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qui, par ignorance ou par misère, ne sont que les serviteurs des riches de tous les états, et se montrent absolument étrangers aux contestations politiques. Peut-être même que la plupart des hommes de cette dernière classe seraient plus à la suite des seigneurs ecclésiastiques et laïcs, avec lesquels ils ont des liens de dépendance, qu'ils ne seraient attachés aux citoyens qui défendent les droits communs de tous les non-privilégiés. Les deux premiers ordres, qui n'ont rien à acquérir, et qui sont contens de leurs priviléges et de leur état politique, ont moins d'intérêt que le tiers-état à la reunion des trois ordres en Etats-Généraux. Ainsi, s'ils n'étaient pas entrainés par un sentiment public, équitable et généreux, ils adopteraient facilement les mesures qui eloigneraient, par des oppositions ou par tout autre moyen, la tenue de ces Etats. Enfin, les deux premiers ordres connaissent mieux que le troisième la cour et ses orages; et, s'ils le voulaient, ils concerteraient avec plus de sûreté les démarches qui peuvent embarrasser le ministère, fatiguer sa constance, et rendre sa force impuissante.

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Je crois avoir indiqué les principales considérations qui peuvent favoriser auprès du Roi les prétentions contraires à la demande du tiers-état; je vais parcourir de même, en abrégé, celles qui en doivent être l'appui elles fixeront pareillement l'attention de Votre Majesté. On accuse le tiers-état de vouloir empiéter sur les deux premiers ordres, et il ne demande qu'autant de réprésentans, autant de défenseurs pour les communes soumises à toutes les charges publiques, que pour le nombre circonscrit des citoyens qui jouissent de priviléges ou d'exceptions favorables. Il resterait encore aux deux premiers ordres tout l'ascendant qui naît de la supériorité d'élat, et les diverses grâces dont ils sont les distributeurs, soit par leurs propres moyens, soit par leur crédit à la cour et près des ministres. Cette dernière observation est tellement juste, que dans les assemblées d'Etat, où les trois ordres délibèrent quelquefois en commun, il est connu par expérience qu'aux momens où le tiers-état se sent intimidé par l'opinion de ceux qu'il est dans l'habitude de respecter, il demande à se retirer dans sa chambre, et c'est en s'isolant ainsi qu'il reprend du courage et retrouve ses forces. Le titre des lettres de convocation de 1614, et précédentes assemblees nationales, est contraire à la demande du tiers-état; mais les faits y sont favorables, puisqu'en réalité, le nombre des députés de cette classe de citoyens a toujours passé la troisieme partie du nombre général des députes. Au commencement du 14° siècle, Philippe-le-Bel, guidé par une vue simplement politique, a pu introduire le tiers-état dans les assemblées nationales; Votre-Majesté, à la fin du 18o, déterminée seulement par un senti

ment d'équité, n'aurait-elle pas le droit de satisfaire au vœu général des communes de son royaume, en leur accordant un petit nombre de représentans de plus qu'elles n'ont eu à la dernière tenue, époque loin de nous de près de deux siècles: Cet intervalle a apporté de grands changemens à toutes choses. Les richesses mobilières et les emprunts du gouvernement ont associé le tiers-état à la fortune publique; les connaissances et les lumières sont devenues un patrimoine commun; les préjugés se sont affaiblis; un sentiment d'équité général a été noblement soutenu par les personnes qui avaient le plus à gagner au maintien rigoureux de toutes les distinctions. Partout, les ames se sont animées, les esprits se sont exhaussés, et c'est à un parcil essor

la nation doit en partie le renouvellement que des Etats-Généraux. Il n'eût point eu lieu, ce renouvellement, si, depuis le prince jusqu'aux sujets, un respect absolu pour les derniers usages eût paru la seule loi. L'ancienne délibération par ordre ne pouvant être changée que par le concours des trois ordres et par l'approbation du Roi, le nombre des députés du tiers-état n'est jusque-là qu'un moyen de rassembler toutes les connaissances utiles au bien de l'Etat, et l'on ne peut contester que cette variété de connaissances appartient surtout à l'ordre du tiers-état, puisqu'il est une multitude d'affaires publiques dont lui seul a l'instruction, telles que les transactions du commerce intérieur et extérieur, l'état des manufactures, les moyens les plus propres à les encourager, le crédit public', l'intérêt et la circulation de l'argent, l'abus des perceptions, celui des priviléges, et tant d'autres parties dont lui seul a l'expérience. La cause du tiersétat aura toujours pour elle l'opinion publique, parce qu'une telle cause se trouve lice aux sentimens généreux, les seuls que l'on puisse manifester hautement. Ainsi, elle sera constamment soutenue, et dans les conversations, et dans les écrits, par les hommes animés et capables d'entraîner ceux qui lisent ou qui écoutent. Votre Majesté a été touchée de l'amour, de la confiance, de l'abandon dont le tiers-état fait profession pour elle dans toutes les supplications des villes et des communes qui lui ont été adressées. Votre Majessé a sans doute d'autres manières de répondre à tant de dévouement que par l'admission des députés du tiers-état aux Etats-Généraux dans un nombre plus ou moins étendu; cependant il est juste, naturel et raisonnable que Votre Majesté prenne en considération particulière l'intérêt qu'une si nombreuse partie de ses sujets attache à la décision de cette question. On dit que dans l'assemblée des Etats-Généraux, les deux premiers ordres examineront la pétition du tiers-état, et que peut-être alors ils y accéderont; mais si, selon l'avis de plusieurs publicistes et selon l'arrêté du parle

ment de Paris, le nombre respectif des trois ordres, opinar séparément, peut être légitimement déterminé par le Roi, serait-il absolument égal que le tiers-état obtint de Votre Majesté, ou des deux autres ordres de son royaume, le succès de ses sollicitations? et peut-il être indifférent à Votre Majesté d'être la première à lui accorder une justice ou un bienfait? Il est remarquable que le Languedoc, la Provence, le Hainaut, le Dauphiné, enverront nécessairement, selon leurs formes constitutives, autant de députés du tiers-état que des deux premiers ordres. Ces deux ordres n'ont pas fait attention, peut-être, que dans le tiers-état beaucoup de personnes sont associées, en quelque manière, aux priviléges de la noblesse; ce sont les habitans des villes connues sous le nom de villes franches, villes en très-grand nombre aujourd'hui, et où la taille n'existe plus, parce qu'elle y a été convertie en des droits sur les consommations, payés également par toutes les classes de citoyens. On peut supposer, contre la vraisemblance, que, les trois ordres venant à faire usage réciproquement de leurs droits d'opposition, il y eût une telle inaction dans les délibérations des Etats-Généraux, que, d'un commun accord, et sollicités par l'intérêt public, ils désirassent de délibérer en commun, fût-ce en obtenant du souverain que leur vou pour toute innovation exigeât une supériorité quelconque de suffrages. Une telle disposition, ou toute autre du même genre, quoique nécessitée par le bien de l'Etat, serait peut-être inadmissible ou sans effet, si les représentans des communes ne composaient pas la moitié de la représentation nationale. La déclaration géné reuse que viennent de faire les pairs du royaume, si elle entraîne le suffrage de la noblesse et du clergé aux Etats-Généraux, assurera à ces deux ordres de l'Etat des hommages de reconnaissance de la part du tiers-état; et le nombre de ces hommages sera pour eux un tribut d'autant plus glorieux et plus éclatant. Cependant, lors même qu'il ne subsisterait aucune inégalité dans la répartition des impôts, il y aurait encore de la convenance à donner au tiers-état une représentation nombreuse, puisqu'il importerait que la sagesse des délibérations des Etats-Généraux, que la bonté et la justice du souveraiu fussent annoncées et expliquées, dans tout le royaume, par une diversité d'interprètes et de garans suffisante pour éclairer et pour affermir la confiance de vingt-quatre millions d'hommes. On place encore ici une réflexion : la défaveur auprès des deux premiers ordres peut perdre facilement un ministre. Les mécontentemens du troisième n'ont pas cette puissance; mais ils affaiblissent quelquefois l'amour public pour la personne du souverain. Enfin, le vœu du tiers-état, quand il est unanime, quand il est

conforme aux principes généraux d'équité, s'appellera toujours le vœu national; le temps le consacrera, le jugement de l'Europe l'encouragera, et le souverain ne peut que régler dans sa justice ou avancer dans sa sagesse ce que les circonstances et les opinions doivent amener d'elles-mêmes.

Votre Majesté, qui a lu attentivement tous les écrits remarquables publiés sur la question soumise à son jugement, aura présentes à l'esprit toutes les considérations qui ne lui sont pas rappelées dans ce mémoire.

Obligé, maintenant, pour obéir à ses ordres, de donner mon avis avec les autres ministres de Sa Majesté, sur l'objet essentiel traité dans ce moment, je dirai donc, qu'en mon ame et conscience, et en fidèle serviteur de Votre Majesté, je pense décidément qu'elle peut et qu'elle doit appeler aux EtatsGénéraux un nombre de députés du tiersétat égal en nombre aux députés des deux autres ordres réunis, non pour forcer, comme on paraît le craindre, la délibération par têtes; mais pour satisfaire le vœu général et raisonnable des communes de son royaume, dès que cela se peut sans nuire aux intérêts des deux autres ordres.

On a dit que, si les communautés envoyaient d'elles-mêmes un nombre de députés supérieur à celui qui serait déterminé par les lettres de convocation, on n'aurait pas le droit de s'y opposer. Que signifierait done l'autorité du souverain, s'il ne pouvait pas mettre la règle à la place du désordre? car c'en serait un véritable, que la pleine liberté, laissée au tiers-état, de se conformer ou non aux lettres de convocation, pour le nombre de ses députés. La noblesse et le clergé, qui ont maintenant fixé leur attention sur la quotité respective du nombre des représentans de chaque ordre, ne manqueraient pas d'excéder aussi, dans leur députation, le nombre prescrit; et, par une rivale imitation, il arriverait peut-être aux Etats-Généraux une foule de députés qui produirait le désordre et la confusion.

Votre Majesté a des intentions droites, et ne veut que la justice envers tous, et le bonheur de ses peuples; et ce n'est pas selon la rigueur d'une ancienne forme et d'une forme diversement entendue, diversement interprétée, qu'elle voudra décider d'une question intéressante pour la tranquillité publique. Que l'on ait pris de vaines alarmes, que l'on conçoive de faux ombrages, Votre Majesté les dissipera, en se montrant le gardien des droits de tous les ordres de son royaume; elle ne se déterminera dans la question présente, que par un sentiment de justice; et ce même sentiment deviendra le garant de toutes les propriétés, et servira de défense à tous les ordres de l'Etat. Ce serait faire tort aux sentimens élevés de la noblesse, ce se

rait mal juger de l'esprit de justice et de paix qui appartient au clergé, d'imaginer une résistance de leur part à la décision que donnera Votre Majesté sur une question long-temps débattue, et dont le résultat ne doit conduire avec justice à aucune conséquence importante.

Proposition. Je crois que le nombre de mille députés, ou environ, est le plus convenable; il ne présente pas la crainte d'une trop grande confusion, et, en même temps, il devient nécessaire pour représenter suffisamment la nation, dans une circonstance si grave et si majeure, et où les plus grands intérêts de l'Etat pourront être traités.

Ce nombre des représentans des trois ordres devrait être réparti entre les grands bailliages, en raison combinée de leur population et de leurs contributions, et, en assignant un nombre proportionnel à chaque pays d'états, qui est dans l'usage de choisir les députés dans ses propres assemblées. La maniere la plus raisonnable de répartir mille députés entre les différens ordres de l'Etat, serait peut-être d'en accorder deux cents à l'ordre du clergé, trois cents à l'ordre de la noblesse, et cinq cents aux communes du royaume; mais, comme Votre Majesté, sans le concours des Etats-Généraux, ne veut apporter aux anciennes formes que les changemens les plus indispensables, on propose à Votre Majesté de ne point s'écarter de la parité établie entre les deux ordres privilégies; et, alors, les mille députés qu'elle appellerait aux Etats-Généraux devraient être composés de deux cent cinquante du clergé, de deux cent cinquante de la noblesse, et de cinq cents du tiers-état.

On a rendu compte à Votre Majesté des diverses modifications qui pouvaient concilier ce doublement du tiers-état, avec une sorte de ménagement pour l'ancienne teneur des lettres de convocation; ces lettres appelaient aux Etats-Généraux un de chaque ordre. Ainsi, on aurait pu maintenir la même formule, en répartissant l'élection de la moitie des députés du tiers-état, entre les villes principales du royaume; mais l'avantage par ticulier que ces villes obtiendraient, deviendrait un sujet de jalousie pour toutes celles dont l'importance serait à peu près semblable, et cette même disposition pourrait encore exciter la réclamation des autres communautés du royaume. Quelques objections naitraient aussi de ce que les trois ordres, se trouvant réunis et confondus dans les communes des villes, il faudrait, par des réglemens nouveaux et particuliers, séparer le tiers-état des autres classes de la société; et, de pareils réglemens, appliqués à un nombre tres-considérable de villes, entraîneraient de grands embarras et de grandes longueurs. Il était bien naturel et bien digne de la pro

tection que Votre Majesté accorde également à tous les ordres de son royaume, de chercher avec attention et avec suite tous les

moyens qui pouvaient lui donner l'espérance de concilier leurs diverses prétentions et leurs différens intérêts; mais, dans la circonstance où se trouvent les affaires publiques, toute modification nouvelle qui n'aurait pas été motivée, ou par un principe évident de justice, ou par l'expression générale de l'opinion publique, exposerait peut-être à des contradictions difficiles à surmonter.

Votre Majesté en augmentant le nombre des députés du tiers-état aux assemblées nationales, cédera principalement à un sentiment d'équité; et, puisqu'en toutes choses, la manière la plus simple est la plus assortie à la dignité royale, c'est sous une telle forme qu'il faut livrer à la garde du temps une délibération qui fera quelque jour une des épo ques glorieuses du règne de Votre Majesté.

On proposerait donc à Votre Majesté d'exprimer ses intentions dans les lettres de convocation même. On doit observer cependant que, si Votre Majesté veut accorder une députation particulière au très-petit nombre de villes qui ont joui de ce privilége, en 1614, il faudrait les astreindre pour leurs élections, aux dispositions qui seront suivies dans les bailliages, afin que le nombre des députés du tiers-état ne puisse jamais excéder le nombre des députés des deux premiers ordres.

Sur la troisième question. Chaque ordre doit-il être restreint à ne choisir des députés que dans son ordre?

Les lettres de convocation avant toujours porté un de chaque ordre, annonçaient, par cette expression, que les députés choisis par un ordre, devaient en faire partie. Cependant, le parlement de Paris, aux termes de son arrêté du 5 décembre, semble penser que la plus parfaite liberté dans l'élection de chaque ordre est constitutionnelle. Il parait done douteux que, pour la prochaine assemblée des Etats-Généraux, l'on fût en droit de s'opposer à tel usage que chaque ordre pourrait faire de cette liberté; et cette considération doit engager le tiers-état à diriger son choix avec d'autant plus d'attention vers les personnes qui lui paraîtront le plus dignes de sa confiance. La plus grande partie du tiers-état désire que ses députés soient nécessairement pris dans son ordre; mais si les électeurs, dans quelque bailliage, pensaient différemment, et préféraient, pour leur représentant, un membre de la noblesse, ce serait peut-être aller bien loin, que de s'élever contre une pareille nomination, du moment qu'elle serait l'effet d'un choix parfaitement libre. Le tiers-état doit considérer : que les nobles choisis par lui, pour ses représentans, ne pourraient abandonner ses

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ÉTATS-GÉNÉRAUX.

intérêts sans s'avilir; qu'il est dans la noblesse plusieurs personnes aussi zélées pour la cause du tiers-état, et aussi habiles à la défendre, que les députés choisis dans ce dernier ordre. Peut-être aussi que, dans le moment où la noblesse et le clergé paraissent véritablement disposés à renoncer aux priviléges pécuniaires dont ils jouissent, il y aurait quelque convenance de la part du tiersétat à ne pas excéder les bornes raisonnables de la défiance, et à voir ainsi, sans regret, l'admission de quelques gentilshommes dans son ordre, si cette admission avait lieu par l'effet d'un choix parfaitement libre. On doit ajouter qu'au milieu des mœurs françaises, ce mélange, dans une proportion mesurée, aurait des avantages pour le tiers-état, et serait peut-être le premier principe d'une union d'intérêts si nécessaire. Il est très - possible, à en juger par les dispositions des deux premiers ordres, que la prochaine tenue des Etats-Généraux soit la dernière où le tiersétat attachera une grande importance à n'avoir que des députés pris dans son ordre; car, si les priviléges pécuniaires qui séparent les intérêts des diverses classes de la société étaient une fois supprimés, le tiers - état pourrait indifféremment choisir pour représentant un gentilhomme ou autre citoyen. On ne peut douter qu'à l'époque où la répartition sera égale entre tous les ordres, qu'à l'époque où seront abolis ces dénominations de tributs, qui rappellent à chaque instant au tiers-état son infériorité, et l'affrontent inutilement, à cette heureuse époque enfin, si juste et si désirable, il n'y aura plus qu'un vœu commun entre tous les habitans de la France. Qu'est-ce donc alors qui pourrait séparer les intérêts du tiers-état des intérêts des deux premiers ordres? Le tiers-état, comme la noblesse, comme le clergé, comme tous les Français, n'a-t-il pas intérêt à l'ordre des finances, à la modération des charges publiques, à la justice des lois civiles et criminelles, à la tranquillité et à la puissance du royaume, au bonheur et à la gloire du souverain? Il n'entrera jamais dans l'esprit du tiers-état de chercher à diminuer les prérogatives seigneuriales ou honorifiques qui distinguent les deux premiers ordres, ou dans leurs propriétés, ou dans leurs personnes; il n'est aucun Français qui ne sache que ces prérogatives sont une propriété aussi respectable qu'aucune autre; que plusieurs tiennent à l'essence de la monarchie, et que jamais Votre Majesté ne permettrait qu'on y portât la plus légère atteinte. Que les ministres de la religion ne voient donc dans le nombre des représentans du tiers-état aux Etats-Généraux, que les représentans, les indicateurs des besoins multipliés d'un grand peuple. Que la noblesse, à l'aspect de ces nombreux députés des communes, se rap

27 DÉCEMBRE 1788.

pelle avec satisfaction et avec gloire, qu'elle doit aux vertus et aux exploits de ses ancetres, d'avoir sur les intérêts généraux de la nation, une influence égale aux députés de tout un royaume. Que ces députés, à leur nombre, ni par aucun moyen de contrainte, tour, ne pensent jamais que ce soit par le vérité, qu'ils peuvent obtenir le redressemais par la persuasion, par l'éloquence de la ment des griefs de leurs constituans. Mais très-certainement, Sire, les communes de votre royaume n'ont aucune autre idée, et c'est à votre protection, c'est à l'appui de votre justice qu'elles se confient principalement. Leurs sentimens sont manifestés dans les supplications innombrables qu'elles ont adressées à Votre Majesté, et qui contiennent toutes la profession la plus expressive d'un dévouement sans bornes, et à Votre Majesté, et au secours de l'Etat. Il faut croire à ce sentiment national qui honore le règne de Votre Majesté, et qui consacre ses vertus et l'amour de ses peuples.

Ah! que de toutes parts on veuille enfin arriver au port; qu'on ne rende pas les efforts de Votre Majesté inutiles, par un esprit de discorde, et que chacun fasse un léger sapeut l'attendre avec confiance de l'ordre de crifice pour l'amour du bien! Votre Majesté son clergé c'est à lui d'inspirer partout l'amour de la paix; c'est à lui de croire aux vertus de son Roi, et d'en pénétrer ceux qui l'écoutent. C'est à l'ordre de la noblesse de ne pas se livrer à des alarmes chimériques, et de soutenir les efforts généreux de Votre Majesté, au moment où elle est uniquement occupée d'assurer le bonheur général, au prits et tous les cœurs à seconder ses vues moment où elle voudrait appeler tous les esbienfaisantes. Ah! Sire, encore un peu de temps, et tout se terminera bien vous ne direz pas toujours, je l'espère, ce que je vous ai entendu prononcer en parlant des je n'ai cu depuis quelques années que des affaires publiques: Je n'ai eu, disiez-vous, quand elles sont l'expression d'une ame sininstans de bonheur. Touchautes paroles, aimé! Vous le retrouverez, ce bonheur, cère et des sentimens d'un roi si digne d'être Sire; vous en jouirez vous commandez à une nation qui sait aimer, et que des nouveautés politiques, auxquelles elle n'est pas encore faite, distrayent, pour un temps, de son caractère naturel; mais, fixée par vos bienfaits, et affermie dans sa confiance par la pureté de vos intentions, elle ne pensera plus ensuite qu'à jouir de l'ordre heureux et constant dont elle vous sera redevable. Elle ne sait pas encore, cette nation reconnaissante, tout ce que vous avez dessein de faire pour son bonheur. Vous l'avez dit, Sire, aux ministres qui sont honorés de votre confiance; non-seulement vous voulez ratifier la pro

messe que vous avez faite de ne mettre aucun impót sans le consentement des EtatsGénéraux de votre royaume, mais vous voulez encore n'en proroger aucun sans cette condition: vous voulez de plus assurer le retour successif des Etats-Généraux, en les consultant sur l'intervalle qu'il faudrait mettre entre les époques de leur convocation, et en écoutant favorablement les représentations qui vous seront faites, pour donner à ces dispositions une stabilité durable. Votre Majesté veut encore prévenir, de la manière la plus efficace, le désordre que l'inconduite on l'incapacité de ses ministres pourraient introduire dans ses finances. Vous vous proposez, Sire, de concerter avec les Etat-Géné raux les moyens les plus propres à vous faire atteindre à ce but; et dans le nombre des dépenses dont vous assurerez la fixité, vous ne voulez pas même, Sire, distinguer celles qui tiennent plus particulièrement à votre personne. Ah! que sont ces dépenses pour le bonheur! ai-je entendu dire à Votre Majesté. Et en effet, chacun le sait, Votre Majesté a prescrit elle-même plusieurs réductions très-importantes dans cette partie de ses finances, et elle veut qu'on lui propose encore les économies dont les mêmes objets seront susceptibles.

Votre Majesté, portant ses regards sur toutes les dispositions qui peuvent concourir au bonheur public, se propose aussi d'aller au-devant du vœu bien legitime de ses sujets, en invitant les Etats-Généraux à examiner eux-mêmes la grande question qui s'est élevée sur les lettres de cachet, afin que Votre Majesté, par le concours de leurs lumières, connaisse parfaitement quelle règle doit être observée dans cette partie de l'administra

tion.

Vous ne souhaitez, Sire, que le maintien de l'ordre, et vous voulez abandonner à la bi tout ce qu'elle peut exécuter. C'est par le meme principe, que Votre Majesté est impatiente de recevoir les avis des Etats-Généraux sur la mesure de liberté qu'il convient d'accorder à la presse, et à la publicité des ouvrages relatifs à l'administration, au gouvernement ou à tout autre objet public. Enfin, Sire, vous préférez, avec raison, aux Conseils passagers de vos ministres, les déliberations durables des Etats-Généraux de votre royaume; et quand vous aurez éprouvé leur sagesse, vous ne craindrez point de leur donner une stabilité qui puisse produire la confiance et les mettre à l'abri d'une variation dans les sentimens des rois vos successeurs, Vous avez encore d'autres vues pour le bonheur de vos sujets, ou plutôt, Sire, vous n'avez que cette seule vue sous différentes modifications, et c'est surtout par ce genre de rapport avec vos peuples que votre autorité vous est chère; et comment n'en connaî

triez-vous pas le prix dans ce moment extraordinaire, où vous en répandez l'influence, non-seulement pour la félicité des sujets qui vous ont été confiés, mais pour l'avantage encore de toutes les générations futures! Ce sont vos sentimens, Sire, que j'ai essayé d'exprimer; ils deviennent un nouveau lien entre Votre Majesté et l'auguste princesse qui partage vos peines et votre gloire. Je n'oublierai jamais qu'elle me disait, il y a peu de temps: «Le Roi ne se refusera point aux sacrifices qui pourront assurer le bonheur public; «nos enfans penseront de même, s'ils sont «sages; et s'ils ne l'étaient pas, le Roi aurait rempli un devoir en leur imposant quelque

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gène.» Belles et louables paroles, que je priai Sa Majesté, avec émotion, de me permettre de retenir. Sire, je n'ai point de doute sur la destinée de la France, ni sur sa puissance au-dehors, si, par un juste partage des sentimens qui vous animent, on s'empresse à faire servir la circonstance actuelle au rétablissément de l'harmonie intérieure et à la construction d'un édifice inébranlable de prospérité et de bonheur.

Vous avez encore, Sire, le grand projet de donner des Etats provinciaux au sein des Etats-Généraux, et de former un lien durable entre l'administration particulière de chaque province et la législation générale. Les députés de chaque partie du royaume concerteront le plan le plus convenable, et Votre Majesté est disposée à y donner son assentiment, si elle le trouve combiné d'une manière sage et propre à faire le bien, sans discorde et sans embarras. Votre Majesté, une fois contente du zèle et de la marche régulière de ces Etats, et leurs pouvoirs étant bien définis, rien n'empêcherait Votre Majesté de leur donner des témoignages de confiance fort étendus, et de diminuer, autant qu'il est possible, les détails de l'administration première. Votre Majesté est encore déterminée à appuyer de son autorité tous les projets qui tendront à la plus juste répartition des impôts; mais en secondant les dispositions généreuses qui ont été manifestées par les princes, les pairs du royaume et par les notables du clergé et de la noblesse, Votre Majesté désire cependant que, dans l'examen des droits et des faveurs dont jouissent les ordres privilégiés, on montre des égards pour cette partie de la noblesse qui cultive elle-même ses champs, et qui souvent, après avoir supporté les fatigues de la guerre, après avoir servi le Roi dans ses armées, vient encore servir l'Etat, en donnant l'exemple d'une vie simple et laborieuse, et en honorant par ses occupations les travaux de l'agriculture. Je ne rappellerai pas d'une manière plus étendue à Votre Majesté tous les projets qui promettent à ses intentions bienfaisantes un avenir digne de sa sollicitude

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