens produiraient de nouveaux efforts et des ressources inattendues (1).

Sans doute, les observations que nous avons faites sur notre législation peuvent s'appliquer avec plus ou moins de raison à la législation de presque tous les peuples. Il n'est pas de nation qui n'ait conservé dans ses archives des lois que réprouvent l'esprit du temps et les institutions actuelles (2); mais, chez aucune, on ne trouvera ces transitions si brusques et si fréquentes d'un systême à un autre systême, d'une forme à une forme nouvelle, qui, durant trente années, ont agité la France et les pays soumis à son influence.

En résumé, nous avons tenté d'établir que l'application des lois doit être dirigée par des principes certains et formant un ensemble systématique, c'est-à-dire, qu'il y a une science de l'application des lois. Nous avons cherché à en indiquer les bases, et le but; nous n'avons pas craint d'exposer l'immensité et la nature des travaux nécessaires au développement et aux progrès d'une science encore récente; enfin, nous n'avons pas dissimulé ce que l'état de notre législation particulière ajoutait de difficultés aux difficultés naturelles

(1) L'ouvrage de M. Legraverend, intitulé : des Lacunes et des besoins de la législation française en matière politique et criminelle peut être cité comme un modèle des travaux qu'exigent la réformation et la coordination de nos lois.

(2) Voy. l'ouvrage intitulé : Réflexions sur les lois pénales de France et d'Angleterre, par M. Taillandier.

de la matière. Le plan de cette Collection a été conçu sous l'influence de ces idées; et si notre faiblesse n'a pas trahi nos intentions, nous croyons que quelques avantages doivent résulter de cette direction nouvelle et vraiment philosophique.

Il nous reste à exposer la marche que nous avons suivie dans l'exécution, et les avantages qui doivent en être, selon nous, la conséquence.

Pour interpréter la loi et en faire une juste application, on doit nécessairement connaître les motifs qui ont déterminé le législateur, les monumens de la jurisprudence qui ont résolu les questions nées de l'obscurité des textes ou de leur combinaison, et enfin les rapports qui existent entre les différentes parties de la législation. Il y a donc trois sortes d'annotations principales qui doivent accompagner les textes. Sans elles, les collections ne sont que des amas informes d'actes isolés et incohérens; par leur moyen, l'ordre et l'harmonie s'établissent, et toutes les parties sont éclairées d'une lumière devant laquelle les doutes s'effacent et les controverses s'éteignent.

En effet, que doit rechercher le jurisconsulte occupé de traiter une question neuve, sur laquelle la jurisprudence et les auteurs ne fournissent aucun renseignement? il doit examiner le texte d'où naît la difficulté, dans ses rapports avec les lois qui l'ont précédé et qui l'ont suivi; il doit puiser, dans les discours prononcés par les membres des assemblées législatives, les raisons qui ont déterminé à adopter telle disposition plutôt que telle autre : à l'aide de ces documens, il sera dirigé d'une manière sûre dans l'application. Mais si aux ressources qui viennent d'être indiquées, se joignent celles que fournit la jurisprudence, alors il ne sera plus possible d'hésiter; il parlera avec une certitude et une conviction parfaites au client qui le consulte sur un procès à entreprendre, et au magistrat qui doit juger la contestation engagée.

Les ouvrages de doctrine qui ont le plus de mérite, ne sont euxmêmes que la fusion méthodique des motifs de la loi, des décisions des tribunaux, et des observations faites sur le rapport des lois entre elles.

Nous n'insisterons pas davantage sur ce point; car tous les juris

consultes sont convaincus, par expérience, que rien ne peut leur être plus utile que de retrouver facilement les discours où les hommes d'État ont exprimé la pensée de la loi; d'avoir sous les yeux les notices de la jurisprudence, le meilleur de tous les commentaires, depuis que la Cour de cassation, cette institution si belle et si utile, y a mis de l'ordre et de l'uniformité; enfin, de pouvoir d'un coupd'œil parcourir toutes les lois qui ont modifié, abrogé, expliqué des lois antérieures.

Les renvois au Moniteur, et la manière dont sont rapportées les notions de la jurisprudence administrative et judiciaire, avec indication des recueils où elles sont puisées, nous paraissent n'avoir besoin d'aucune explication. Mais qu'il nous soit permis d'insister encore sur le rapprochement des lois analogues.

Plus nous en sentons l'utilité, plus nous y avons mis de soins. Nous avons consulté les tables générales et particulières, les traités spéciaux, les collections consacrées aux diverses branches de la législation (1), et tous les ouvrages où les lois se trouvent distribuées suivant la nature des matières (2).

Tant d'efforts auront-ils produit quelques résultats utiles? Nous osons l'espérer; et, dans tous les cas, nous comptons sur l'indulgence des hommes capables d'apprécier les difficultés d'un semblable travail.

Sans doute, nous eussions trouvé plus de facilité si, sur chaque loi, nous avions seulement voulu indiquer toutes celles qui s'y rapportent plus ou moins directement, et surtout si nous n'avions tenu aucun compte des changemens complets de systêmes sur chaque matière: mais, alors, à quoi serions-nous arrivés? A présenter de longues listes, où les lois fondamentales auraient été confondues avec

(1) Tels sont le Code rural, le Code forestier, le Code de la voirie, de la Garde nationale, des prises, etc.

(2) Tels sont le Répertoire de Merlin, les Questions de droit administratif de M. Cormenin, la Classification des lois administratives de Lallouette, le Code administratif de Fleurigeon, le Répertoire de Dufour, le Dictionnaire de Péchart, le Répertoire des lois commerciales, par Grouvel, etc.

des lois d'un moindre intérêt, où les recherches auraient toujours été très-difficiles, et souvent infructueuses.

Le texte des lois a été puisé dans les éditions de Baudouin (1), du Louvre (2), dans le Bulletin des Lois (3), et dans le Moniteur; on a eu soin d'ajouter les actes qui, par la négligence des préposés à la confection de ces recueils, ou par tout autre motif, ont été omis (4), et dont cependant l'authenticité n'est pas douteuse. Pour s'assurer d'une exactitude parfaite, toutes les lois ont été collationnées sur les diverses collections où elles ont été rapportées : le titre a été presque toujours conservé tel qu'il est dans la Collection du Louvre ou dans le Bulletin; mais, comme ce titre n'est pas lui-même l'ouvrage du pouvoir législatif, on a adopté la rédaction des autres collections, notamment de celle de Baudouin, lorsqu'elle a paru plus explicative des dispositions de la loi. Toutefois, ces légers changemens n'ont été faits qu'après un examen approfondi; car il est certain qu'une modification qui, au premier coup-d'œil, n'a aucune importance, peut induire en erreur sur le véritable sens de la loi.

(1) La Collection Baudouin commence au 4 mai 1789, et comprend jusqu'au 27 décembre 1799 (5 nivose an 8); elle forme 78 volumes in-8° où sont réunis tous les actes émanés des Assemblées législatives.

(2) La Collection du Louvre comprend, en 23 volumes in-4°, les lois et les actes du pouvoir exécutif, depuis le 7 juillet 1788 jusqu'au 20 juin 1794 (22 prairial an 2).

(3) Le Bulletin des Lois a été créé par la loi du 4 décembre 1793 ( 14 frimaire an 2 ); les matières qu'il doit contenir sont déterminées par la loi qui l'a institué, mais elle a été modifiée par plusieurs lois subséquentes. Voy. lois du 17 août 1794 (30 thermidor an 2), du 4 octobre 1795 (12 vendémiaire an 4). Le Bulletin des Lois se divise en neuf séries: la première comprend les lois de la Convention, la deuxième celles du Directoire, la troisième celles du Consulat, la quatrième celles de l'Empire, la cinquième celles de la Restauration jusqu'aux cent jours, la sixième celles des Cent jours, la septième celles de la deuxième Restauration jusqu'à la mort de Louis XVIII, la huitième celles du règne de Charles X jusqu'à la révolution de juillet 1830, la neuvième celles du règne de Louis-Philippe Ier. Il est inutile de parler ici du Bulletin de correspondance dont il est question dans les lois du 15 septembre 1792, du 30 thermidor an 2, du 8 pluviose an 3, art. 5.

(4) C'est surtout depuis que le Bulletin des Lois est le seul recueil officiel, qu'on a observé de pareilles omissions; notamment la loi du 13 août 1814, sur les relations des chambres avec le Roi, n'est pas au Bulletin,

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