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mées nombreuses peuvent accabler la Pologne. Ici l'orateur rappelle tous les bruits, renouvelle toutes les menaces, raconte tous les faits qui prouvent qu'un démembrement nouveau de sa patrie n'est point impossible; il développe comment le projet de cette indigne spoliation est peut-être déjà un pacte arrêté entre des puissances, un prix conciliateur présenté aux princês qui négocient entre eux une réconciliation....... Et cependant la république est dans l'anarchie, son gouvernement est sans force, et des factions peuvent encore accélérer la ruine de l'État désespéré........ L'orateur avait achevé de parler, qu'un profond silence régnait toujours. Soudain le comte Potocki, grand-maréchal de Lithuanie, cet homme important, que quelques-uns soupçonnaient de ne pas appartenir entièrement au parti patriote, prend la parole avec véhémence; il s'adresse au roi, le conjure de sauver la patrie, de prendre seul dans ce danger public le timon de l'État, lui parle comme à un dictateur créé au moment même par le péril et la confiance.

Aussitôt l'assemblée et la salle ont retenti de l'impétueux assentiment, et des nonces, et des sénateurs, et du peuple: alors le roi se leva tranquillement, et prit la parole. Ce calme ramène un silence profond. Sa majesté raconte que tout lui semble avoir été prévu, qu'il existe un plan général de constitution, médité depuis long-temps en secret par un nombre considérable de nonces et de sénateurs, et par quelques hommes distingués dont le savoir a été consulté. Le roi, poursuivant toujours avec tranquillité, assure que ce plan est de nature à pouvoir être adopté en un seul jour, dans un seul moment, à l'heure même. J'exhorte donc, continue le roi d'une voix plus haute et sans éclat, les États à l'accepter, comme la seule mesure souveraine qui doive non-seulement sauver la république, mais encore la porter au plus haut degré de splendeur où elle puisse atteindre, pourvu que des malintentionnés n'y apportent point d'obstacle.

Sur l'heure donc le projet est lu par le secrétaire de la diète; et comme plusieurs sénateurs parlaient presque tous en faveur de l'adoption, quelques-uns, mais en petit nombre, contre le

projet, le reste de l'assemblée se précipite autour du trône, tous attachent le salut de l'État à ce qu'ils viennent d'entendre. < Donnez l'exemple, s'écrient-ils au roi; jurez le premier de maintenir cette nouvelle constitution. La salle retentit de nouveau d'une acclamation unanime, d'une prière unique adressée à sa majesté. L'enthousiasme est général : il n'y a plus de réclamans. La formule du serment demandé est lue par le princeévêque de Cracovie: le roi jure, et l'assemblée et le peuple tiennent leurs mains levées vers le ciel. Le roi ajoute ce peu de paroles: « J'ai juré devant Dieu et la patrie de maintenir la nouvelle constitution et de l'observer. Allons maintenant au temple du Seigneur, et rendons des actions de grâces pour la faveur signalée et mémorable qu'il vient de nous accorder dans cette journée. »

Tout le monde est sorti à l'instant, et s'est rendu à l'église cathédrale à la suite du roi. Tandis que le Te Deum, l'un des plus célèbres qui ait été adressé à l'Éternel, se chantait au bruit du canon, quinze nonces seulement étaient restés dans la salle des États, protestant contre la félicité publique.

Le serment a été prêté au même moment par les deux maréchaux de la diète. Le roi est retourné à la salle des États. Il a demandé que la diète signât la nouvelle constitution, et qu'elle fît prêter le serment aux commissaires de la guerre et du trésor, ce qui a été exécuté, comme en triomphe, au milieu d'une allégresse universelle. Des ordres ont été expédiés à l'armée pour la prestation du même serment.

Nous tenons ces détails intéressans d'une lettre de Varsovie, dans laquelle respire une satisfaction civique et ravissante. La personne qui écrit s'interrompt en un endroit pour donner cours à des larmes d'allégresse que lui procure la félicité publique, exprimée sous ses propres fenêtres par tout un peuple en fête...

Voici les articles constitutionnels :

› Le pouvoir exécutif dans le roi a reçu le degré énergique

T. X.

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qui lui manquait, et la succession au trône est assurée, premièrement, à la personne de l'électeur de Saxe régnant, ensuite à ses descendans mâles, s'il en a, et en attendant à sa fille unique, déclarée infante de Pologne, de la main de laquelle la république se réserve de disposer en son temps. Son époux futur deviendra la souche de la dynastie régnante future en Pologne, si l'électeur n'a point de fils.

› En cas de minorité du roi, de maladie qui lui ôte les facultés de régner, ou de prison par l'ennemi en guerre, la régence sera composée du même conseil de surveillance, qui doit faire toujours le conseil du roi, et sera présidé à sa place par la reinemère, avec tous les pouvoirs de la royauté; et si la reine n'existait pas, par le même conseil, présidé par le primat du royaume.

› La majorité du roi est fixée à dix-huit ans. L'héritier présomptif du trône, dès qu'il aura atteint cet âge et prêté serment à la constitution, sera admis à assister au conseil, mais sans y avoir d'avis.

Le conseil sera composé du primat, comme chef du clergé et président de la commission d'éducation, et de cinq ministres, dont l'un pour la police, le second pour la justice, le troisième pour la guerre, le quatrième pour les finances, le cinquième pour les affaires étrangères, choisis par le roi, et de deux secrétaires, dont l'un pour le protocole, le second pour les affaires étrangères.

Quatre commissions, d'éducation, de la police, de la guerre et du trésor, recevront les ordres du roi, contresignés par un des ministres, et en transmettront l'exécution. L'organisation de ces différens dicastères et du département des affaires étrangères, va être rédigée.

Le peuple des campagnes est reçu sous la protection du gouvernement et de la loi. Toutes les conventions que les propriétaires pourront faire avec leurs paysans, sont également obligatoires pour les deux parties, et constitueront leurs devoirs réciproques. Tous les hommes sont reconnus libres, tant ceux qui

arriveraient nouvellement, que ceux qui, après avoir quitté la patrie, voudraient y rentrer; de manière que tout homme, de quelque pays qu'il arrive, aussitôt qu'il aura mis le pied sur le territoire de la république, est parfaitement libre d'exercer son industrie, partout et de telle manière qu'il le voudra, de s'établir dans les villages ou dans les villes; de passer des contrats, conventions: il est enfin libre de se transporter dans tel autre pays qu'il lui conviendra, après avoir toutefois satisfait aux engagemens qu'il aura contractés volontairement.

La diète reste à jamais législatrice, composée de la chambre des nonces et du sénat présidé par le roi, lequel n'a qu'une voix, outre celle de décision, en cas de parité.

Le roi, avec la majorité du sénat, a le veto suspensif jusqu'à la première législature suivante, toujours biennale.

Le roi nommera à tous les emplois, comme il y nommait au commencement du règne actuel, avant la loi de 1775.

Les évêques, palatins, castellans et ministres qui composent le sénat, sont à vie dans le sénat; mais le roi nommera, continuera ou changera tous les deux ans ceux des membres qui entreront au conseil. Les ministres seront responsables sur leurs biens et personnes, quand les deux tiers des deux chambres réunies leur intenteront procès pour transgression de loi positive; leur tribunal sera le jugement comitial toujours existant, où ils pourront être punis et absous, d'après leurs moyens de défense.

Quand la pluralité des deux chambres témoignera au roi n'avoir plus de confiance en quelqu'un des ministres, le roi sera obligé d'en nommer un autre.

Les ordres du roi n'auront de valeur que quand ils seront contresignés par un des ministres. Si tous refusaient de contresigner, et que le roi s'obstinât, le maréchal de la diète, pro tempore, toujours assistant au conseil, mais muet en tout autre cas, aura le pouvoir de convoquer la diète toujours existante dans les mêmes membres élus et à vie, mais dont l'activité législative n'existera que dans les deux ans, pendant une session, dont

le terme va être réglé, hors lequel la diète non assemblée ne pourra être convoquée que pour les cas particuliers de guerre étrangère, ou commotion, ou collision grave interne, peste, famine, ou autres cas graves semblables.

L'initiative appartient au roi, qui enverra ses propositions aux diétines, dans les universaux, et directement à la chambre des nonces pendant les diètes. Il sera néanmoins libre aux diétines et aux nonces de faire leurs propositions aussi. Les instructions ou mandats ne seront obligatoires aux nonces que pour les affaires de leurs districts : dans tout le reste, ils sont représentans libres de la nation entière.

Le conseil de surveillance n'aura que des pouvoirs provisoires pendant l'interstice des diètes, tant pour les réglemens intérieurs que pour les traités avec les étrangers.

La loi de neminem captivabimus nisi jure victum, est plus assurée et plus étendue que jamais.].

(Moniteur du 22 mai.)

Nous terminerons ce bulletin de l'extérieur par la nouvelle suivante, extraite de l'Orateur du peuple, t. 6, p. 112. ‹ La célèbre mademoiselle Théroigne, dont tout le crime est d'avoir, comme tout le monde sait, accompagné les femmes qui se transportèrent à Versailles le 4 octobre 1789, est toujours renfermée dans la forteresse de Vienne. Elle a été arrêtée par deux Français qui l'ont suivie à la piste à son départ de Paris pour Bruxelles, et enfin dans le pays de Liége, où ils ont réclamé l'intervention des officiers de l'empereur pour se saisir d'une émissaire de la propagande de la liberté, et d'une régicide. On l'accuse de l'un et de l'autre de ces crimes. ›

JUIN 1791.

Présidence de l'assemblée. Le 6, Bureau de Puzy est remplacé par Dauchy, et Dauchy par Alexandre Beauharnais le 18.

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