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ceux d'entre les notables de l'assemblée de 1787, qui sont décédés, ou qui se trouveraient valablement empèchés.

parties essentielles de l'ordre public, elle ne pouvait prendre trop de précautions, nonseulement pour éclairer sûrement ses déterminations, mais encore pour donner au plan qu'elle adoptera la sanction la plus imposante. Animée d'un pareil esprit, et cédant uniquement à cet amour du bien qui dirige tous les sentimens de son cœur, Sa Majesté a considéré comme le parti le plus sage d'appeler auprès d'elle, pour être aidée de leurs conseils, les mêmes notables, assemblés par ses ordres, au mois de janvier 1787, et dont le zèle et les travaux ont mérité son approbation et obtenu la confiance publique.

Ces notables ayant été convoqués, la première fois, pour des affaires absolument étrangères à la grande question sur laquelle le Roi veut aujourd'hui les consulter, le choix de Sa Majesté manifeste encore davantage cet esprit d'impartialité qui s'allie si bien à la pureté de ses vues. Le nombre des personnes qui composeront cette assemblée ne retardera pas leurs deliberations, puisque ce nombre même affermira leur opinion par la confiance qui naît du rapprochement des lumières; et sans doute qu'elles donneront leur avis avec la noble franchise que l'on doit naturellement attendre d'une reunion d'hommes distingues, et comptables uniquement de leur zele pour le bien public. Sa Majeste aperçoit, plus que jamais, le prix inestimable du concours general des sentimens et des opinions; elle veut y mettre sa force; elle veut y chercher son bonheur; et elle secondera de sa puissance les efforts de tous ceux qui, diriges par un veritable esprit de patriotisme, seront dignes d'être associes à ses intentions bienfaisantes,

A quoi voulant pourvoir; ou le rapport. le Roi etant en son conseil, a ordonne et ordonne que toutes les personnes qui ont forme, en 1-87-, l'assemblée des notables, seront de nouveau convoquées pour se trouver retuies en sa ville de Versailles, le 3 du mois de novembre prochain, suivant les leitres particulieres qui seront adressees a chaene d'elles, pour y deliberer uniquement sur ka mamere la plus regulere et la plus convenable de proceder à la formation des Fals - Getermux de 1-8gtaTeffet de quoi. Sa Majeste bear fera communiquer les dillereus reisetzuemens qu'il aura ete possibie de se procurer sur la constitution des precedeus Etats-Generaux, et sur les formes qui vitt eie suivies pour la convocation et Celection Les menores de ces assemîHOES MAC, MILES, de manere qu'enes puissent zresenter un avis duis le cours dait mois de novembre; et Sa Maiste se reserve de remplacer, par die personnes de même quante et sumiri în.

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Fait au Conseil-d'Etat du Roi, Sa Majesté y élant, tenu à Versailles, le cinq octobre mil sept cent quatre-vingt-huit.

Signe LAURENT DE VILLEDEUIL.

1er NOVEMBRE 1-88. — Arrêt du Conseil-d'Etat du Roi portant convocation d'une assemblée des anciens Etats de Franche-Comté. (L. 1, 18.)

27 DÉCEMBRE 1-88. — Rapport fait au Roi, dans son conseil, par le ministre de ses finances (1). (L. 1, 21.)

SIRE, les notables, convoqués par vos ordres, se sont livrés avec application à l'examen des diverses questions sur lesquelles ils avaient été consultés par Votre Majesté, et à mesure qu'ils ont avancé dans leurs recherches, ils ont découvert plusieurs difficultés qu'il était important de résoudre. Leur travail a donc répandu un grand jour sur divers détails essentiels; et, en fixant ainsi beaucoup d'incertitudes, en dissipant plusieurs obscurites embarrassantes, ils ont éclairé la marche de l'administration.

Votre Majeste, qui a pris connaissance du procès-verbal des differens bureaux, a pu juger par elle-meme de la verité de ces observations. Elle a vu, en même temps, que trois questions importantes avaient donne lien à un partage d'opinions; et, puisque l'une, surtout, fixe aujourd'hui l'attention et l'interêt de tout le royaume, il est indispensable de les soumettre particulièrement à la decision de Votre Majeste.

Les trois questions dont je viens de parler sont celles-ci : 1a Faut-il que le nombre des deputes aux Etats-Generaux soit le même pour tous les baillages indistinctement, ou ce nombre doit-il etre different, selon l' etendue de kur population? 2° Fast-il que le nomire des deputes du tiers-etal soit eral a celui des denX autres ordres reunis, on ce nombre ne doitil composer que la troisième partie de l'ensemble? 3o Chasque ordre soit-il être restreint à se choisir des depoles que dans son unire?

Sar un premises questum. La majorite des noticies a ete, d'avis que je momôre des deputes devait être se meme pour chaque bailmare, mais plusieurs bureaux paraissent avoir adopté cette opézien, parce qu'on n'avait pas pu mettre sous kurs yeux des coagaSukces, suasubers sur la pupaiativa comparative de chaque bancare, in tavad trèsetema, que la Irievedz Da temps advait pas pervus be but, avait ete presente 2:43. Minuta

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5 OCTOBRE 1788. Arrêt du Conseil-d'Etat du Roi pour la convocation d'une assemblée de Bolables au 3 novembre prochain. (Extrait des registres du Conseil d'Etat, L. 1, 13.)

Le Roi, occupé de la composition des Etats-Généraux, que Sa Majesté se propose d'assembler dans le cours du mois de janvier prochain, s'est fait rendre compte de diverses formes qui ont été adoptées à plusieurs époques de la monarchie, et Sa Majesté a vu que ces formes avaient souvent différé les unes des autres d'une manière essentielle.

Le Roi aurait désiré que celles suivies pour la derniere tenue des Etats-Généraux eussent pu servir de modèle en tous les points; mais Sa Majesté a reconnu que plusieurs se concilieraient difficilement avec l'état présent des choses, et que d'autres avaient excité des réclamations dignes, au moins, d'un examen attentif; que les élections du tiers-état avaient été concentrées dans les villes principales du royaume, connues alors sous le nom de bonnes villes, en sorte que les autres villes de France, en très-grand nombre, et dont plusieurs sont devenues considérables depuis l'époque des derniers EtatsGénéraux, n'eurent aucun représentant; que les habitans des campagnes, excepté dans un petit nombre de districts, ne paraissent pas avoir été appelés à concourir par leurs suffrages à l'élection des députés aux Etats-Généraux; que les municipalités des villes furent principalement chargées des élections du tiers-état; mais, dans la plus grande partie du royaume, les membres de ces municipalités, choisis autrefois par la commune, doivent aujourd'hui l'exercice de leurs fonctions à la propriété d'un office acquis à prix d'argent; que l'ordre du tiers fut presque entierement composé de personnes qualifiées nobles dans les procès-verbaux de la dermere tenue, en 1614; que les élections étaient faites par bailliages, et chaque bailliage avait à peu près le même nombre de députés, quoiqu'ils différassent considérablement les uns des autres en étendue, en richesse et en population; que les Etats-Généraux se diviserent, à la vérité, en douze gouvernemens, dont chacun n'avait qu'une voix; mais cette forme n'établissait point une égalité proportionnelle, puisque les voix, dans chacune de ces sections, étaient recueillies par baillage, et qu'ainsi le plus petit et le plus grand avaient une mème influence; qu'il n'y avait même aucune parité entre les gouvernemens, plusieurs étant de moitié au-dessous des autres, soit en étendue, soit en population; que les inégalités entre les bailliages et sénéchaussées sont devenues beaucoup plus grandes qu'elles ne l'étaient en 1614, parce que, dans les changemens faits depuis cette époque, on a perdu de vue les dispositions appropriées aux Etats- Généraux, et l'on

en

s'est principalement occupé des convenances relatives à l'administration de la justice; que le nombre des bailliages ou sénéchaussées, dans la seule partie du royaume soumise, 1614, à la domination française, est aujourd'hui considérablement augmenté; que les provinces réunies au royaume depuis cette époque, en y comprenant les trois évêchés, qui n'eurent point de députés aux EtatsGénéraux, représentent aujourd'hui près de la septième partie du royaume; qu'ainsi, la manière dont ces provinces doivent concourir aux élections pour les Etats-Généraux, ne peut être réglée par aucun exemple; et la forme usitée pour les autres provinces peut d'autant moins y être applicable, que dans la seule province de Lorraine, il y a trentecinq baillages: division qui n'a aucune parité avec le petit nombre de bailliages ou sénéchaussées, dont plusieurs généralités du royaume sont composées; que les élections du clergé eurent lieu d'une manière trèsdifférente, selon les districts et selon les diverses prétentions auxquelles ces élections donnèrent naissance; que le nombre respectif des députés des différens ordres ne fut pas déterminé d'une manière uniforme dans chaque bailliage, en sorte que la proportion entre les membres du clergé, de la noblesse et du tiers-état, ne fut pas la même pour tous; qu'enfin, une multitude de contestations relatives aux élections, consumèrent une grande partie de la tenue des derniers Etats-Généraux, et qu'on se plaiguit fréquemment de la disproportion pour la répartition des suffrages.

Sa Majesté, frappée de ces diverses considérations, et de plusieurs autres moins importantes, mais qui, réunies ensemble, méritent une sérieuse attention, a cru ne devoir pas resserrer dans son conseil l'examen d'une des plus grandes dispositions dont le Gouvernement ait jamais été appelé à s'occuper.

Le Roi veut que les Etats-Généraux soient composés d'une manière constitutionnelle; que les anciens usages soient respectés dans tous les réglemens applicables au temps présent, et dans toutes les dispositions conformes à la raison et aux vœux légitimes de la plus grande partie de la nation. Le Roi attend avec confiance des Etats-Généraux de son royaume, la régénération du bonheur public, et l'affermissement de la puissance de l'empire français. L'on doit donc être persuadé que son unique désir est de préparer, à l'avance, les voies qui peuvent conduire à cette harmonie, sans laquelle toutes les lumières et toutes les bonnes intentions deviennent inutiles. Sa Majesté a donc pensé qu'après cent soixante- quinze ans d'interruption des Etats-Généraux, et après de grands changemens survenus dans plusieurs

J.

ceux d'entre les notables de l'assemblée de 1787, qui sont décédés, ou qui se trouveraient valablement empêchés.

parties essentielles de l'ordre public, elle ne pouvait prendre trop de précautions, nonseulement pour éclairer sûrement ses déterminations, mais encore pour donner au plan qu'elle adoptera la sanction la plus imposante. Animée d'un pareil esprit, et cédant uniquement à cet amour du bien qui dirige tous les sentimens de son cœur, Sa Majesté a considéré comme le parti le plus sage d'appeler auprès d'elle, pour être aidée de leurs conseils, les mêmes notables, assemblés par ses ordres, au mois de janvier 1787, et dont le zèle et les travaux ont mérité son approbation et obtenu la confiance publique.

Ces notables ayant été convoqués, la première fois, pour des affaires absolument étrangères à la grande question sur laquelle le Roi veut aujourd'hui les consulter, le choix de Sa Majesté manifeste encore davantage cet esprit d'impartialité qui s'allie si bien à la pureté de ses vues. Le nombre des personnes qui composeront cette assemblée ne retardera pas leurs délibérations, puisque ce nombre mème affermira leur opinion par la confiance qui naît du rapprochement des lumières; et sans doute qu'elles donneront leur avis avec la noble franchise que l'on doit naturellement attendre d'une réunion d'hommes distingués, et comptables uniquement de leur zele pour le bien public. Sa Majesté aperçoit, plus que jamais, le prix inestimable du concours général des sentimens et des opinions; elle veut y mettre sa force; elle veut y chercher son bonheur; et elle secondera de sa puissance les efforts de tous ceux qui, dirigés par un véritable esprit de patriotisme, seront dignes d'être associés à ses intentions bienfaisantes.

A quoi voulant pourvoir; ouï le rapport, le Roi étant en son conseil, a ordonné et ordonne que toutes les personnes qui ont forme, en 1787, l'assemblée des notables, seront de nouveau convoquées pour se trouver réunies en sa ville de Versailles, le 3 du mois de novembre prochain, suivant les lettres particulières qui seront adressées à chacune d'elles, pour y délibérer uniquement sur la manière la plus régulière et la plus convenable de procéder à la formation des Etats- Généraux de 1789; à l'effet de quoi, Sa Majesté leur fera communiquer les différens renseignemens qu'il aura été possible de se procurer sur la constitution des précédens Etats-Généraux, et sur les formes qui ont été suivies pour la convocation et l'élection des membres de ces assemblées nationales, de manière qu'elles puissent présenter un avis dans le cours dudit mois de novembre; et Sa Majesté se réserve de remplacer, par des personnes de même qualité et condition,

Fait au Conseil-d'Etat du Roi, Sa Majesté y étant, tenu à Versailles, le cinq octobre mil sept cent quatre-vingt-huit.

Signé LAURENT DE VILLEDEUIL.

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27 DÉCEMBRE 1788. Rapport fait au Roi, dans son conseil, par le ministre de ses finances (1). (L. 1, 21.)

SIRE, les notables, convoqués par vos ordres, se sont livrés avec application à l'examen des diverses questions sur lesquelles ils avaient été consultés par Votre Majesté, et à mesure qu'ils ont avancé dans leurs recherches, ils ont découvert plusieurs difficultés qu'il était important de résoudre. Leur_travail a donc répandu un grand jour sur divers détails essentiels; et, en fixant ainsi beaucoup d'incertitudes, en dissipant plusieurs obscurités embarrassantes, ils ont éclairé la marche de l'administration.

Votre Majesté, qui a pris connaissance du procès-verbal des différens bureaux, a pu juger par elle-mème de la vérité de ces observations. Elle a vu, en même temps, que trois questions importantes avaient donné lieu à un partage d'opinions; et, puisque l'une, surtout, fixe aujourd'hui l'attention et l'intérêt de tout le royaume, il est indispensable de les soumettre particulièrement à la décision de Votre Majesté.

Les trois questions dont je viens de parler sont celles-ci: 1 Faut-il que le nombre des députés aux Etats-Généraux soit le même pour tous les bailliages indistinctement, ou ce nombre doit-il être différent, selon l'étendue de leur population? 2o Faut-il que le nombre des députés du tiers-état soit égal à celui des deux autres ordres réunis, ou ce nombre ne doitil composer que la troisième partie de l'ensemble? 3° Chaque ordre doit-il être restreint à ne choisir des députés que dans son ordre?

Sur la première question. La majorité des notables a été d'avis que le nombre des députés devait être le même pour chaque bailliage; mais plusieurs bureaux paraissent avoir adopté cette opinion, parce qu'on n'avait pas pu mettre sous leurs yeux des connaissances suffisantes' sur la population comparative de chaque bailliage. Un travail trèsétendu, que la brièveté du temps n'avait pas permis de finir, avait été présenté aux nota

(1) Ce rapport ne porte aucune date dans la collection du Louvre.

bles dans un état d'imperfection; il est complet actuellement, et je suis persuadé que, sous cette nouvelle forme, il aurait changé le cours des réflexions de la plupart des notables. Un respect rigoureux pour les formes suivies en 1614, a fixé l'opinion de ceux qui ont pensé que les grands bailliages devaient avoir le même nombre de députés, sans égard à la diversité de leur étendue et de leur population. Cependant il est impossible de douter qu'en 1614 on n'eût fait de plus fortes réclamations contre la grande inégalité de la representation entre les provinces, si la force de l'habitude, l'ignorance où l'on était de la population respective du royaume, et quel quefois un défaut d'intérêt pour les objets qui devaient être traités aux Etats-Généraux, n'avaient pas distrait l'attention de ces disparités; mais aujourd'hui que les lumières se sont étendues et perfectionnées, aujourd'hui qu'on est attaché davantage aux règles de l'équité proportionnelle, on exciterait les réclamations de plusieurs provinces, sans en coutenter aucune, si l'on consacrait de nouveau des inégalités contraires aux règles les plus communes de la justice. Ces inégalités sont grandes, ainsi qu'on a déjà eu occasion de le faire remarquer.

La sénéchaussée de Poitiers content.

Le bailliage de Gex.

692,810 ames. 13,052

7,462

Le bailliage de Vermandois. 674,504 Celui de Dourdan. Il n'y a qu'une seule opinion dans le royaume sur la nécessité de proportionner, autaut qu'il sera possible, le nombre de deputés de chaque bailliage à sa population; et, puisque l'on peut, en 1788, établir cette proportion d'après des connaissances certaines, il serait évidemment déraisonnable de délaisser ces moyens de justice éclairée, pour suivre servilement l'exemple de 1614.

Je ne m'arrêterai pas aux raisonnemens trop métaphysiques dont on s'est servi pour soutenir que les intérêts généraux de la nation seraient aussi bien représentés par les députés d'un petit bailliage que par les députes d'un grand; et qu'ainsi, les représentans de ces deux bailliages pouvaient rester en nombre égal sans inconvénient, et jouir ainsi d'une influence pareille dans l'assemblée des Etats-Generaux. Il suffit, pour faire sentir l'imperfection de ce raisonnement, de le pousser a l'extrême, et de demander si le député d'une paroisse devrait, dans une province, avoir le même suffrage, le mème degré d'influence que les représentans de deux ou trois cents communautes. Les esprits ne se prêtent point à des distinctions subtiles, quand il est question des plus grands principes et des plus grands intérêts. On peut observer, à la vérité, que, si, dans chaque ordre, aux Etats-Généraux, on opine par bailliages, et non par tè

tes, l'ancienne disparité, à laquelle on propose au Roi de remédier, subsisterait également; mais tout ce que Votre Majesté peut faire, c'est de mettre les Etats-Généraux à portée d'adopter l'une ou l'autre délibération. D'ailleurs, en supposant mème que les opinions se réglassent par bailliages, les plus considérables d'entre ces districts ayant une grande diversité d'intérêts à faire connaître, il serait encore raisonnable de leur accorder plus de représentation qu'aux bailliages, dont l'étendue et la population seraient infiniment moins importantes.

Sur la seconde question. Faut-il que le nom bre des députés du tiers-état soit égal à celui des deux autres ordres réunis, ou ce nombre doit-il composer simplement la troisième partie de l'ensemble?

Cette question, la plus importante de toutes, divise en ce moment le royaume. L'intérêt qu'on y attache est peut-être exagéré de part et d'autre; car, puisque l'ancienne constitution ou les anciens usages autorisent les trois ordres à délibérer et voter séparément aux Etats-Généraux, le nombre des députés, dans chacun de ces ordres, ne paraît pas une question susceptible du degré de chaleur qu'elle excite. Il serait sans doute à désirer que les ordres se réunissent volontairement dans l'examen de toutes les affaires où leur intérêt est absolument égal et semblable; mais cette détermination mème dépendant du vou distinct des trois ordres, c'est de l'amour commun du bien de l'Etat qu'on doit l'attendre. Quoi qu'il en soit, toute question préliminaire qui peut être considérée sous divers points de vue, et semer ainsi la discorde entre les trois ordres de l'Etat, est, sous ce rapport seul, de la plus grande importance; et Votre Majesté doit découvrir avec peine qu'elle ne pourra prendre aucun parti sur le nombre des députés du tiers-état, sans mécontenter une partie des trois ordres de la nation; et vos ministres, que l'on aime souvent à juger avec sévérité, ne doivent pas se dissimuler les difficultés qui les attendent; mais leur devoir n'est pas moins d'exprimer leurs sentimens avec la plus parfaite vérité.

C'était sans doute une grande tâche que d'avoir à présenter aux Etats-Généraux l'embarras des affaires et les divers moyens qui pouvaient rétablir les finances; mais, avec de l'harmonic, cette tâche s'allégeait à mes yeux. Faut-il, à l'aspect des désunions qui s'élevent, commencer à perdre courage! non, sans doute, il s'en faut bien; mais il est permis d'être péniblement affecté de ces nouveaux obstacles.

L'on compte en faveur de l'opinion qui réduit le nombre des députés du tiers-état à la moitié des représentans des deux autres ordres réunis, 1 la majorité décidée des notables; 2° une grande partie du clergé et de la noblesse; 3° le vœu prononcé de la noblesse

de Bretagne; 4° le sentiment connu de plusieurs magistrats, tant du conseil du Roi que des Cours souveraines; 5o une sorte d'exemple tiré des Etats de Bretagne, de Bourgogne et d'Artois, assemblées divisées en trois ordres, et où cependant le tiers-état est moins nombreux que la noblesse et le clergé; 6o enfin, plusieurs princes du sang dont les sentimens se sont manifestés d'une manière positive.

On voit, d'un autre côté, en faveur de l'admission du tiers-état dans un nombre égal à celui des deux autres ordres réunis, 1o l'avis de la minorité des notables, entre lesquels on compte plusieurs personnes distinguées par leur rang dans la noblesse et dans le clergé ; 2o l'opinion de plusieurs gentilshommes qui n'étaient pas dans l'assemblée des notables; 3o le vœu des trois ordres du Dauphiné; 4o la demande formée par diverses commissions ou bureaux intermédiaires des administrations provinciales, demande que ces administrations auraient vraisemblablement appuyée, si elles avaient tenu leurs séances cette année; 5o l'induction qu'on peut tirer de l'ancienne constitution des Etats de Languedoc, et de la formation récente des Etats de Provence et du Hainaut, où le tiers-état est en nombre égal aux deux autres ordres; 6o le dernier arrêté du parlement de Paris, où, sans prononcer surl'égalité du nombre entre le tiers-état et les deux autres ordres, le parlement s'explique de la manière suivante : « A l'égard du nombre, celui des députés respectifs n'étant déter

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miné par aucune loi, ni par aucun usage "constant pour aucun ordre, il n'a été ni dans le pouvoir, ni dans l'intention de la cour d'y suppléer; ladite cour ne pouvant, sur « cet objet, que s'en rapporter à la sagesse du Roi sur les mesures nécessaires à prendre pour parvenir aux modifications que la raison, la liberté, la justice et le vœu général peuvent indiquer. » 70 Enfin, et par-dessus tout, les adresses sans nombre des villes et des communes du royaume, et le vœu public de cette vaste partie de vos sujets connue sous le nom de tiers-état.

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Je pourrais ajouter encore ce bruit sourd de l'Europe entiere, qui favorise confusément toutes les idées d'équité générale. Après avoir rapproché les autorités pour et contre, et les divers appuis de deux opinions si opposées, je rappellerai, en peu de mots, à Votre Majesté, les différens motifs qui peuvent éclairer sa décision. Et d'abord l'on cite contre l'admission régulière du tiers-état dans un nombre égal aux deux premiers ordres réunis, l'exemple de 1614 et de plusieurs tenues d'états précédens: les lettres de convocation portaient, un de chaque ordre. On représente que si Votre Majesté se croyait en droit de changer cet ordre de choses, on ne saurait déterminer la mesure des altérations que le Souverain pourrait apporter aux diverses parties

me,

constitutives des Etats-Généraux. Votre Majesté, ayant assemblé les notables de son royauet leur ayant demandé leur avis, trouverait sûrement une sorte de satisfaction et de convenance à suivre l'opinion qu'ils ont adoptée, à la grande pluralité des voix; il serait agréable à Votre Majesté de pouvoir donner une marque de déférence à une assemblée composée de personnes recommandables à tant de titres, et qui, en discutant les questions soumises à leur examen, se sont livrées avec zèle et sincérité à la recherche du point de décision le plus juste et le plus conforme au bien de l'Etat. L'on ajoute qu'en ne ménageant pas les droits ou les prétentions des deux premiers ordres, l'on contrarie les anciens principes du Gouvernement français, et l'on blesse, en quelque manière, l'esprit de la monarchie.

On peut dire que ces deux premiers ordres sont liés au souverain par leur supériorité même sur le troisième, puisque cette supériorité est maintenue par toutes les gradations d'états dont le monarque est à la fois le conservateur et le dernier terme. On présume que le tiers-état, en mettant un grand intérêt à être égal en nombre aux députés des deux premiers ordres, annonce le dessein d'amener les Etats-Généraux à délibérer en commun. On observe, dans un autre sens, que si ce genre de délibération devenait convenable en certaines occasions, on rendrait plus incertain l'assentiment des deux premiers ordres à une pareille disposition, si le nombre des députés du tiers-état était égal à celui des deux premiers ordres. On demande ce qu'il faut de plus au tiers-état que l'abolition des priviléges pécuniaires, et l'on annonce cette abolition comme certaine, en citant le vœu formel à cet égard d'un grand nombre de notables dans la noblesse et dans le clergé. On croit que le tiers-état, et alors on l'appelle le peuple, est souvent inconsidéré dans ses prétentions, et que la première une fois satisfaite, une suite d'autres demandes pourront se succéder, et nous approcher insensiblement de la démocratie. On met trop d'importance, dit-on quelquefois, aux réclamations du tiers-état; il est considérable en nombre; mais, épars et distrait par diverses occupations lucratives, il ne prend aux questions politiques, qu'un intérêt momentané; il a besoin d'être soutenu par des écrits, et il se lasse de la continuation des mêmes débats. Les deux premiers ordres, comme toutes les associations dont l'étendue est circonscrite, sont, au contraire, sans cesse éveillés par l'intérêt habituel qui leur est propre: ils ont le temps et la volonté de s'unir, et ils gagnent insensiblement des voix par l'effet de leur crédit et par l'ascendant de leur état dans le monde. On fait des calculs sur le nombre des citoyens qui composent le tiersétat, et l'on resserre ce nombre en séparant de sa cause, ou plutôt de son parti, tous ceux

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